I
𝘈𝘯𝘵𝘦 𝘮𝘢𝘳𝘦 𝘦𝘵 𝘵𝘦𝘳𝘳𝘢𝘴 𝘦𝘵 𝘲𝘶𝘰𝘥 𝘵𝘦𝘨𝘪𝘵 𝘰𝘮𝘯𝘪𝘢 𝘤𝘢𝘦𝘭𝘶𝘮 𝘶𝘯𝘶𝘴 𝘦𝘳𝘢𝘵 𝘵𝘰𝘵𝘰 𝘯𝘢𝘵𝘶𝘳𝘢𝘦 𝘷𝘶𝘭𝘵𝘶𝘴 𝘪𝘯 𝘰𝘳𝘣𝘦,𝘲𝘶𝘦𝘮 𝘥𝘪𝘹𝘦𝘳𝘦 𝘤𝘩𝘢𝘰𝘴: 𝘳𝘶𝘥𝘪𝘴 𝘪𝘯𝘥𝘪𝘨𝘦𝘴𝘵𝘢𝘲𝘶𝘦 𝘮𝘰𝘭𝘦𝘴𝘯𝘦𝘤 𝘲𝘶𝘪𝘤𝘲𝘶𝘢𝘮 𝘯𝘪𝘴𝘪 𝘱𝘰𝘯𝘥𝘶𝘴 𝘪𝘯𝘦𝘳𝘴 𝘤𝘰𝘯𝘨𝘦𝘴𝘵𝘢𝘲𝘶𝘦 𝘦𝘰𝘥𝘦𝘮𝘯𝘰𝘯 𝘣𝘦𝘯𝘦 𝘪𝘶𝘯𝘤𝘵𝘢𝘳𝘶𝘮 𝘥𝘪𝘴𝘤𝘰𝘳𝘥𝘪𝘢 𝘴𝘦𝘮𝘪𝘯𝘢 𝘳𝘦𝘳𝘶𝘮.
Avant la formation de la mer, de la terre, et du ciel qui les environne, la nature dans l'univers n'offrait qu'un seul aspect; on l'appela chaos, masse grossière, informe, qui n'avait que de la pesanteur, sans action et sans vie, mélange confus d'éléments qui se combattaient entre eux.
Ovide, Metamorphoses, I
- Attends ! Attends, moi !
Il y avait des rires d'enfants. Une odeur sucrée. Du vent qui bougeait dans les feuilles. Une petite fille blonde courait à travers une grande place pavée de blanc. Un garçon qui devait être son frère lui courait après en haletant et en criant. La petite fille ne se retournait jamais, courant droit devant elle en rigolant. Elle respirait l'innocence et l'insouciance de la jeunesse. Ses cheveux blonds lui arrivaient aux épaules et une petite cape dorée lui arrivant au milieu du dos fouettait dans sa course. Le garçon, lui, ressemblait plus à un jeune homme. La différence d'âge entre les deux était importante mais une réelle complicité liait le frère et la sœur. Le garçon passa une main dans ses cheveux blonds en haletant et continua de suivre sa sœur en courant.
- Tu peux pas m'attraper !
- Reviens ici ! Tu vas te faire mal et maman ne va pas être contente !
- Alors rattrape moi, Tiamut ! Cours plus vite !
Le jeune homme blond soupira lourdement et allongea ses foulées pour rattraper sa sœur. Les deux se poursuivaient avec tellement de vitesse et d'agilité que les personnes autour d'eux les regardaient en rigolant. Il y avait peu de monde sur la place de la ville mais la foule était suffisamment dense pour que la petite fille puisse slalomer entre les personnes. Son frère, plus grand, avait du mal à la suivre sans bousculer quelqu'un. La petite fille prit une rue transversale et s'engagea dans la montée d'une colline escarpée. Son frère la suivit en souriant, sachant déjà pourquoi sa sœur montait là-haut. La petite fille commença à se fatiguer, ses jambes n'arrivant pas à la porter avec le dénivelé. Son frère finit par la rattraper et ses doigts se prirent dans la cape dorée de sa sœur. En tirant légèrement dessus, la petite fille finit par s'arrêter, s'avouant vaincue. Les deux blonds finirent l'ascension de la colline en riant et en chahutant.
La petite fille prit la main de son grand frère dans la sienne et se dirigea cahin-caha vers un petit promontoire rocheux qui permettait d'avoir un panorama sur la ville en contrebas. Le vent soufflait plus fort ici et la petite fille devait s'agripper à la main de son frère pour ne pas être emportée par le vent. Une ville entièrement blanche se déployait devant eux. Une ville où de hautes tours de verre permettaient aux deux soleils de la planète de se refléter sur leurs façades.
La vision aurait été paisible si une fissure rouge ne traversait pas la planète en deux. Un large canyon rouge divisait la ville, plaie béante d'où s'échappaient des volutes de brumes rouges incandescentes. Il y avait une aura effrayante à cette fissure. Presque comme si quelqu'un voulait s'en échapper. Quelqu'un de prisonnier de cette planète pendant des millénaires.
La planète était en train de mourir.
La petite fille fronça les sourcils et regarda autour d'elle. De petits oiseaux pépiaient joyeusement dans le ciel et on entendait le bruit de l'agitation urbaine en contrebas. Plus loin vers l'horizon, on pouvait apercevoir la côte de l'océan où la mer repoussait inlassablement le sable de la plage. Tout semblait paisible et insensible à la fissure rouge qui creusait le sol.
La petite fille attrapa la main de son frère et tira dessus pour obtenir son attention. La blonde semblait effrayée, presque comme si elle ne comprenait pas ce qui se déroulait sous ses yeux.
- Pourquoi le soleil continue-t-il de briller ? Demanda-t-elle avec les yeux brillants. Pourquoi la mer se rue-t-elle vers la côte ? Pourquoi les oiseaux continuent-ils de chanter ? Pourquoi les étoiles rayonnent-elles au-dessus de nous ?
Le plus grand des blonds eut un petit sourire avant de s'agenouiller devant elle. Il lui prit les mains doucement et coinça une mèche de cheveux blonds derrière l'oreille de sa sœur. Quand il répondit, sa réponse fut emportée par le vent, presque comme si des mots interdits avaient été prononcés.
- Parce qu'ils ne savent pas que c'est la fin du monde.
Il y eut un roulement de tonnerre et Epona sursauta brusquement. Elle avait encore les yeux fermés mais ne dormaient plus. Elle avait l'impression d'avoir dormi des décennies, des siècles, des millénaires. Elle ne savait plus. Cela avait-il de l'importance ? Elle se concentra sur ses sensations.
En premier vint l'ouïe.
Il y avait un sifflement strident. Quelque chose qui faisait mal aux oreilles. Le sifflement strident se transforma en un bruit sourd quand Epona s'habitua au son. Elle se sentit grimacer quand le son strident fut remplacé par le bruit blanc des moteurs d'un vaisseau. Epona ne savait pas pourquoi mais elle savait qu'elle était dans un véhicule à réaction. Elle sentait presque la gravité induite par la vitesse qui semblait peser sur ses épaules.
En deuxième vint l'odorat.
Une persistante odeur métallique flottait dans l'air. Epona sentait l'humidité, comme si elle avait flotté longtemps dans quelque chose de liquide. Sa première pensée fut qu'elle voulut immédiatement se laver et enlever cette odeur de son corps.
En troisième vint le gout.
Epona ouvrit la bouche et sentit quelque chose au fond qui lui parut rêche et lourd quand elle la bougea pour la première fois. Une langue. Sa langue était râpeuse. C'était désagréable. Ce fut la première expérience de la douleur chez Epona. La première d'une longue lignée malheureuse. Epona avait un gout métallique dans la bouche et un liquide semblait se répandre sur son palais. Elle eut envie de s'en débarrasser immédiatement mais ne put que refermer la bouche pour éviter la douleur.
En quatrième vint le toucher.
Epona se trouvait assise sur un rebord râpeux et sentait la dureté du sol sous elle.
Enfin vint la vue.
La première chose que vit Epona en se réveillant fut le noir. Un noir immense, intersidéral. Un noir spatial. Des lumières intenses brillaient sporadiquement dans le ciel, émettant leur lueur jusque dans l'espace où elle se trouvait. Elle était assise sur le sol, habillée d'une longue tunique grise.
Devant elle se dressait une statue immense. Une forme humanoïde rouge qui la fixait de ses six yeux de métal. Elle resta devant lui un nombre incalculable de secondes qui lui parurent une éternité. Cette personne s'appelait Arishem. Elle ne savait pas comment elle le savait. Mais c'était lui.
C'était un Céleste.
Une forme cosmique puissante.
A qui l'on devait le respect.
Alors pourquoi avait-elle envie de pleurer ?
Elle ne se releva pas. Ne regarda pas autour d'elle, observant seulement en silence cette statue de métal qui la toisait de son regard froid et mort.
Une statue. Ce n'était qu'une statue. Un frisson la parcourut tout entière et elle mit pour la première fois un mot sur cette sensation. Le froid.
Elle avait un corps. Elle leva lentement son bras qui était ankylosé après avoir passé beaucoup de temps à ne pas bouger et regarda sa main. Elle avait cinq doigts. Une peau blafarde et cette sensation de... fourmillements ? Elle ne savait pas ce que cela voulait réellement dire mais les mots lui venaient à l'esprit sans qu'elle n'ait besoin d'y réfléchir.
Elle mit longtemps à se rendre compte qu'elle était entourée de personnes qu'elle ne connaissait pas. Deux personnes étaient postées près d'une grande fenêtre donnant sur les lumières du dehors et discutaient en silence. Deux autres personnes se tenaient derrière elle et se regardaient. Deux autres encore étaient près d'un mur et se faisaient habiller par les murs technologiques du Domo.
Le vaisseau.
Sa maison.
Elle essaya de bouger ses jambes mais n'arriva qu'à peine à faire bouger ses orteils. Elle se concentra et appuya ses bras sur le sol pour se lever. Mais elle n'obtint que le basculement de son corps sur le sol ainsi qu'un petit cri d'une personne du vaisseau. Le cri résonna dans le vaisseau mais Epona l'entendit à peine. Son visage heurta durement le sol et elle resta un instant sonnée. En rouvrant les yeux, elle vit qu'une femme aux longs cheveux bruns se dressait au-dessus d'elle.
- Epona ? Epona, je suis Ajak. Arishem m'avait prévenu que ton Réveil serait compliqué. Il faut que tu m'aides à te redresser.
Epona ouvrit un peu les yeux et se redressa lentement en position assise par elle-même, appuyant douloureusement sur ses bras frêles.
Ajak.
Ce nom lui disait quelque chose. Il évoquait une présence rassurante. Une figure protectrice. Ajak allait l'aider.
Epona ouvrit la bouche pour dire quelques mots mais rien ne sortit de ses lèvres sinon un borborygme qui lui parut étrange aux oreilles. Elle regarda Ajak avec panique et celle-ci la rassura d'un seul regard.
- Ne t'inquiète pas. Arishem m'a dit que ton Réveil est compliqué depuis des siècles. Tu es celle qui a le plus de mal avec nos voyages. Epona, la plus sensible du groupe. Epona, la plus fragile. Mais tu es aussi la plus parfaite. Tu auras besoin d'aide les premiers temps dans ce nouveau monde. Je serais toujours là pour t'aider. Je t'en fais la promesse.
- Que se passe-t-il, Ajak ? Demanda une voix bourrue en arrière-plan et Epona essaya de se redresser pour tenter d'apercevoir l'origine de la voix.
- Gilgamesh, dit doucement Ajak en ne quittant pas Epona des yeux, pourrais-tu m'aider à équiper notre amie ? Nous arrivons sur Terre dans quelques heures.
- La Terre, cria une voix surexcitée, c'est donc là que nous allons ?
- Oui, Sprite, notre nouvelle demeure pour les siècles à venir.
Un visage rond s'encadra dans le champ de vision d'Epona et la jeune femme eu un mouvement de recul en voyant la carrure de l'homme au-dessus d'elle. Le sourire qui illumina les traits de l'homme la rassura aussitôt.
- Je suis Gilgamesh, se présenta-t-il, si tu le permets je vais te porter jusqu'à ton équipement.
Epona hocha la tête et l'homme la prit dans ses bras sans douceur. Des élancements lui montèrent dans toutes les jambes, faisant monter des perles salées dans ses yeux.
- Arrête, grogna une voix, tu lui fais mal.
Gilgamesh ne s'arrêta pas et la déposa contre un mur. Epona s'agrippa comme elle le put à la surface de métal pour se stabiliser mais ne put se résoudre à tenir debout. Ses jambes la lâchèrent et elle s'appuya dos contre le mur en retenant ses larmes.
Elle avait mal.
Mal.
Cette sensation n'avait rien à voir avec la sensation de sa langue tout à l'heure. Non cette douleur était bien plus physique. Bien plus intense aussi.
- Ajak, grimaça-t-elle en tendant la main vers la femme brune.
Celle-ci s'accroupit devant elle et lui enleva une mèche de cheveux blonds qui lui tombait devant les yeux.
- Ma chère Epona, te voici devant ton équipement. Tu dois recevoir son pouvoir avant que je ne puisse te soigner. Il te fortifiera. La douleur sera présente mais s'atténuera. Tu es forte Epona. Tu peux te relever.
Epona grimaça et s'appuya de tout son poids sur ses mains, se retournant lentement pour faire face au mur. Elle posa sa première main sur le mur de métal froid et un frisson lui parcourut le bras. Sa tunique grise la gênait pour se redresser et elle sentit une douleur intense au moment où elle posa le pied sur le sol. Elle appuya dessus de toute la force de sa volonté pour que cette aide la soutienne. Son pied ne flancha pas. Elle monta doucement le second pied et manqua basculer sur le côté quand elle le sentit se dérober sous son poids.
Des mains vinrent la retenir à la taille et elle sentit un violent frisson la secouer dans tout le corps. Les mains l'aidèrent à pivoter dos contre le mur et elle s'appuya de tout son poids contre le métal. Immédiatement, une lumière dorée l'enveloppa et elle se sentit gagner en force.
Ses cheveux blonds voltigèrent un instant devant elle avant qu'une sorte de tiare ne vienne se plaquer sur son front. Elle sentit un tissu l'alourdir à l'arrière de son dos tandis qu'un autre tissu lui recouvrait la poitrine et les jambes en une combinaison moulante et très confortable. Elle sentait à l'arrière de sa combinaison des rembourrages aux jambes qu'elle sut conçus pour l'aider à se maintenir debout.
- Comment va-t-elle faire pour combattre les Déviants ? On dirait un poussin à peine sorti de l'œuf. Et je ne dis pas cela au sens mignon du terme, vous avez déjà vu un poussin naitre ? On dirait un mélange entre de la bouillie et de la bave.
- Arishem nous a tous créé parfaits, tel que nous soyons, Kingo. Epona est aussi là dans notre combat contre ces créatures. Quel que soit la forme que prendra son combat.
La jeune femme se décolla du mur et regarda attentivement autour d'elle.
Elle se trouvait dans une grande pièce, illuminée par la statue qu'elle avait eu tant de mal à quitter des yeux. Une immense fenêtre donnait sur l'espace, les étoiles et devant elle une planète bleue qui s'approchait de plus en plus. La Terre. Ils approchaient de la Terre. Elle eut un peu de mal à décrocher de la vision splendide qu'offrait cette planète tant celle-ci était extraordinaire.
Sa nouvelle maison.
Non. Le Domo était sa maison. L'endroit de sa naissance.
Naissance ?
Elle fronça un instant les sourcils, prête à poser la question à Ajak quand elle rencontra le regard scrutateur de dix paires d'yeux qui la fixaient en silence. Et parmi eux, les plus beaux yeux bleus qu'elle ait jamais vu de son existence.
Alors qu'est-ce que vous pensez de ce premier chapitre ? Dites-moi tout dans les commentaires :)
a.k.a MadBloodd
[Première publication : 30 janvier 2022]
[Republication : 20 juin 2024]
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