Enfin seule. Mes doigts tremblent alors mon écriture doit être illisible. Mais à vrai dire, je m'en fiche. Personne ne lira jamais ce carnet. Alors pourquoi m'entêter à écrire bien ? Pourquoi m'embêter à être propre quand il n'y aura personne pour encore me juger ?

Je suis enfin seule. Dire que ça m'avait manqué. Pourtant, je suis toujours seule. Oui, mais sous un autre angle. Car je ne suis pas seule dans la cour, jamais, je suis toujours accompagnée, pour le meilleur, mais surtout pour le pire. Oui. Car si je suis seule au fond, ils ne m'ont jamais lâchée. Et la peur qui me noue le ventre non plus.

...

Je ne dors que rarement, car j'angoisse, figure-toi,

Je ne ris pas souvent, car j'ai peur des gens autour de moi,

Je ne souris que légèrement, car mes lèvres sont en émoi,

Je ne profite pas du beau temps, car je ne reçois que leur froid...

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Je m'appelle Fleur. Maman, m'appelle sa petite Fleur Sauvage, parce que j'ai toujours été libre et un peu sauvageonne. J'ai 13 ans. J'en fait pourtant 16 ou 17. Et je suis en troisième, aussi étrange que cela puisse paraître. Car je suis une enfant "zèbre". Une surdouée, enfin, c'est ce qu'on m'a toujours dit. Trop mature, ou pas assez. Et trop différente pour être acceptée.

Je me vois comme une fleur. Enfin, plus précisément, un bourgeon. Je doute d'éclore un jour. Peut être naîtrais-je fanée ? C'est une peur irrationnelle, le jour où le papillon déploie enfin ses ailes, elles sont toutes fripées...

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La chenille se pelotonne, quand vient l'approche de sa transformation,

Au printemps, en hiver, en automne, elle se cache dans son cocon.

Alors toute seule elle se pardonne, ses rêves trop longs,

Puis quand son nouveau corps le lui ordonne, elle sort papillon.

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Je déteste écrire un journal intime. C'est trop "féminin" à mon goût, alors que je suis un "garçon manqué". Alors je vais appeler ça...  mon carnet de bord. Le carnet de bord d'un bourgeon. D'un bourgeon déjà fané...

Je me suis toujours posée plein de questions. Tellement de questions que je me demande parfois si je ne vis pas qu'en théorie. Un jour, j'ai écrit dans un de mes nombreux journaux abandonnés, lorsque j'étais petite :

"Qu'est-ce que le destin ? Naît-on pour mourir ? Est-on vraiment acteur de sa vie, ou simple spectateur de passage ?"

On m'a toujours dit "Tu comprendras quand tu seras plus grande." Mais, des années après, je me pose toujours les mêmes questions. Et si c'était cela la vie ? Courir après les réponses que l'on cherche, et ne les trouver que dans la tombe ?

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Petite fleur, fanée, là, tout au bout du chemin,

Ton petit cœur, brisé, ne ressent-il donc plus rien ?

Petite peur, cachée, vas-tu me quitter enfin ?

Petite lueur, usée, ne t'en va donc pas si loin !

Petit honneur, rincé, ma honte aura-t-elle une fin ?

Petite odeur, du passé, je t'en supplie reviens,

Petite vigueur, oubliée, marchons donc main dans la main,

Chacun de mes pleurs, délaissé, semble être pourtant vain...

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Pourquoi moi ? Est-ce donc la question qu'ils se posent tous ? Moi aussi je me la pose. Pourquoi c'est moi qu'ils n'aiment pas ? Et pourquoi c'est pourtant moi qui a une vie si chanceuse au fond ? Je n'ai jamais eu ma réponse... et probablement ne l'aurais-je jamais.

Vois-tu, je suis quelqu'un de très gentil, de trop gentil. Et les gentils sont souvent brisés par la vie. Ou par les gens. Surtout par les gens. Je suis aussi réputée empathique et altruiste. Enfin, j'étais. Ils ont fini par me changer. Vois-tu, aujourd'hui, j'ai peur des gens.

Imagine un grand champ de fleurs aux pétales raffinés et au pollen délicat. Maintenant, parmi elles, imagine un seul, oui un seul, bourgeon laid et refermé. C'est moi. Comme il est différent, les fleurs s'en moquent. Et pourtant, à la nuit tombée, toutes se referment et, au fond, nous devenons tous pareils. Parce que nous sommes tous différents. Et pourtant, pas tant que ça.

On m'a dit prématurée, je l'ai déjà dit. Oui. Je suis environ 4 ans plus mature que mon âge. Physiquement, et mentalement aussi. Mais pas affectivement ni socialement, j'en suis convaincue. Le petit bourgeon fane déjà de l'intérieur à peine ouvert. Et ça me ronge, ça me dévore.

J'ai peur. Je suis seule dans mon cocon et j'ai besoin de m'évader. Oui, de m'en aller loin d'ici... Très loin...