Le thème du jour est lié à Aphrodite, la plus belle des déesses : il faut que notre personnage principal soit d'une beauté incroyable

« Tu es magnifique. » Il le lui avait répété des dizaines de fois, des centaines peut-être. Rien ne lui avait paru plus insultant. Aucun coup, aucun fer, aucune brûlure ne lui avait paru plus insupportable. Tant qu'on la torturait, elle avait l'impression de lutter pour son peuple. Lorsqu'il vantait sa beauté, elle se sentait inutile, comme si d'un coup elle devenait une poupée, un trophée de guerre qu'il avait gagné et qu'il affichait fièrement sur une étagère. On l'avait choisie pour diriger le pays. La précédente dynastie s'était finie dans le sang, le peuple avait déclaré que c'était elle qui serait à même de calmer la révolte qui embrasait le pays. Le peuple n'avait pas fait ce choix parce qu'elle était belle, mais parce qu'il savait qu'elle serait juste.

A présent, elle s'était vengée. Son ancien bourreau avait désormais autant de vie qu'une poupée de chiffon. Il ne pourrait plus bouger, ni faire de mal à qui que ce soit. Elle lui avait volé une de ses dents, tombée alors qu'il tentait de se défendre. Son trophée à elle.

Une fois sa vengeance achevée, elle se dirigea vers les frontières de son royaume. Sa nouvelle forme de chouette lui était d'une grande aide. Elle appréciait le vol. Dès sa réincarnation, elle avait su utiliser son corps de rapace très facilement. De plus, la fascination que celui-ci provoquait chez ses ennemis était loin de lui déplaire. On ne se méfie pas suffisamment des oiseaux.

En quelques jours de vol, elle réussit à trouver sa cible. La frontière ouest du pays était très loin de la capitale. Le camp de réfugié était immense, elle y vit des centaines de tentes plantées dans un alignement militaire. Elle chercha la plus haute, en plein centre de la base. Ce n'était pas par accident qu'elle rebondit sur le tissu qui recouvrait l'abri. Elle cherchait à faire sortir ses occupants. Néanmoins personne n'en sorti. Il n'y avait aucun garde devant la porte. Tous patrouillaient en priorité les rangées réservées aux civils qui avaient fuis avec eux. La voie était donc libre. La chouette se posa sur une barrière installée en face de la tente. Elle observa longuement l'homme qui y travaillait. Il ajustait son plan de bataille. Mais il n'oserait jamais tenter d'offensive. Le général des armées avait reçu des ordres très précis de son unique supérieur hiérarchique. La reine.

Elle ulula une fois. Puis deux. Elle se tu, de peur d'ameuter les gardes. Le militaire de leva pas les yeux vers elle. Il tournait et retournait ses plans. Elle battit des ailes pour faire bruisser ses plumes et ulula de nouveau. Il lui jeta un regard. Il sorti de la tente. La détaillant des pattes à la tête. Il s'avança vers elle. Elle ne recula pas comme l'aurait fait un autre oiseau. Il plongea son regard sévère dans les immenses yeux noirs du rapace. Une larme coula sur sa joue. C'était impossible. Il savait que cela ne se pouvait pas. Et pourtant, il avait cru reconnaître dans la majesté du rapace, dans son regard déterminé, ce qu'il avait découvert chez la jeune reine qu'il avait abandonnée dans la capitale. Il tomba à genoux, pleurant, implorant pardon de l'avoir laissée. La chouette vint se poser sur le sol, caressant le bras de l'homme de son aile. Il la regarda de nouveau.

« Tu es magnifique », lui dit-il.

Et la reine se retransforma en humaine.