La rivière était toujours la même depuis trois heures. Pourtant, elle était différente. L'eau avait coulé. Ce n'était plus la même qu'auparavant. Ce n'était cependant pas assez pour contenter l'impatient Terh. Le jeune home trépignait depuis des heures, tantôt faisant les cents pas, tantôt s'énervant sur la première branche qu'il croisait. Il avait déjà englouti la moitié des rations de biscuits qu'il avait emmenées avec lui.

Il était presque endormi lorsqu'il aperçu un chapeau voguer sur l'eau. Ce n'était pas ce qu'il attendait, cependant, cela éveilla sa curiosité. Il s'agissait d'un couvre-chef des plus élégants, à la toute dernière mode, visiblement très cher. Le genre d'objets que l'on évite d'égarer bêtement en se penchant au dessus de l'eau. D'ailleurs, pourquoi une personne d'une telle qualité se serait-elle penchée sur le cours d'eau ? Les nobles restaient dans la ville, dans les quartiers éloignés de la rivière.

L'impatience et la curiosité eurent raison du sens du devoir de Terh, qui abandonna son poste pour rechercher le propriétaire de l'accessoire. Il remonta le fleuve. Une minute ou deux de marche lui suffirent pour découvrir celui qui avait laissé tomber le chapeau. Il était allongé sur la rive. Terh remarqua ses habits, qui lui firent immédiatement comprendre qu'il était l'homme qu'il recherchait. Ils étaient remarquablement assortis au chapeau.

Terh s'approcha prudemment de l'homme. Il semblait endormi. Avec ses beaux vêtements et son visage délicat, on aurait dit un prince de contes de fées. Ceux que l'on rencontre dans des romans, attendant la princesse à qui siérait un anneau d'or. Sans attendre qu'il se réveille, Terh attrapa une branche et lui abattit sur la tête. Au moins, il était sûr qu'il ne reprendrait pas connaissance de si tôt.

En effet, le « prince » resta inconscient plusieurs heures. Il se réveilla attaché à un arbre. Terh, toujours occupé à surveiller le ruisseau, s'était retrouvé quelque peu distrait par le joli minois de son prisonnier. Le temps lui avait semblé moins long à imaginer qui était l'homme qu'il venait d'attraper. D'où venait-il ? Que faisait-il là ? Il l'entendit remuer et gémir avant de se réveiller. L'homme commença à s'agiter, paniqué, jusqu'à ce que ses yeux se posent sur Terh. Loin de se calmer, il se figea sur place. Les deux hommes passèrent un moment à se regarder sans parler. Terh avait trop peur de gâcher les belles histoires qu'il s'était inventées sur la vie de l'homme pour oser lui parler. L'autre avait peur de se faire tabasser par celui qui l'avait attaché à un arbre.

- Vous êtes sur les terres privées, dit Terh.

- Qu'est-ce que vous allez faire de moi ?

Terh réfléchit. C'était la première fois qu'il entendait parler d'un intrus sur leurs terres. Il n'avait aucune idée de ce qui pourrait lui arriver.

- ça dépendra de vous.

Le jeune homme était fier de sa réponse. Menaçante, mais sans aucune explication. Le chef aurait apprécié. Cependant, à voir le regard toujours paniqué de son interlocuteur, il se dit qu'il aurait mieux fait de ne pas en rajouter.

- C'est pas moi qui fixe les règles, ici.

- Alors, qui est-ce ?

Terh avisa sa montre.

- On ira le voir dans deux heures. J'ai pas fini mon tour de garde.

- Qu'est-ce que vous gardez ?

- La rivière. Et la forêt. Et maintenant, vous.

Quelques minutes passèrent. Terh se demandait s'il ne devrait pas livrer le prisonnier directement au chef. Mais il n'osa pas abandonner son poste de garde.

- Qu'est-ce que vous foutiez dans la forêt ? Demanda finalement Terh.

- Je cherchais un monstre.