Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

20. Un conte cruel

Lorsque Bianca poussa la porte de la bibliothèque, Gigi tomba immédiatement sous le charme. Cette pièce considérable et richement approvisionnée d'ouvrages, respirait la sérénité, le cuir et la cire d'abeille. Religieusement, la bella pénétra dans cet espace de silence et d'introspection, prenant soin d'imiter les pas d'une petite souris pour ne pas faire grincer le vieux parquet de bois.

Il régnait en l'endroit, une douce atmosphère, proprement féminine. L'azur des murs se prolongeait jusqu'au plafond où s'imprimait un ciel d'un réalisme saisissant et enchanteur. Dans ces cieux multicolores, des oiseaux de paradis s'envolaient aux côtés d'angelots dont les doigts gracieux prenaient à partie le spectateur, l'invitant à contempler cette ode au voyage et à la rêverie.

- Quel plafond magnifique, souffla Gigi en admirant chaque détail de cet ouvrage époustouflant.

Bianca s'approcha d'elle, leva le nez à son tour, et lui expliqua :

- C'est moi qui en ai eu l'idée, mais pour l'exécution je dois tout à Giorno. Pour me faire ce cadeau, il a passé des journées entières à se tordre le cou, courbé sur un escabeau. Il avait 13 ans je crois. Je me souviens encore que quand le torticolis le menaçait et que j'essayais de le convaincre de s'arrêter, il refusait catégoriquement : « Mamma, comme Michel-Ange à la chapelle Sixtine, peu m'importe de souffrir si c'est pour mon art et pour te faire plaisir. » l'imita-t-elle en souriant.

Gigi ne put dissimuler un petit rire. Cet élan de détermination précoce et inébranlable lui ressemblait bien. Elle n'aurait cependant jamais songé qu'il puisse être si talentueux. Dérivant de l'œuvre à l'artiste, les yeux brillants d'admiration, elle fit remarquer à son beau vénitien :

- Je savais que l'art te passionnait, mais tu ne m'avais pas dit que tu avais un don pour la peinture.

- C'est une activité que j'ai dû mettre de côté, faute de temps. J'ignore si je serais encore capable de tenir un pinceau.

Visiblement, entre l'art et le pouvoir, Giorno avait fait son choix. Pourtant, Gigi crut apercevoir distinctement une once de regret étinceler dans les profondeurs insondables de ses iris verts.

- Si c'est comme le vélo ça ne s'oublie pas. Peut-être qu'un jour tu y reviendras.

- C'est ce que je souhaite à mon fils. Quoi qu'il en pense, je reste convaincue que la vie d'artiste le rendra plus heureux que ses récentes activités, avait aussitôt renchéri Bianca.

- Tu ne voulais pas montrer tes livres à Gigi ? la coupa abruptement Giorno, qui ne souhaitait en aucun cas laisser le sujet dériver sur sa vie professionnelle.

- C'était en effet mon intention.

Puis, se tournant vers Gigi, la mamma poursuivit :

- Comme Giorno m'a dit que vous étiez bibliothécaire, je me suis dit que vous aimeriez jeter un œil à ma collection personnelle.

D'un geste ample et aérien, elle ouvrit le bras pour désigner l'endroit où elle avait amassé ses trésors de littérature.

Séparés par une basse fenêtre, deux larges pans de mur, renfoncés et encadrés de moulures blanches, accueillaient des centaines de livres. Sur celui de droite, les couvertures anciennes revêtaient l'authenticité et le charme du cuir relié, tandis que sur celui de gauche, reposaient des ouvrages à la couverture de carton glacé, sans doute moins précieux mais plus contemporains que leurs voisins.

Gigi laissa échapper un sifflement strident et admiratif avant de s'approcher spontanément des livres anciens.

- Il y a des œuvres Italiennes que vous affectionnez ? lui demanda Bianca alors que la bella parcourait distraitement les titres.

- Oh oui. Parmi mes préférés : le Roland furieux de l'Arioste et le Decameron de Boccace.

- L'inspiration même des poèmes épiques et des fabliaux, très bon choix. Qu'est-ce que vous aimez exactement chez ces deux auteurs ?

Exaltée de pouvoir parler littérature, Gigi ne prit même pas la peine de réfléchir avant de lui livrer sa réponse :

- Ils tiennent tous les deux les femmes en considération. Boccace a écrit le Decameron pour divertir les Dames du Moyen Age à qui on refusait de meilleurs passes temps que la broderie. Quant à l'Arioste, il considère la femme comme l'égale de l'homme. Il ne rechigne pas à en faire des guerrières qui rivalisent avec les meilleurs chevaliers. Ce qui est d'ailleurs assez admirable pour la mentalité du XVIe siècle. Enfin je dirais que j'aime l'importance que porte l'Arioste au sentiment amoureux et celle que porte Boccace à l'humour et à la farce.

- Je vous comprends. Pour ma part je préfère de loin le style florissant de l'Arioste, mais le Decameron est un monument de la littérature italienne que je ne peux qu'apprécier.

- Vous saviez qu'en France, notre bonne vieille reine Marguerite de Navarre a, elle aussi, produit un recueil de nouvelles ? En prenant le modèle de Boccace elle lui a rendu hommage et nommé son livre l'Heptameron.

- Je l'ignorais. La version française est-elle aussi bonne que la nôtre ?

- Le principe est le même, mais la tonalité est différente. Il y a bien l'inspiration des fabliaux, des farces et des bons tours, mais certaines histoires y sont plus sombres et dramatiques. On y trouve par exemple : un moine tueur en série qui enlève des femmes pour son bon plaisir, un double inceste involontaire, et je ne vous parle même pas des hommes qui tourmentent la vertu des Dames ...

Bianca se mit à réfléchir un instant, puis d'une mine fort mystérieuse, elle proposa :

- Si vous aimez les contes cruels, je connais une vieille histoire vénitienne qui pourrait, je pense, figurer dans votre Heptameron. Voudriez-vous que je vous la raconte ?

- Oh oui avec plaisir !

En retrait, Giorno s'était contenté d'écouter ses deux femmes chères à son cœur deviser avec un naturel déconcertant. Bianca était d'ordinaire prédisposée au silence et à une indifférence presque glaciale, alors que Gigi possédait une personnalité flamboyante qui confinait parfois à l'incontinence et à la maladresse verbale. Il n'aurait jamais parié que les deux puissent se porter un quelconque intérêt. Pourtant sa mère montrait déjà des signes évidents d'appréciations et Gigi semblait s'adoucir à son contact. Leur entente avait quelque chose de miraculeux, et bien qu'il s'en réjouisse, il n'arrivait pas à se l'expliquer.

Avant de commencer son récit, Bianca les enjoignit à s'assoir sur le sofa de velours vieux rose, où pendait un plaid à grosses mailles blanches. Elle-même prit place sur un élégant fauteuil à frange, faisant ainsi face aux jeunes amants. Sur la table basse qui la séparait de son auditoire restreint, elle se saisit de sa théière en porcelaine de chine et se servit une tasse de thé. Il était froid, mais ça ne la dérangeait pas. Elle avait besoin de se désaltérer avant de prendre la parole.

En portant la tasse à ses lèvres, elle remarqua que sur le petit canapé, Giorno s'était rapproché autant que possible de Gigi. Il avait levé la grande couverture pour couvrir leurs jambes et sa bella avait frémi lorsqu'il avait attrapé sa main sous la douceur de la laine. Le tendre geste de son fils lui arracha un sourire lointain, presque mélancolique, avant qu'elle l'enferme dans la contenance habituelle de ses traits marmoréens.

Lorsqu'elle fut assurée qu'ils étaient tous confortablement installés, et qu'elle bénéficiait de toute leur attention, d'une voix solennelle, la mamma leur livra enfin le conte cruel qu'elle leur avait promis :

« Ce conte hors des âges n'a pas de nom, mais comme il est de coutume dans le Decameron, je pourrais l'annoncer d'une courte phrase :

Pathétique et cruelle histoire d'une brave héritière

qui causa la chute du Prince de Venise

En des temps reculés, je parle là d'une sombre époque où les eaux du canal se teintaient trop souvent de pourpre et où les gondoles rencontraient les cadavres des malheureux qu'on y avait jetés à titre d'avertissement ; Venise était soumise à la domination d'un prince qui régnait sans mesure ni partage. D'une beauté violente et vénéneuse, sa cruauté n'avait d'égale que son ambition sans borne. Son avidité et sa soif de pouvoir nourrissaient les pires desseins qu'un cœur, fût-il de pierre, de feu et de soufre, puisse jamais porter. Connu pour être le plus infâme des hérétiques, se proclamant non seulement détracteur de la chrétienté mais aussi ennemi direct de Dieu, ses méfaits ne souffraient aucune rivalité, et même les plus viles des hommes semblaient plus proches des honnêtes gens quand ils étaient comparés au Prince.

Il fut bien quelques puissantes familles qui essayèrent d'endiguer ce fléau qui sévissait sur la Sérénissime, mais qu'importe combien elles rivalisèrent de fourbes complots et de tentatives d'assassinat, leurs entreprises furent vaines et aucune ne parvint à l'évincer. Dans leur infortune, elles n'avaient fait que s'attirer les foudres du Prince. Aussi impitoyable que les sept plaies d'Égypte, son courroux ne tarda pas à s'abattre sur elles. Le règne de la terreur avait commencé et de vendetta en vendetta, il s'était acharné à toutes les décimer ou les assujettir.

Il ne resta bientôt plus qu'une noble famille capable de résister à son joug. Mais le tyran jugula leur opposition farouche, le jour où il fit enlever leur plus jeune héritière.

Sachez que jamais Venise ne vit naître de femme plus brave. Il ne me semble pas que son courage et sa force d'âme aient un jour été loué, mais voici le but de cette histoire, qui s'accordera à lui rendre les honneurs que lui doit notre ville.

Sans conteste, son courage se range sous l'adage : Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage. Et pendant une année de captivité, elle aiguisa sa haine et ses espoirs de vengeance sur la lourde pierre de l'attente.

Ainsi, prisonnière en la demeure du Prince cruel, la jeune héritière ne céda jamais au désespoir. Avec vaillance, elle accepta son sort. D'aucuns auraient pu songer qu'elle avait cédé à la résignation, mais en vérité, il ne régnait en son cœur qu'un acharnement tenace. Et chaque jour, l'énergie qu'elle perdait en dissimulation allait nourrir le feu de sa rébellion.

Le plus habilement qu'il ait été donné à une femme, elle avait bridé sa véritable nature. Auprès de son ravisseur, elle n'était qu'humble, discrète et infiniment respectueuse. Très vite, elle avait appris à mimer toutes les attitudes de l'otage idéale, choses qu'elle avait prises en exemple chez l'épouse de cet homme. Elle savait que le moindre coup d'éclat, la moindre défiance, n'aurait fait qu'attiser sa colère et son dégoût. Elle savait que seule la soumission pouvait la sauver, elle et les siens, de l'infamie du Prince. Et surtout, elle savait que lui plaire, lui permettrait un jour de le terrasser. Car cet homme, bien qu'adversaire de la vertu et du beau sexe y nourrissait bien quelques faiblesses.

Les femmes, il les préférait dociles, calmes et presque éteintes, jolies oiselles enfermées dans une cage.

Bien que sadique, il répugnait pourtant à les contraindre pour obtenir d'elles la jouissance. À ses yeux, ces créatures, faibles et inférieures, ne méritaient pas d'être admises dans sa couche s'il devait se faire prier ou recourir à la force.

Dans le fond, pour qui le connaissait bien, tout ne servait qu'à alimenter son orgueil démesuré. Et il en allait ainsi de ses rapports avec les dames. Plus elles faisaient montre d'admiration et de complaisance dans leur soumission, plus elles étaient investies dans leur allégeance, et plus il se montrait magnanime. Mais si par malheur, l'une d'entre elles se refusait à lui, il préférait voir périr l'objet de sa frustration que recourir au viol. Si le désir le rongeait, il lui semblait nécessaire d'en venir à bout par le meurtre, et celles qui lui ont résisté ont systématiquement payé cet affront de leur sang.

La première prouesse de la jeune héritière, fut d'être la seule et unique femme à l'avoir fait languir de frustration et de désir. Ce véritable tour de force, elle le devait en partie à l'adresse de son esprit et à son art de la manipulation. Certains ajouteraient que le Prince, bien qu'incapable d'atteindre les grandeurs de l'amour, lui avait toujours mystérieusement témoigné plus d'indulgence qu'à aucune autre. D'autres encore, diraient que c'est grâce à l'affection que lui portait l'épouse du tyran, que la nouvelle prisonnière parvint à survivre et à se venger. Et tous à leur manière auraient raison, car la résolution de cette histoire tient à la combinaison de ces différents états de fait.

Tous les gens de son temps s'accordaient cependant sur un point : la jeune héritière était singulièrement belle. La nature l'avait doté d'une beauté peu commune et charismatique, d'un charme aussi puissant que sa véritable force de caractère. Aussi admirable qu'une muse latine et mutine, on aurait pu écrire des pages à la louange de sa peau tannée, de ses cheveux d'ébène ou de ses yeux d'obsidiennes aux longs cils bruns, mais ce qui se passait de mots et vous faisait défaillir les sens, c'était sans aucun doute l'expression de son sourire ravageur. Et même en séjournant dans la prison princière, elle ne l'avait jamais perdu. Cependant, cette grâce éclatante, dans sa plus pure honnêteté, elle ne l'avait toujours réservé qu'à une seule personne de la demeure : l'épouse du Prince.

Un jour que le tyran avait déserté le palais pour entreprendre un voyage, la jeune héritière était venue vanter la douceur avec laquelle l'épouse prenait soin des fleurs du jardin. De fil en aiguille, avec une confiance et une ardeur presque masculine, elle s'était mise à flatter les charmes endormis de la femme de son ravisseur. Dans ses blonds cheveux, elle avait glissé une délicate ancolie, et tendrement, elle lui avait souri :

- Même la tristesse et la solitude de l'ancolie ne parviennent à ternir sa beauté. Mais ce qui irait le mieux à ton teint, c'est la rose blanche, pure et lumineuse. Tu devrais en planter. Je t'y aiderai si tu le souhaites.

En un simple geste, une simple phrase, elle lui avait témoigné plus de douceur et de courtoisie que son mari en huit années. Et à compter de ce jour, ensemble, les deux femmes avaient semé.

Bien qu'elles étaient deux étrangères, aussi différentes que le jour et la nuit, elles demeuraient deux prisonnières, deux sœurs dans le malheur. Et entre les roses et les ancolies, elles récoltèrent des fleurs, de la chaleur et un peu de bonheur.

Une prodigieuse relation de confiance avait fleuri entre elles. Quand le quotidien se faisait trop sombre et la vie trop âpre, cachée à la faveur des broussailles, l'épouse avait pris l'habitude d'aller pleurer dans les bras de l'héritière. Aussitôt qu'elle y déversait ses larmes, elle retrouvait force et espoir. Et bercée par la tendresse et les douces paroles de celle qui partageait son triste sort, elle se sentait à nouveau capable de tout affronter.

- Mon ange, tu n'es pas comme ses fleurs. Tu ne faneras pas dans ce palais. Je le jure sur ma vie.

En se posant sur son front, les lèvres de l'héritière, fraîches et légères comme la rosée qui au matin glisse sur la rose, lui avaient un jour soufflé ces quelques paroles. Et cette promesse, aussi belle qu'incertaine, l'épouse y avait accordé plus de foi et d'espoir qu'une sainte en le Christ.


J'espère que vous avez bien aimé ce chapitre et que vous vous interrogez déjà sur la nature de ce conte raconté par la mamma de Gio' ^^

J'ai vraiment voulu essayer de m'inscrire dans la tradition littéraire des nouvelles de l'Heptameron que j'ai bien kiffé (plus encore que le Decameron je crois.. Cocorico... Hum hum pardon ^^'). Je n'écris pas aussi bien que la reine Margherite mais j'ai essayé de tourner (un peu ^^') les phrases comme elle, et de me centrer sur des thèmes qu'elle aurait pu aborder.

En media, pour être raccord avec le thème, il s'agit d'un tableau de Waterhouse qui montre les devisants des histoires du célèbre Decameron :)

Je vous retrouve la semaine prochaine avec la suite et fin de ce conte cruel qui promet d'être salement glauque ^^

Encore merci de m'honorer de vos lectures et comme toujours, prenez bien soin de vous <3

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro