Chapitre 3
Les jours se transformèrent en semaines, puis en mois, et Elizabeth désespérait. La lettre pour sa tante avait été envoyée, elle l'avait elle-même portée au Capitaine Simas, un commerçant de Port Royal qui partait pour l'Angleterre. Mais alors qu'il fallait deux à trois semaines pour rallier l'île, admettons autant pour en revenir, la lettre et sa réponse auraient dû déjà être dans les mains de leurs destinataires respectives. Mais non. Rien, aucune nouvelle.
Jour après jour, Elizabeth attendait les navires en provenance de l'Europe, mais aucun n'avait de courrier lui étant destiné et elle ne comprenait pas pourquoi.
Jusqu'au jour où, après trois mois d'attente, enfin, une lettre lui fut apportée à la maison du Gouverneur. Malheureusement, ce n'était pas la réponse qu'elle espérait...
— Comment ça, elle refuse ? Père !
— Écoute, ma chérie, c'est écrit noir sur blanc ici, ta tante ne peut pas t'accueillir, elle s'en excuse à plusieurs reprises, mais elle n'explique pas pourquoi.
Elizabeth, dépitée, posa ses mains sur ses hanches. Elle ferma les yeux et son père l'observa.
— Est-ce vraiment si terrible la vie avec le Commodore Norrington ? demanda le Gouverneur. Ne veux-tu pas attendre votre anniversaire de mariage ? Il reste encore cinq petits mois et...
Elizabeth le regarda et soupira en secouant la tête.
— Non, bien sûr que non que ce n'est pas si terrible que cela, mais je ne l'aime pas et je ne pourrais jamais l'aimer... Me faire attendre ainsi est une torture jour après jour pour chacun de nous...
— Pourquoi ? En aime-tu un autre ? Est-ce... le jeune forgeron ?
— William ? s'étonna la jeune femme. Papa, je vous en prie, c'est mon meilleur ami... Ce serait un sacrilège que de l'aimer autrement. Et pour vous répondre, non, je n'aime pas un autre homme, je...
Elizabeth haussa les épaules et son père pinça la bouche. Il plissa le nez et regarda la lettre devant lui.
— Très bien, dit-il en se levant. Je n'aime pas mentir, mais je vois bien que tu souffres de cette situation. Je vais donc faire comme si ta tante avait accepté de te recevoir, et demander au juge qu'il procède à l'annulation du mariage.
— Un second mensonge ? s'étonna Elizabeth. Si James l'apprend, il nous fera jeter en prison tous les feux...
— Je suis le Gouverneur de cette ville, Lizie, Monsieur Norrington n'osera rien contre moi, car il me doit son poste et il le sait.
Elizabeth grimaça. Elle ne le sentait pas. C'était injuste de faire croire qu'elle allait partir et qu'en plus, la raison de son divorce était la non consommation du mariage... Les mensonges, cela peut sauver une situation délicate, mais le jour où la vie décide que c'est l'heure de payer, elle ne fait pas de cadeau...
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Trois semaines plus tard.
— Suite aux preuves fournies par le Docteur Jeremiah, je consens à procéder à l'annulation du mariage engagé entre Mademoiselle Elizabeth Swann, et Monsieur James Norrington, sept mois en arrière, pour non consommation. La décision prend effet immédiatement.
Le coup de marteau qui résonna sembla à Elizabeth être la cloche d'une dunette annonçant la présence de la terre après des mois de navigation... Certes, les choses ne s'étaient pas exactement passées comme elle l'avait prévu, mais peu importe, le résultat allait dans son sens, donc c'était parfait.
Au sortir du tribunal, la jeune femme se sentait soulagée.
— Elizabeth ?
Celle-ci se retourna.
— Je suis vraiment désolée d'en être arrivée là, Monsieur, mais je ne pouvais pas continuer à vous mentir ainsi...
— Je comprends. Enfin je pense. J'espère que vous trouverez quand même un homme à qui vous pourrez rendre la vie plus belle, même avec votre handicap.
Norrington pinça son chapeau emplumé entre son pouce et son index et inclina la tête avant de tourner les talons.
Elizabeth resta immobile, lèvres serrées, réprimant un sanglot. Elle détestait faire croire à cet homme toutes ces histoires rocambolesques, mais elle n'avait pas le choix...
~
— Quand partez-vous, Madame ?
Elizabeth regarda sa bonne et secoua la tête. Elle déposa un caraco sur son lit et souffla par le nez.
— À vrai dire, je l'ignore, mais le plus tôt serait le mieux, répondit-elle. Faire souffrir le Commodore Norrington n'a rien de plaisant, croyez-moi, mais je ne puis l'honorer comme je le devrais, alors autant me sacrifier pour lui permettre de trouver une femme qui l'aimera.
— Le Gouverneur y veillera, Madame, j'en suis certaine.
Elizabeth sourit puis demanda à sa servante de lui faire une malle, dans l'optique d'un prochain voyage en Angleterre. Même si la destination n'était pas encore réellement fixée...
S'asseyant sur son lit, Elizabeth était songeuse. Pendant ces trois longs mois d'espérance, elle n'avait pas pensé aux pirates, à ce Capitaine mal élevé, elle n'avait pas refait un de ces rêves bizarre où elle se voyait à bord d'un vaisseau pirate, habillée comme eux, un tricorne sur la tête, en train d'aboyer des ordres...
Un frisson lui hérissa les poils des bras rien qu'à y penser et la jeune femme s'ébroua vivement avant de quitter sa chambre pour aller prendre l'air.
~
Elizabeth marchait tranquillement dans les rues de la ville dirigée par son père. Tout était paisible, les gens allaient et venaient sans lui prêter la moindre attention et elle ne s'en portait pas plus mal, au contraire. Se fondre dans la masse lui plaisait bien mieux en ce moment que devoir se pavaner dans des toilettes toutes plus chères les unes que les autres...
Tournant au coin d'une maison, Elizabeth poussa un cri et sursauta vivement quand elle tomba nez à nez avec ce qui lui semblait avoir tout l'air d'être un poivrot en train de cuver...
— Oh Seigneur, quelle frayeur...
La jeune femme posa une main sur son estomac et souffla. Elle contourna l'homme ivre et s'éloigna rapidement. Cet endroit n'était pas sûr pour elle, elle devait rejoindre les grandes rues passantes au plus vite. Ce qu'elle fit. Cependant en sortant sur la grand-rue, la jeune femme distingua une silhouette qui lui fit remonter des souvenirs.
Ce tricorne, cette coiffure... Cette démarche ! Elizabeth en était sûre, c'était le Capitaine Sparrow, là, devant elle, en train d'acheter du rhum en toute impunité !
Surprise, la jeune femme se cacha au coin d'un étal pour ne pas être vue et observa le pirate donner son dû au marchand d'alcool.
— Tenez mon brave, dit-il en tendant une petite bourse. Onze schillings pour trois caisses de rhum.
— Merci, Capitaine. Vous verrez c'est le meilleur de la ville !
Jack s'esclaffa puis se détourna et prit la bride du mulet qui tirait le chariot sur lequel on avait empilé les caisses d'alcool.
Je dois rêver... songea Elizabeth. Que fait-il à Port Royal ! Il est complètement insouciant !
Déterminée à avoir le fin mot de l'histoire, Elizabeth suivit le pirate jusqu'aux quais et quand il retrouva deux de ses hommes pour décharger les caisses, elle se cacha.
— Mais qu'avons-nous là ?
Elizabeth bondit se frayeur et poussa un cri. Elle se retourna et sentir son cœur louper un battement quand elle reconnut un pirate planté devant elle, avec ses cicatrices et sa chique dans la bouche.
— Elle se cache, la petite dame ? Ta maîtresse, elle sait que tu es là, ma jolie ?
Elizabeth déglutit. Ce malotru la prenait pour une domestique ! Elle décida de ne pas le contredire et se contenta de hocher la tête comme elle avait si souvent vu ses dames le faire.
— Ah ouais ? Bah tu sais quoi, tu vas venir avec moi, je me suis pas amusé depuis longtemps !
L'homme saisit Elizabeth par le bras et celle-ci poussa un cri. Le pirate la tira de sa cachette et la jeune femme cru son heure venue quand un raclement de gorge se fit entendre.
— Excuse-moi, l'ami...
— Quoi ? aboya l'autre. Je l'ai trouvée, elle est à moi !
— Hem, eh bien, pas exactement, l'ami...
Elizabeth tourna la tête et regarda le Capitaine Jack. Il semblait un peu ivre, mais encore suffisamment lucide pour la reconnaître.
— Merde, elle a toi, cette gueuze, Capitaine? gargouilla alors le pirate.
— Oui, en effet, répondit Jack. Donc tu vas lui lâcher le bras avant de lui briser quelque chose, ensuite tu vas remonter sur le navire et j'oublierai tout ça...
L'homme regarda Elizabeth d'un air contrarié puis il la lâcha et la jeune femme poussa un cri en heurtant une pile de caisses qui vacilla.
— Dégage, lâcha alors Jack.
L'autre ne se fit pas prier. Il sauta dans la chaloupe avec les deux autres pirates et ils disparurent rapidement. Jack se tourna ensuite vers Elizabeth et la regarda de haut en bas.
— Madame Commodore... ronronna-t-il. Un plaisir de vous revoir...
Elizabeth déglutit et se redressa.
— Je ne suis plus la femme du Commodore Norrington, dit-elle en lissant sa jupe beige.
— Voyez-vous cela... grinça Jack. Il vous a répudiée, je parie !
— Non... J'ai demandé le divorce.
Jack plissa les yeux. Un sourire naquit alors sur ses lèvres et il posa ses mains sur ses hanches.
— Mademoiselle Swann... roucoula-t-il. Que diriez-vous de m'accompagner un moment...
— Non. Je suis dans l'obligation de refuser.
— Allons, beauté, vous me cherchiez, je le sais. N'est-ce pas ?
Elizabeth sentir le sang se retirer de son visage et elle déglutit difficilement.
— Qui... Qui vous en a parlé !
— Qui ? Oh, je ne sais pas moi, il y a tellement de monde dans cette ville...
Jack eut un sourire en coin et, offusquée, Elizabeth tourna brusquement les talons. Le pirate haussa les sourcils puis sourit et fit un demi-tour sur un pied avant de s'éloigner vers le quai pour attendre des compagnons.
Elizabeth rentra chez elle à toute allure, le cœur affolé et l'esprit tourneboulé. Elle s'enferma dans sa chambre et son père trouva porte close quand il vint la chercher pour le dîner...
Jamais elle ne se serait imaginée tomber nez à nez avec Jack, du moins si, mais elle avait inventé tout un tas de scénarios dans sa tête dans lesquels elle parlait sur un ton sûr d'elle, elle ne bafouillait pas ni ne s'enfuyait... Tout le contraire de ce qu'elle venait de faire...
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