Le Prince
Ils avaient mal calculé leur plan cette fois. Dans l'euphorie de leur escapade, ils n'avaient pas assez couvert leurs arrières. Ils se retrouvaient alors entassés dans une petite cellule sur une des îles du sud. Et Maxime sentait que c'était de sa faute, que le karma le rattrapait après avoir abandonné Sidjil comme ça.
En plus de ses horribles souvenirs des sirènes qui attiraient à l'eau tous ses camarades, Maxime était maintenant hanté par des images de Sidjil. Sidjil qui l'embrassait, Sidjil qui lançait des couteaux, Sidjil qui caressait sa joue... Mais il n'était plus là. Il n'avait peut-être pas essayé assez fort, peut-être pas mis assez de ses sentiments pour que ça fonctionne. Mais il avait du partir, pour le bien de son équipage.
-Tu ferais mieux de l'oublier, lui souffla Élian peu après leur emprisonnement.
Alors qu'il était perdu dans ses pensées, et que ses camarades discutaient autour de lui, un garde s'approcha de leur cellule. Le bruit des conversations s'estompa peu à peu et le garde pris la parole pour leur annoncer que le prince voulait parler à Biaggi. Alors Maxime, en lançant un regard à ses amis, quitta la geôle pour suivre le garde.
Il fut emmené dans un bureau gigantesque décoré d'une centaine de tableaux tous plus extravagants les uns que les autres. Différents bouquets ornaient les meubles de bois brillant et les énormes fenêtres laissaient entrer une forte lumière jaune.
-Biaggi, Biaggi, Biaggi... murmura une voix doucereuse derrière lui.
En un sursaut, Maxime se retourna. Le prince du sud, un petit con qui se faisait appeler comme ça pour avoir colonisé la moitié des îles du sud, se présentait à lui. Ses vêtements démodés mais très chic lui donnaient un air de supériorité répugnante. Cela n'allait pas du tout à son visage fin et ses yeux bleus perçants. Maxime le détestait déjà par principe, mais il savait pertinemment que cette interaction n'allait pas être de tout repos.
-J'imagine que pour un pirate de ta renommée, c'est un peu la honte de se faire arrêter par moi.
-Ouais, bof, je m'en fous un peu, lui cracha-t-il.
-Je t'imaginais plus grand.
-Ta gueule.
Le prince haussa les sourcils. Puis un petit sourire mesquin vint étirer ses lèvres.
-On va la faire simple. Tu veux retourner en mer avec tes amis et continuer de t'amuser ? Tu me donnes la position du Casseur. Oui, ne fais pas cette tête, je sais très bien ce qu'il se passe entre vous. Les rumeurs vont vite ici.
Alors là, Maxime ne s'y attendait pas. Un dilemme de ce genre n'était pas souhaitable dans sa situation. Trahir Sidjil ? Pas encore une fois. Et puis, comment était-il au courant de sa relation avec le Casseur ? Est-ce que tout le monde était au courant finalement ? Son nom serait-il toujours rattaché à celui de Sidjil, dans l'histoire des pirates ?
-De ce que j'ai compris, tu comptais le stopper de toi même. Mais peut-être que tu as besoin d'aide... de ma marine par exemple.
-Mais jamais je ferais ça, tu peux me torturer autant que tu le souhaites, je te dirais pas où il se trouve.
-Tu me fais rire avec ta loyauté de merde. Tu te rends même pas compte de tout le mal qu'il a pu te faire. Et qu'il a fait au reste du monde, et qu'il continuera a faire.
-Il s'était arrêté ! Il en est capable, je le sais ! S'écria Maxime, ses joues rougissant de colère.
-Oh, mais... Tu oublies le plus important !
Son sourire s'étirait face à la réaction de Maxime. De quoi parlait-il...
-Le plus important ?
-L'île Rocheuse.
Hein ? Qu'est-ce que son île natale avait à voir là-dedans ?
-Comment ça, l'île Rocheuse ? Dit Maxime d'une voix tremblante. Il débutait à peine à cette époque, non ?
Le sourire du prince s'étira encore plus. Il avait l'air de s'amuser.
-Il te le dira lui-même, il est le seul responsable de la tragédie qui t'a fait perdre toute ta famille.
Maxime n'en croyait pas ses oreilles, c'était n'importe quoi.
-Je te laisse deux jours, Biaggi. Mais à mon avis, ton choix est vite fait.
Après ce petit interrogatoire, Maxime fut conduit dans un cachot à part, loin de ses camarades. Il n'entendait que quelques fois le son de leurs voix qui résonnaient, mais rien qui ne pouvait lui assurer qu'ils allaient bien.
Maxime était sidéré. Il n'en pouvait plus des malheurs que causait le Casseur, et avait jusque là mis sa vie en péril pour y mettre fin. Sidjil était peut-être responsable de la misérable vie qu'avait Maxime. Et si le prince disait vrai, son seul moyen de sortir vivant de cette situation était de dénoncer Sidjil. Le trahir, une fois de plus. Mais peut-être qu'ils s'en sortiraient, peut-être qu'ils gagneraient la bataille, peut-être que... Cela faisait trop de peut-êtres pour Maxime qui réalisait qu'il cherchait plutôt à ne pas culpabiliser de son potentiel choix.
Après tout, Sidjil avait combattu la marine des centaines de fois, il y avait des chances qu'il s'en sorte. Mais toutes ces fois, la marine tombait par hasard sur lui, et n'était pas aussi armée qu'elle le serait cette fois-ci. L'équipage de Sidjil était grand, bien plus grand que le sien, donc plus de vies perdues. Mais l'équipage de Maxime lui était tellement loyal qu'il ne pourrait pas considérer les laisser mourir pour sauver Sidjil.
Le prince était sûrement prêt à tout pour être celui qui mettrait fin au règne du Casseur. Ils se devait de mentir, de jouer avec les sentiments de Maxime, pour le pousser à dénoncer son capitaine.
-Maxime !
Cette fois, il cru rêver. Il entendait la voix de Sidjil dans le couloir.
-C'est moi, je suis là.
-Mais dégage d'ici, t'es fou ? Chuchota rapidement Maxime.
Le Casseur était là, devant lui, recouvert d'armes comme à son habitude. Maxime, encore sous le choc, s'accrocha faiblement aux barreaux de sa cellule.
-Je t'ai suivi. Vous êtes pas doués, vous avez pas tenu deux jours sans nous.
-Ta gueule. On pouvait plus vivre sur ton bateau, t'as vu ton humeur exécrable ?
-Oui, je sais, j'ai compris maintenant que je suis allé trop loin.
-Et tu m'en veux plus, t'es sûr ? Parce que t'avais bien l'air dégoûté de moi hein.
Sidjil s'avança vers lui et attrapa sa main à travers les barreaux.
-Maxime... Je suis venu vous sauver. Contente toi de ça. Bien sûr que je t'en veux encore.
-Alors pourquoi m'avoir suivi ?
-Bah... Je me suis rendu compte que tu comptais vraiment pour moi, susurra-t-il.
Et il se pencha, plaçant sa tête entre deux barreaux, laissant Maxime se rapprocher. Ce dernier colla presque son nez à l'autre en se rapprochant, et murmura contre ses lèvres, le regardant fixement.
-Sid... Dis moi un truc.
-Oui ?
-C'est toi qui a détruit mon île ?
Le souffle de Sidjil se coupa. Maxime fronça les sourcils avant de répéter sa question.
-L'île Rocheuse. C'était toi ? Dit-il d'une voix plus ferme.
Le silence de Sidjil devenait insoutenable. Maxime se recula doucement afin de mieux regarder son capitaine.
-Oui... finit-il par annoncer d'une petite voix.
Maxime restait de marbre. Il avait l'impression de quitter son corps et de vivre un expérience de mort imminente.
-Et tu savais ? Depuis que je t'en ai parlé ? Chuchota Maxime.
-Ouais... Mais Max, j'pouvais pas te dire que c'était moi, tu nous aurais abandonné.
-Oui, et j'aurais bien fait !
-Max-
-Va-t-en, Capitaine, lâcha-t-il dans un souffle tout en se retournant.
Maxime sentait la colère emplir son estomac. Comment avait-il osé l'écouter parler de sa famille, de ses traumatismes, et l'embrasser tendrement quand il savait pertinemment qu'il les avait tués, sa mère, son père, sa petite sœur, tous. Il l'entendait partir en courant, et ne se souciait pas une seconde qu'il n'allait pas se faire prendre par un garde, à moins que...
Alors qu'un marine passait près de sa cellule, Maxime l'interpella. Puis, il se fit emmener à nouveau dans le bureau du prince.
-Oui, Biaggi ? Tu as fais ton choix ?
Maxime regardait ses mains, un sentiment de vide intense se creusant dans sa poitrine. Puis d'une voix tremblante, il annonça :
-Le Casseur est dans ce bâtiment en ce moment même.
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