Le monstre
Après un cambriolage de banque plutôt réussi, ils avaient fuit vers l'île au Dragon et le Casseur avait décidé d'offrir à tout son équipage une pause méritée au Lézard. La fête battait son plein. Maxime savourait son rhum en compagnie de Manas, Grim et Élian, le rythme de la musique se synchronisait avec les battements de son cœur et ils regardaient des membres de l'équipage danser joyeusement. Le Casseur, lui, se retrouvait seul dans un coin au fond de la taverne, l'air morose. Il n'avait pas l'air de s'amuser, et Maxime se remémora leur dernière aventure.
Alors que Sidjil s'apprêtait à lancer l'attaque, Maxime réduit ses mots au silence en posant sa main sur sa bouche.
-T'es fou ! Pas comme ça !
-Mais pff, tu veux faire comment alors ? Marmonna-t-il contre la paume du petit capitaine.
Maxime continuait d'observer autour de lui. Sidjil avait choisi le pire jour pour leur affaire : un marché avait lieu et toute la population de l'île était au rendez-vous. Ils allaient devoir se faire passer pour des civils, et leurs accoutrements n'allaient pas aider. La banque en question était un bâtiment moyen aux allures grandioses et dépassait tous les magasins qui l'entouraient.
Après réflexion, Maxime décida qu'une partie de l'équipage devrait s'insérer dans la foule, puis une autre accéderait à la banque par le toit. Puis il n'aurait qu'à assommer les banquiers et voler ce qu'il voulait. Il annonça fièrement son plan à Sidjil.
-Mais comment on va faire pour repartir sans foutre le bordel ?
-T'inquiètes pas, je gère cette partie.
Avec un air peu confiant et presque furieux, le Casseur rapporta le plan à son second.
Tout se déroula à merveille, comme Maxime l'avait prévu, et une fois les sacs remplis d'or et de bijoux, une arme pointée sur les banquiers endormis, il improvisa la suite du plan.
-Biaggi, on en prend combien au juste ? Parce que là on peut plus rien porter.
-Mmh...
Manas lui jeta un regard interrogateur, tandis que les autres corsaires aux poches pleines attendaient les prochains ordres.
-Je sais ! Tout ce qu'il reste, on le jette par la fenêtre.
-Hein ? C'est toi qui est fou, là, annonça Sidjil, se stoppant net dans ses gestes.
-Euh, là je suis pas tout...
Maxime était abasourdi. Il était censé s'adresser à des pirates sanglants qui avaient l'habitude de voler de l'or. Mais une des valeurs du petit capitaine était le partage. Il fallait apporter une note positive à une attaque, un petit quelque chose qui fait plaisir, et pas seulement de façon égoïste.
-La moitié de la foule en bas est composée de tous nos équipages. Ils vont comprendre le message et ramasser tout ce qu'ils pourront.
-Mais et l'autre moitié ?
-Bah ça fera des heureux, répondit Maxime simplement.
Sidjil, sidéré, se contenta de souffler bruyamment. Il accepta tout de même le plan de Biaggi, sans oublier de montrer son désaccord.
-On pourrait au moins tuer les banquiers. Ils ont eu le temps de nous reconnaître, et ça serait pas bon pour toi, Biaggi.
-Hors de question !
-Peut être qu'ils sont de gros cons Max.
-Oui, mais non.
-Ils sont sûrement responsables de la misère de beaucoup d'habitants ici.
-Sid, c'est non. Je tue pas pour rien, moi.
L'équipage dans la pièce avait l'air partagé entre leurs avis, tandis qu'ils observaient silencieusement la querelle entre les deux capitaines. Ils marmonnaient en hochant la tête ou alors en tapant du pied pour exprimer leurs envies meurtrières. Un sourire en coin se dessinait sur le visage de Manas, et il échangea un regard rapide mais pas assez discret vers Élian qui le lui rendit. Grim, lui, se contentait de tourner la tête à chacune de leurs paroles. Maxime se doutait de quoi ça avait l'air, de leurs point de vue : il donnait presque un ordre à son supposé capitaine. Il s'imposait de plus en plus dans cet équipage, et une bonne partie des matelots étaient d'accord avec lui.
Ils s'échappèrent après ça, sans tuer les banquiers, et les foules qui criaient de joie n'avaient pas le temps de remarquer la horde de pirates qui partaient tous dans la même direction.
Maxime buvait une énième gorgée de son verre. La musique faisait vibrer ses tympans et il observait le Casseur qui avait l'air concentré sur un bijou en or dans sa main. Le petit capitaine se dirigea vers Sidjil, dans le but de lui remonter le moral. Le pauvre barbare n'avait pas vu assez de sang ce jour là, et il avait été témoin de bien trop de bonheur. Maxime s'approcha de son capitaine et posa ses mains sur ses épaules.
-Bah alors, c'est quoi cette tête ?
-Je suis pas d'humeur, Biaggi.
Maxime prit ça comme une invitation et s'assit sur le banc à côté du Casseur, plongeant ses yeux dans les siens.
-Dis moi ce qui va pas.
-Max... Je comprend juste pas tes principes.
Il souffla un coup et repris une gorgée.
-C'est simple pourtant. Je t'ai déjà tout expliqué.
-Mais pourquoi tu t'obstines à vouloir une raison spécifique pour tuer ?
-Je savoure beaucoup plus mes victoires et mes morts. Et puis, aujourd'hui, on a fait des heureux en vidant cette banque.
-Oui, en risquant de se faire reconnaître !
-Oh, depuis quand c'est un problème pour toi ça ? D'habitude, la discrétion n'est pas ton objectif, et tu te fais reconnaître de loin.
Sidjil regardait Maxime en fronçant ses sourcils. Il ne comprenait sûrement pas tout, mais il était sur la bonne voie. Mais quelque chose faisait briller ses yeux.
-C'est un problème pour moi maintenant parce que ça te met en danger.
Le Capitaine Biaggi ne put s'empêcher de rougir et tenta de cacher son sourire dans sa main. Il était vraiment en train de s'attacher sincèrement à Maxime. Son plan n'était pas si foireux après tout. Il se rapprocha de lui sur le banc, effaçant tout l'espace qu'il y avait entre eux, et posa sa main sur celle tatouée du Casseur.
-Je croyais que j'étais en sécurité tant que j'étais avec toi.
-Oui, mais pas si tu t'amuses à montrer ta gueule à la moindre opportunité. Je pourrais pas te protéger si toute la marine nous attaque.
Maxime était vraiment touché par les paroles de Sidjil. Pendant ces quelques semaines en sa compagnie, il a pu voir qu'il ne s'agissait pas vraiment d'un gros méchant sans cœur mais plutôt d'un jeune homme perdu dans la haine.
-Je ferais plus attention, promis. Mais à condition que tu comprennes que tuer n'est pas nécessairement la meilleure option dans ses situations.
Un silence lourd mais apaisant s'installa entre eux. Sidjil caressait la paume de la main de Maxime tandis qu'il jouait avec ses bagues. La manche de la chemise du Casseur était retroussée et laissait entrevoir ses tatouages. Maxime glissait ses doigts le long des lignes du dessin, et remarqua les frissons que ça lui procurait.
-Pourquoi tu t'es tatoué un kraken sur tout le corps ?
-Je pense que tu connais la réponse.
C'était évident, et pourtant se dire qu'il en était conscient empirait la chose.
-Je suis le monstre de nos mers. Je tue tout sur mon passage.
-Mouais je vois, c'est pas plutôt pour le style?
-Bah, bien sûr que si. Une pierre deux coups.
-Je trouve pas que tu sois un monstre.
Ce mensonge arracha un rire au Casseur.
-Maxime, c'est pourtant pas ce que tu disais quand on s'est rencontré.
-Je te connaissais pas. Enfin, pas le vrai toi.
-Ah parce que tu penses me connaître maintenant ?
-Plutôt bien, oui.
Le sourire de Sidjil était tout ce qu'il y avait de plus précieux, à cet instant, aux yeux de Maxime. Puis il se rattrapa, car devait-il se laisser attendrir par ce soi-disant monstre ? Il voulait s'autoriser de prendre du plaisir dans son aventure, mais à quel prix ? Décidant que ces pensées seraient pour plus tard, il pris fermement la main du Casseur dans la sienne et se leva.
-Aller viens, on va danser.
-T'es pas sérieux...
-Si si !
Ce soir là, tout l'équipage chantait et dansait en chœur, célébrant leurs trésors. Maxime profitait des mains sur sa taille, des baisers sur ses joues, et bougeait contre son capitaine sur le rythme de la musique. Et il se rendait compte qu'il appréciait peut-être un peu trop cette nouvelle compagnie.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro