☾⋆｡𖦹 °✩

   — Comment te sens-tu ?

— Comment je me sens ?

— Oui.

— Comment...je me sens ? soufflais-je de nouveau.

Avec ses grands yeux dorés, elle me regarda silencieusement, attendant sûrement une réponse.

Comment je me sentais ? C'était une question bien étrange qu'elle m'avait posé. Étais-je censé ressentir quelque chose ? Il n'y avait pourtant que le bruit des vagues mangeant les côtes verdoyantes dans mon esprit. Rien qui puisse s'apparenter à de quelconques sensations. Seuls subsistaient ces souvenirs étranges qui me paraissaient presque venir d'une autre vie.

— Sens-tu ton cœur battre lorsque je te montre mon corps ? Est-ce que tu trouves ma voix douce lorsque je te chuchote des mots réconfortants ? Est-ce que... tu aimes quand je suis près de toi ?

Le bruit de l'eau mousseuse résonnait encore dans ma tête. Ses paroles se mêlaient à ce fracas rocailleux, si bien qu'elle n'avait aucun sens. Mise à part la mer, tout était vide en moi, qu'est que j'aurais pu penser de son corps et de sa voix ? Ils ne ressemblaient en rien aux rouleaux agressifs des vagues ni à leur lugubre mélodie. Même ses bras laiteux n'égalaient pas la pâleur de l'écume.

Voyant que je ne répondrai pas, elle prit délicatement ma main et la posa sur sa poitrine dévoilée. Je frissonnai sous ce contact froid et désagréable. J'avais la sensation de frôler une parois rocheuse et coupante. Cette femme devant moi, qui semblait vouloir se comparer à la mer, n'était en fait que la falaise qui se battait contre ses rafales brûlantes.

Elle cherchait mon attention, voulant remplacer les profondeurs sombres de mon esprit, pourtant elle n'y survivrait pas. Comme cette façade de cailloux qui se faisait découper par l'eau au fil des années, son être se ferait consumer par le chaos dévastateur que j'incarnais.

Devant mon silence qui durait plus qu'elle ne le souhaitait, sa patience atteignit ses limites. Ses lèvres s'approchèrent des miennes pour les sceller ensemble et elle entama un lent mouvement entre elles. Encore une fois, rien n'était comparable au territoire de Neptune. Son rythme était trop brusque pour imiter la danse hypnotisante de l'eau, il me donnait presque un goût de bile dans la gorge.

Pourquoi essayait-elle de se faire une place dans cet espace inhospitalier ? Même avec le plus robuste des bateaux, elle aurait coulé avant d'avoir pu se délecter de mon corps.

Face à cette réalisation, une larme roula sur ma joue, s'écrasant sur le sienne au passage. Si j'avais pu lui offrir un voilier solide et rapide je l'aurais fait. Malgré tout ce que je pouvais me persuader, cette mer de solitude me pesait plus que je ne voulais l'avouer et j'aurais aimé que quelqu'un l'apprivoise et navigue dessus avec ferveur. Cependant je savais cela impossible et ce fut la raison de mes pleurs, qui donnèrent un goût iodé à notre baiser.

Ce jour-là, je sus que je serai un marin solitaire dans cette mer de brume.

Hymne aux vies égarées.

☾⋆｡𖦹 °✩

Je me retiens de spam prc j'ai trop de textes qui hibernent.