Jacob 

Mes doigts effleurent ma lame en repensant au corps de Rachele sous mes caresses. J'aurais aimé poursuivre nos ébats toute la nuit, la voir griffer ce marbre un peu plus fort, mais je dois finir ce que j'ai commencé pour pouvoir l'honorer comme je me le suis promis. Je l'avoue, je me suis infiltré dans son esprit pour la détendre et l'amadouer plus facilement. Notre moment énamouré, aussi agréable soit-il, m'a permis de lui voler quelques gouttes d'énergie avant l'affrontement. Ce doux flux sucré et brillant, qui la caractérise et me rend plus puissant, est un bonbon que je ne peux m'empêcher de suçoter.

Mes yeux quittent les reflets métalliques pour se concentrer sur les environs. Comme je m'y attendais, il n'a pas été difficile de retrouver la piste de Karl Goldon. Pas malin et trop sûr de lui, il n'a pas jugé utile de prendre la peine de couvrir ses traces même en se sachant pourchassé.

Grave erreur.

Maxence et Xyu, ces petits génies de l'informatique, n'ont mis que quelques heures pour me donner toutes les informations dont j'avais besoin pour démarrer ma traque. Si on veut folâtrer avec le diable, il est important de connaître le b-a-ba de la survie. Goldon se pense, à l'évidence, protégé et invincible, mais quand il s'agit de mon équipe, aucune âme n'est épargnée. Et cela vaut aussi pour les prétendues grosses têtes du crime. À partir de l'instant où ils enfreignent mes règles, je ne joue plus franc-jeu.

Caché par l'ombrage des arbres, je m'avance à pas de loup vers la bâtisse avec Kyle et Edward tandis que Xyu nous attend plus loin avec la voiture, prêt à démarrer au moindre signe de ma part. Quant à Tyler, il est resté avec Samuel et les filles afin de pouvoir intervenir en cas de besoin.

La nuit nous couvre de sa pénombre protectrice. Néanmoins, j'ose espérer qu'un homme comme Karl Goldon est muni de caméras spécifiques, capables de nous repérer même dans la noirceur. Sinon, je risque d'être déçu. Une proie trop facile n'a pas réellement de saveur.

— Il y a bien des infrarouges, on va pouvoir prendre leur contrôle, mais pour une durée limitée, m'informe Xyu dans l'oreillette.

Mon esprit bouillonne à l'idée de cette chasse. À l'image d'un renard, je vais me faire un plaisir à déterrer le lapin de son terrier. Un frisson parcourt ma peau avant de caresser ma nuque. Mon corps se prépare à l'attaque alors que l'excitation et l'euphorie me gagnent. La bête salive par avance des tortures qu'il infligera à ce rat d'égout.

À la seconde où nos pirates informatiques nous informent de la mise en veilleuse des caméras, un sourire pervers se dessine sur mon visage. Mes sens en ébullition, j'entame la destruction. En quelques enjambées, je parcours la distance jusqu'au garde le plus proche. Il ne m'entend pas arriver et ne me remarque qu'à l'instant où je m'empare de sa nuque pour la briser. Le craquement qui résonne sous mes doigts est jouissif. Rapide, simple, efficace. Je n'aime pas m'attarder sur des choses inutiles alors qu'un autre m'attend.

Une fois à l'intérieur, Kyle et Edward neutralisent les deux gardes qui viennent sur nous tandis que je supprime deux autres près de l'escalier en enfonçant ma lame démoniaque dans leurs artères. Je m'octroie tout de même une seconde d'ivresse en voyant leurs veines se noircirent et leurs yeux se gorger de sang pendant que les forces du mal s'emparent de leurs âmes sombres.

Étonnamment, l'accalmie qui règne est telle que même les battements de mon cœur me semblent bruyants. Trois étages et vingt hommes me séparent de ma victime. Je n'ai que quinze minutes pour arriver à mes fins. Quinze minutes durant lesquelles mon équipe et moi devons éliminer en silence ceux qui se mettront sur notre chemin.

Je gravis les marches, suivi de Kyle et Edward. Nous sommes des tueurs nés, aussi discrets que la brise si bien que personne ne nous remarque en dépit de notre progression. Edward m'informe de la présence d'un homme dans le couloir adjacent à ma position.

Mes iris se couvrant d'une couleur vermeille, je me concentre sur les battements de son cœur et de ses pas.

Un... deux... trois...

Je lui assène un coup dans les parties, puis dans l'estomac avant de planter mon arme dans son orbite. J'accompagne la chute du corps pour ne pas qu'il s'effondre dans un bruit assourdissant. Outre leur évidente faiblesse, cette demeure reste bien gardée. Je ne veux pas alerter la cavalerie en laissant cette armoire à glace briser le silence. Je désire que mon effet de surprise soit total pour voir s'afficher sur le visage de Goldon une mine terrorisée en comprenant qui vient le trouver.

Maxence nous informe du peu de temps dont nous disposons. Nous devons nous hâter. À l'instar des précédents, nous éliminons un à un les gardes de Karl sur les deux premiers étages. Certains étant plus coriaces que d'autres ajoutent un peu de piment à l'équation. Je peux ressentir le plaisir à chaque coup de lame qui traverse la chair de mes ennemis. Leur lente et silencieuse agonie est une véritable drogue.

Alors que nous parcourons les derniers mètres qui nous séparent de notre victime, un long couloir s'étire devant nous, avec, au bout, une seule et unique porte. Des gémissements de femme s'étendent jusqu'à nos oreilles et nous arrachent un sourire pervers. Goldon n'a pas perdu ses bonnes habitudes. Je ne pouvais pas rêver mieux comme humiliation. Profite mon gars, c'est l'ultime fois que la douceur viendra à toi.

Edward est le premier à s'engager. Maxence nous donne cinq minutes, pas une de plus, pour attraper notre homme et déguerpir. Après ça, il ne restera que des cendres du poste de sécurité ainsi que de la maison. Brûler et réduire tout en miettes sur notre passage n'est pas vraiment discret et écologique, mais cela a le mérite d'effacer chacune de nos traces. Je ne suis pas peu fier de voir les chargés d'enquête nous affubler le nom de fantômes de feu. J'avoue avoir un narcissisme particulièrement développé sur ces sujets.

Trois... Deux... Un... Kyle fait voler la porte tandis que nous nous engouffrons dans la brèche. Aussitôt, les hurlements des deux femmes nous agressent les oreilles alors que le perfide tente de comprendre la situation. Au moment où son regard croise le mien, la peur qui se dépeint sur son visage est jouissive. Il écarquille en grand les yeux et sa respiration devient sifflante, sans parler de sa peau qui blanchit à vue d'œil.

Avec une démarche de prédateur, je m'approche de ma victime. En me voyant jouer avec ma lame, les deux femmes supplient et pleurent à chaudes larmes en me priant de les épargner. Qu'elles se rassurent, leur mort ne sera pas aussi atroce que celle qu'inflige mon arme. Néanmoins, il est bien dommage que ce monstre soit le dernier homme qu'elles aient connu. Son énorme bedaine recouverte de poils et son sexe à moitié mou entre ses cuisses de porc me feraient presque grimacer. Je ne parle même pas de l'odeur immonde qui traduit un manque d'hygiène évident.

— Karl ! Je suis ravi de voir que mon visage te dit toujours quelque chose.

Je fais signe à Edward et Kyle qui s'empressent de saisir Goldon avant de l'entraîner hors de la pièce. Il tente de se débattre, mais mes hommes sont bien plus habiles. Les créatures telles que nous sont bien plus avantagées que les humains quand il s'agit de force, surtout si nous avons affaire à ce genre de faiblard. Le bougre essaie d'attraper les parties génitales d'Edward qui lui répond en lui assénant un coup bien placé. Ce simple rappel suffit à le faire obéir. Mon otage comprend bien vite qu'il n'a pas d'autre choix que de me suivre s'il veut s'épargner le maximum de souffrance. Les humains doivent se prémunir des démons avant leur entrée dans les maisons, car une fois un pied posé sur le territoire de sa victime, il n'y plus de retour possible.

Je ne pouvais pas rêver d'un moment plus propice pour l'enlever. L'humiliation est à son comble tandis qu'il s'avoue vaincu en traversant les étages dans le plus simple appareil devant les cadavres de ceux qui étaient censés le protéger.

— Trente secondes, m'informe Maxence dans l'oreillette.

Le compte à rebours a déjà commencé alors que nous arrivons justes à temps à la camionnette. Le bruit de l'explosion me déclenche une vague de frissons appréciateurs à laquelle s'ajoute le visage rongé d'effroi de Goldon qui observe, impuissant, son patrimoine partir en fumée.

— Tu aurais pu les épargner ! s'écrie-t-il.

À cette remarque, mon regard vient se fixer dans le sien avant de virer au rouge sang. Par fierté, il tente de me faire face, mais finit par se céder, horrifié. Si mes yeux peuvent être un véritable piège pour attraper mes proies, ils peuvent également refléter autant de peur et de sordidité que je le souhaite. Leur capacité à transmettre mes visualisations est exceptionnelle.

— Je leur ai offert une mort bien plus douce que la tienne. J'estime que c'est déjà grand seigneur de ma part.

Ma victime devient livide tandis que ses traits se tordent de terreur. Par instinct de survie, il essaie une nouvelle fois de s'échapper en dépit de mes mises en garde. Néanmoins, Kyle, qui se trouve juste à côté, l'immobilise fermement, l'assomme, puis le jette sans précautions à l'arrière de la fourgonnette.

J'ai toujours demandé à mes ennemis de ne retenir qu'une seule et unique chose : s'en prendre au Corbeau, c'est défier le diable lui-même.

Où que tu te caches...

Quoi que tu dises...

Peu importe ce que tu fasses...

Aucun être ne peut m'échapper.

La chasse est pour moi une seconde nature. Je deviens cette ombre qui te suit dans la nuit. Je me dissimule parmi tes amis pour te pousser au désespoir. Je hante tes rêves pour t'affaiblir. Et lorsque tu n'es plus que le reflet sans vie de toi-même, je me présente devant toi pour que tu me supplies de t'achever. À cet instant, tu m'imploreras de mettre fin à tes tourments, mais je ne le ferai pas. Ta mort sera lente et mélodieuse, une agonie interminable jusqu'à ce que les cris de ta souffrance apaisent ma soif de vengeance et scellent ton destin.