Jacob

L'exécution de mes ennemis ne cesse de mûrir dans mon esprit. Plus j'y pense, plus ma créativité concernant les différentes tortures se développe. En dépit de notre repli, je ne m'avoue pas vaincu. Je continue la traque en étudiant le moindre détail. Ma lame démoniaque dans la main, j'observe son éclat, assis sur les marches de l'escalier. Je la fais lentement glisser sur mes doigts. Quelle est la partie du corps humain la plus douloureuse à découper ?

— Comment va Sam ? demandé-je à Tyler, en le voyant arriver du coin de l'œil.

Mon ami soupire. La fatigue se lit sur ses traits. Les blessures de Samuel étaient assez graves, il a dû utiliser beaucoup d'énergie pour le soigner. Les cernes qui ornent son visage témoignent de son acharnement.

— Il devrait s'en sortir, mais le voyage a été rude. Il a besoin de tout le repos qu'on pourra lui offrir, conclut-il en se massant la nuque.

J'acquiesce silencieusement.

— J'ai bien l'intention de faire payer ça à Roman lorsque je lui mettrai la main dessus.

Je jette un rapide regard vers l'escalier avant de pousser un long soupir. Tyler constate mon agacement et sourit.

— Laisse-leur le temps. Les femmes sont beaucoup plus sensibles que nous.

Sa remarque m'arrache un rire. En dépit de ses blagues machistes, je sais que Tyler respecte la gent féminine. Elles ont été nombreuses à succomber à son charme, mais il n'a jamais fait de promesses qu'il ne pouvait pas tenir. Aussi étonnant que cela puisse paraître, un seigneur démon n'a pas que de mauvais esprits sous son commandement.

— Jacob ! s'écrit soudainement Maxence en sortant de nulle part. J'ai trouvé quelque chose susceptible de t'intéresser !

Tout fier, il me tend une photo. Je reconnais aussitôt Mina émergeant de la salle de sport. Je hausse un sourcil interrogateur sans comprendre où il veut en venir.

— J'ai analysé les clichés pour tenter de repérer des indices capables de nous renseigner sur l'auteur. Je ne m'attendais pas à être aussi productif, mais il faut croire que je suis plus doué que je ne le pensais.

— Le narcissisme est une très bonne chose Maxence, mais pourrais-tu m'éclairer sur ta fabuleuse découverte ? ironisé-je.

Il lève son index droit, pince ses lèvres, puis me tend une photo identique, avec cette fois-ci, un agrandissement sur le côté gauche. À l'instant même où je remarque le détail, mon sang bouillonne d'impatience.

— Notre cher paparazzi n'est vraiment pas malin, continue-t-il. Lorsqu'il a écarté le buisson pour dégager le paysage, cet imbécile à photographier sa main. Regarde sa chevalière.

Le symbole du bijou m'est particulièrement familier en dépit de la mauvaise qualité de l'image. Un serpent autour d'un humain suffoquant. Un sourire machiavélique apparaît au coin de mes lèvres. Ce pictogramme se rapporte à la maison Goldon. Escrocs à haute échelle dans la finance, on peut dire qu'ils ont eu un certain nombre de différents avec mon géniteur. Si j'avais dû tenir une liste de tous les hommes appartenant à Karl Goldon que j'ai éliminé, il y aurait de quoi repeupler un village. Outre le fait de lui avoir volé sa maîtresse favorite, ce bon à rien m'a toujours voué une haine inconditionnelle.

Évidemment. Comment n'y ai-je pas pensé plus tôt ?

Karl n'est pas seulement un ennemi de longue date, c'est aussi un indic pour les fils de Reian. Un humain qui traîne dans les milieux peuplés de démons, une aubaine pour ces enfoirés. On pourrait croire que ces chevaliers à la bonne parole sont regardants quant à leurs pions, mais il en est tout autre. Du moment que l'humain en question leur permet de tuer de la créature, ils se fichent bien de ses autres délits. Dans le pire des cas, ils les éliminent. « Dommage collatéral », « humain perverti », « humain adepte de Dionyssan », ils ont de l'imagination lorsqu'il s'agit de trouver une raison pour se débarrasser d'une personne encombrante. Karl aurait-il voulu se venger de mon long entraînement à la torture sur ses sbires ? Richard m'a imposé un niveau avant de me donner des missions plus conséquentes. En bon fils obéissant, je n'ai pas chômé.

— Goldon ? s'interroge Tyler. On parle bien du même Karl dont la maîtresse est apparue à la dernière œuvre caritative à laquelle il a participé ?

Je hoche positivement la tête, déclenchant une franche hilarité chez mon ami. Karl n'a jamais été réputé pour son charisme, son talent pour les affaires ou sa beauté. En revanche, beaucoup l'ont traité comme un prince pour profiter de son argent et ses contacts. Avantages qui tendent à disparaître avec le temps et qui s'envoleront définitivement lorsque j'en aurai fini avec sa vieille carcasse. Des flammes dansent dans mes iris en me sentant de plus en plus proche du but.

— Tu vas me devoir une bonne pipe pour avoir mis la main sur ce détail ! s'exclame Maxence.

Je relève les yeux vers sa mine amoureuse et m'esclaffe devant son regard de biche.

— J'accepte, seulement si tu me laisses t'élargir juste après, répliqué-je.

— Quelle vulgarité ! s'offusque Tyler.

— Arrête, je vais jouir dans mon pantalon ! s'écrit l'autre. Un bad boy comme toi ça ne se refuse pas. Qui pourrait dire non à Jacob Natan ? D'ailleurs, Tyler, je suis sûre qu'il y a une place pour toi à bord du navire du plaisir.

— Prépare-toi pour une chevauchée sauvage, mon mignon ! ajouté-je devant la mine horrifiée du sorcier.

Maxence tend ses fesses avant de les agiter sous mon nez. Je frappe sonpostérieur en me levant, puis monte à l'étage me concentrer loin de l'espiègleriede mes camarades. Ma nouvelle proie en tête, un sourire pervers se dessine surmon visage. Que la chasse commence.