Rachele

Contre toute attente, il a accepté en me disant d'être prête pour vingt heures. Puis, contrarié, il est sorti de l'appartement et n'est pas revenu de la journée. Il faut croire que le destin est de mon côté. Un signe de plus ?

Pour cette occasion un peu spéciale, j'ai prévu le coup. Un pull beige simple, un slim noir, des bottines de la même couleur. Pour agrémenter la tenue, une ceinture, un collier en argent et un couteau à planquer dans la poche intérieure du manteau. Cristina Cordula aurait certainement validé ce look « rencard forcé avec mon potentiel futur petit-ami qui est certainement un mafieux comme son père ». Même si je n'ai jamais eu de preuves quant aux malversations de Richard Natan, je ne suis pas assez naïve pour le penser bienveillant. Personnage politique important, il y a quelques allées et venues qui m'ont toujours paru étranges. Adolescente à l'époque, je n'ai compris que bien plus tard que j'avais été témoin malgré moi.

Et dans ces milieux, le père éduque souvent le fils pour qu'il reprenne le business lorsqu'il sera trop vieux. En repensant à la façon dont Richard a traité Jacob, je suis prête à parier que ces sorties nocturnes ne sont pas que des folies inconscientes, bien au contraire. Jacob sait ce qu'il fait.

Prête à affronter les monstres qui peuplent nos nuits, je m'empare de ma veste en cuir avant de regarder l'horloge. Dix-neuf heures cinquante. On y est. Il n'y a plus de retour possible. Le cœur battant à tout rompre, l'estomac écrasé par la pression, j'attrape les clés de l'appartement puis sors. J'aurais peut-être dû faire une séance de sophrologie avant de partir, mais les dés sont jetés. Cette soirée va être déterminante. Pour lui comme pour moi.

Une fois dans le couloir, j'appelle l'ascenseur. J'espère ne pas regretter cette soirée. Jacob est un homme plein de secrets et j'ai foncé tête baissée pour qu'il me les partage. Mon reflet dans le métal me renvoie une jeune femme terrifiée à l'idée de plonger dans les ténèbres, mais pas que. Dans mes yeux, de la détermination et un brin d'excitation. Jacob n'aurait pas accepté n'importe qui à ses côtés. Rien que ce constat, mon cœur frémit.

Alors que j'émerge de l'immeuble, une vague de froid vient à ma rencontre. Mon corps se met à trembler sous l'effet du choc thermique. Je n'ai toutefois pas à greloter bien longtemps. Quelques secondes après ma sortie, j'entends ronronner le moteur de la sportive noire.

« Une vraie voiture de mafieux », pensé-je.

Jacob se gare devant l'entrée avant de sortir m'ouvrir la porte tel un gentleman. Un criminel avec de l'éducation, personne ne pourrait soupçonner que Jacob Natan est un mauvais garçon aux allures de sociopathe. Il me fait signe de monter. Sans discuter, j'obéis. Je me suis déjà assez fait remarquer ce matin. Quant à ma présence, je me doute qu'elle est tolérée pas désirée.

À l'instant où j'entre dans l'habitacle, l'odeur de voiture neuve mélangée au parfum océan de Jacob me saisit. J'inspire à fond comme une droguée. Il attend que je sois bien installée puis referme la porte sur moi. J'ai juste assez de temps pour apercevoir son regard sur ma tenue et son sourire en coin. Cette simple esquisse me déclenche une série de frissons et une douce moiteur s'installe entre mes jambes.

Seigneur !

Cette soirée promet d'être longue. Il se rassied sur son siège avant de se tourner vers moi.

— Prête ? me demande-t-il, une lueur joueuse dans les yeux.

Je hoche de manière positive la tête. Satisfait, il démarre en trombe et prend la première sortie pour s'engager sur l'autoroute. Le soleil est déjà couché et la seule lumière qui nous éclaire est celle des phares des autres véhicules.

Alors qu'il reste silencieux, je ne peux m'empêcher de l'observer discrètement. Ma présence ne l'enchante pas et une partie de moi se demande s'il ne va pas me faire regretter de m'être invitée. Une autre lui répond que c'est très probable et une peur insidieuse se mêle à l'angoisse. Mais ces deux sentiments sont contrastés par l'excitation qui me prend aux tripes. Aurais-je un côté vilaine fille ? Quelque part, je suis auteure de dark romance. Je ne peux nier que les hommes comme Jacob sont aussi addictifs que de l'héroïne à haute dose. Il est vêtu d'un jean noir, des chaussures de marche marron ainsi que d'un sweat-shirt noir avec au dos les inscriptions : « Joue quand tu le peux, chasse quand tu le dois ». Cette dernière phrase me donne la chair de poule. Il est décontracté, mais sexy. Heureusement que j'ai opté pour le même style ! J'aurais eu l'air maline en robe Gucci !

Nous roulons depuis quinze bonnes minutes lorsqu'il sort des voies rapides. Tandis qu'il s'arrête au feu rouge, ses yeux quittent le pare-brise pour s'attarder un peu plus sur moi. Avec lenteur, il remonte ma jambe, ma cuisse, mon ventre, mes seins, mon cou. L'atmosphère devient lourde. Je me dandine en essayant de faire passer les contractions de mon bas-ventre. Accepter un peu plus mes sentiments pour Jacob, c'est ressentir encore plus de sensations dans mon corps. Et le jeune diable n'est pas dupe.

— Où allons-nous ? dis-je en tentant de faire redescendre la tension sexuelle entre nous.

Ses iris incandescents effleurent une dernière fois mes courbes avant de s'immiscer au plus profond des miens. La folie que j'y lis me déclenche des tremblements dans tout le corps. Est-ce qu'il va me punir ce soir même ? Est-ce qu'il a déjà prévu sa vengeance ? Il ne peut pas me faire de mal, n'est-ce pas ? Malgré mon entêtement, j'ai l'espoir que ses paroles dans la ruelle ne soient pas vaines. S'il m'a demandé de céder à mes instincts les plus profonds, ce n'est pas parce qu'il ressent la même chose ? Je souffre très certainement d'un problème mental pour être à la fois si excitée et si effrayée par cet homme.

— Tu verras quand on y sera, répond-il.

Je le regarde, intriguée et peu rassurée. Dans quel pétrin me suis-je encore fourrée ? Joue-t-il de ma peur pour m'apprendre à mettre mon nez dans ses affaires ?

Sans un mot de plus, il sort de la route normale avant d'emprunter des chemins de terre sinueux. Mon angoisse triple, ma poitrine commence à être douloureuse, mon ventre se tord. Personne ne retrouvera jamais mon corps s'il décide de me tuer maintenant. Mon cœur palpite comme si mon heure avait sonné et ma jambe commence à trembler. Sentant ma détresse, il pose alors sa main sur mon genou. Son contact m'électrise et brûle ma peau alors que son regard de braise se fait moqueur. Il joue de mon ignorance, il laisse planer le doute exprès.

— N'ait pas peur, jeune biche, le grand méchant loup n'a pas l'intention de te dévorer ce soir, raille-t-il. Tu auras ta punition une autre fois.

Aïe ! Ce regard me rappelle ce matin alors que son corps bloquait le mien.Je suis bonne pour changer de culotte en rentrant ! Celadit, soulager mon clitoris de toute cette tension accumulée n'est pas mapriorité. Ma préoccupation actuelle est de savoir où il m'emmène. Cet homme metourmente d'une façon si particulière qui lui est propre. Comment résister ? Et si cette soirée se révèle positive, vais-je oser l'inviter dans monlit de vive voix cette fois-ci ? Masanté mentale est déjà fichue.