Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Jour 11: Jour de Noël an de grâce 999

Mot de l'organisatrice: Bonsoir, voici l'OS de beatrixbihuglaz, n'oubliez pas de mentionner l'auteur lorsque vous commentez ;-)

PS: Dans un petit moment d'égarement, on s'est dit que ça pourrait être drôle d'avoir une difficulté supplémentaire, du coup voici les mots qu'il fallait caser dans l'OS: Gnocchi, Remous, Harmonique, Torpiller, Aller-retour. Les mots ont été choisis au hasard dans le dictionnaire. 

Mot de l'autrice:  Et joyeux Noël à tous!

--------------------------------------------------

Helga n'avait jamais été très douée pour les sortilèges de chaleur. Les courants d'air, les grands froids hivernaux, ce n'était pas vraiment son pot de mandragore – quoiqu'elle savait mieux y faire avec les mandragores. Voilà pourquoi elle s'en remettait à la bonne vieille méthode moldue pour réchauffer la petite pièce glacée qui lui servait de chambre : des tapisseries au mur, un feu ronflant dans la cheminée, un poêle glissé entre ses lourdes couvertures, ses braies les plus chaudes. Et en cette journée du 25 décembre de l'an de grâce 999, la température était particulièrement glaciale.

Heureusement pour elle, les cuisines de Poudlard n'étaient jamais froides.

Ce jour-là, Helga avait insisté auprès des elfes de maison pour qu'ils lui laissent la place aux fourneaux. Les petites créatures s'étaient bien évidemment empressées de lui proposer son aide pour confectionner toutes sortes de tourtes, ragoûts et pâtés, mais Helga avait secoué la tête jusqu'à ce qu'elles abandonnent, les yeux larmoyants de se voir offrir un jour de congé. Depuis lors, elle s'acharnait à cuire, pétrir, garnir, mélanger, rôtir, écraser et braiser quantités de viandes, poissons, œufs et pains savoureux qui, elle le savait, ravirait les papilles de ses élèves.

Voilà quelque chose en quoi elle excellait : les sortilèges culinaires. Avec un sourire satisfait, Helga essuya ses mains humides sur son tablier taché, et couva d'un œil appréciateur les casseroles qui se lavaient toutes seules et les plats qui volaient à travers les grandes cuisines du château. Dans quelques heures, tout serait cuit, et les élèves s'installeraient dans la Grande Salle pour y goûter le dernier festin de Noël du millénaire.

- Maîtresse Helga, ma Dame ! couina une minuscule voix à ses pieds.

Helga sursauta et baissa les yeux sur l'elfe de maison aux grandes oreilles qui tirait sa robe d'un geste angoissé.

- Sìthiche ? As-tu un problème ?

L'elfe de maison secoua la tête en faisant claquer ses oreilles sur ses joues.

- Oh, non, maîtresse Helga, ma Dame, Sìthiche n'a pas de problème, Sìthiche n'a aucune raison de se plaindre ! En revanche, les armures du cinquième étage se sont battues, et les couloirs sont dans un état tel que...

Helga soupira. Les armures. Encore une idée de Godric. Elle aurait dû se douter qu'elles ne pourraient résister à toute la tension magique qui crépitait entre les élèves ; elles étaient bien trop sensibles pour rester à proximité de jeunes sorciers qui ne maîtrisaient pas encore les subtilités de la magie. Et en ce jour de fête... inutile de dire que Poudlard courait à sa catastrophe, avec toutes ces armures dans tous ces couloirs à tous ces étages...

- Merci de m'avoir prévenue, Sìthiche, dit-elle à la pauvre créature qui semblait au bord des larmes. Va profiter de ton jour de congé, je m'occupe de tout.

L'elfe hocha la tête et disparut dans un pop ! sonore. D'un coup de baguette, Helga donna ses dernières directives au ragoût de sanglier et aux serpillères travailleuses, puis empoigna sa robe et se dirigea d'un pas vif hors des cuisines, vers le cinquième étage.

Dans les couloirs, les élèves s'amusaient à se jeter des sorts inoffensifs, déguisés en fous, en rois, en fées et en Vikings – ce que Helga trouvait particulièrement de mauvais goût, eu égard aux récentes invasions barbares que le royaume d'Écosse avait essuyées ces dernières années. Certains chantaient des cantiques, d'autres s'échangeait osselets et jeux de cartes, quelques-uns encore décoraient les rampes d'escalier et les rares armures encore sages. Tous la saluaient.

- Bonjour, ma Dame !

- Joyeux Noël, Dame Helga !

- Belle journée, non ?

- Dame Helga !

Helga, qui, jusque-là, avait répondu aux saluts de ses élèves d'un hochement de tête avenant, s'arrêta à ce dernier appel. Un garçon de dix-neuf ans trottinait vers elle, habillé de ses plus outrageantes guenilles colorées. Si on s'en référait à la couronne qui aplatissait ses longs cheveux ondulés, il devait avoir été nommé abbé des sots par ses camarades.

- Ah, Sir Merlin, s'écria-t-elle en reprenant son chemin. Venez avec moi, je vous prie ! Vos talents en sortilèges nous seront utiles.

- Ma Dame ? s'étonna Merlin en arrivant à sa hauteur.

- Les armures du cinquième étage semblent poser problème. J'espère que vous n'avez pas chômé pendant les leçons de Sir Godefroy, mon garçon !

L'adolescent ricana.

- Vous savez bien que rien ne me fait plus plaisir que de suivre les enseignements de Sir Godefroy, ma Dame.

Peut-être était-ce du sarcasme ; peut-être n'en était-ce pas. Avec le jeune Merlin, Helga ne savait jamais sur quel pied danser. Un pur produit de Serpentard.

Enfin – il était prodigieux. Il excellait dans toutes les matières, des potions à l'arithmancie, en passant par l'écriture et, bien sûr, les enchantements. Et il ne serait certainement pas de trop pour calmer les armures de Godric.

Lorsqu'ils arrivèrent au cinquième – tous ces allers-retours ne sont plus de mon âge –, Helga se félicita d'avoir demandé de l'aide à Merlin : le premier couloir qui s'offrit à leur vue était jonché de bouts d'armures gigotant ; ses tapisseries étaient déchirées ; un chandelier était tombé à terre ; une fenêtre avait été torpillée et des débris de verre miroitaient sur le sol comme du givre. De gros flocons s'engouffraient dans le couloir. Helga soupira.

- Nom d'une chouette, nous voici dans de beaux draps, dit-elle avant de sortir sa baguette.

Le jeune Merlin la suivit et ils arrangèrent un premier couloir, dans un concert de Reparo et de Tergeo. Lorsqu'il fut remis en état – les tapisseries brodées à nouveau, la fenêtre reconstituée et les armures démembrées remises à leur place –, ils s'engagèrent dans un second couloir, qu'ils trouvèrent pareillement désordonné.

Corridor après corridor, Helga et Merlin enchantèrent les armures qui se battaient entre elles, réparèrent les dégâts qu'elles avaient causé – et allumèrent les chandelles qui ornaient les murs du cinquième étage de Poudlard, l'une après l'autre. On était le jour de Noël, tout de même.

- Votre poignet doit être un peu plus souple sur ce sortilège, Sir Merlin, commenta Helga alors qu'ils s'appliquaient à déterrer une armoire ensevelie sous une pile de pierres.

- Sauf votre respect, ma Dame, répondit l'élève, mon poignet est aussi souple que souple peut être.

Helga ne releva pas l'insolence. L'autorité ne lui réussissait pas tellement – plutôt contraignant lorsqu'on dirigeait la seule école de magie de Grande-Bretagne. Elle misait plutôt sur le travail acharné et l'autodiscipline, qualités qu'elle trouvait bien plus édifiantes que l'obéissance. D'autant plus que le jeune Merlin se débrouillait remarquablement bien, malgré la raideur de son poignet.

Elle pouvait lui passer l'arrogance de son jeune âge.

- Par tous les saints ! s'écria Merlin alors qu'ils finissaient de redresser l'armoire.

- Qu'y-a-t-il ?

Il ne répondit pas à Helga ; mais d'un simple mouvement de baguette, il ouvrit les portes de l'armoire – dans laquelle une petite fille était recroquevillée, les mains sur la tête et les genoux sales sous sa robe de Serdaigle, visiblement paniquée.

- Oh, Ciel...

Helga se baissa pour tendre les bras à la petite fille – une première année, à n'en pas douter – mais celle-ci échappa à sa poigne maternelle.

- Tu n'as pas à avoir peur, les armures ont fini de se battre, dit Merlin derrière elle.

- Venez par ici, ma chère, que nous vous emmenions à l'infirmerie, ajouta Helga.

Mais la petite éclata en sanglot, balbutiant des mots hachés dans une langue que la directrice ne comprenait pas. Oh, pensa-t-elle. Elle devait parler un dialecte celte, ou anglais. Helga ne comprenait que le gaélique, sa langue maternelle.

- Nous devrions vraiment mettre en place des leçons de linguistique à Poudlard, soupira-t-elle.

Elle leva sa baguette et, dans l'obscurité de ses paupières closes, invoqua ses souvenirs les plus heureux – Rowena lui prenant la main lors de leur première Répartition ; le rire de ses fils ; Salazar et Godric goûtant ses plats ; l'ouverture des portes de Poudlard ; le sourire de son amant. Ses entrailles baignèrent bientôt d'une chaleur réconfortante ; ses oreilles tintèrent d'arpèges harmoniques ; son nez s'emplit de senteurs bienvenues. D'un effort de volonté, elle expulsa ce bien-être à travers sa baguette sous la forme d'un blaireau argenté, lequel vint se lover tout contre la pupille de la Serdaigle. Celle-ci, émerveillée, arrêta ses sanglots, et passa la main à travers le pelage tiède et lumineux du blaireau.

- Quelle magie extraordinaire, commenta Merlin par-dessus son épaule. Qu'est-ce ?

Helga prit doucement la main de la première année, enfin calme, pour la faire sortir de l'armoire. Elle arrangea ses fins cheveux roux avant de répondre à Merlin :

- Il s'agit du sortilège du Patronus. Il n'est que trop peu enseigné, bien qu'extrêmement puissant. L'un des sorts les plus difficiles que je connaisse.

D'un coup de baguette distrait, elle ordonna au désordre du couloir de s'arranger ; puis elle prit la main de la première année et l'emmena vers un passage secret qu'elle savait mener vers les appartements de l'infirmière, le blaireau argenté à leur suite.

Merlin lui emboîta le pas, presque sautillant.

- Pourriez-vous m'apprendre, ma Dame ? Je sais que je peux y arriver !

La directrice laissa échapper un petit rire – souleva la tapisserie qui masquait l'entrée du passage secret – et lança un regard à Merlin, dont les yeux bruns brillaient d'une lueur enjouée.

- Oh, je ne doute pas que vous ayez les qualités magiques pour effectuer un tel sortilège, Sir Merlin. En revanche, vous devrez faire appel à des souvenirs positifs, laisser l'émotion vous envahir, vous emplir entièrement ; et parvenir à la rejeter sous une forme qui représente votre psyché profonde. Il faut éprouver beaucoup de paix pour se confronter à soi-même d'une telle façon.

Merlin baissa les yeux, visiblement pensif.

- Dame Rowena, Sir Salazar et Sir Godric y arrivaient-ils ?

La question prit Helga au dépourvu ; sans en avoir conscience, elle resserra sa main sur les doigts de la petite fille. Voilà qui était à la limite de l'insolence qu'elle pouvait accepter.

- Sir Salazar et Sir Godric ont toujours eu une aisance naturelle pour ce sortilège, répondit-elle dans un souffle. Dame Rowena n'a plus eu le cœur à produire un Patronus après la mort de sa fille.

Un silence s'installa entre eux, seulement brisé par le bruit de leurs pas dans le couloir de pierre éclairci par la lueur du blaireau lumineux. Helga tenta de repousser les souvenirs douloureux pour préserver l'éclat de son Patronus ; mais les images de Rowena sur son lit de mort l'assaillaient ; les échos de la discorde entre Salazar et Godric lui écorchaient les oreilles ; son propre désarroi face au départ de ses amis lui revenait. Petit à petit, la lumière du blaireau s'affaiblit, jusqu'à disparaître. Ils s'arrêtèrent. Merlin alluma sa baguette.

- Viendront-ils pour le festin de Noël, ma Dame ? l'interrogea-t-il.

Helga laissa un triste sourire étirer ses lèvres sèches.

- Je ne pense pas, non, murmura-t-elle. Noël est une fête moldue. Salazar ne fera pas cet affront à son sang pur. Quant à Godric, je crains qu'il n'ait trop de soucis de santé pour revenir à Poudlard.

Merlin hocha la tête, l'air songeur. Helga dut se faire violence pour se rappeler que le jeune homme en face d'elle était un élève ; elle devait se reprendre, rester la Dame Helga qui avait fait le deuil de son amie d'enfance, qui avait accepté le départ de Salazar, qui tenait seule les rênes de Poudlard depuis la retraite de Godric, deux ans plus tôt. Elle prit une grande inspiration, et se permit une dernière parole avant de retourner dans la peau de cette Dame Helga que les élèves aimaient tant.

- Nous sommes de vieilles personnes, mon cher, dit-elle d'une voix calme. Nous avons vécu notre vie – Dame Rowena, paix à son âme, l'a déjà terminée. Il est venu le temps de nous recentrer sur ce qui compte vraiment. Sir Godric a besoin de rester éloigné du monde. Quant à Sir Salazar, vous ne l'avez pas connu, mais je peux vous assurer qu'il se plaît à merveille en sa propre compagnie.

Elle reprit sa route, la menotte de la pupille de Serdaigle toujours glissée dans la sienne, et sa baguette éclairant le passage secret à ses pieds.

- Mais Poudlard n'est-il pas ce qu'il y a de plus important, ma Dame ? l'interpella Merlin en trottinant à sa suite, sa propre baguette brandie devant lui. En particulier pour ses fondateurs ?

- Bien sûr que Poudlard est important, dit-elle doucement. Mais comme je te l'ai dit, nous sommes de vieilles personnes. Nous avons changé.

Ils arrivaient au bout du passage secret ; à la lumière blafarde de leurs Lumos, le verso d'un tableau leur barrait le passage. Helga agita sa baguette et la peinture pivota sur ses gonds. Ils s'engouffrèrent dans un couloir désert qui n'était qu'à quelques pas de l'infirmerie, comme le remarqua un Merlin émerveillé.

- Ça alors, j'ignorais qu'un passage secret se tenait derrière ce tableau, dit-il d'un air enchanté.

La toile en question, qui s'était refermée derrière eux, émit à ces mots un rot bruyant. Helga, Merlin et la petite première année se dirigèrent vers un autre couloir, en direction de l'infirmerie.

- Ma Dame ?

Helga retint un soupir mi-amusé, mi-contrarié.

- Sir Merlin ?

- Pardonnez mon impertinence, mais... seriez-vous heureuse de revoir Sir Salazar et Sir Godric ? Passer la trêve de Noël avec eux ?

Helga ne répondit pas tout de suite ; elle continua de marcher au rythme de la petite de Serdaigle, et s'efforça de calmer les remous désagréables que la question de Merlin avait provoqué en elle.

Elle aurait tout donné pour revoir ses trois amis à Poudlard, sur le sol qui avait été leur demeure pendant presque quarante années.

Mais le deuil et la douleur de l'abandon l'empêchaient de trop espérer. Tout ce qu'elle voulait, c'était finir ses jours chez elle, à Poudlard, s'occuper de ses élèves et leur concocter des plats réconfortants, pour leur faire oublier la misère qu'ils vivaient en-dehors des murs de l'école.

Helga était loyale. Elle était loyale à sa famille, à ses amis ; mais elle était également loyale à Poudlard et ses élèves. Et pour le bien de son école, il valait mieux que les trois fondateurs encore en vie ne se voient plus.

- Je ne pense pas que la trêve suffise à nous rapprocher, souffla-t-elle enfin.

Ils arrivaient aux portes de l'infirmerie. Helga poussa un battant et alla installer sa protégée sur un lit, près de la grande cheminée décorée de gui et de chandelles. La petite fille la regardait sans ciller, une gravité qui n'était pas de son âge dans ses grands yeux noirs.

- Sir Merlin, dit Helga à son élève, pourriez-vous attendre avec votre camarade le retour de Dame Aénor ? J'ai à faire aux cuisines.

La directrice n'attendit pas l'assentiment de Merlin : d'un pas pressé, elle se dirigea vers la sortie de l'infirmerie ; s'engouffra dans les couloirs froids de son école ; évita adroitement les élèves déguisés chantant, riant, se poursuivant ; emprunta quelques passages secrets qui la conduisirent à ses appartements ; et lorsqu'elle se retrouva seule dans sa chambre, elle s'assit avec difficultés sur le lit dans lequel elle dormait seule depuis dix longues années, et pleura ses heureux souvenirs perdus.

- Chers élèves, professeurs et parents ! Damoiselles et damoiseaux, mes Dames et mes Sieurs ; il est venu le temps de déguster le festin de l'an de grâce 999. Joyeuse Trêve de Noël à tous, et puisse Poudlard être le refuge dont vous avez besoin en cette soirée de joie et de partage. Bon appétit !

Helga se rassit alors que l'assemblée devant elle l'applaudissait ; élèves et parents ; professeurs et familles ; tous étaient réunis pour partager les plats qu'elle avait préparés, et oublier la dure vie qu'ils menaient à l'extérieur de ces murs. Entre les persécutions perpétrées par les Moldus, les attaques Vikings sur les côtes écossaises, et les températures de plus en plus glaciales, toutes ces bonnes gens avaient bien mérité un repas chaud dans un endroit sûr. Et il n'y avait pas d'endroit plus sûr que Poudlard.

- Joyeuse trêve de Noël à tous, répéta une voix moqueuse teintée d'un fort accent à son oreille. Dame Helga, vous ne croyez tout de même pas à ces nigauderies !

Sans se départir de son sourire, Helga se tourna vers sa voisine, Dame Baeleg. Plus âgée qu'elle d'au moins une bonne quinzaine d'année, elle était très respectée au sein du corps enseignant. Helga et Baeleg se connaissaient depuis très longtemps.

- Que voulez-vous dire, Baeleg ? demanda la directrice d'un ton égal. Je ne vois pas le problème.

Baeleg roula des yeux et but le contenu de son gobelet d'une traite.

- Ce que je veux dire, Dame Helga, c'est que vous ne vous rendez pas compte de l'influence néfaste des nés-Moldus sur notre école et ses véritables élèves. Regardez un peu la table des Serpentard !

Helga fronça légèrement les sourcils et suivit la direction que pointait le doigt noueux de Baeleg. La plupart des élèves assis à la table des Serpentard étaient entourés de leurs parents, habillés de vêtements aux teintures coûteuses et aux joues auréolées de bonne santé. Elle reconnaissait là quelques grandes familles, dont les nombreux enfants parcouraient les couloirs de Poudlard depuis ses débuts. D'un coup d'œil, Helga embrassa le reste de la Grande Salle : les autres tables étaient beaucoup plus vides, et surtout beaucoup plus grises. La peau, les vêtements et les cheveux des familles d'élèves de Poufsouffle, Gryffondor et Serdaigle présentaient en grande partie ces camaïeux de bruns et de gris maladifs.

Mais le plus remarquable restait tout de même les regards chargés de haine que les familles colorées jetaient aux familles grises, et aux enfants seuls rassemblés entre eux comme de petites cendres humides.

- Vous savez bien que je ne crois pas à ces soi-disant inégalités naturelles entre les sorciers de vieille famille et les nés-Moldus, Baeleg, soupira Helga en reportant son attention sur son assiette.

Le sanglier rôti qui trônait dans son assiette avait l'air appétissant. Pourtant, Helga n'avait plus vraiment faim.

Baeleg, elle, se servit copieusement et enfourna dans sa bouche tous les pains et pâtés qui tombèrent sous sa main.

- Quoi qu'il en soit, ajouta la professeure en mâchonnant son repas, vous devez avouer que la simple présence des nés-Moldus dans cette salle suffit à gâcher la soirée de nos plus éminentes familles. Des mesures devraient être prises !

Helga sentit sa poitrine s'échauffer sous le début d'une colère familière : elle avait ressenti la même pointe enflammée entre ses côtes lorsque Salazar avait commencé à vouloir trier les élèves qui arrivaient à Poudlard – la brûlure de l'injustice et de son instinct maternel.

- Vous oubliez sans doute que vous êtes vous-même une née-Moldue, Baeleg, coupa Helga. Je ne doute pas que votre famille d'origine ait pu vous faire assez de mal pour que vous teniez de tels propos ; mais vous devriez au contraire vous servir de votre expérience et œuvrer pour la coopération entre Moldus et sorciers.

La directrice planta ses yeux dans ceux, étonnés, de Baeleg.

- De jeunes sorciers naîtront toujours dans des familles moldues, que vous le vouliez ou non. Il serait plus confortable pour tout le monde si nous acceptions tous ce fait. Rejeter les nés-Moldus ne règlera pas le problème.

Baeleg détourna le regard en claquant la langue. Helga soupira. Elle savait qu'elle ne pouvait rien faire pour convaincre une vieille femme de renoncer à ce en quoi elle avait cru toute sa vie ; mais elle pouvait au moins tenter d'influencer ses élèves.

Une idée germa dans son esprit.

- Il y a une première année, à Serdaigle, commença Helga, lentement, en jouant avec la nourriture dans son assiette. Je crois qu'elle parle celtique. Pensez-vous que vous pourriez lui apprendre le gaélique, Baeleg ?

La vieille femme lui jeta un regard noir.

- Une née-Moldue, je présume ? cracha-t-elle.

- Je n'en sais rien, figurez-vous. Mais quelle importance ? Elle est ici, autant faire en sorte qu'elle puisse tirer les meilleures leçons de ce qui lui sera enseigné.

Baeleg renifla dédaigneusement.

- Ce n'est pas parce qu'elle parle ma langue que je vais soudainement l'apprécier, cracha-t-elle.

- Je ne doute pas que vous saurez faire en sorte que cette élève réussisse aussi bien que vous, contra Helga, imperturbable.

Elle n'eut pas le loisir d'entendre la réponse de Baeleg : dans un grand fracas, les immenses portes de chêne de la Grande Salle s'ouvrirent, interrompant les discussions, soufflant un courant d'air sur les bougies suspendues entre le plafond enchanté et les mets de Noël. Le cœur soudain en alerte, la directrice se releva, le poing serré sur sa baguette.

Un homme se tenait sur le seuil de la Grande Salle, éclairé par les flammes des chandelles. Helga tressaillit – elle dut s'appuyer sur le bras offert de Baeleg pour ne pas défaillir. Elle connaissait cet homme.

Ses longs cheveux broussailleux et sa barbe imposante ne présentaient plus la fière couleur de rouille qu'ils arboraient quelques années auparavant. Son bras ne s'appuyait pas sur la lourde épée qu'il avait pris l'habitude de porter, mais sur une canne. Son échine s'était recourbée avec le temps, et sa carrure n'avait plus cette imposante vaillance qu'elle avait toujours montrée.

Mais c'était bien lui.

- Ça sent rudement bon, ici, Poufsouffle ! dit la voix tonitruante de Gryffondor. J'imagine que vous passez tous une merveilleuse trêve de Noël !

D'un seul coup, tous les élèves se précipitèrent vers le vieil homme en poussant des exclamations de joie. Partout dans la Grande Salle résonnaient des cris de bienvenue, des rires enthousiastes, des questions bafouillées ; les petites mains des élèves se tendaient vers Godric ; les plus grands tentaient par tous les moyens de lui montrer à quel point ils avaient grandi ; les plus jeunes applaudissaient la venue de cet homme dont on leur avait tant parlé, mais qu'ils n'avaient jamais eu l'occasion de voir de leurs propres yeux.

Jusqu'à maintenant.

Helga abaissa la baguette qu'elle avait inconsciemment levée. Elle sentait à peine la main incrédule que Baeleg avait passée dans son dos ; n'entendait que d'une oreille dissipée les murmures des professeurs à sa table.

La directrice finit par reprendre ses esprits. Clignant des yeux, elle repoussa sa chaise, descendit de l'estrade des professeurs et traversa la Grande Salle en liesse. Progressivement, les élèves exultés lui firent de la place, et ceux qui avaient réussi à approcher Godric s'écartèrent soudain. Du coin de l'œil, elle repéra le visage rusé de Merlin, qui semblait très satisfait de lui-même.

Helga posa enfin les yeux sur le visage de son ami, et il lui rendit son regard.

Depuis deux ans qu'il était parti de Poudlard, Godric avait vieilli. Sa peau s'était parcheminée, ses cernes s'étaient alourdis ; mais ses yeux verts avaient gardé leur chaleur et leur profondeur.

- Gryffondor, dit Helga d'une voix qu'elle trouva trop cassée. Tu as fait tout ce chemin pour venir nous voir ?

Godric lui servit un de ses larges sourires, qui semblaient avaler son visage et le monde tout entier.

- Un élève m'a rappelé qu'une partie de ma famille était restée à Poudlard, répondit-il.

Difficilement, il lâcha sa canne et prit une des mains de la directrice dans la sienne. Helga baissa les yeux sur leurs doigts serrés les uns contre les autres – Godric portait toujours ses gants en peau de dragon. Ils dégageaient une chaleur telle qu'elle n'en avait plus connue depuis des années.

Un sanglot de joie lui traversa la poitrine, comme un éclair. Doucement, elle resserra ses doigts sur ceux de son ami, et lui prit entièrement la main. Elle releva la tête ; le regarda dans les yeux.

- Bon retour à Poudlard, Gryffondor, sourit-elle à travers ses larmes.

Et elle le mena vers la table des professeurs, doucement, à travers l'attroupement extatique d'élèves de toutes maisons qui les entouraient comme une couverture de laine.

- Tu ne m'avais jamais autorisé à entrer dans ta chambre, commenta Godric lorsqu'il s'installa sur une chaise près du feu ronflant.

Les elfes de maison leur avaient monté des potages et du vin chaud, ainsi que les rares biscuits survivants qu'Helga avait pâtissé quelques heures plus tôt. Un petit monticule de neige embuait les vitres ; des guirlandes de houx étaient suspendues autour du lit ; des chandelles décoraient le manteau de la cheminée, jetant ombres et lumières sur le visage ridé de Godric.

Helga s'installa sur une seconde chaise en face de son ami, et offrit ses mains gelées au feu.

- Tu n'étais qu'un polisson lors de nos jeunes années, répondit-elle avec chaleur. Ce n'est pas pour rien que Rowena et moi avons enchanté nos escaliers : tu ne cessais de nous faire la cour.

- Hélas, rit Godric, vous avez préféré épouser d'autres hommes, et je finis ma vie sans famille.

Helga lissa un pli imaginaire sur sa lourde robe.

- Tu sais que ma loyauté t'était déjà acquise, Godric. Je serai toujours ta famille.

Seuls les craquements du bois lui répondirent. La directrice releva la tête pour découvrir celle de son ami tournée vers le feu. Pour la première fois de la soirée, Helga lui trouva l'air triste.

Godric ne se laissait que peu aller à la tristesse.

- Je suis désolé de t'avoir laissée seule, ma Poufsouffle, murmura-t-il, sa voix à peine audible par-dessus le ronronnement des flammes. Mais depuis la mort de Serdaigle, rien n'est plus pareil.

- C'était il y a treize ans, renchérit Helga.

- De bien longues années, soupira Godric en se passant une main sur les yeux. Mais je n'ai jamais vraiment réussi à faire mon deuil. Le sort semblait décidé à sans cesse faire passer mon chemin sur celui du fantôme de Helena – et de son maudit meurtrier... C'est comme s'ils avaient tué Serdaigle de leurs propres mains, tu sais.

Prenant appui sur sa canne plantée entre ses genoux, Godric ferma les yeux, une expression douloureuse ondulant sur les rides de son front.

- Le... départ de Salazar n'a fait qu'empirer les choses. Je ne pouvais plus poser un pas hors de ma chambre sans que des souvenirs ne me reviennent. Lorsque nous installions les tableaux sur les murs. Ceux que Serdaigle avait peint. Les parties d'osselets que nous faisions dans la Grande Salle, la nuit. La création du Choixpeau. Tes plats. Les duels auxquels Salazar et moi nous adonnions. Tu sais comment j'étais, vers la fin.

Helga hocha la tête, bien que Godric ne puisse la voir. Il ne sortait que rarement de ses appartements, et ses apparitions dans la Grande Salle étaient silencieuses, vides, absentes. Il n'avait été que l'ombre de lui-même.

- Tu avais mal, lui dit-elle, avec toute la douceur qu'elle pouvait mettre dans ces mots.

Godric ricana, amer.

- J'ai été lâche. Gryffondor, la maison des courageux. La vieillesse m'a rendu poltron.

Helga soupira, soudain lasse. D'un mouvement, elle rapprocha sa chaise de celle de son ami, et fit tourner sa tête vers la sienne. Ses yeux étaient humides.

- La maison Gryffondor célèbre la vaillance, l'impétuosité et la force, dit-elle avec toute la conviction qu'elle pouvait mettre dans ses paroles. Il t'a fallu démontrer chacune de ces qualités pour que revenir ici après une telle épreuve ; alors je ne veux pas t'entendre te lamenter sur ton sort et dire que tu ne mérites pas ta propre maison !

Elle lui tira gentiment le lobe de l'oreille – comme elle en avait pris l'habitude lors de leur jeunesse.

- Je suis heureuse que tu sois revenu, finit-elle. Peu importe ce qui nous est arrivé et ce qu'il nous reste à vivre ; le plus important, c'est ici et maintenant.

Le visage de Godric se tordit en une grimace amusée ; une larme solitaire coula au coin de son œil.

- Je ne te mérite vraiment pas, Poufsouffle, souffla-t-il.

- Et toi, Gryffondor, tu n'es qu'un idiot, répondit-elle.

Ils échangèrent un bref regard, puis – exactement comme s'ils avaient vingt ans de moins, et que Rowena était en vie, et que Salazar les regardait, amusé, du coin de la pièce – ils se mirent à rire de bon cœur, toute tristesse balayée.

Ils burent leur potage et mangèrent leurs biscuits en se remémorant les temps heureux qu'ils avaient vécu à Poudlard. Rowena créant la Salle-sur-Demande ; Salazar et son obsession pour les tapisseries ; l'arrivée de leur premier élève ; son départ ; l'élaboration du plan de Poudlard ; la construction de ses fondations ; le rêve de Serdaigle, qui avait donné son nom à l'école ; Godric insistant sur l'utilité de donner des cours d'épée ; Helga faisant découvrir les couloirs à ses enfants, la fille de Rowena et celle de Salazar ; la première chanson du Choixpeau ; celle de l'année passée ; tous les moments où ils avaient ri et s'étaient chamaillés comme les enfants qu'ils n'avaient jamais vraiment cessé d'être.

Tard dans la nuit, alors que leurs gorges étaient asséchées et que leurs yeux larmoyaient d'être restée trop près du feu, ils décidèrent d'aller se reposer ; et étendue auprès du corps réconfortant de Godric, la tête emplie de nuages cotonneux, Helga se rendit compte qu'elle avait chaud. Pourtant, elle n'avait jamais été vraiment douée pour les sortilèges de chaleur.

- Dame Helga ! Vous devez vous réveiller, on a dit à Sìthiche de venir réveiller Dame Helga !

Encore embrumée par le sommeil, Helga émergea doucement d'un rêve comme elle n'en avait plus fait depuis une éternité. Ses sens endormis captèrent distraitement la présence apaisée de Godric, enroulé candidement dans les couvertures de son lit. Puis elle ouvrit les yeux, et son regard tomba sur les grandes billes bleues et humides d'une elfe de maison visiblement très angoissée.

- Dame Helga ! couina-t-elle encore une fois.

- Que se passe-t-il ? marmonna la directrice.

Sa bouche avait un affreux goût de biscuit rance.

- Il y a un problème dans le hall d'entrée, Dame Helga ! répondit Sìthiche. Un fantôme a décidé de semer la pagaille et de terroriser les élèves ! Les professeurs ont essayé de le maîtriser, mais il ne veut rien entendre. Il dit qu'il veut parler à Dame Helga et Sir Godric !

Soudainement réveillée, Helga sortit de son lit aussi vite qu'elle le pouvait. Elle alla enfiler sa robe la plus chaude par-dessus ses sous-vêtements, puis secoua longuement l'épaule de Godric – qui semblait décidé à dormir pour l'éternité. Lorsqu'enfin son ami fut prêt – ce qui prit un temps certain –, Helga empoigna ses robes et descendit d'un pas déterminé vers le hall d'entrée, Sìthiche sur ses talons et Godric claudiquant derrière elle.

- Enfin, attends-moi, Poufsouffle ! ahanait-il.

- Poudlard n'attend pas, Gryffondor !

Et elle descendait, marche après marche.

Des bruits lui parvinrent, de plus en plus nets, à mesure qu'elle se rapprochait du hall d'entrée ; des rots, des caquètements, des chansons grossières et des bruits de casse – beaucoup de bruits de casse.

- Que quelqu'un me désigne la cause de ce raffut ! s'écria-t-elle quand elle mit le pied dans le hall.

Celui-ci était empli d'élèves et de professeurs trempés jusqu'aux os ou tâchés d'encre brillante ; tous suivaient des yeux une silhouette colorée qui se balançait sur le chandelier au plafond.

- Nigauds, fous et farfadets ! Ne restez pas plantés là, je vais vous atteindre !

Et le fantôme lança un objet qu'évita de justesse un jeune garçon de Poufsouffle. Le projectile s'écrasa au sol en projetant des langues d'eau glacée qui vinrent lécher la robe de la directrice. Helga leva la tête vers le fantôme, les sourcils froncés. Il avait l'apparence d'un petit homme grassouillet, à la grande bouche rieuse et aux yeux d'un noir profond, méchants et vicieux. Il était habillé de loques de fou – d'amples braies quadrillées d'orange, de vert et de rouge, une tunique rafistolée de plusieurs tissus, un bonnet de nuit en piteux état.

- Qui es-tu ? appela-t-elle.

Le fantôme laissa tomber son bras (qu'il avait armé d'un nouveau projectile aquatique) et reporta son attention sur Helga. Un immense sourire fendit son petit visage sournois. D'un mouvement leste, il se percha au chandelier par les genoux, comme un cochon pendu.

- Ah ! clama-t-il. Vous voilà donc, Pouffipouffeuseusouffle ! Et voici Grigriffeufondor ! On vous a déjà dit que vos surnoms étaient ridicules ?

Interloquée, Helga regarda le fantôme se balancer en ricanant. Godric posa une main sur son épaule.

- Dis-nous donc ton nom, et ce que tu viens faire en ces murs ! ordonna-t-il de sa voix la plus grondante.

Le fantôme se délogea du chandelier par une pirouette maladroite et vint flotter dans les airs, juste au-dessus d'eux, en caquetant comme une poule.

- Gnocchi, guignol, armagnac et gnôle de cognac ! Je m'appelle Peeves, reprit le fantôme en s'approchant d'eux, ses yeux plissés en une expression cruelle. Je suis un esprit frappeur. C'est Salazar Serpentard qui m'avait envoyé ici en son nom.

Le cœur d'Helga se mit à battre furieusement – Serpentard ? Merlin avait également envoyé un hibou à Salazar ? Et il avait répondu ?

- Qu'a-t-il dit ? murmura-t-elle.

Peeves partit d'un grand rire suraigu, tournoyant dans les airs.

- Je n'ai aucun message à vous délivrer, cancana l'esprit frappeur. En revanche, Serpentard m'a beaucoup parlé ! Et j'entends bien m'installer ici, comme il me l'a suggéré. Je suis votre cadeau de Noël, mes dames et mes sieurs !

D'un seul coup, Peeves fonça sur Helga et Godric en hurlant de toute sa voix criarde ; les deux fondateurs s'écartèrent in extremis et, comme ils se relevaient, agrippés l'un à l'autre et le souffle court, ils entendirent le chant de Peeves qui emplissait les couloirs encore endormis de l'école :

La trêve de Noël est passée

Prenez garde, Peeves est arrivé !

Maraudeurs, fous et pendards,

Prenez garde, Peeves est à Poudlard !

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro