Je commençais à m'impatienter, surtout à force de la voir tenter faussement de cacher ses commentaires cyniques. L'enjoignant de poursuivre, je fis quelques moulinets du poignet sans cacher mon agacement vis à vis de ses propos. Ce qu'elle fit sans cacher un rictus moqueur.à

       - Pour cette même raison, les Dieux sont partis pour laisser à l'humanité à elle-même. Tel un parent, il a laissé ses enfants seuls pour qu'ils commencent à apprendre par eux-même. De plus, il y a de nombreuses tragédies, car l'humanité était bien trop influençable par les affaires des Dieux. Malheureusement, au précédent Âge d'Or, il y a eu une grande catastrophe. Tu dois connaître la légende de l'Atlantide ?

J'acquiesçais lentement, tandis que mon neurones commençaient à saisir la direction de ce cours d'histoire. Et mon pauvre intellect commençait à chauffer, dû à son incapacité à concevoir une aussi grande échelle de temps et d'interrelations historiques.

       - Une île mythique qui aurait disparu suite à une grande catastrophe ? répondis-je avec une intention interrogative pour confirmer auprès d'Aifé.

       - Eh bien, c'est réellement arrivé. L'Atlantide, qui était une des civilisation, a sombré à cause de l'arrogance des hommes qui ont joué aux apprentis sorciers. Un certain nombre d'entre eux ont tenté de vouloir convaincre les Dieux de revenir. Désespérés, ils ont crée et été victimes de cette tragédie, entraînant beaucoup trop de gens. Les autres grandes civilisations, Mu et Lémurie en autres, ont été impactés avant de sombrer chacun leur tour.

Déstabilisée par cette réaction en chaîne, je levais ma main pour l'interrompre. Je m'exclamais vivement, exigeant des éclaircissements :

        - Attends ! Quel genre de catastrophe peut avoir un tel impact ? Surtout si c'est l'homme qui est l'investigateur, intentionnel ou non.

Une lueur d'approbation s'alluma dans son regard avant qu'elle n'enchaîne :

         - Tu as de la suite dans les idées. La conséquence immédiate de leur inconscience a été le grand Déluge, celui qui est conté dans la Bible et dans plusieurs autres textes historiques. C'est également dans cette vie incarnée que tu as succombé en tant que chat divin, protecteur de l'humanité.

Une gifle aurait eu le même impact que cette phrase. Les réminiscences de cette noyade me crispe le corps à un tel point que je m'en fais mal. Geignant en regardant mes paumes endoloris, je parviens à m'évader de ce retour brusque de mes souvenirs. Prenant une lente respiration, j'ignorais volontairement Aifé. Lorsque je me sentis moins troublée, je fis part à Aifé qu'elle pouvait poursuivre.

         - Par contre, certains groupes d'humains, on prit la décision de partir avant. La tribu de Dana, dont ta maîtresse et moi en sommes les guides, faisions parties des groupes ayant fuie cette folie. Par contre, certains initiés, comme toi à l'époque, on fait d'autres choix. Tu as fait évacuer le peuple et tu es morte en les sauvant.

Me prenant par surprise, la rousse me saisit les mains. Redressant la tête, nos regards se croisèrent pour se fixer.

        - C'est très important ce que je vais te dire : tu savais que ce n'était pas une fin. La mort n'est pas une fin, et tu le sais. Même si cette mort a été éprouvante, tu savais que ton réel Toi ne craignait rien.

Choquée par ces paroles, je perçus les tremblements qui saisissaient mon corps. Un bref instant, ce que je voyais se confondait à une autre vision. Le lieu, les vêtements et le temps semblaient s'alterner entre maintenant et plusieurs autres époques.

       - Je l'ai appris de nombreuses fois, n'est-ce pas?

Le sourire encourageant d'Aifé me confirma mon impression. J'avais à plusieurs reprises apprirent que la mort n'était pas une fin. Tel le rapport entre la nuit et le jour, la mort et la vie font partir d'un cycle plus grand avec un but très précis pour tous.

         - Mais pourquoi ? Pourquoi toutes ces incarnations ?

          - Eh bien, je crois que nous avons chacun nos propres et uniques chemins, répondit-elle après un moment. Certains que j'ai connu sont demeurés auprès des Hommes, d'autres sont partis pour d'autres mondes. Je présume que cela dépend de nos compétences et ambivalences que nos incarnations nous ont permis d'intégrer.

J'acquiesçais, les oreilles qui brûlaient. Je me sentais même légèrement fièvreuse, mais la peur n'était pas présente. Je savais que ces symptômes étaient annonciatrices que j'étais sur la bonne voie. Ma bonne voie.

Je me tournais vers Aifé, laissant une partie de moi parler. Laissant cette énergie de mon soi passer en moi pour m'enseigner, je m'écoutais :

           - Ils sont partis, mais nous ne savions pas pourquoi. Les chasseurs de Daïmons descendent de ceux qui ont perdu confiance tandis que je n'avais pas perdu confiance.

Une joie indescriptible me saisit tandis que les souvenirs de ces incarnations clés de moi-même me revenaient. Tant de belles choses me revenaient que je commençais à reconnaître ce que la pièce de théâtre contait. Les événements que j'avais perçu dans chacune de mes anciennes vies comme étant négatives avaient été minimisé. Et au contraire pour celles qui m'ont parues joyeuses ou même neutres, elles ont été grossièrement exagérées.

Comme lorsque j'étais une voyageuse, parcourant le monde. J'avais rencontré des brigands, j'avais parfois dû jeûner, mais j'avais vu tant de beautés. J'avais croisés tant de personnes qui m'ont ouvert leur porte, échangeant avec moi. J'avais été initié auprès de nombreux sages dans les différents régions du monde.

Ou encore, lorsque j'avais contribué en tant que révolutionnaire pour aider la cause des hommes. Je me souvenais d'une époque où c'était les femmes qui rabaissaient les hommes, ne leur octroyant que peu de droits. Une époque à l'exact opposé que ce qu'ont vécu les femmes ces derniers millénaires. Une incarnation où j'étais un homme qui avait rencontré une femme, une prêtresse, différente des autres et prête à changer les paradigmes de notre monde.

Je pouvais revoir chacune de ses vies qui ont apporté leur brique à ce monument qu'est mon identité. Ces mêmes incarnations diverses qui ont été mises à l'épreuve pour intégrer dans la matière ce que mon esprit ne pouvait saisir.

Oui, c'était bel et bien mes vies que j'avais vues sur cette scène. Ces douze vies qui m'ont permis de réaliser ma réelle identité. Et qu'avec celle-ci, j'avais commencé un voyage très différent que celui des humains : celui du Divin. C'était ce chemin que j'avais toujours cherché, que j'avais apprises dans mes nombreuses incarnations.

Verbalisant cette nouvelle conviction, je déclarais :

           - Je leur faisais confiance même si leurs intentions et leurs raisons m'échappaient. Par contre, je devais aller au-delà de la confiance pour en avoir une conviction profonde. C'est pour cela que j'ai été le familier de Scatchy.

Les larmes perlaient mes cils tandis que je serrais mes doigts sur ceux d'Aifé. Une douceur se faisait ressentir dans le regard de la sœur de ma maîtresse.

Je rajoutais, la voix enrouée par l'émotion :

          - Je me souviens...