38. Je suis là
Nous retrouvâmes Nicolaï qui discutait avec Jeb. Ces deux derniers semblaient relativement s'entendre, ce qui me mit sur mes gardes. Les deux se tournèrent vers moi, me fixant de leur regard. Je me figeais un bref instant avant de vider le bouillon de mon repas. Échappant ainsi à leur attention, j'essayais de ne pas paraître ébranlée par l'attention que les deux me portaient.
L'intensité de leur regard avait de quoi me troubler. Déposant mon bol sur une table où jonchait un plateau contenant des plats vide, je repris contenance. Puis, je m'approchais du rouquin.
- Eh, Nico… Je… Nous avons vu Scatchy.
- Oui, Jeb vient de m'en faire part.
Destabilisée par la remarque, je lançais un bref regard vers l'autre garçon. Avait-il parler de cet étrange rêve d'une pièce de théâtre?
- Elle m'a dit de te passer le bonjour. J'espère que tu n'es pas triste de ne pas avoir pu la voir ?
- Ne te tracasse pas avec quelque chose dont aucun d'entre nous n'a d'emprise, rétorquait Jeb.
Surprise par l'intervention de ce dernier, je haussai un sourcil dans sa direction. Se contentant d'un haussement d'épaules, il ne me répondit rien sous le regard curieux du dragon.
Coupant court à ma prochaine tirade, la voix d'Aifé retentit :
- Tout le monde est là ? Parfait.
Dubitative par sa remarque, je me tournais vers la maîtresse des lieux pour faire le même constat qu'elle. Tout le monde était présent, même Nathan. Lançant un regard impressionné à Callie, cette dernière fit une mimique d'incompréhension avec les bras. J'alternais mon regard discrètement entre la femme qui s'installait sur le bureau massif et le dernier arrivé. Celui-ci se contenta de m'offrir un sourire niais agrémenté d'un clin d'oeil.
Cela me fit pouffer dans ma main avant de suivre l'exemple des autres qui se choisissaient un coussin. Cela me rappelait un documentaire sur les coutumes d'Arabie où les gens s'asseyaient sur le même type de coussin à même le sol.
- Bon, les louveteaux, qui me fait un résumé ?
Jeb prit la parole après avoir lever sa main pour attirer l'attention d'Aifé sur lui. Il débuta son résumé :
- Ta soeur est dans l'esprit de la Caith Sidh, insufflant des idées dans sa tête depuis le début. J'ai eu la confirmation de sa part. Keyah a été attiré par une distorsion spatio-temporel qui nous emmené dans un lieu où nous pouvions parler avec Scatach. Mais elle ne peut pas y sortir tant que son familier n'aura pas confronté l'investigateur de tout cela. Et… Elle m'a laissé un message pour toi : la Dame de l'Ouest est courant et tu dois te montrer patiente…
Sa dernière phrase se fit hésitante, ce que je pouvais comprendre. Un message aussi énigmatique m'avait également paru incongrue. Or, contre toutes attentes, Aifé réagit autrement que je pensais. Elle releva la tête à la mention de "la Dame de l'Ouest" sans rien dire. Elle se montra silencieuse un moment, songeuse.
- C'est tout ce qu'elle a dit ? Je vois…
Se repositionnant avec une jambe replié tandis que l'autre pendait mollement, elle redevint pensive. Mon regard demeura sur cette dernière avant qu'une information me revint à l'esprit.
- Tu as oublié de parler l'effet Mandela, P'tit loup.
Aifé me lança un bref regard intense, me faisant tiquer. J'eus la brève pensée de me trouver bête de réagir ainsi. Malheureusement, ma première impression d'elle n'aida définitivement pas à y changer quelque chose. Par contre, je me demandais pour quelle raison ai-je eu le droit à cette attention ? Elle ne m'avait même pas calculé depuis notre arrivée.
- Cela explique bien des choses…, finit-elle par dire. Et ça en confirme d'autres.
Elle plongea son regard dans celui du Yéti. Ou, du moins, elle l'aurait fait si ce dernier ne me regardait pas. Le temps que je le remarque et que j'en sois surprise, il avait détourné les yeux de ma personne. Sa voix claqua sèchement :
- Je me retire. Callie peut répondre à tes autres questions.
Et il quitta brutalement la pièce, sans se retourner. Déstabilisée par ce revirement, je ne fis qu'alterner mon regard entre les autres et la direction qu'il avait pris. Ceux-ci demeuraient de marbre, n'aidant en rien la confusion qui prenait expension en moi. Me redressant vivement sur mes pieds, je pris la décision de le suivre. Personne ne me suivit, car aucun bruit ne se fit attendre à ma suite.
- Jeb ! m'écriais-je en le cherchant frénétiquement du regard. Jeb ! Attends-moi !
M'élançant, je continuais en ligne droite, vérifiant dans chacun des couloirs si je ne le verrais pas. Au bout de plusieurs couloirs, je crus voir une porte se refermer. M'élançant rapidement vers celle-ci, je finis par ralentir à quelques pas de la porte. Maintenant que j'étais devant la porte, j'hésitais. Mordillant ma lèvre, je pris une grande inspiration avant de toquer doucement.
- J-Jeb… ? Es-tu derrière la porte ?
Fermant les yeux, je concentrais toute mon attention sur mon ouïe. Malgré que je n'entendais rien, je savais qu'il était derrière cette porte. Tout comme je savais que c'était sa chambre. J'étais réticente, prenant conscience que j'étais peut-être en train d'envahir son espace personnel. Ou encore qu'il ne désirait pas avoir de la compagnie. Malgré tout, j'avais une intuition très profonde en moi par rapport à lui. Je ressentais qu'il ne voulait pas être seul.
Caressant le bois du bout des doigts, je posais mon front contre ce mur qui me séparait de lui.
- Je… Je ne te dérangerais pas longtemps, mais… Mais sache que je suis là. Même si c'est pour te plaindre de moi qui est agaçante ou… impertinente.
Je souris à moi-même en me redressant, reculant d'un pas. Des impressions me revinrent. Certes, ce n'était pas des souvenirs, mais je savais que je les avais partagé avec lui. Je commençais à comprendre que malgré que les souvenirs m'échappent encore, leurs impressions étaient faciles à saisir.
Comme à cet instant précis.
- Mon épaule sera là pour toi et mon oreille prête à écouter. Je… Je serais dans le jardin.
M'éloignant lentement de sa porte, je lançais des regards furtifs par-dessus mon épaule jusqu'à atteindre le couloir principal. La porte demeura fermé.
Résignée, je descendis les premiers escaliers à ma portée. Mue par une impression de déjà-vu, je laissais mes pieds m'emmener là où il le désirait. Et découvrir qu'il s'agissait d'un jardin me fit rire de moi-même. Je n'avais toujours pas de réminiscence des lieux, cependant je misais sur l'intervention de Scatchy dans ma tête.
Traversant l'arche qui séparait la cours intérieure et le jardin, je contemplais ce petit paradis de couleur. Je redécouvris le ciel qui se parait cette fois-ci d'une couleur d'un bleu qui n'existe sans doute plus sur Terre. Car oui, j'étais certaine que nous n'étions plus sur Terre, mais à l'intérieur. Ce magnifique bleu azur dont les nuages blancs se laissaient paresseusement emporter par une délicate brise. Je savais que cet endroit était réel malgré certains artifices et que nous étions dans l'intra-terre.
J'effleurais de mon esprit ces anciennes connaissances, mais je ne cherchais pas à les saisir.
Baissant du coup mon regard, je suivis un petit sentier qui me menaient à une zone fleurie. Des fleurs poussaient ici et là, sans aucune organisation autour d'un petit étang. Un endroit non loin me parut parfait pour aller me languir.
Oui, c'était une excellente idée.
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