32. Coup de patte
Après ce long trajet sans faire d'arrêt, chaque conducteur trouva une place de stationnement non loin de l'autre. Apparemment, l'autre équipe avait dû traîner, car nous avions réussi à combler notre retard au début de la journée. Chacun débarquant de nos véhicules respectifs, je pris le temps de m'étirer en écoutant Nathan se plaindre. Cependant il ne trouva qu'une oreille sourde de la part de la blonde. Feignant de continuer mon étirement, je regardais à la dérobée Jeb soupirer à lui-même :
- Dites-moi pourquoi j'ai embarqué avec vous, déjà?
- Parce que toi et Keyah, vous-, commença le comique avant de s'exclamer contre la blonde. Aïe! Callie! Tu m'as marché sur le pied!
- Je croyais que c'était un défaut du plancher, commenta platement celle-ci.
- Je vais t'en faire un défaut du...
- Qui a faim? les interrompit Nicolaï, en pointant un restaurant.
Observant ledit restaurant, j'eus une vague impression de déjà-vu, mais rien de plus. Les autres approuvèrent en se dirigeant dans la direction du petit casse-croûte. Quoique Callie sembla davantage traîner de force Nathan tandis que le rouquin les suivait. Ce dernier me lança un bref regard pour par la suite pointer du menton Jeb. Je rougis en voyant Jeb traîner derrière eux, voyant que je me devais rapidement réagir si je voulais lui parler. Pris d'une subite poussée de courage, je saisis discrètement sur la manche de Jeb. Celui-ci se tourna vers moi, adoptant une attitude polie, mais distante. Ayant malgré tout réussi à attirer son attention, je laissais les autres s'éloigner de nous pour dire d'un souffle:
- Je voulais m'expliquer pour tantôt!
Je regardais rapidement mes pieds, mais je me forçais à relever mon regard pour poursuivre rapidement:
- Je n'aurais dû pas supposer des choses et encore moins être aussi vulgaire et méchante avec toi! Je suis désolée.
Je baissais la tête, ressassant ce qui s'était passé ce matin. En fait, j'avais ressassé tout cela pendant une partie du trajet. J'en avais même parlé à Nico qui se contenta de me faire savoir de me débrouiller toute seule. Du coup, je n'eus d'autre choix que de retourner tout ce que je savais dans ma tête, seule. En prenant du recul, je saisis mieux la situation.
J'avais déjà un travers avec lui et cela avait influencé ma réaction. Certes, il avait peut-être été désagréable, mais je n'avais aucune raison de répondre au feu par le feu. J'avais honte, et je ne voulais pas perdre son estime.
Une main se déposa sur le haut de mon crâne, caressant tendrement mes cheveux. Je relevais spontanément mes yeux sur lui. Son sourire en coin fit écho au mien tandis que son regard s'adoucit.
- Ce n'est pas grave, chaton... Je sais aussi reconnaître que je n'aurais pas dû réagir ainsi. Je sais que j'ai ma part de responsabilité...
J'observais son regard se perdre vers un lieu qui m'était inconnu. Il semblait triste. Non, il s'agissait davantage de nostalgie. Et cela me fit un pincement particulièrement douloureux dans la poitrine. Avec lenteur, je pris le temps de trouver une bonne posture pour tenter de le réconforter. Timidement, je pris sa main sur ma tête pour la retirer, l'obligeant à s'approcher de moi. Son regard revint sur le mien, incertain de la raison de nos mains entrelacées. Cependant j'ignorais la gêne qui montait en moi pour caresser son visage de ma main.
Cela me rappelait ce que faisaient parfois les chats. Ceux que je voyais faisaient souvent cette gestuelle: ils donnent un coup de patte comme s'ils cherchaient à vous griffer. Mais ces derniers ne dégageaient aucune agressivité, se mouvant avec une telle lenteur que cela ressemblait davantage à une caresse.
À l'instar de ces chats, je laissais ma main faire cette gestuelle. Laissant cette dernière retomber, je vis le visage de Jeb se détendre avec un petit sourire en coin. Il secoua la tête en resserrant nos mains entrelacées.
- Allons rejoindre les autres, chaton, se contenta-t-il de dire pour clore ce moment.
Sans rien dire, je le laissais me guider en regardant ma main, me demandant si Jeb savait quelque chose sur cette étrange marque de soutien.
Rejoignant le reste du groupe, j'avais oublié que nos mains étaient restées entrelacées. Ils avaient tous déjà commandé et patientaient. Quand ils nous virent, je les regardais s'échanger un regard entendu, perplexe. Me tournant vers Jeb, je m'apprêtais à lui demander, mais celui-ci lâcha ma main pour me dépasser. Me plantant là, je fus un peu confuse par son rejet évident. Je l'entendis même grogner avant de se positionner devant la zone de commande. Il s'agissait d'une fenêtre coulissante que les employés avaient gardée ouverte, je supposais. Une caissière lui demanda d'une voix qui trahissait qu'elle n'était pas insensible à son charme.
Lançant un regard sur le trio, je haussai un sourcil en espérant obtenir une réponse, car il y avait clairement aiguille sous la roche. Ou, du moins, j'étais la seule à ne pas être mise au courant de la chose. Inspirant profondément, je rejoignais Jeb pour rester à ses côtés, décidée à ignorer les autres. Ils venaient de recevoir leur repas à une fenêtre semblable à celle devant moi, un peu plus sur la droite.
La voix de Jeb sûre et claire qui fit part de son choix me ramena sur terre et sur la raison de notre présence ici : manger! Me collant sur son côté gauche, je me penchais pour regarder le menu que son épaule me cachait. Je le sentis se tendre, mais durant un si court moment que je crus halluciner. N'y prêtant plus attention, je trouvais un repas qui allait me satisfaire : un gyro au bœuf à la grec. À mon tour, je fis part de mon choix:
- Moi, je...
- Et pour la jolie demoiselle, ce sera votre trio gyro au bœuf braisé à la grec. Pour la boisson, quel jus prends-tu?
Je rougis en relevant mon regard sur lui, étonnée qu'il ait su exactement ce que j'allais commander. La fille me lança un sourire complice en intervenant:
- Pour les jus, nous avons un jus fait maison à la grenadelle. Il est excellent.
- Je-Je vais en prendre, merci, lui répondis-je en me tournant vers la caissière.
Jeb passa derrière moi pour me faire décaler à droite. Il me poussa gentiment vers les autres qui étaient assis sur une table non loin.
- Va les rejoindre, j'arrive avec nos snacks.
Hébétée, je me contentais d'acquiescer, mais je demandais tout de même:
- Comment as-tu su ce que je voulais?
- ... Tu n'as pas changé, c'est tout.
Sa réponse ne me satisfaisait pas, mais je me mordis la langue pour ne pas me plaindre. Son regard m'en empêcha, car je voyais qu'il venait de m'avouer ce que je lui avais reproché. Il me semblait que cela faisait une éternité alors que cela était arrivé il y a peine quelques jours : il reconnaissait que nous nous connaissions intimement.
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