22. P'tit loup.
Perplexe. Non, incrédule. Le néant?
Merde, j'étais incapable de choisir la posture qu'avait pris mon esprit. Comment six jours pouvaient passer sans que j'aie faim, soif ou même envie de faire pipi!
Pourtant, le téléphone et la télévision confirmaient les dires de Nico : nous étions vraiment rendus mardi, le 7 juillet. Je ne pouvais réfuter cela alors que j'étais assis dans le salon avec le rouquin. Il m'avait préparé un smoothie aux fruits et m'avait ordonné de le boire au complet. Il paraissait tellement soucieux de moi que je n'obstinais pas contre lui. En plus, c'était super délicieux ! Il aurait dû se bâtir un café, il serait devenu très vite populaire!
De plus, Jeb devait revenir aujourd'hui.
En pensant à lui, je repensais à ce que j'avais vécu. J'hoquetais en posant mes mains sur ma bouche. Les souvenirs de... Non, ce n'était pas un rêve. C'était un voyage... Bon dans le temps, mais un voyage. Je m'avais vue, certes un peu différente, mais à une époque reculée. Et que le Yeti m'avait sauvé la vie de ces chasseurs de daïmons. Mais c'était bien moi, avec le même corps. Ces souvenirs qui flottaient avaient été miens il n'y a pas si longtemps que cela.
Mais que signifiait ces souvenirs? Pourquoi est-ce ceux-ci me sont revenus sans en souffrir comme les deux autres fois? Et comment établir quand est-ce que tout cela était-il arrivé?
Me tournant vers mon hôte, je lui posais brusquement:
- Nico... Je t'ai connu avant ou après Jeb?
- Après. Nous nous sommes rencontrés il y a seulement quelques siècles. Je suis né au 18e siècle.
Mes yeux s'écarquillèrent en découvrant une nouvelle parcelle de vérité.
- Oh la vache! Mais, tu as quel âge?
- À peine 300 ans... Mais toi, tu es âgée de milliers d'années.
Un peu plus et je me décrochais la mâchoire. Avais-je vécu aussi longtemps? Et tout cela, sans prendre une ride? Bon, c'était bien amusant cette information, mais ça ne me disait toujours pas de quelle époque il s'agissait.
Le rouquin me tapota gentiment l'épaule pour attirer mon attention.
- Dis, veux-tu me raconter ce que tu as vu?
J'acquiesçai avant de débuter mon récit. Je commençai par lui expliquer mon état d'esprit ce matin-là, de ma détresse d'être dans le flou. J'étais prête à tout pour avoir une réponse. Puis, je partis jusqu'à cette incarnation d'une vie passée très éloignée d'aujourd'hui. Malheureusement pour lui, il n'y avait pas beaucoup de souvenirs instructifs au départ des souvenirs. À part mon entraînement, aucun autre souvenir n'avait persisté à mon réveil. Et j'avais préféré ne pas trop m'attarder sur les chasseurs de daïmons, ni sur la noyade. Mais je lui contais que j'avais vu ma première rencontre avec Jeb, avant même d'être immortelle. Cette partie de mon voyage dans un passé si lointain était celle que j'avais le plus de facilité à me souvenir. La suite se perdait dans des souvenirs vagues, sans images. Je savais par contre que nous avions fait le voyage ensemble avant d'atteindre notre objectif.
Nicolaï ne dit rien à la fin de mon récit, se grattant distraitement sa barbe de quelques jours. Je l'observais attentivement, pressentant qu'il allait me dire quelque chose. Et j'eus raison lorsqu'il se tourna vers moi.
- Je dois admettre que tu m'impressionnes, Keyah. Tu as réussi ce que beaucoup de personnes ne parviennent pas à faire au bout de nombreuses années de pratique.
- Ah... Et de quoi il s'agit?
Nicolaï détourna son regard, paraissant chercher ses mots. Puis, il m'expliqua:
- Tu as fait un voyage éthérique. Ça ressemble à un voyage astral, mais dans l'Éther, tu es protégée. Certains l'appellent également « annales akashiques», car on peut y trouver toutes les réponses que nous cherchons.
Je le regardais, abasourdie par ce qu'il me disait. Il poursuivit son explication en la comparant à une grande bibliothèque où toutes les informations y étaient stockées. Dans cet endroit, des entités très évoluées nous accompagnaient pour nous fournir la réponse à nos questions. Le hic, c'est qu'il fallait découvrir, car c'était toujours des réponses abstraites.
Et que c'était très rare d'y accéder, surtout aussi facilement dans mon cas.
- Mais en même temps, je ne suis guère surpris: tu as eu de nombreuses incarnations en tant qu'élèves d'école du mystère. D'après ce que tu m'as déjà dit, tu as déjà été une animal Divin au service de Hathor.
Incrédule, je ne sus quoi répondre en découvrant une nouvelle pièce du puzzle qu'était devenu mon identité. Me refermant dans ma bulle, je ne remarquais pas que Nico avait quitté sa place à ma gauche. Ni que la porte s'ouvrait sur un invité.
Non, j'étais plongé dans ces souvenirs d'un Jeb que je ne connaissais pas, différent de celui d'aujourd'hui. Quelqu'un qui semblait... si triste. Honteux. Avec mon recul, je voyais qu'il avait dû «trahir» les siens pour suivre Aifé. Lui, comme moi, avait entendu cet appel. Et les siens l'avaient rejeté, traité comme un hérétique.
Oui, son regard avait été celui d'un homme déchiré.
Une main se posa sur mon épaule, me faisant lever brusquement la tête. Et je retrouvais son regard, à la fois si pareil et différent. D'un coup, le temps semblait s'étirer tandis que mon esprit me ramena une semaine plus tôt. Je me rappelais de la sensation des larmes qui coulaient sur mes joues, sans vraiment en connaître l'origine. Puis, ce fut le film de ce voyage dans le passé. Ces nombreux souvenirs se superposaient par-dessus ma perception actuelle de ce jeune homme.
J'étais vraiment contente qu'il soit revenu, à l'instar de ce que ce vide que j'avais ressenti quand il était sorti de cette même habitation. J'étais encore plus heureuse, car j'entrevoyais ce rival de longue date et compagnon.
Or, ce qui me choqua le plus fut la réaction de Jeb : ses pupilles se dilatèrent brusquement. Dans un état second, mes yeux demeuraient vissés sur les siens. Une partie de moi le trouva si mignon, alors qu'une autre voyait de la... peur? Non, c'était comme s'il voyait une illusion, une chimère. Quelque chose qui lui semblait impossible.
Je finis par lui sourire en lui disant spontanément:
- Coucou, p'tit loup.
Et mon p'tit loup se figea.
Je venais de me souvenir du surnom que je lui avais donné, il y a de cela quelques milliers d'années.
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