
Chapitre 5
Il mettait sa main dans la mienne. Chaude. Abîmée. Agréable. Il raffermissait sa prise. S'élançant. M'entraînant dans les rues bondées. Il nous faisait slalomer entre les inconnus. S'arrêtait quelques fois. Cherchant son chemin. S'assurant que j'allais bien. Faisant partager son bonheur. Riant.
Finalement. Il me faisait entrer quelque part. Une personne nous accueillait. Polie. Professionnelle. Mais rapidement nous nous en détachions.
Il me guidait. Changeait de rayons. Sa main toujours dans la mienne. Il ne semblait pas vouloir la retirer.
Pourtant il le fit. Après plusieurs minutes de réflexion. Il laissait un vide derrière lui. Mais le comblait aussitôt. Posant sa paume sur le dos de ma main. Incitant à l'avancée. Incitant à toucher quelque chose.
Du bois. Des milliers de baguettes. Liées ensemble. Partageant le même destin. Créant un rideau. Un tapis.
Puis il me décalait. Mes doigts frôlaient à présent un semblant de laine. Synthétique. Et pourtant incroyablement doux. D'autres matières s'enchainèrent. Tissus. Bambou. Plastique. Il me l'a décrivait les couleurs. Les motifs. Les formes.
Très impliqué dans son rôle. Il donnais son avis. Me demandait le mien. Voulait savoir ce que j'aimais. Quelle texture me plaisait.
Nous finissions par opter pour du bois. Fin. Neutre. Naturel.
Nous sortions heureux. Il m'interrogeait alors sur le reste de la décoration. Des affiches. Des peintures. Des photos. Des sculptures. Des figures. Des étagères.
Il se résignait sur mes goûts littéraires. Sur les romans en braille. Sur les librairies où l'on peut en trouver.
Il voulait que je lui apprenne aussi.
J'acceptais. Peu sûr de moi. Pourtant cela me faisait sourire. Qu'il s'intéresse. Qu'il essaye de comprendre. Je ne pouvais retenir la joie de teinter mon visage. Parce qu'il n'avait pas peur. Parce qu'il acceptait la différence. Parce que j'étais normal pour lui. Il s'adaptait juste. Comme on s'adapterait à des croyances. À des cultures. À des origines différentes.
Je jouais donc le jeu. Lui indiquais un magasin. Le pressais d'y aller. Posais des questions sur ce qu'il aimait.
Nous prenions notre temps. Cherchant un livre qui plairait à l'autre. Cherchant un genre qui surprendrait l'autre. Alors que mon pouce parcourait les côtes. Lisait les titres. J'entendais des feuilles se tourner. Des objets être reposer. Et d'autres être pris. Un ballet de son silencieux. Que je savais venir de lui.
Nous nous retrouvions à la caisse. Heureux de nos trouvailles.
Et terminions cette après midi dans mon cabanon. Une boisson chaude à la main. Assis sur le tapis. Au sol. Les bras accolés. Ma tête contre son épaule. L'odeur de café imprégnant la pièce. La chaleur de son corps me faisant frissonner. Le son de sa voix me berçant.
Je n'écoutais que approximativement sa lecture. Bien trop agréablement installé.
Peu à peu. Les pages ne tournaient plus. Ses paroles se tarissaient. Remplacées par ses doigts dans mes cheveux. Aventuriers timides.
Je bataillais avec mon sourire. Incapable de le retenir. Et de nouveau. Des frissons de plaisir me parcouraient.
Dans ce noir oppressant. J'étais bien.
Cela parut infini. Mais bien trop rapidement il s'arrêtait. Partit dans un nuage de protestation.
Mais il revenait. Le lendemain. Et tous les jours d'après. Toujours à la même heures. Pour des activités différentes.
Nous passions de longues secondes sur le sol. À parler. À débattre. Ou à écouter l'autre. Raconter. Lire. Inventer. Nous passions de longues minutes entre les rayons. À toucher. À sentir. Ou à essayer des objets. Inutiles. Intéressants. Décoratifs. Nous passions de longues heures à nous promener. Sur les trottoirs. Dans les parcs. À la terrasse d'un café. Testant mille et une boisson. Mais restant toujours fidèle à la pièces baignée de lumière. Remplie de plantes.
Depuis ce jour. Depuis cette fois. Depuis qu'il avait passé ses doigts dans mes cheveux. Ou peut-être depuis qu'il m'avait guidé à travers la ville. Sa main dans la mienne. Nous étions plus proche. Plus souvent nos paumes effleuraient. Plus souvent nos doigts se mélangeaient. Plus souvent il y avait davantage. De petites attentions. De petites caresses. De petites têtes posées sur une épaule.
Cela me plaisait. Autant que cela m'interrogeait. Mais il ne disait rien. Amorçait souvent la proximité. Ne se plaignait jamais. Ne refusait jamais. Ne paraissait jamais gêné. Alors je ne posais pas de question.
Nous étions bien. Indifférent au regard des autres.
Après tout. Qui faisait attention à deux hommes se tenant la main. À deux hommes se baladant ensemble. À deux hommes. Deux amis.
Beaucoup de gens.
Beaucoup de gens qui ne le devraient pas.
Je le sus peu après. Quelques jours. Quelques semaines passées sans nous cacher. Il ne vint pas. Arriva bien trop tard. Le lendemain. Sans prévenir. Sans dire qu'il ne serait pas là.
Je l'avais attendu toute l'après midi. M'imaginant les pires scénario. Mais rien de pire que celui là.
Il toquait. Déjà l'odeur de fer se rependait. Discrète. S'insinuant partout. Puis se fut sa démarche. Hésitante. Boitante. Forcée de paraître naturelle. Il s'installait loin de moi. Et je le sus plongé dans ses pensées. Dominé par des évènements que je ne connaissais.
Cependant. Il ne tenait pas longtemps. Me rejoint. De l'autre côté de la pièce. Assis sur le lit.
Il me prit dans les bras. Cachant sa tête dans mon coup. Retenant les larmes. Cherchant de la chaleur. Je l'allongeais. Le serrais contre moi. Caressant ses cheveux. Parlant à voix basse.
Et alors il me racontait. Les cousins. Les grands frères. Les influences. Les ragots. Les fouines. Les observations. Il me racontait le jour précédent. Son départ. Son interpellation. Son argumentation. Les moqueries. Les railleries. Les dégoûts. Il m'épargnait les détails. Les coups. Les blessures. La honte.
Et j'hésitais. De peur d'aller trop loin. De peur qu'il s'enfuit. De peur qu'il me rejette.
« Puis-je. »
Il acceptait immédiatement. Dans un sanglot dissimulé.
Et alors mes doigts effleurèrent son visage.
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