Chapitre 37
Minho était repartit de chez Seungmin le lendemain avec un léger mal de crâne et l'esprit plus libre. Il décida de marcher au travers de la ville plutôt que de monter dans un transport en commun afin de se dégourdir les jambes. De toute manière rien ne l'attendait nulle part.
Les barres d'immeubles l'entouraient, si hautes qu'elles semblaient tanguer lorsqu'on levait le regard. Sur sa droite, s'il prenait ce chemin entre la résidence B et le bosquet à moitié mort, il tomberait sur le département de physique. Il se rappelait encore la structure, le hall d'entrée entièrement fait de verre. Cela donnait l'impression d'être une plante sous serre, relativement esthétique mais brûlant en été. Il y flottait toujours une odeur de tabac froid. Il se souvenait des amphi blindés le premier mois et de plus en plus vide au fil des semaines. Sa capuche rabattue sur les oreilles, il choisissait toujours un siège au centre de la salle, camouflé au milieu des autres. Il n'avait pas changé depuis cette époque, individu invisible à l'œil inattentif.
Il avança de quelques pas, profitant de la brise encore fraîche du début de matinée. Un nouveau bâtiment se découpa sur sa gauche. Plus ancien, plus austère que celui que Seungmin habitait. Minho en avait passé des heures entre ces murs. Est-ce que Félix habitait toujours dans sa colocation au 1er étage ? Il avait dû finir sa troisième année maintenant, peut-être qu'il avait porté son choix sur un master loin de Séoul. Peut-être était-il retourné en Australie. Peut-être ne le reverra-t-il jamais.
Minho avait l'impression d'avoir avalé du gravier. Le souvenir d'un rire qui montait dans les aigues et de taches de rousseur qui s'effaçaient au soleil. Souvenirs qui furent son quotidien, enfouis à jamais. Tout comme un autre rire, effréné, inarrêtable, insatiable, gourmand et galopant. Minho avait toujours aimé le rire de Jisung. Lorsqu'il ouvrait grand la bouche et qu'on ne pouvait que s'attendre à une explosion de sérotonine. Un rire si vrai que parfois il n'en trouvait plus la fin. Et il l'avait fait pleurer. Il avait vu ses yeux briller dans la noirceur de la nuit et il l'avait laissé s'éloigner.
Qu'avait-il fait ?
Il monta sa main à sa poitrine. Ce n'était peut-être qu'une figure de style, mais sur l'instant son cœur lui fit véritablement mal. Une déchirure s'était formée en son sein. Il le sentit se réduire, s'effondrer sur lui-même, se rabougrir comme un fruit trop mur. Ce muscle trop usé, négligé. Minho avait terminé son chemin au travers du campus. Il se retourna en embrassa d'un seul regard l'entièreté de son ancienne vie, où il avait été inquiet à chaque jour qui passait, mais aussi heureux. Anxieux et insouciant. Il avait retrouvé un bout de joie et l'avait abandonné à son tour. Décrocher les étoiles et retourner vivre dans une grotte. Il se détourna et retourna à sa suite de déceptions.
Ce qu'il y a de bien avec la ville, c'est que l'on est si insignifiant que personne ne vous prête attention. C'est ce qu'il avait appris lorsqu'il avait dû faire la manche : des millions de gens, et personne ne regarde ceux qui se tiennent à leurs pieds. Alors qu'auraient-ils eu à faire de ce garçon, le visage baigné de larme tourné vers le bitume ?
La porte fermée dans son dos, Minho ne pensa pas et alla se recouvrir de sa couette et laissa le monde oublier son existence.
***
Les jours se ressemblaient tous. Avec la douleur comme dénominateur commun. Il se levait le matin avec des yeux toujours un peu plus enfoncés dans leurs orbites. Sautait le petit déjeuner, se lavait les dents et partait travailler. Ses clients avaient cessé de lui tenir la causette après quelques onomatopées insipides. Plus de madame Lee lui racontant les péripéties de ses neveux et nièces. Plus de Monsieur Song lui faisant la lecture d'un passage particulièrement ingénieux de son journal. Plus de Hyeju et Chaewon qui lui glissaient un clin d'œil complice lorsqu'elles venaient récupérer leurs commandes. Minho s'était métamorphosé en ce qu'il avait toujours désiré devenir : un fantôme déambulant sans consistance dans l'univers. Sans un remous, sans une remarque, sans émotion. Pour le dernier, il attendait toujours.
Il rentrait chez lui. Se nourrissait essentiellement de ramens en sachet, lorsqu'il se souvenait qu'il était sensé s'alimenter. Puis il sombrait dans son lit, dans un demi-sommeil où souvenirs et songes se mêlaient. Parfois il voyait son père le poussant du haut d'une chaise et la sensation de chute, sans fin, le réveillait en sueur et tremblant. Parfois il sentait la paume de Jisung se poser contre sa joue et sa voix à son oreille, tendre, douloureusement tendre, lui chuchotant de se réveiller. Ceux-là étaient les plus terribles.
Sa routine était brisée. Il croyait, une fois délivré de sa culpabilité, une fois Jisung libre de son influence et lui affranchit de son regard qui affaiblissait ses barrières, qu'il retrouverait son équilibre. Ce serait comme avant, avant que son attention soit accaparée par cet étrange client gourmand de chocolat chaud, avant qu'il ne ressente des choses, avant qu'il ne comprenne ce que c'était qu'aimer et perdre. Rien n'était comme avant. Ou plutôt, un autre avant. Un avant remplit de doute, de solitude, de froid. Non. Jamais il ne retournerait là. Il ne pouvait pas. Il ne pouvait pas.
Un groupe de clients s'infiltra à l'intérieur de sa boutique. Il était presque 18h30 en plein mois de juillet, proche de la fermeture, il ne s'attendait pas à ce que tant de monde soit intéressés par un café à cette heure. Il leva la tête et ses pupilles regagnèrent un peu de vie à la vue de la personne en début de ligne.
« - Chan ?
-Je t'avais dit que je viendrais. »
Minho se souvenait. Bien sûr qu'il se souvenait. Chan lui avait promis de venir après lui s'il blessait Jisung. Ce jour était venu.
Il soupira.
« - Je finis dans une demi-heure.
-Je t'attends là dans ce cas. » Il s'écarta d'un pas, permettant au prochain dans la ligne de s'approcher du bar.
Minho descendit les stores qui les coupèrent du monde avant de se servir une limonade. Un léger mal de crâne venait poindre à ses tempes, il aurait besoin de toute l'énergie que la boisson pourrait lui fournir. Chan le toisait, de l'autre côté de la table, les mains croisées contre le bois. Minho était à peine touché par ce regard incendiaire. Il ne ressentait rien.
Le silence s'étira entre les deux garçons, Chan son regard fixé telle la pointe d'une flèche dans celui du brun, Minho les yeux flous. Il n'avait plus de but sur lequel se fixer.
« - J'étais venu là pour t'engueuler et te demander pourquoi, mais je vois que tu t'en veux déjà assez comme ça. »
Minho haussa les épaules.
« - Comment va-t-il ? » Il avait voulu poser cette question dès qu'il avait repéré les bouclettes de l'adolescent. Cela avait été tout ce qui résonnait dans son esprit depuis. Comment allait-il ? Comment allait Jisung ? Il désirait la réponse avec tant de force que ça le blessait physiquement. Ses ongles ornés de sang en était la preuve.
« - Ça allait tant qu'il était en colère. Maintenant il est juste triste.
-Est-ce que... Est-ce que j'ai aggravé ses crises ? Est-ce qu'il sort de chez lui ? »
Chan regarda ses mains. Les cuisses de Minho étaient tendues comme s'il était sur le point de bondir.
« - C'est difficile d'être en colère contre toi Minho. Même loin, tu prends soin de lui.
-Alors ?
-Il va bien. Il ne sort pas beaucoup de chez lui, mais pas à cause de son anxiété. Juste parce que... Parce que quand tu as le cœur brisé, tu sors pas beaucoup de chez toi. »
Minho retomba sur sa chaise avec un son sourd, un corps sans vie avachi sur son dossier. Il rendait Jisung malheureux. Il le savait. L'avait toujours su. Il n'aurait pas dû commencer avec lui. Avec quiconque. Jaehyun, son père, ils avaient raison. Ils avaient tous raison. Il ne méritait pas de trouver quelqu'un. Ce n'était pas fait pour lui.
« - Pourquoi Minho ? Jisung n'a pas voulu nous expliquer, alors je te le demande à toi : pourquoi ? Vous aviez l'air si bien ensemble. Tu le rendais heureux. Je l'avais jamais vu aussi heureux. »
Mensonge. Rien qu'une mascarade. Comment aurait-il pu être heureux avec lui qui ne supportait pas de croiser son regard en public ?
« - Et du jour au lendemain, tu as décidé que ça en valait plus la peine. Pourquoi Minho ? Il y a forcément une raison, et une sacrée mauvaise pour que tu tombes dans cet état. »
Minho répondit par ce qu'il faisait le mieux : il garda le silence. Chan n'était pas comme Seungmin, il ne comprendrait pas. Il ne verrait pas le dilemme qui se battait en lui, cette part de lumière réincarnée à force de sourires courageux et de chaleur timide qui affrontait sa noirceur naturelle. Chan n'effleurait que la surface. Il voyait ses yeux rouges, ses joues creuses, ses cheveux tombants et en tirait ses conclusions. Minho était malheureux et il avait commis une erreur. La réalité était souvent plus complexe que cela.
« - Je vais pas tenter de t'arracher les vers du nez. Il y a forcément des choses que tu préfères garder pour toi. Je respecte ça. Mais parle à Jisung. Il n'attend que ça. Il reste toute la journée scotché à son téléphone. Je devrais pas te dire ça. » Il se leva. Fit deux pas en direction de la porte de service. Demi-tour. Vint se planter devant Minho. « Il a toujours votre discussion ouverte. Il rafraîchit la page toutes les deux minutes. Et sursaute à chaque notification. Ça me tue de le voir comme ça. Tu as peut-être tourné la page, et j'en suis pas si sûr, mais lui non. Et il mérite une séparation propre. Contacte-le. » Il resta un instant immobile, avant de poser sa main sur l'épaule de Minho. « Il n'est pas trop tard. » Enfin, il s'évapora dans l'air.
Minho garda ses mains autour de son verre. Serait-il possible que Jisung l'attende, qu'il y ait encore de l'espoir ? Il pouvait l'appeler, lui expliquer, lui demander pardon. Chan disait qu'il n'était pas trop tard. Minho sortit son téléphone.
Un numéro inconnu l'avait contacté. 'Ce n'est pas fini petit-frère'. Minho fit tomber son téléphone sur le sol, ses mains tremblantes comme une feuille sous la brise de novembre. Jamais il ne lui échapperait. Il connaissait son adresse. Son numéro de téléphone. Il était partout sans se montrer. D'un coup de main, Minho balaya la table et envoya son verre se briser contre le sol. Puis il plongea sa tête entre ses bras et laissa sortir un son d'entre ses lèvres qui n'avait rien d'humain.
***
Qu'est-ce que vous avez pensé de Maxident ? Quelle est votre track préférée ? Personnellement c'est can't stop, j'ai juste un soft spot pour les chanson plus légères et optimistes de stray kids, comme astronaut, get cool, blueprint, the view etc.
:)
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro