Chapitre 35
Le problème avec les promesses, c'est qu'il est plus facile de les briser que de les tenir. Minho n'avait toujours pas contacté Jisung. Il était rentré chez lui, la tête basse et regrettant le soleil éblouissant qui éclairait la ville. Même la météo semblait se moquer de lui et de ses affres.
Lorsque Jisung l'avait recontacté à peine deux jours après la représentation, il n'avait pu rassembler assez de courage pour lui répondre. Son 'j'espère que tu vas mieux. Est-ce qu'on peut se voir cette aprèm ?' était resté sans retour depuis lors. Il l'avait lu, la culpabilité lui brûlant l'œsophage, avait jeté son téléphone au loin et n'avait pas rouvert la conversation. Jisung, qui n'avait rien fait de mal, dont la seule erreur était d'avoir à le supporter, avait accompli le premier pas. Minho restait enroulé sous sa couette à chasser la pensée de ce message comme l'on chasse une mouche insistante. Faire face à sa propre lâcheté était encore plus douloureux que l'idée de confronter Jisung. Il évitait les deux comme la peste.
Le second message qu'il reçut fut envoyé le lendemain. Une simple série de points d'interrogation. Minho avait une fois de plus tenté d'enterrer son trouble en même temps que de ranger son mobile au fond de sa poche. Peut-être que s'il fermait les yeux assez fort, tout disparaîtrait.
Mais c'était Jisung. Et il n'abandonnait pas aussi facilement. Le jour suivant, il lui redemanda si tout allait bien. S'il avait fait quelque chose de mal. S'il pouvait lui expliquer ce qu'il devrait faire. Chacune de ses questions était un nouveau coup de marteau contre le pieu qui s'enfonçait dans sa poitrine. Il avait de nouveau porté sa main à sa bouche mais il n'y avait plus de peau à ronger.
Jisung-ah :
Tu commences à m'inquiéter Minho
S'il te plaît, juste réponds moi
N'importe quoi
Quand on commence à éviter les gens, il devient de plus en plus impossible de faire marche arrière. Un cercle vicieux, Minho était à bord d'un bateau perdu au milieu d'un typhon. Le brun contemplait cette suite de message et les appels manqués qui les accompagnaient avec la sensation d'être un noyé trop loin des côtes pour s'y réfugier mais pas encore à court de force dans les bras. Il savait qui l'issue était inévitable, mais pas encore tout à fait là. Il éteignit son téléphone et l'abandonna sur sa table avant de récupérer son sac de sport. La danse ne lui était plus d'aucun recours, ses membres aussi souples et flexibles que du béton. N'importe quoi, pourvu qu'il s'éloigne de cet appartement, de sa noirceur et de son lit.
Le destin l'attendit alors qu'il rentrait dans les dernières lueurs du jour. Jisung se tenait assis sur son palier.
« - Seungmin m'a dit que tu rentrerais à cette heure-ci. » Le regard qu'il lui portait n'exprimait rien, ni rancœur ni inquiétude. Ou bien Minho était-il devenu aveugle à cela aussi ?
A sa grande surprise, il ne ressentait rien, lui non plus. Ni panique, ni honte. Juste de la résignation et une pointe de soulagement. Enfin ils y étaient. Ce n'était plus la peine de fuir. Il enfonça ses clés dans la serrure et invita son cadet à se glisser à sa suite sans un mot.
Jisung s'installa à la table à manger alors que Minho prenait sa douche. L'eau ne parvint à chasser la fatigue qui rongeait ses muscles. Les cheveux encore humides, il rejoignit le plus jeune.
« - Qu'est-ce qu'il se passe Minho ? »
Qu'est-ce qu'il se passait, en réalité ? Pas grand-chose. Trop. Minho était encore un petit garçon qui avait peur que son père le retrouve et lui mette la fessée. Il avait été éduqué à retenir ses émotions à l'intérieur au point qu'il ne sache mettre des mots dessus. Il était écrasé par le poids de sa culpabilité et se considérait être le poison qui rongeait ses relations.
Il garda le silence.
« - C'est difficile de savoir ce qu'il se passe dans ta tête parfois. Je sais que tu as du mal à t'exprimer. Je sais que tu as été blessé dans le passé, même si tu ne veux pas en parler. Je sais que c'était une personne importante qui est venue il y a trois semaines. Mais je ne peux pas t'aider si tu ne dis rien.
-Désolé. » Ce mot était à peine plus qu'un murmure.
« - Désolé de quoi ?
-Tout. »
Jisung prit son pendentif entre deux doigts et commença à jouer avec. Minho eut envie de hurler et de se frapper la tête contre le frigo. Était-il vraiment en train de lui infliger cela ? Était-il tombé si bas au point d'être la cause de son anxiété ?
« - Explique-moi. » Ce n'était pas une demande, c'était une supplication. Il était encore temps de faire demi-tour. Minho pouvait décider de tout lui révéler, ici et maintenant. Il pouvait lui parler du froid, de la peur et de la faim. De la honte et de l'envie de disparaître. Il pouvait faire remonter tout cela du plus profond de sa mémoire, livrer tous ses recoins les plus sombres, vomir cette pelote qui s'accumulait au fond de sa gorge puis se recroqueviller au creux de ses bras et l'entendre chuchoter des paroles réconfortantes et se faire caresser les cheveux.
Mais tout ça pour quoi ? Jisung souffrirait toujours de sa présence, de ses cernes et de ses peurs absurdes. Il ne pourrait pas lui offrir sa main en public. Il l'exposerait aux proies qui se tapissaient dans les recoins du monde. Jaehyun connaissait son visage.
Des excuses. Toujours des excuses. Minho était trop faible. Trop faible pour assumer qui il aimait, trop faible pour s'améliorer, trop faible pour affronter son monstre caché sous son lit, trop faible pour même l'énoncer à voix haute, trop faible pour se regarder dans le miroir. Il voulait tout oublier, ne plus rien ressentir.
« - Est-ce que tu es en train de rompre avec moi ? »
Rompre. Le mot pesa lourdement sur son estomac, comme s'il venait d'ingurgiter un sac de sable. Il ne voulait pas en arriver là. Il ne l'avait jamais voulu. Mais véritablement, qu'est-ce qu'il voulait ?
Minho relava le menton et croisa le regard de son compagnon. Il ne pu ignorer le moment où le choc et la tristesse déserta les traits du blond pour laisser place à la rage. Ses lèvres, légèrement entrouvertes se pressèrent pour former une fine ligne. Ses narines se dilatèrent et Minho jurerait que même ses cheveux se dressèrent sur son crâne.
« - Ce n'est pas juste Minho ! Est-ce que tu vas vraiment rester là, à ne rien dire ? »
L'air se densifia autour de sa personne et Minho eut du mal à en remplir ses poumons.
« - Ce n'est pas juste, ce n'est pas juste... » répéta-t-il avant de se lever abruptement. Il commença à faire le tour de la pièce d'un pas saccadé sans jamais délivrer son pendentif de l'emprise frénétique de ses doigts. « Je n'ai vraiment pas le droit à une explication ? »
Quelle explication ? Lui dire qu'il était dégouté par chacun de ses contacts ? Qu'il avait l'impression d'être observé à chaque instant de sa vie ? Lui expliquer la culpabilité qu'il ressentait d'être seulement à ses côtés alors qu'il pourrait passer son temps avec quelqu'un qui le mériterait véritablement ?
« - Je suis désolé...
-Ça ne suffit pas d'être désolé. Putain Minho, je sais exactement ce qu'il se passe dans ton petit crâne. » Il lâcha un rire sans joie. Une mélodie à glacer le sang. « Tu ne me quittes pas parce que tu n'as pas de sentiment pour moi, au contraire je pense que tu m'aimes. Enormément. Tu me quittes parce que tu penses me protéger. Tu crois que tu n'es pas bon pour moi. Que tu me fais souffrir. »
Comment ses mots à lui pouvaient être aussi justes alors que Minho ne parvenait à en formuler l'idée ? Il l'aimait tellement que ça lui en faisait mal. Une rose sublime dont les épines s'enfonçaient sous sa peau.
« - Oui, tu me fais souffrir Minho, mais pas pour les raisons auxquelles tu penses. Ce n'est pas ta mélancolie, ta peur ou la distance que tu m'imposes qui me blesse. » Minho eut un mouvement de recul. « Oui, j'ai remarqué comment tu m'évitais. Comment le moindre de nos contacts te faisaient sursauter. »
Il avait cru être discret. Il avait cru pouvoir donner le change. Mais cela était inutile, ça l'avait toujours été.
« - Ce sont tes silences qui me blessent. Ça me tue que tu ne me parles pas. » Il cessa sa marche effrénée et se mit à genoux devant le brun. Il approcha ses mains comme on approche un animal sauvage jusqu'à pauser ses paumes contre ses genoux. « Parle-moi Minho. Parle-moi avant que je parte. Et que je ne revienne pas cette fois. »
Minho aurait voulu parler qu'il n'en aurait pas été capable. Ses lèvres semblaient avoir été figées dans le temps. Le visage de Jisung se tenait à peine à quelques centimètres du sien et jamais il ne lui avait paru aussi éloigné.
« - Désolé. » Parce que rien ne pouvait changer le cours des choses.
Jisung se leva, lentement, comme plongé dans de l'eau. Ses gestes étaient flous et maladroits.
« - Tu sais Minho, j'ai cru être capable de n'importe quoi pour toi. Je pensais être capable d'endurer ta peur, tes caprices, tes sauts d'humeur, tes secrets, parce que tu le méritais. Que tu le mérites encore. Mais c'est trop dur, je n'en peux plus. Je pense que tu es quelqu'un de bien qui a juste du mal à comprendre qu'il mérite d'être heureux. Je croyais être celui qui te ferait comprendre ça. Mais je me suis trompé. C'est trop dur. Il n'y a que toi qui puisse te rendre heureux, et c'est pas ce que tu as décidé. C'est trop dur. » Sa voix se brisa sur les trois dernier mot, tombant comme une sentence à la fin d'un procès. Il lui lança un dernier regard, long et perçant. Minho ne s'était jamais senti aussi vulnérable. Voilà la seule personne qui ne l'avait jamais compris. Chacun de ses mots était une flèche qui atteignait sa cible. Pourtant il le laissa partir.
Jisung referma doucement la porte dans son dos. Abandonnant Minho à sa solitude. Silencieusement, une larme dévala la rondeur de sa joue pour venir s'échouer contre le tissu de son jeans.
***
Ne vous inquiétez pas si je disparais quelques semaines, c'est juste que la rentrée en L3 est assez stressante et je ne sais pas comment ça va impacter mon rythme de publication. Autant je vais poster tous les deux jours comme cette semaine, autant je vais disparaître pour un mois. Mais j'ai la suite écrite jusqu'au chapitre 41 environ, il faut juste être indulgent.e avec moi 💜
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