Chapitre 2
Minho était de retour derrière le comptoir. Un nouveau jour pour de nouvelles aventures. Ce lundi, il faisait l'ouverture. Il commença par mettre en marche la machine à expresso (il s'offrira probablement la première boisson du jour, ses cellules encore engourdies de sommeil requérant leur dose de caféine) et alluma la caisse automatique. Il vérifia si les comptes étaient en ordre mais sachant c'était son boss qui avait fermé samedi après-midi, il y avait peu de chance qu'il y ait problème. Il mit en place les pâtisseries qu'on lui avait livrées plus tôt dans les présentoirs. Il appréciait la régularité, faire en sorte que les gâteaux soient agencés de manière à donner envie. La pièce entière avec juste une part qui se détache du lot. De quoi donner l'eau à la bouche. La machine annonça qu'elle était prête à travailler. Pas lui. Il mit le programme pour un café double. Il rangea la vaisselle propre dans les étagères. L'eau commença à couler.
Bien qu'il pestât souvent contre la monotonie de son job, et plus encore sur la compagnie de son collègue (il ne l'avouerait jamais à voix haute, mais Seungmin était probablement son meilleur ami en ce moment. Plutôt se trancher les veines que de ne serait-ce qu'en formuler la pensée), Minho appréciait grandement son emploi. D'abord parce qu'il aimait le café. Deuxièmement parce que le salaire était honnête et lui suffisait à régler son loyer et ses courses, même de s'offrir des restos à emporter de temps en temps. Et dernièrement, car lorsqu'il travaillait, il ne pensait à rien d'autre. Il aimait l'effort que cela lui prenait, il appréciait la fatigue après une journée de dur labeur, ses jambes lourdes et son esprit qui tombait instantanément dans le monde des songes. Il aimait rester alerte à ce qu'il se passait dans la salle sous sa responsabilité, satisfaire ses clients, répondre à leurs attentes. C'était quelque chose qu'il maitrisait. Quelque chose qu'il faisait bien. Il avait l'impression de valoir quelque chose lorsqu'il portait son plateau à bout de bras, l'impression d'être apprécié lorsque ses clients le remerciaient. Cela remplissait son quotidien.
Son café était prêt. Il en but une gorgée. Corsé comme il le préférait. Les aiguilles de l'horloge atteignirent 10h pile. Il était l'heure d'ouvrir le volet roulant. Il retourna la pancarte indiquant « fermé » sur « ouvert ». C'était le début de sa journée, le début de sa semaine.
Son premier client, Monsieur Song, commanda un café noir avec son journal. Deux collégiennes lui prirent un iced Americano chacune à emporter. Madame Lee prit un pain au chocolat. Minho lava ses ustensiles, fit marcher sa machine, servit des gâteaux, répéta « bonjour » et « merci » à tour de bras. La routine.
Le lundi matin était toujours calme. Il aimait bien cette journée, c'était peut-être sa préférée de la semaine. Ni trop de gens, ni trop peu. L'équilibre idéal. D'autant plus lorsque la porte s'ouvrit sur un visage désormais familier.
« - Bonjour Jisung » l'accueilli le barista en insistant sur son nom.
Le Jisung en question lui sourit. « Bonjour Minho.
-Qu'est-ce que tu prendras aujourd'hui ? » Le tutoiement lui vint si spontanément qu'il en fut lui-même étonné.
« - A toi de me le dire.
-Ton chocolat chaud serra prêt dans une minute, tu peux déjà aller t'installer. Ta place est libre.
-Que d'attention !
-J'espère que tu me laisseras un pourboire pour avoir mémorisé tout ça.
-Cela dépend, je ne sais pas si je dois m'en sentir flatté ou inquiet que tu aies retenu tout ça de moi.
-Ce n'est pas si compliqué, tu prends toujours la même chose, au même endroit.
-Je ne savais pas que j'avais affaire à un spécialiste de Han Jisung. »
Minho ne savait que lui répondre, alors il lui tira la langue. Oui, Minho vingt-deux ans lui tira la langue comme un enfant de maternelle. Mais Jisung lui répondit par son magnifique sourire en cœur. Être enfantin, cela payait.
Il se retourna, laissant son client s'éloigner. Il prépara sa commande en se demandant une fois de plus ce que le jeune faisait là à une heure incongrue. Peut-être était-il déscolarisé ? Minho secoua sa tête, ses mèches brunes venant lui frôler les yeux. Ce n'était pas son problème. Il était là uniquement pour servir ses clients. La raison de leur présence ne le concernait pas. Fort de cette conviction, il prit la tasse et sa coupelle dans une main et la mena jusqu'à la table reculée la plus de la pièce.
« - Et voici » annonça-t-il en déposant la commande sur la table en bois tout en prenant garde d'éviter les feuilles éparpillées à sa surface. Il ne put s'empêcher de remarquer les figures géométriques et les différentes formules qui remplissaient lesdites fiches. Définitivement pas déscolarisé.
« - Merci. Je vais essayer de le boire entièrement chaud cette fois-ci.
-Tu ferais mieux en effet » ironisa le brun.
Il se retourna, prêt à reprendre sa place derrière le bar. Mais la tentation était trop forte. Au diable sa résolution d'il y a 30 secondes.
« - Tu es à la fac ? »
Jisung releva la tête, le regard impénétrable.
« - Non, au lycée.
-Tu fais plus âgé.
-J'ai redoublé. »
Il dit cela sans émotion, comme si cette information ne lui faisait ni chaud ni froid. Mais Minho le connaissait mieux que cela. D'accord, il ne s'était parlé réellement qu'une fois. Mais cela faisait presque trois mois que le plus jeune côtoyait ce café. Et malgré tous ses efforts pour l'ignorer, Minho l'avait toujours dans un coin de son champ de vision. Il était souvent timide, se faisant le plus petite possible, invisible au fond de cette grande salle. Ou bien parfois troublé. Ou fatigué. Ou concentré. Mais n'afficher aucune émotion, jamais. Ce n'était pas naturel chez lui. Minho ne savait pas d'où il tenait cette information, mais il était certain que ce qu'il lui avait annoncé n'était pas anodin. Et que les mots lui avaient coûté.
« - Okay. Cool. »
Minho était mauvais pour rassurer les gens. On lui avait souvent dit qu'il n'avait pas d'empathie. Parfois même qu'il était méchant. Minho se pensait juste maladroit.
« - J'ai abandonné la fac, si tu veux tout savoir. » Abandonné n'était pas le mot exact, mais le résultat était le même.
« - Entre loser on se comprend. » ironisa le plus jeune.
« - Je ne pense pas que tu sois un loser. L'école n'est pas faite pour certaine personne, c'est tout. » Ceci est probablement la phrase la plus profonde que Minho ait prononcé ces six derniers mois.
Jisung haussa les épaules.
« - OK.
-OK. » répéta Minho. La clochette retentit. Minho se retourna pour accueillir le nouveau client. Mais avant de partir, il entendit le « merci » que le plus jeune lui adressa dans un souffle.
Cette fois-ci, ce fut au tour de Jisung de manquer l'étincelle particulière dans le regard du serveur.
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