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Chapitre 16

Minho se réveilla au bruit de sa cafetière crachotante et au juron de son cadet. Il ouvrit les yeux et contempla son plafond un instant comme à son habitude. De la lumière filtrait à travers ses rideaux et il percevait la rumeur de la ville. Hier il s'était endormi à la respiration du plus jeune contre son épaule. Il inspira longuement et posa un pied à terre.

« - J'ai essayé de te préparer un café mais je sais pas pourquoi ça a fini comme ça... » expliqua Jisung avec une grimace dès que son hôte arriva dans la pièce à vivre. Autour de la gazinière s'étalait une marre de café et l'arme du crime avait été jetée sans ménagement dans l'évier. Minho soupira en se pinçant l'arête du nez.

« - Bonjour à toi aussi » grogna-t-il. La simple vue de son divin breuvage gâché de la sorte suffisait à lui faire partir la journée du mauvais pied. Seulement devant l'air de chiot battu de son ami, il ne put poursuivre ses remontrances. C'était au-dessus de ses forces. « Je vais te montrer comment on fait. » C'était une solution gagnant-gagnant : Jisung évitait de se faire remonter les bretelles et Minho aurait un café tout prêt la prochaine fois.

Il nettoya sa cafetière à l'eau froide, remplit le récipient inférieur d'eau sous le regard attentif de son cadet. Jisung ne le quittait pas des yeux tout en se tenant à quelques centimètres de son hôte. Il remit le filtre à sa place, se servit d'une dose de café, compléta le tout avec la dernière pièce supérieur et mit la machine sur le gaz. Jisung n'avait pas bougé d'un pouce, comme hypnotisé par ses gestes. Minho se rendit alors compte à quel point ils étaient proches l'un de l'autre. Lorsqu'il inspira, ses narines se remplirent de l'odeur de son propre shampoing altérée par la fragrance naturelle que le châtain dégageait.

« - Merci Hyung, je retiendrais pour la prochaine fois.

-J'y comptes bien. » Minho se racla la gorge. Jisung s'écarta.

Plus tard ils s'installèrent autour de la table avec leurs boissons différentes. Désormais, Minho achetait toujours lors de ses courses du lait et du cacao pour le plus jeune. Il avait appris que ce dernier ne mangeait presque rien pour son petit déjeuner, ce qui lui convenait parfaitement puisqu'il grignotait uniquement lui-même.

« - Où est-ce que tu aimerais aller ?

-Je pensais à Hongdae, il y a une boutique de chaussures que j'aime beaucoup là-bas. » Minho opina du chef. « Tu cherches quelque chose pour toi ?

-Pas en particulier. » C'était aussi qu'il n'en avait pas exactement les moyens. Jisung ne fit pas de commentaire. Minho profita des gorgées de son café qui lui réveillait ses cellules dans la quiétude du début de matinée. Jisung tournait et retournait sa cuillère dans son bol jusqu'à ce que le chocolat soit complètement dissout. La poussière dansait dans les puits de lumières formés devant les fenêtres.

Ils furent bientôt prêts à quitter l'appartement. Le ciel était dégagé et l'air s'était réchauffé après la suite de beaux jours auxquels ils avaient assisté, et Minho ne partit que vêtit d'un jeans noir troué aux genoux, un simple T-shirt gris et sa veste en cuir usée jusqu'à la corde. Il ne parvenait à se séparer de ce manteau, quand bien même il en aurait les moyens. Jisung pour sa part avait opté pour un pantalon à carreaux rouges noirs et blancs, un haut noir, le tout agrémenté d'un berret. Minho avait eu le souffle coupé quand il l'avait vu débarquer ainsi dans sa chambre. Il pourrait figurer en première page de Vogue Korea que ça n'étonnerait pas le plus âgé.

« - On y va ? » avait demandé son cadet devant son air hébété.

Désormais marchant côte à côte dans la rue, Minho sentait le regard des passants se retourner sur leur passage. Il savait évidemment que c'était l'aura du plus jeune qui les attirait. Il n'aurait pu concevoir qu'il avait une beauté naturelle lui-même qui ne nécessitait aucun ornement. Probablement qu'il était le seul à ne pas s'en rendre compte. Mais cela le rendait plus heureux de se dire que les piétons se retournaient pour Jisung que pour sa personne.

« - Ça ne te stresse pas d'aller dans un endroit plein de monde ? » Jisung se frotta la lèvre. Minho regretta ses paroles. « Désolé si ça te met mal à l'aise d'en parler.

-Non, non. C'est juste que justement, ça ne m'angoisse pas du tout. » Minho se tourna vers son cadet, une expression curieuse aux lèvres. Ils se dirigeaient pourtant droit vers une foule, ce dont Jisung devait détester, non ? « Je sais pas trop comment l'expliquer » poursuivit le plus jeune comme s'il avait lu dans les pensées de son aîné. « Il y a certaines situations qui me stressent bien plus que d'autres, et ce n'est pas relatif aux nombres de personnes présentes. Par exemple, aller en classe est une vraie épreuve, alors qu'assister à un concert ne me pose aucun problème. Pourtant dans l'un on est une trentaine et l'autre plus de mille.

-Est-ce que c'est parce que tu dois faire une performance ? » tenta de deviner le brun. « Quand tu es en classe, on attend de toi un certain comportement, donc cela te stresse, mais dans un concert tu es juste là pour profiter, donc ça ne te fait pas peur ?

-Oui... Et non. C'est sûr que c'est le fait qu'on attende quelque chose de moi en cours qui fait que je ne m'y sente pas à l'aise. Mais ce n'est pas ça en définitive qui déclenche une crise. » Minho ne le suivait pas. « Par exemple, c'est difficile pour moi de faire mes courses pour de la nourriture, pourtant je n'ai aucun problème à acheter des vêtements. Ou alors je suis stressé quand il y a beaucoup de monde autour de moi aux restaurants mais pas dans les transports en commun.

-Le dernier je peux comprendre. Il y a pas mal de gens qui sont mal à l'aise à l'idée de manger devant d'autres personnes. » Minho avait fait des recherches sur internet. Dès le premier jour où il avait su à vrai dire. « Mais la différence entre un supermarché et une boutique de fringue ? Ça je comprends pas »

Jisung haussa les épaules. « Moi non plus. Il n'y a pas vraiment de logique derrière ça. » Ils poursuivirent leur route. Ils avaient décidé de marcher même si cela leur rajoutait du temps de trajet pour profiter du beau temps. Ils n'étaient pas pressés, ils avaient tout le temps du monde.

« - Et quelles autres situations sont susceptibles de déclencher une crise ? Enfin si ça te dérange pas d'en parler.

-Tu es mignon avec ta prévenance, mais vraiment ça ne me gêne pas de t'en parler. » Minho rougit au compliment. Ses oreilles n'arrêtaient pas de trahir ses pensées profondes. « Mmh, je n'ai pas une liste précise en tête, et parfois c'est juste relatif à ma santé, si j'ai bien dormi, si je suis stressé etc. Mais je dirais que rencontrer de nouvelles personnes en dehors de mon cercle me met mal à l'aise. Prendre l'ascenseur aussi.

-Pas de problème avec ça, toute façon j'en ai pas chez moi.

-Ça j'avais remarqué ! Faire du sport avec d'autres aussi. C'est pour ça que je déteste les cours de sport.

-Qui aiment les cours de sport de toute façon ?

-Chan et Changbin.

-Pourquoi t'es pote avec eux ? Ils sont bizarres. » Jisung rit doucement.

« - Je me pose la même question. » La rue les mena jusqu'à un parc. Là, des enfants jouaient sous la surveillance de leur mère. Minho se rappela qu'il avait l'habitude de venir ici petit, s'amuser après l'école. Sa gorge se serra. Il se demanda s'ils croiseraient ses parents. Après tout ils n'habitaient pas loin d'ici. Il chassa rapidement cette question de son esprit.

« - Et comment ça se passe avec le psy ?

-C'est un vieux, il a des poils dans les oreilles et je me demande à quel point ses joues sont musclées vu qu'il sourit absolument tout le temps. » Typique de Jisung. Eviter la question posée par un trait d'humour. Minho était habitué. Il attendit juste que son cadet reprenne la parole. « Mais j'imagine qu'il m'aide. Ça me fait du bien d'en parler. Ce n'est pas contre toi hyung.

-Je le prends pas personnellement.

-Mais ça fait du bien de parler de ça à quelqu'un que tu sais ne va pas te prendre de pitié ou se sentir désolé pour toi, parce que c'est son métier. Des gens comme moi, il en voit à la pelle. Mais il y a quand même certaines choses dont je n'arrive pas à lui parler. Des souvenirs trop personnels que je n'ai pas envie de partager. Même si je sais que ça pourrait l'aider dans son travail, je suis pas prêt à en parler.

-Tu n'es obligé en rien. Si tu n'as pas envie d'aborder certaines choses, tu ne les abordes pas. » C'était aussi simple que cela. Son psy n'était pas payé pour l'obliger à parler, mais pour l'écouter. Tout comme Minho. Et ils ne forceront pas Jisung à se livrer si ce n'était pas ce qu'il désirait. C'est pour cela que Minho ne demanda pas quels étaient ces sujets que Jisung n'avait pas abordés.

Après ce qu'il s'était passé entre eux, il estimait qu'ils avaient tous les deux droit à leur jardin privé.

Jisung s'arrêta finalement devant la devanture d'une boutique. Derrière la vitre étaient présentées différentes paires de Dr Martens de toutes tailles et de toutes couleurs. Minho se dit qu'ils étaient arrivés à bon port. Jisung n'hésita pas et s'engouffra dans le commerce.

« - Tu as déjà une idée de ce que tu veux ?

-Hum » répondit distraitement le plus jeune en se dirigeant bille en tête vers le fond de la boutique. Il récupéra plusieurs boites de différents modèles sur son chemin et prit place sur l'un des bancs mis à disposition des clients.

« - J'ai déjà regardé les modèles sur internet » expliqua-t-il en retirant la première paire de sa boite. C'était la version de Dr Martens les plus connues, les 1460, en blanches. Minho avait déjà envisagé d'acheter cette même paire. « Mais j'avais envie d'avoir ton avis parce que je n'arrivais pas à me décider. » Il termina de boucler le nœud de ses lacets et se mit sur ses deux jambes. « Qu'est-ce que tu en penses ? »

En effet, qu'est-ce que Minho en pensait ? En vérité, Minho ne pensait plus à grand-chose. Il n'avait jamais imaginé son cadet chaussé d'autre chose que ses indémodables converses noires à plateforme. Ainsi vêtu de ces bottines en cuir, il en eut le souffle coupé. La paire lui allongeait les jambes déjà grandes et donnait à sa silhouette cet air plus classe, rock et... Sexy.

Minho n'en revenait pas d'avoir pensé ça. Il se racla la gorge.

« - Elles te vont bien.

-Mmh » approuva vaguement Jisung en s'observant dans le miroir. Il fit quelques tours sur lui-même, marcha le long de l'allée. Ses pas faisaient autant de bruit que le cœur de Minho dans sa cage thoracique. « Elles ne sont pas super confortables.

-C'est toujours comme ça avec les Dr Martens. Il faut que le cuire s'assouplisse en les portant.

-Tu dois avoir raison. » Il se rassit et commença à les retirer.

« - Tu n'as pas l'air convaincu.

-C'est juste que je ne les imaginais pas comme ça sur moi. Je vais essayer les autres. » La boîte suivante renfermait presque la même paire en plus haute. Des 1490, blanches. Minho les imaginait déjà parfaitement sur Jisung. Ce dernier eut quelques difficultés à les enfiler, devant détendre les lacets plusieurs fois avant que son pied ne rentre finalement à l'intérieur.

Il se leva ensuite et retourna se poster devant le miroir. Minho l'observa longuement, le détailla des pieds à la tête et en vint à la conclusion : qu'importe ce que le plus jeune portrait, il sera toujours magnifique à ses yeux. Mais ces Dr Martens le grandissaient, lui donnait fière allure, particulièrement avec ce pantalon à carreaux qui tombait juste au-dessus des chaussures. Ses jambes s'apparentaient à celles de danseurs. Il préférait presque ce modèle au précédent. « - Tu en penses quoi ?

-Parfait.

-Tu pourrais trouver autre chose à me dire. Si tu continues comme ça sur les deux prochaines, tu ne me sers pas à grand-chose.

-Ce n'est pas ma faute si tout te va. » Minho l'avait dit très sérieusement sans même y penser et Jisung lui répondit en lui tirant la langue dans le miroir.

« - Mais est-ce que tu préfères celle-ci ou la précédente ?

-Celle-ci.

-Pourquoi ?

-Elle te grandit.

-T'es en train de me dire que je suis petit ?

-Tu prends tout mal. » Minho leva les yeux au ciel. « Elles sont plus hautes donc elles te grandissent les jambes, qui sont déjà longues, et elles affinent ta silhouette. Tu as un air de rockeur comme ça, mais habillé autrement tu pourrais avoir l'air de passer un entretien d'embauche. Elles soulignent les avantages de ta morphologie tout en étant adaptables à toutes les situations. Le seul problème est qu'avec des chaussures blanches, tu vas les porter une semaine avant qu'elles soient salies. Mais je maintiens qu'elles te vont comme un gant. »

Jisung se retourna vers lui, interdit. « C'était étonnamment complet. Merci Hyung. » Minho haussa les épaules. Jisung les garda aux pieds quelques temps, et son aîné ne se retint pas de l'observer tout son soul. Minho se dit qu'il pourrait le regarder toute l'éternité qu'il ne s'en fatiguerait pas.

« - Tu veux bien me défaire les lacets de la prochaine s'il te plaît ? » Avec regret, le brun se détourna de sa contemplation pour ouvrir le couvercle de la prochaine boîte. A l'intérieur se trouvait une nouvelle paire blanche (encore) du modèle 1460 mais cette fois-ci accompagnée d'énormes plateformes. Minho eut du mal à avaler sa salive.

« - Il faut absolument que tu essaies celles-ci » chuchota-t-il.

« - Mmh ?

-Il faut que tu essaies celles-ci » répéta-t-il avec plus de force après avoir repris sa respiration. Minho savait. Jisung n'avait même pas besoin d'essayer la prochaine, ni aucune autre chaussure. Ce sera celle-ci qu'il achètera. C'était comme si ce modèle avait été créé pour Jisung.

L'intéressé lui lança un curieux regard, que Minho ne prit pas le temps d'analyser. « D'accord. » Il se rassit à côté de son hyung et retira le modèle précédent. Minho était si impatient de contempler son cadet dans ces chaussures qui lui laça lui-même les bottes aux pieds, sous le rire gêné du plus jeune, avant de lui tendre la main pour l'aider à se relever. Il était si concentré sur ses pieds qu'il manqua la rougeur qui avait contaminé le visage de son ami alors qu'il l'amenait jusqu'au miroir.

« - Parfait » murmura-t-il une fois parvenu devant la glace. Il aurait pu parler du modèle ou de Jisung que ça n'aurait pas changé son commentaire. Ces chaussures avaient définitivement été conçues pour lui. Elles lui seyaient le pied à merveille, complétait son style d'une manière que les autres paires ne pouvaient tenir la comparaison. Jisung portait différent type de vêtements : chill, citadin ou rock comme aujourd'hui. Et bien que ces bottines ne convinssent pas au premier, elles étaient tellement adaptées aux deux autres que Minho ne se posait pas de question : Jisung devait les prendre. Sans compter qu'avec elles, Jisung le dépassait de quelques centimètres et il avait beau vouloir contenir ses sensations, cela faisait régir son ventre d'une manière qu'il n'aurait pu prévoir.

« - Merci » répondit le châtain, tout bas. Minho remonta son regard sur leurs silhouettes dans le reflet et c'est à ce moment-là qu'il remarqua leur position. Dans son engouement, Minho avait posé sa main sur la hanche du plus jeune avec un naturel déconcertant.

Il s'écarta précipitamment. Jisung fixa le bout de ses chaussures. « - Tu veux peut-être faire un tour dans l'allée ? » proposa Minho. Son ami hocha la tête.

Une fois hors de vue, Minho enfouit sa tête entre ses mains. Il s'était laissé emporter, son cœur battait à tout rompre, il avait chaud de partout. Mais c'était une bonne sensation, une excitation qui le rendait vivant. Il se sentait marcher sur un fil, équilibriste effronté, et une simple brise pouvait le faire basculer d'un côté de la falaise. C'était grisant. Il attendrait la prochaine bourrasque avec impatience.

Jisung revint en quelques secondes. « - Tu as raison elles sont magnifiques. » Minho voulut ajouter qu'il était magnifique et que les bottes soulignaient cela uniquement mais il se retint. « Elles sont très agréables aussi. Même s'il faut que le cuire se casse au-dessus.

-Toujours.

-Mais j'ai une dernière paire à essayer.

-Tu es sûr que c'est nécessaire ? » Jisung insista. Il se révéla que la dernière paire était la même que la précédente sauf en noir, et bien qu'elle complimentât les jambes de Jisung comme sa compère blanche, Minho n'en démordait pas : c'était les blanches que Jisung devait prendre. Et après les essayages, le plus jeune lui donna raison.

« - Il y a pas de mystère, ce sont celles-ci qui me vont le mieux. » Minho ne l'aurait pas exprimé autrement.

En passant à la caisse, l'aîné se demanda tout de même : « Comment ça se fait que tu aies autant d'argent à dépenser ?

-Mon père. C'était un cadeau d'anniversaire.

-Mais ce n'est pas ton anniversaire, non ?

-Absolument pas. Mais il m'avait envoyé une lettre à l'époque disant qu'il m'offrirait la paire que je voudrais. Mais on n'est jamais allé les acheter ensemble, et finalement il m'a viré 200€ sur mon compte. Je voulais juste m'en débarrasser au plus vite pour pas me rappeler à quel point mon père est décevant. » Il régla ses achats et la vendeuse leur souhaita une bonne journée. Minho fut triste d'apprendre que le père de Jisung lui causait toujours autant de peine au point que ce qui aurait dut être une source de joie s'apparente à un devoir.

Une fois sortis de la boutique, Jisung se tourna vers lui. « Fais pas cette tête. Ça me fait plus plaisir de les acheter avec toi. » Son sourire se fit si lumineux que Minho le crut. « Allez, on va aller trouver quelque chose pour toi.

-Pas sûr que ça rentre dans mon budget.

-T'inquiète pas, je m'en occupe. » Il l'entraîna au travers du quartier des artistes comme s'il le connaissait par cœur. Ce qui était peut-être le cas. Après tout il faisait bien parti d'un groupe de musique, peut-être se produisaient-ils là de temps en temps. Jisung s'arrêta devant ce qui semblait être un énorme hangar plus qu'une boutique de vêtements. « Ta-dam ! » s'exclama-t-il, fier de lui. « Les fripes sont toujours moins chères et on peut trouver de vraies perles. » Minho se mit à sourire à son tour. Ils s'engouffrèrent dans l'immense commerce.

En vérité, Minho ne cherchait rien. Il n'avait besoin de rien. Depuis le temps, il avait appris qu'il n'y avait pas beaucoup de choses qu'il nécessitait. Un toit au-dessus de sa tête, des vêtements propres et du café, cela lui suffisait à être heureux. Mais faire les boutiques semblait faire tant plaisir à Jisung qu'il s'était laissé entrainer.

Il jouait le jeu. Il regarda distraitement le rayon des jeans, se disant qu'avec les deux qu'il possédait déjà il n'en avait pas l'utilité tandis que Jisung trottinait dans les allées en fourrant son nez partout et trouvant toujours plus de trésors. Minho passa finalement plus de temps à observer son cadet au-dessus des présentoirs que de regarder ces-dits présentoirs.

Une chemise blanche toute simple retint finalement son attention, il était en train de la contempler en se disant qu'elle serait adéquate pour aller au-boulot lorsque Jisung le rejoint. Minho s''étonna de ses mains vides, mais son interrogation trouva vite une réponse.

« - Viens Hyung, je t'ai déjà réservé une cabine. » Son sourire en cœur semblait recouvrir l'entièreté de son visage et Minho ne pouvait lui dire non, qu'importe ce qu'il demandait. Jisung lui récupéra sa chemise et de son autre main, prit celle de son aîné et le mena d'un pas expert au travers des rayons. La paume de Minho était brulante.

Ils parvinrent finalement à bon port. Dans la cabine s'entassait ce qui aux yeux de Minho s'apparentait à une montagne de vêtement. Il ne pourrait jamais essayer tout ça. Mais Jisung lui avait prévu tout un programme. « D'abord ça » dit-il en lui tendant la chemise, le seul article qu'il avait choisi pour lui-même. « Avec ça. Ça. Et ça. » Un pull en col en V sans manche. Un pantalon droit à carreau gris. Et des converses blanches. Minho hocha la tête, décontenancé, et s'enferma dans la cabine.

Lorsqu'il en sortit vêtu selon les désirs de son cadet, celui-ci poussa un petit cri de joie. « J'étais sûr que le violet était ta couleur. » Et en effet, le pull en laine couleur lavande lui seyait, particulièrement bien mis en valeur par la chemise blanche qu'il portait en dessous et dont il avait roulé les manches jusqu'aux coudes.

« - Par contre le pantalon est trop serré » lui apprit-il. Jisung descendit le regard sur ses cuisses et constata le tissu tendu sur celles-ci, au point de ne pas être très agréable pour Minho. Jisung déglutit difficilement.

« - Tu as des cuisses musclées...

-La danse.

-Tu danses ?

-J'en faisais. Avant. » Jisung ouvrit la bouche pour poser des questions mais Minho ne lui en laissa pas le temps. Il ne voulait pas entendre ses questions, il ne voulait pas penser aux réponses. « Quelle est la prochaine tenue ? » Jisung hocha la tête, comprenant les intentions de son hyung et lui présenta un pull vert kaki agrémenté d'un jeans délavé.

Après une dizaine de minutes d'essayage, Minho se décida pour l'ensemble chemise et pull en laine violet du début et un pantalon noir à poches multiples qu'il avait essayé plus tard. Jisung avait bien essayé de lui faire essayer d'autres jeans proches du corps qui selon lui 'mettait en valeur ses jambes musclées', mais Minho n'avait rien voulut savoir. Il était bien plus à l'aise dans des vêtements amples. Pas qu'il n'aimait pas son corps ou ne voulait pas le montrer aux regards étrangers, en vérité il en était plutôt indifférent, mais il appréciait que ses membres aient de l'espace pour se mouvoir.

Lorsqu'ils retournèrent à l'air libre, il était presque l'heure de manger. Ils décidèrent de profiter de la street food du quartier et se retrouvèrent au parc les mains chargés de tteokboekki, corn dog et de brochettes dakkochi.

« - Tu aurais pu me laisser participer » râla de nouveau Jisung. A chacun des stands auxquels ils s'étaient arrêtés, Minho avait insisté pour payer.

« - Dis-toi que c'est ton après-midi avec ton père qu'on remplace. Il aurait bien payé pour tout, non ?

-Oui. Mais tu n'es pas mon père.

-J'espère bien » rit Minho. Et pour plus d'une raison. « Alors dis-toi que c'est juste le cadeau d'un ami.

-Ça je peux l'accepter. Mais dans ce cas, la prochaine fois qu'on mange ensemble, c'est moi qui paye.

-Mmh » répondit distraitement le plus âgé. Il était vrai qu'il n'était pas totalement à l'aise financièrement, mais pas au point de ne pas pouvoir offrir à manger à Jisung. Il avait appris que l'argent était une sécurité, mais qu'il servait surtout à se laisser vivre lorsqu'on avait la chance d'en posséder. Et Minho appréciait plus le dépenser pour autrui que pour lui-même.

« - Merci Hyung » lui dit Jisung pour au moins la troisième fois. Minho lui tendit la barquette de gâteaux de riz. Il se servit lui-même un hot dog frit. C'était une explosion de saveur en bouche. Sucré, épicé, salé. Ce à quoi la vie devrait ressembler. Ce que sa vie était devenue depuis qu'il avait rencontré Jisung : un débordement de sensation. Le plus jeune vint prendre une bouchée de son bâtonnet alors il lui vola sa fourchette et se servit dans son plat. Ils continuèrent à partager la nourriture jusqu'à ce qu'il n'en reste plus une miette. Le ventre plein, ils profitèrent du soleil de printemps.

« - Ça faisait longtemps que je n'avais pas autant mangé.

-Tu es trop mince hyung. Tu devrais manger plus.

-Ne t'en fais pas pour moi.

-Tu devrais venir plus souvent chez moi. Ma mère t'adore. Je suis sûr que tu repartirais les mains pleines de tupperware. » Minho n'en doutait pas un instant.

« - Tu as de la chance de l'avoir. » Jisung hocha la tête.

« - Tu ne vois jamais tes parents ?

-Non.

-Ils ne te manquent pas, parfois ? » Minho réfléchit longuement à cette question en regardant le ciel bleu exempt de nuages. Il réfléchit tant et si bien que Jisung crut qu'il ne voulait pas répondre à son interrogation. Il baillât à s'en décrocher la mâchoire et demanda si ça ne dérangeait pas Minho s'il se servait de ses cuisses comme oreiller pour une sieste. Cela ne dérangeait pas Minho.

Il n'arrivait pas à savoir lui-même si ses parents lui manquaient. Il passa ses doigts dans les cheveux de son cadet, lui offrant un massage sans vraiment y prêter attention. La plupart du temps il s'efforçait de ne pas y penser. Et durant une longue année, il y était parvenu avec succès. Mais Jisung avait ouvert la boîte de Pandore, et depuis ses souvenirs revenaient à des moments incongrus. La nuit lorsqu'il était sur le point de s'endormir il se revoyait, plus jeune, aidant sa mère à préparer un gâteau pour des invités. Ou alors lorsqu'il faisait la vaisselle au Temps Modernes et qu'il se revoyait partir en soirée dans ce même quartier accompagné de Hyunjin et sa maladresse, Félix et son accent qui charmait le monde. Ses souvenirs étaient tintés de tristesse, mais c'étaient des souvenirs de joie. Il se sentait amer, comme lorsqu'on mange une salade avec trop de vinaigre dans la sauce. Mais ça ne faisait plus aussi mal qu'à une époque. Ses émotions s'étaient émoussées avec le temps, des photos passées, rendues ternes avec le temps.

Ses parents lui manquaient. C'était indéniable. Il aurait aimé pouvoir aller frapper à leur porte, laisser sa mère le prendre dans ses bras, retourner dans le temps quand tout était plus simple. Mais ce n'était qu'un doux rêve. Et comme tous les rêves, ils ne deviennent pas réalité.

Ses parents lui manquaient. Mais il ne souhaitait pas les revoir. Il ne pourrait le supporter.

Jisung émit une espèce de grognement dans son sommeil, ramenant l'attention de son aîné sur lui. Il descendit sa main le long de la joue du châtain, redessinant de la pulpe de ses doigts l'arrête de son nez. Il prit le temps de détailler ses traits, ses fines lèvres, ses joues de poupon, son nez volontaire, ses yeux félins. Jisung, lui, était tangible. Il était , avec lui. Il le rendait heureux au présent. Cela ne servait à rien de remuer le passé, de regretter des gens qui s'y étaient effacés. Cela ne les ramènera pas. Mais ceux qu'il avait aujourd'hui avec lui, ça c'était vrai. C'est ce qui comptait et ce pourquoi il vivait.

Son portable sonna, lui apprenant l'arrivée d'un nouveau message. C'était Soohee qui lui demandait s'il était avec Jisung. Il checka l'heure, et en effet il était 14h passée. Ils avaient complètement oublié les cours de Jisung. Ou du moins Minho avait oublié. Il soupçonnait le plus jeune de lui avoir sciemment pas rappelé cette information. Il rassura Madame Han et retourna blottir sa main dans les cheveux de son cadet. Après tout, il avait déjà loupé le début des cours, à quoi bon le réveiller maintenant.

Minho et Soohee avaient échangé leurs numéros pour que le jeune homme puisse tenir au courant cette dernière en cas d'urgence. Ce n'était pas une manière de fliquer Jisung, il était bien assez grand pour s'occuper de lui-même, mais une façon de rassurer une mère qui prenait soin de son fils. Minho acceptait de participer à cela. D'ailleurs Soohee lui répondit 'OK' à son message. Ce qu'elle dira plus tard à son fils restera entre eux.

Minho garda les yeux rivés sur son écran encore plusieurs minutes à switcher entre les différents réseaux sociaux qu'il possédait, ce qui n'était pas grand-chose au bout du compte. Il avait supprimé presque tout de son existence virtuelle. Il s'était juste créer un compte Instagram privé dont Seungmin, Heejin et Wheein seulement en connaissaient l'existence, et c'était plus pour suivre les gens de loin que pour poster quoique ce soit. Il n'avait même pas de photo de profil. Il n'aurait su quoi y mettre.

Ne possédant pas d'écouteur et ne voulant réveiller le plus jeune, il ne put poursuivre pas regarder un épisode de dessin animé ou une vidéo YouTube. Il soupira et rangea son portable dans sa veste. Il reposa sa tête contre le tronc derrière lui et somnola tranquillement. Il sentait les cheveux de Jisung sous ses doigts, la chaleur de sa joue contre sa cuisse, son souffle contre son genou. Il se dit qu'il pourrait d'accorder un somme.

Cependant Jisung se réveilla à cet instant. Il papillonna des yeux, étourdi. Minho lui caressa la pommette de son pouce. Jisung tourna son visage vers lui.

« - Il est quelle heure ?

-14h30 passée, petite marmotte. » Jisung grogna. « J'ai déjà eu ta mère. Elle sait que tu es avec moi.

-Merci nounou. » Minho eut un sourire en coin et continua à lui caresser les cheveux. Jisung contempla le ciel un moment, chassa le sommeil de sous ses paupières avant de reprendre. « Je suppose que l'avantage de cette situation c'est que je peux dire que j'étais trop stressé à l'idée de venir que je n'ai pas pu.

-Au lieu de quoi t'étais juste en train de roupiller.

-Ça va, ils m'ont rendu la vie impossible pendant des années. Je peux abuser un peu de leur confiance maintenant.

-Fais attention, au bout d'un moment ils vont te retirer tes privilèges.

-C'est la première fois.

-J'espère que ça vaut le coup.

-A 100%. »

Les deux jeunes hommes restèrent quelques minutes dans cette position à contempler le ciel avec des cris d'enfant et des crissements de pneus comme fond sonore.

« - Qu'est-ce que tu veux faire maintenant ? » demanda Minho.

« - Mater un film ?

-Un ghibli, ça te dit ? Ils sont sur Netflix en ce moment.

-Seulement si c'est le château ambulant.

-Vendu. »

Le brun aida son cadet à se relever, ils récupérèrent les différents résidus de leur repas pour les jeter et leurs emplettes pour les emporter avec eux. Jisung insista pour porter ses chaussures tout de suite aux pieds sans se douter de l'effet qu'elles possédaient sur le plus vieux. Il résista tant bien que mal à lui prendre la main le long du trajet. Pas que Jisung la lui aurait refusée. Il y avait juste trop de gens dans les rues.

Une fois arrivés dans l'appartement de Minho, Jisung ne demanda même pas la permission que déjà il sortait le thermos de café pour son aîné et préparait un chocolat pour lui. Minho partit ranger ses achats dans son placard avant qu'ils s'installent, boisson en main, autour de la table. Ils lancèrent le dessin animé et Jisung rapprocha sa chaise pour être en face de l'écran et accessoirement plus proche du brun. Il posa sa tête sur son épaule et Minho sourit doucement.

Après le château ambulant, ils enchainèrent sur Kiki la petite sorcière. Au milieu du film Jisung téléphona pour commander du poulet frit et dut batailler pour payer. Ils dégustèrent leur repas, continuèrent leur dessin animé, en lancèrent un autre jusqu'à ce que Jisung s'endorme au milieu, le corps enroulé autour de Minho. Son bras lui barrait l'estomac et une de ses jambes recouvrait la sienne. Minho éteint discrètement son téléphone. Jisung était adorable ainsi, ses lèvres à peine entrouvertes pour laisser passer sa respiration profonde. Minho passa un bras dans son dos et ferma les yeux.

Pourquoi toutes les journées de sa vie ne pouvaient pas se dérouler ainsi ?

***

Dédicace à @-taesthyk qui disait que cette histoire manquait de fluff. 5000 mots rien que pour toi :)

Première remarque : je m'inspire essentiellement de ma propre anxiété sociale pour décrire celle de Jisung, c'est pourquoi peut-être que tout le monde ne peut d'identifier à ce que je raconte. Cela ne veut pas dire que votre anxiété (si vous en souffrez) est moins valide. Ce sont juste mes propres impressions (plus ou moins) que Jisung décrit.

Seconde remarque : je fais un joyeux mélange dans cette fiction entre la Corée et l'Europe (ils sont à Séoul mais payent en Euros ?!). C'est juste parce que je ne veux pas me prendre la tête. Cette fiction est juste un passe-temps pour moi, je n'ai aucune envie de la rendre réaliste. Donc ne faites pas attention plus que cela à ses détails, ils sont délibérés.

J'espère que vous avez apprécié ce long chapitre ^^

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