Rien n'avait fondamentalement changé dans leur relation, mais Minho ne pouvait pas dire qu'elle était identique à avant. Il ne savait pas comment le nommer, mais il y avait quelque chose en plus dans les regards qu'ils échangeaient derrière leurs boissons dans le café. Quelque chose de différent dans la manière dont Seungmin les observait sans rien dire. Et définitivement quelque chose de différent dans la façon dont Minho se réveillait certains matins avec les bras de son cadet autour de sa taille.

En parlant de Seungmin, Minho n'avait jamais eu aussi honte que le lundi après-midi où il était allé s'excuser auprès de son collègue. Il le reconnaissait qu'il n'avait pas été correct envers lui, qu'il avait été puni uniquement parce que Minho était de mauvaise humeur. Il regrettait son comportement, mais encore plus, il regrettait donner à son ami une occasion de se moquer et de prendre avantage sur lui. Batail de coq inutile, il était bien trop fier pour son propre bien.

Cependant, à son grand étonnement, Seungmin n'en avait pas profité une seule seconde.

« - Je suis content que tu aies discuté avec Jisung » lui avait-il répondu, laconique. Puis il lui avait dit de reprendre le boulot. L'incident avait été oublié aussi simplement que cela. Seungmin n'en avait jamais fait mention. Et Minho s'était mis à l'apprécier plus encore.

Même Monsieur Kim lui en avait touché deux mots, avouant qu'il était heureux que la journée qu'il lui avait accordé avait porté ses fruits. Minho lui avait demandé s'il avait pu lui trouver un remplaçant.

« - Oui, Heejin-ssi est venue. Sacré bout de femme. Elle est intéressée pour venir faire des extras de temps en temps. Vous n'avez qu'à me dire quand est-ce que vous avez besoin de deux bras en plus. » Minho avait souri. Il n'aurait préféré personne d'autre à Heejin pour venir leur filer un coup de main.

Il se sentait bien entouré. En sécurité, enfin. Il avait des amis qui le soutenaient, Seungmin et ses paroles cyniques, Wheein et sa présence réconfortante qui acceptait tout ce dont Minho avait à lui offrir sans demander plus, Heejin et sa bonne humeur. Il avait job qui lui plaisait et un patron qui prenait soin de lui. Et enfin, il avait Jisung et ce qu'il se construisait entre eux.

Son être entier débordait de bonheur.

Il ne savait pas ce qui pourrait rendre sa vie encore meilleure. Mais la vie réserve toujours des surprises, et parfois ce sont des bonnes.

Toujours est-il que c'était un jeudi après-midi tranquille et que Minho lavait son plan de travail tout en écoutant les airs de balades qu'il passait dans le commerce. Madame Lee était déjà repartie et il n'y avait, dans la salle intérieure, que deux hommes en costards qui semblait parler boulot autour de leurs tasses vides. Rien d'extravagant, rien qui ne sorte de l'ordinaire. Minho s'en serait presque ennuyé s'il n'avait pas appris à apprécier la paix pour ce qu'elle était.

Mais sa paix fut bientôt brisée par deux nouvelles silhouettes qui s'introduisaient dans sa boutique.

« - Salut Hyung !

-Salut Jisung-ah » répondit Minho avec un sourire doux comme du coton sur les lèvres. Il contourna son ilot central pour venir à la rencontre du plus jeune.

« - Bonjour » se contenta de le saluer l'inconnu. Il faisait à peu près la même taille que Jisung, les cheveux noirs lui tombant sur ses larges montures de lunettes à tel point qu'on voyait à peine ses yeux.

« - Jeongin, je te présente Minho. Minho, voici Jeongin. Il m'aide à rattraper les cours que je manque.

-Oh c'est gentil de ta part » remarqua le serveur. Il hocha la tête pour saluer le nouveau, et celui-ci lui répondit de même.

« - C'est surtout que ça fait bien sur mon dossier.

-Jeongin ne fait rien par pure bonté de cœur. Mais bon, il ne l'avouera jamais, mais il m'adore.

-Dans tes rêves.

-Ce n'est pas possible de ne pas m'aimer.

-Je peux te virer d'ici si tu continues, tu sais ? » Jisung fit mine d'avoir le cœur brisé. Jeongin eut un petit sourire satisfait aux lèvres et croisa le regard de Minho. Ils se comprenaient.

« - Et ça se dit mon ami ? »

Minho était heureux de le voir ainsi. Toujours prétentieux et joueur, et cette bonne humeur qui contaminait son monde. Depuis qu'ils s'étaient réconciliés et qu'il était accompagné à la fois par sa famille, par son lycée et par un psy, il semblait bien plus calme. Il ne manquait presque plus les cours, il n'avait plus à jouer de double rôle et même si on n'était jamais à l'abri d'une rechute ou d'une situation impromptue, il avait l'air d'aller réellement mieux. Sa relation avec lui-même et avec les autres s'étaient assainies. Minho était prêt à l'accompagner sur cette route.

« - Qu'est-ce que je vous sers ?

-Un chocolat chaud ?

-Sans dec'.

-Un capuccino pour moi. » Minho soupira et commença à préparer ses commandes. C'était toujours mieux qu'un chocolat chaud sans intérêt mais ça ne valait toujours pas le subtil mélange de volupté et d'amertume du café italien. Pourquoi personne ne semblait sensible à la poésie d'une telle boisson ?

« - Je te l'offre. Pour te remercier de ton dur labeur.

-J'en tire avantage aussi.

-Alors dis-toi que tu me le revaudras. » Jeongin haussa les épaules et rangea sa carte bleue. Jisung, un grand sourire aux lèvres tendit la sienne au serveur. Minho l'échangea contre leurs commandes. Jeongin les prit en main et s'installa à la table du fond. Minho se demanda si Jisung la lui avait indiquée ou si l'adolescent avait deviné de lui-même où son camarade serait le plus à l'aise.

« - Ça se passe bien les cours ?

-Mieux que depuis une éternité. » Son regard se perdit dans les produits proposés par le café. Minho patienta pour la suite. « Mais j'ai l'impression d'avoir un panneau sur mon dos à chaque fois que je traverse les couloirs. Je crois que tout le monde sait. Et je déteste ça. » Minho connaissait bien cette sensation.

« - C'est le lycée. Ça passera. Comme tout.

-C'est ce que je me dis aussi.

-Et dis-toi que tout le monde a ses propres angoisses, ses propres particularités, et qu'elles ne sont juste pas exposées à la vue de tous. Je suis sûr que certain se trouve rassuré que tu sois exposé comme cela, et qu'ils prendront ton exemple pour réaliser certaines choses sur eux-mêmes.

-C'est... Etonnamment réconfortant ce que tu dis. Merci.

-Bon Jisung ! C'est pas tout de faire copain-copain avec le serveur mais il y a des maths qui t'attendent !

-Une vraie crème » grinça l'intéressé des dents. « J'arrive ! » Mais il ne bougea toujours pas de son tabouret. « Je peux venir ce soir ?

-Si tu fais à manger. » Ce n'était pas une vraie condition. Il l'aurait accepté les mains vides avec la plus grande joie.

« - Vendu ! »

Il sauta à terre et rejoignit son ami. Ils semblèrent se chipoter comme un vieux couple durant toute la session de rattrapage. Cela fit la distraction de Minho en cette après-midi si calme.

Une fois qu'ils eurent terminé, Jisung partit attendre son aîné dans la réserve comme ils en avaient l'habitude. Minho compta les billets, passa la serpillère, rangea son tablier dans le placard. Sur le chemin du retour, leurs épaules se frôlaient à chaque pas, envoyant un courant d'électricité dans le corps de Minho. Jisung prépara des crêpes de légumes une fois arrivé à l'appartement, et Minho l'assista dans sa tâche. Jisung découpa un bout du pancake et croqua dedans.

« - Goûte aussi, dis-moi si c'est assez cuit. » Minho obéit et croqua à la suite de son invité. Il leva son pouce en l'air la cuisson était parfaite. Le sourire que Jisung lui rendit aurait pu faire fondre la neige de l'Himalaya. En tout cas il fit fondre le cœur du brun.

Ils s'installèrent à la table, à leur place respective.

« - Tu fais quelque chose demain matin ? » Minho secoua la tête. Vendredi était son jour de libre.

« - Tu as pas cours ?

-Pas le matin. Ils m'ont allégé mon emploi du temps. Ça te dirait d'aller en ville faire les boutiques ? J'ai besoin de nouvelles chaussures. »

Ils ne s'étaient jamais rendus autre part que le café ou chez eux ensemble. Ce n'était pas dans leurs habitudes, Minho ne pensait même pas que ça pouvait être quelque chose qui plairait à son cadet.

Puis il s'imagina avec Jisung dans les rues de Seoul, flânant à droite à gauche tout en cherchant les Dr. Martens parfaites pour le plus jeune. Il s'imaginait partager un café en terrasse et gâter son ami même si leurs ressources devaient être équivalentes. Il se voyait assis sur un banc à refaire le monde tout en commentant les tenues des passants. Juste deux personnes comme toutes les autres qui prenaient du bon temps, sans tous les tours détours et doutes qu'ils avaient traversés.

Et cette image le fit rêver.

« - OK. On fait comme ça. »

***

J'aime le café. Est-ce que ça se sent dans cette histoire ?