Nous sommes donc samedi soir, ma mère est déjà rentrée depuis deux bonnes heures. Plus je la vois s'affairer à la cuisine, plus je sens que l'on se rapproche du moment fatidique et je ne vais le cacher à personne, j'ai peur. A chaque seconde qui passe j'ai un peu plus peur qu' à la précédente. Peur de quoi ? Je ne sais pas vraiment. Certes je suis stressée comme à chaque fois que l'on s'apprête à rencontrer de nouvelles personnes, un peu comme à la rentrée des classes mais ce n'est pas ça qui me fait peur. Honnêtement j'aimerai beaucoup savoir pourquoi et de quoi j'ai peur mais j'en suis incapable..

Je prends une inspiration et sors de ma chambre pour aller voir un peu ma sœur, dans quel état d'esprit elle est. Je toque à la porte de sa chambre et entre :

- Ah tu tombes bien ! Je ne sais pas quoi mettre avec mon t-shirt. Jean ou salopette ? me questionne-t-elle en tendant ses mains dans ma direction.

- Je dirais plutôt la salopette, réponds-je avec un petit sourire, apaisée par sa bonne humeur.

- Ça va, tu stresses pas de trop toi ?

- Un peu, comme toi aussi j'imagine, mais je suis pétrifiée de peur sans savoir pourquoi et c'est un peu dérangeant à vrai dire...lui expliqué-je.

- Oui, moi aussi je stresse un peu mais tu sais, y'a vraiment aucune raison d'avoir peur, me rassure-t-elle en articulant chaque lettre de la fin de sa phrase.

- Je sais bien... Là tu m'aides pas trop mais bon en même temps tu ne peux rien pour moi.

- C'est exact ! Viens on va te changer les idées, je te maquille un peu ! dit-elle un grand sourire sur les lèvres.

J'acquiesce en guise de réponse,lorsqu'il s'agit de maquillage avec ma sœur on ne peut tout simplement rien lui refuser. Je me laisse alors guidée par sa main sur une chaise et nous voilà parties pour un voyage au milieu des paillettes et des pinceaux. Elle a toujours été très douée pour le maquillage et la mode aussi, je suis vraiment fière d'elle.

On s'assoit dans ma chambre et je la laisse faire. Elle commence à me parler de ses amies, des histoires qu'il y a au collège, de son crush. Même si parfois je trouve qu'elle parle de trop de sa vie, je dois reconnaître que j'adore l'entendre. Après un certain temps, elle recule et me scrute sous tous les angles.

- Je crois que j'ai super bien réussi ! Je veux pas me lancer de fleurs, reprend-t-elle, mais ça te va super bien.

- Ça c'est parce que je suis déjà super belle à la base, tu ne pouvais pas me rater ! dis-je ironiquement.

Carla s'esclaffe de rire et moi avec. C'est agréable de se détendre un peu. Elle me tend un miroir dans lequel j'aperçois son travail. Elle a fait quelque chose d'élégant et assez discret, vraiment un maquillage comme je les aime. Les beiges et marrons entremêlés donnent un résultat sublime.

Je m'apprête à la remercier mais notre mère nous appelle, nous interrompant par la même occasion. Nous nous levons toutes les deux et nous nous dirigeons vers la cuisine.

- Oh comme vous êtes jolies ! s'émerveille-t-elle en nous voyant. Le fils de Frank va venir ce soir finalement. Ils devraient être là dans moins d'une heure, vous voulez bien mettre la table ?

- Oui y'a pas de soucis maman, lui répond Carla.

Aussitôt dit aussitôt fait : nappe, assiettes, couverts, verres, serviettes tout est sur la table. Ma sœur a même rangé sa chambre qui ressemble toujours à un chantier naval pour dire.

Ma mère a l'air d'avoir fini de faire à manger car elle sort enfin de la cuisine et nous rejoint dans le salon. Après plusieurs minutes de silence elle finit par dire :

- Vous savez, Morgan, le fils de Frank, il n'est pas dans une période facile en ce moment. En plus, il a dû être sonné d'apprendre que son père sorte avec moi. Je ne vais pas vous cacher que ça m'angoisse un peu mais là n'est pas le sujet. Je voulais juste vous demander d'être sympa avec lui. Enfin simple précaution puisque vous êtes mes filles et que par conséquent vous êtes adorables.

- Oui, c'est une évidence voyons maman, renchéris-je.

- J'espère qu'il est pas dépressif parce que moi je suis pas psy, dit Carla avec sa flegme et sa bonne humeur légendaires.

Ça faisait trop longtemps qu'elle était gentille et droite fallait bien que ça sorte.

- Oh Carla, tu ne vas pas recommencer ! Tu te comportes bien à table c'est vraiment important pour moi.

- Oui, je le sais c'est bien pour ça que je dis tout avant, rétorque-t-elle avec un sourire suffisant.

Ma mère lève les yeux au ciel, étouffant un soupir par la même occasion. Je ne crois pas que ça l'ai aidée à se détendre un peu mais je ne sais pas quoi faire non plus car je suis dans le même état qu'elle.

La sonnerie retentit dans tout l'appartement, je crois bien que c'est eux. Ma mère répond et leur ouvre. Ça y est, on y est. Quelques marches seulement nous séparent du "grand moment"...