Nous sommes en plein dans les vacances de février et la Chine est très gravement touchée par une épidémie d'un virus inconnu jusqu'alors. Beaucoup de pays acceptent de rapatrier leurs citoyens tandis que certains avaient déjà fermé leurs frontières.

Ça fait environ trois semaines maintenant qu’une nouvelle vie a commencé, autant pour moi que pour ma mère et ma sœur. Je n’ai jamais vu ma mère aussi calme et apaisée que ces trois dernières semaines et ça me rend vraiment heureuse pour elle. Depuis que mes parents ont entamé une procédure de divorce tout le monde est bien plus calme : je n’avais jamais goûté à ce sentiment avant et franchement c’est génial. En revanche ça fait quelques jours que je la sens stressée, ailleurs. J’en ai d’ailleurs parlé avec ma sœur Carla et elle d’accord avec moi pour dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Elle m’avait dit qu’elle lui en parlerait car là-dessus elle est toujours mieux placée que moi mais elle n’a pas l’air de l’avoir fait. Enfin bon… Je rattache mes cheveux bruns en une queue haute et continue de faire mon horrible exercice de maths.

J’ai passé un quart d’heure à chercher la bonne formule, c’est fatiguant à la fin. Soudain j’entends quelqu’un frapper à la porte de ma chambre et je lui dis de rentrer. C’est ma mère.

- Tu veux bien venir dans le salon, j’ai quelque chose d’important à vous dire, toi et ta sœur.

- Oui, bien sûr. J’arrive.

Je repose mon stylo et me dirige vers le canapé où je rejoins ma sœur. On s’adresse un rapide coup d’œil puis nous nous retournons vers notre mère. Peut-être que finalement ma sœur lui a parlé après tout...

-  Comme vous le savez avec votre père nous divorçons mais la procédure est encore loin d'être terminée... entreprend ma mère. Peu après avoir demandé le divorce à votre père j'ai rencontré un nouveau collègue, on a sympathisé et ça fait maintenant un bon mois que nous sommes ensembles. Je vous rassure je ne compte pas me marier avec tout de suite, s’empressa-t-elle de dire, j'ai envie de prendre mon temps. Je suis bien avec et j'espère que cela va continuer. Ça me tracasse depuis quelques temps et je ne savais pas trop comment vous l'annoncer, maintenant c’est fait.

-  Si tu es heureuse c'est parfait, tu as bien raison de prendre ton temps. Et puis il ne fallait pas te mettre dans des états comme ça pour si peu, lui réponds-je heureuse et soulagée.

-  Oui elle a raison c'est cool que ça se passe comme ça. Au moins il est beau ? enchaîna Carla qui m’avait l’air un peu surexcitée.

-  Oh que oui il est beau ! En tout cas, je suis vraiment contente que vous le preniez comme ça, nous répond-t-elle.

-  Alors s’il est beau et que tu es contente on ne peut que le prendre bien, déclara ma petite sœur.

-  Alors raconte un peu comment il est maman, la questionnais-je, impatiente d’en savoir un peu plus.

-  Il s'appelle Frank, il a mon âge. Il travaille dans les cuisines de la maison de retraite. Ses cheveux sont poivre et sel et il a emménagé dans le coin il n'y a pas très longtemps. Avant il habitait dans le Sud. Il a un fils qu'il élève seul et ils vivent dans une petite maison à Carçon. (C'est un village tout près de notre ville) Voilà ce que je peux vous en dire, dit-elle un sourire niais sur les lèvres.

-  Il a quel âge son fils ? demandais-je en même temps que ma sœur, je n’ai pas franchement envie de changer des couches.

-  Il n'y a que ça qui vous intéresse hein. Il a 17 ou bien 18 ans, je ne sais plus trop...

-  Je demandais ça juste pour savoir si c'était un petit c'est tout, répliquai-je.

-  Moi aussi.

-  Mais oui bien sûr, rit notre mère.

Je suis sûre que Carla voulait savoir s’il avait son âge ou non et elle a dû être déçue.

Quelques jours se sont écoulés et on a appris à digérer la nouvelle. Bien que je le prenne bien, ça fait un peu bizarre. Mais ma mère à l’air tellement plus sereine et moins stressée, c’est franchement soulageant.

Un soir maman n’est pas rentrée à l'appartement mais elle avait laissé un mot sur le frigo :

"Les filles ce soir je dîne avec Frank je ne rentrerai donc que demain soir. Je vous ai laissé à manger dans le frigo et vingt euros sur la table de l'entrée au cas où. Bisous je vous aime. Maman."

-  Yes on est un peu tranquille, dit Carla.

-  Elle ne s’embête pas en plus elle nous le dit au dernier moment, rétorquai-je un peu agacée.

-  Ça va pour une fois qu'elle fait quelque chose et puis au moins on va pouvoir faire un peu ce qu’on veut.

-  Ouais mais bon... Après tant mieux pour elle c'est juste que j'aime pas être prévenue au dernier moment quoi.

Un peu énervée d’être prévenue au dernier moment, et d’être bougée de mes habitudes, j’ai tout de même essayé de passer une bonne soirée, ce qui a plutôt bien réussi. 

Le lendemain, la journée s'est déroulée comme n’importe quelle autre, jusqu’au soir, où notre mère est -enfin- rentrée. Elle nous a demandé encore une fois de se regrouper au salon et  nous nous retrouvons encore une fois dans le canapé :

-  Ça ne va quand même pas devenir une habitude de faire des réunions comme ça dans le salon, dit Carla un peu blasée par la situation.

-  Qui sait... lui répond-je d’un ton plus bas.

-  Arrêtez un peu, je voudrais vous demander quelque chose... s'agace notre mère.

-  On t'écoute.

-  A l’occasion, j’aimerai que vous rencontriez Franck. Je ne veux surtout pas remplacer votre père, mais il est important pour moi que vous rencontriez celui que j’aime...

-  Dans une semaine ou deux pourquoi pas, après tout faudra bien le rencontrer un jour, déclarai-je un brin nonchalante malgré le ton qui m’a échappé, n e me voulant pas du tout désintéressée.

-  Oui ça serait cool et puis on saurait à quoi il ressemble, répondit Carla.

-  C'est bien que vous réagissiez comme ça. J'en suis très contente. Hum... Vous préférez qu'il vienne ici ou qu'on aille chez lui ?

-  Qu'il vienne ici ça sera mieux, dis-je.

Carla hocha la tête également.

-  Et samedi prochain ça vous irait comme date ?

-  Oui, sans problème.

On aurait dit que maman prenait commande en fonction de nos préférences.

-  Tu n'es pas obligée de tout nous demander quand même, c'est toi qui payes le loyer, lui souris-je.

-  Je sais bien mais je ne veux pas vous brusquer.

-  Oh bah comme ça y'a pas de danger, enchaina ma jeune sœur.

Notre mère poussa un soupir agacé mais quitta la pièce avec le sourire.

Le repas et la soirée se passèrent au milieu d’une atmosphère joyeuse, malgré les petites piques pas méchantes de Carla.

Le lendemain matin, je vis ma mère, un peu nerveuse, envoyer un message à Frank :

"Coucou Frank j'espère que je ne te dérange pas, hier soir j'ai discuté avec mes filles et elles veulent bien te rencontrer. J'étais si contente. Mais je ne veux pas précipiter les choses bien entendu. Que dirais- tu de passer samedi soir prochain dîner ?"

Sa réponse ne se fit pas attendre :

"Salut Carine je vais bien merci et d'après ton message j'en conclus que toi aussi. Ne t'inquiète pas, on prend notre temps. Samedi soir prochain me va parfaitement, je ne serai pas là avant 20h étant donné qu'il faut que je fasse à manger au boulot."

"Super, pas de soucis pour les horaires."

En éteignant son téléphone, Maman avait l’air vraiment soulagée. De plus, une fois Carla levée, elle nous l’a annoncé, beaucoup plus détendue que la veille.. Étant donné que les cours reprennent demain, nous avons passé une journée au calme, entre filles. Je commençais vraiment à apprécier cela d’ailleurs.