Rappelle-toi l'aube [IwaOi]
Note d'auteur.
Bonjour !
C'est donc parti pour la week de l'OS spécial quarantaine 2020, merci à liuannes et Aeliheart d'avoir organisé ça (jvous aime fort merci merci merci), je vous conseille bien sûr d'aller jeter un oeil à leurs comptes et aux OS qu'elles vont poster pendant cette semaine. J'ai hâte de voir si quelques personnes vont y participer, j'adore vraiment ces trucs d'écriture en groupe et tout jfffj (enfin, c'est pas comme si déjà d'habitude je passais ma vie à écrire des OS sans que personne ne me le demande, m'enfin vous avez compris, parce que là j'écris et EN PLUS je peux lire tous les trucs cools que le Haikyuu Squad va écrire g trop hâte krkr)
Bref, aujourd'hui c'est un OS Oikawa-centric sur fond d'Iwaoi, j'espère qu'il vous plaira (ne me jetez pas la pierre, je sais pas écrire des trucs tristes sans tomber dans le mélodrame c terrible) je l'ai écrit ce matin et je suis plutôt contente parce que je suis dans les temps - pour aujourd'hui au moins, je sens que ça sera moins le cas les autres jours -, mais en attendant voici les thèmes de la semaines !
Jour 1 : 3 souhaits / recommencer
Jour 2 : malchance / sur la route
Jour 3 : explorateurs / perte de repère
Jour 4 : radio / routine
Jour 5 : prémonitions / relation secrète
Jour 6 : sous-entendus / notice d'utilisation
Jour 7 : messages codés / symptômes
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Oikawa Tooru est sur un toit, les pieds dans le vide et le sourire aux lèvres. L'aube approche. Trois pièces se trouvent dans sa poche, une pour chaque voeu qu'il doit faire. Le vent souffle. La ville se réveille.
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" If I lay here
If I just lay here
Would you lie with me and just forget the world ? "
- Chasing cars
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Tout là-haut, il fait bien plus froid qu'en bas et Oikawa Tooru frissonne.
Le vent s'infiltre facilement sous son petit manteau de printemps, et la nuit bruyante ne le réchauffe pas vraiment. Il aurait peut-être dû mettre ce t-shirt à manches longues qui traîne dans son armoire depuis des années, depuis l'époque du lycée certainement, mais il n'a pas osé. Il l'a pris, l'a regardé, puis l'a reposé.
Il est parti de chez lui en refermant délicatement la porte, certain que personne ne l'entendrait. Son appartement est vide, tout ou presque a été revendu : il s'est débarrassé de tout sans exception, si bien que ça doit faire deux jours qu'il dort sur le sol, à même la moquette aux taches suspectes. Il n'a gardé que le nécessaire, quelques vêtements, une couverture presque neuve, et ce foutu t-shirt à manche longue.
Oikawa soupire, et sa respiration est comme une tornade qui passe au-dessus des immeubles. Il inspire, expire, sourit et fouille dans sa poche.
Son cœur bat comme un fou dans sa cage thoracique. Il a l'impression d'attendre dans la file d'attente d'un concert, ou de se retrouver face au directeur de son école pour la première fois. Ses doigts sont engourdis si bien qu'il met un instant avant de mettre les ongles sur ce qu'il cherche : trois pièces se retrouvent dans la paume rougie de sa main et il les fixe avec un sourire.
Ses pieds suspendus dans le vide remuent d'impatience et il pose deux de ses pièces à côté de lui, sur le rebord en béton.
Pour la troisième fois de la soirée, il se fait la réflexion que les toits des immeubles devraient vraiment être plus protégés. Pas de caméras, pas d'alarme, simplement un petit panneau « interdit d'accès » pendu à une chaîne pas plus épaisse que son petit doigt. C'est un peu ridicule. Des gens pourraient passer devant un matin et se dire « tiens, cet immeuble était en construction il y a un mois mais maintenant il n'y a plus personne » puis repasser devant par hasard jour après jour. Ils pourraient se dire « on peut y entrer facilement si personne n'est dans les parages » et commencer à s'arrêter quelques minutes. Ils pourraient se dire « et si cet endroit était le bon ? » et essayer d'y entrer, juste pour voir ce que ça fait. Ils pourraient venir ici tous les soirs jusqu'à avoir des idées saugrenues comme vendre leur maison immense pour se louer un appartement miteux. Ils pourraient vendre leur société au plus offrant, préparer un testament, envoyer quelques messages et finalement enfiler une veste et claquer doucement la porte.
Oui, ils pourraient vraiment.
Dans sa main, il n'y a plus qu'une pièce et Oikawa Tooru la fixe avec espoir. Il ferme les yeux, se concentre, serre le poing. Ces pièces représentent tout ce qu'il lui reste (ou presque).
Il veut vraiment les utiliser correctement.
Alors, tout en souriant avec soulagement, il lance la première dans le vide sous ses pieds, l'observe quelques secondes chuter rapidement dans l'air, vers le chantier laissé en suspend de nombreux étages plus bas, puis formule à voix haute et bien fort :
– Faites que ma mère ne soit pas trop triste.
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Oikawa Tooru claqua la porte d'entrée.
Se frottant rapidement les mains l'une contre l'autre, il enleva ses chaussures, accrocha son manteau, et s'avança jusqu'à poser son sac sur une chaise. L'intérieur de l'appartement était chaud et sentait bon la nourriture : il sourit et entra dans la pièce principale.
Assis au bar qui faisait la distinction entre la minuscule cuisine et le salon, sa mère releva la tête en l'entendant arriver. Sur son visage fatigué et cerné, une expression légèrement soulagée prit place. Elle tendit les bras dans sa direction tandis que Tooru s'approchait, et il la serra contre lui quelques secondes.
– Mon chéri, tu as vu l'heure ?
– Désolé, maman. Je bossais à la bibliothèque pour un exam'.
Il s'installa en face d'elle, et observa rapidement les papiers. Des factures, pour la plupart. Quelques relances.
– Oh.
Elle ne semblait plus lui en vouloir. Tooru savait bien que pour elle, les études de son fils étaient ce qui comptait le plus.
– Je peux te faire réchauffer un plat, si tu veux.
Elle lui attrapa la main et l'embrassa avec tendresse avant de se lever pour aller sortir un petit bac en plastique du frigo.
– Je peux le faire, tu sais ?
– Ne raconte pas n'importe quoi. Je peux encore nourrir mon fils tant qu'il habite sous mon toit.
Il secoua la tête avec amusement, et la regarda s'activer. Il ferait la vaisselle après elle, certainement, mais même à son âge sa mère refusait qu'il se fasse à manger seul. Au fond, il était persuadé qu'elle avait peur : tant qu'elle s'occupait encore de lui comme un enfant, il restait son Tooru qui ne partirait encore que dans longtemps. À ses yeux, son fils devait être la dernière chose qu'il lui restait, et elle n'était pas prête à le laisser s'envoler.
Dans le salon derrière lui, la TV laissait échapper le générique de fin du film du soir.
– Ça a été ta journée ? demanda-t-il en attendant.
Il rassembla distraitement les papiers pour se faire un peu de place et les empila sur le côté.
– Oh, oui. Un peu de boulot à l'hôpital ce matin, mais ça va. J'ai pu déjeuner avec mes collègues avant de partir.
Elle ouvrit le micro-onde et y inséra l'assiette qu'elle venait de remplir. Consciencieusement, elle plaça une cloche de protection au-dessus, puis referma l'ouverture avant d'enclencher le minuteur. Un « bzzz » emplit la pièce tandis qu'elle se retournait vers Tooru.
– Ensuite en rentrant ce midi j'ai été faire les courses, puis je suis revenue ici et j'ai dormi un peu. Tu vois, rien de bien passionnant.
Sa mère travaillait depuis des années en tant qu'ASH à l'hôpital de la ville ; elle nettoyait les locaux et les salles d'accouchement du service maternité, et partait très tôt pour revenir en début d'après-midi.
Elle vint s'appuyer contre le rebord du bar et tendit la main vers lui pour écarter affectueusement quelques mèches de son visage.
– Et toi, mon chéri ? Des nouvelles intéressantes à raconter à ta pauvre mère ?
Le sourire espiègle qui naquit sur ses lèvres permit aisément à Tooru de deviner sa prochaine question.
– Toujours pas de...
– Non, maman. Toujours pas de copine.
Elle avait toujours eu une obsession pour ça : son fils, si populaire au collège, avait complètement cessé de fréquenter des filles en arrivant au lycée. À présent, arrivé dans cette école de commerce beaucoup trop cher pour leurs maigres moyens, rien n'avait changé et il préférait largement se concentrer sur ses études et sur ses activités personnelles.
– Dommage. Tout ce beau potentiel va finir par être gâché si tu ne te trouves pas quelqu'un. Je me suis tellement appliqué pour faire ce beau garçon.
Pour la forme, elle lui pinça une joue en riant. Tooru savait qu'elle n'était pas sérieuse : elle pensait simplement qu'une femme ferait un jour le bonheur de son fils, et le bonheur de son fils était tout pour elle. C'était aussi simple que ça.
– Bon, rien d'autre ?
Le micro-onde sonna et elle se détourna de lui pour aller l'arrêter.
– En fait, si. Il y a quelque chose d'autre.
Tooru l'observa nerveusement ; elle et ses longs cheveux châtains qu'elle relevait la plupart du temps avec une pince noire, elle et son air doux même quand elle s'énervait, elle et ses petites rides sur le coin de ses yeux. Elle préparait son assiette comme si rien d'autre n'avait d'importance. Comme si à présent, la seule chose qu'elle pouvait faire était s'occuper de son fils.
– Vas-y, dis-moi.
Elle lui lança un coup d'œil, puis se détourna avec le plat dans les mains. Elle le posa devant lui, puis s'en alla vers le frigo pour lui ramener une bouteille d'eau.
– Mange donc. Et dis-moi, quoi d'autre ?
Sa mère se rassit à sa place et reporta sur lui toute son attention.
– En fait..., j'ai réussi à vendre l'un de mes logiciels. À une entreprise.
Il la regarda pour voir sa réaction, et celle-ci ne se fit pas attendre : elle ouvrit de grands yeux et plaqua sa main contre sa bouche.
– C'est... c'est vrai ? Mon chéri, tu as vendu...
– Oui. J'avais créé ce petit truc et j'ai un ami qui connaissait un mec qui connaissait... bref. Ils avaient besoin d'un truc comme ça, et j'ai proposé le mien.
Il sourit et se passa une main gênée dans la nuque.
– Mon chéri, c'est... c'est génial. Oh, je suis si contente pour toi.
Sa mère se leva en faisant presque tomber son tabouret, puis fit le tour pour venir le prendre dans ses bras. Elle était si petite, si douce, si mince : il l'entraîna dans une étreinte et la serra fort.
– Je me suis fait un peu d'argent. On va pouvoir payer quelques factures et être tranquille un moment, plutôt cool, non ?
Il se sentait fier, pour une fois. La culpabilité qu'il ressentait au quotidien en ne faisant rien à part réviser et aller en cours était la plupart du temps insupportable. Il avait déjà voulu travailler, plein de fois même. Il le faisait pendant les vacances et en été, mais ce n'était pas pareil.
Ce n'était pas un salaire en plus, et ça n'aidait pratiquement pas sa mère le reste de l'année.
Elle le serra fort.
– J'ai toujours dit que mon fils était un petit génie.
– N'est-ce pas ? Moi je t'ai toujours dit que tu t'étais bien appliqué sur ton beau garçon de fils.
Elle le serra encore un peu. C'était agréable.
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La nuit devient plus claire, et Oikawa Tooru a toujours les jambes qui se balancent au-dessus du vide.
Il sifflote gaiement, les yeux fermés, et laisse le souvenir s'effacer derrière ses paupières. Ah, comme il aurait aimé revenir à cette période. C'était doux et innocent, agréable.
Au loin, une sirène de pompier résonne et la ville se remet doucement en marche. C'est marrant d'observer tout ça d'en haut, de se sentir étranger à ce qui arrive. Il peut écouter, sentir ; le vent souffle plutôt fort à présent, et ses doigts lui picotent encore.
Soudain, son téléphone vibre dans sa veste et Oikawa Tooru grimace. Il fronce les sourcils, presque irrité, et l'attrape rapidement pour le mettre en silencieux. Des appels manqués, des messages. Il s'en fiche, c'est trop tard.
Si des gens l'appellent maintenant, c'est parce qu'il a déjà envoyé ce qu'il voulait dire. Des vœux, des remerciements, des insultes. À présent, ce n'est plus son problème.
Le silence revient et le sourire d'Oikawa Tooru aussi. Deux pièces l'attendent encore sur le béton à côté de lui, et il en attrape une pour la faire rouler entre ses doigts. Elle est assez propre : il les a nettoyés pendant une bonne partie de la nuit.
Avec une grande inspiration, il se prépare : l'air est frais, le ciel bleu sombre, au loin il n'entend que des voix, des voitures, des klaxons, des sirènes.
Un souvent soupire de soulagement, il lance la pièce en l'air et elle retombe dans le vide, rapidement et en tournant. Il dit alors haut et fort :
– Faites que cette sale peau de vache ne récupère pas tout mon fric.
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Oikawa ouvrit la porte de sa maison dans une colère noire.
Il aurait pu avoir la surprise de découvrir l'intérieur, seulement il ressemblait tout autant à l'extérieur : saccagé, brisé, sale, il savait reconnaître une maison d'après fête quand il en voyait une. Il n'était parti qu'une petite semaine, pour affaire, mais apparemment cela avait largement été suffisant. Combien de personnes étaient venues ? Combien avaient fait la fête dans son salon ?
Il posa sa valise en bas de l'escalier pas loin de l'entrée puis s'avança pour regarder les dégâts : en vérité il s'en fichait pas mal, ce n'était pas lui qui allait nettoyer. Il avait largement les moyens d'engager une entreprise de nettoyage et même de racheter chaque meuble de sa maison. Non, ce qui le rendait furieux, c'était plutôt que cette maison était quand même la sienne, pourtant il n'en avait même plus l'impression.
– Salomé ?
Allongée sur le canapé sur salon, du maquillage coulé plein le visage et une robe moulante remontée le long de ses hanches, elle grimaça dans son sommeil. Il s'avança jusqu'à pouvoir la secouer un peu, évitant les toutes les saletés qui se trouvaient au sol.
– Salomé, debout. Maintenant.
Cette fois, ce fut ses yeux qu'il découvrit alors qu'elle se tournait dans sa direction. Il s'assit sur la table basse, fasse au canapé, et croisa les jambes.
– La princesse se réveille ?
– Qu'est-ce que tu fous là ? grogna-t-elle en couvrant ses yeux. Tu devais pas partir pendant une semaine ?
– Ça fait une semaine. T'es encore bourrée ou quoi ?
Parfois, il avait l'impression de s'être marié à une gamine. Ils avaient pratiquement le même âge, et à un peu plus de trente ans Oikawa n'avait plus aucune envie de faire la fête tous les week-ends comme un adolescent. Il voulait de la tranquillité, rentrer chez lui et retrouver un cocon dans lequel son boulot n'existerait pas.
Mais c'était bien trop demandé, il avait fini par le comprendre.
– Qu'est-ce qui s'est passé, ici ? Combien de personnes t'as invitées ?
– Je sais pas. Quelques-unes. On s'en fout.
Elle se redressa lentement, les yeux rouges et injectés de sang. Le jour perçait agressivement dans le grand salon clair, et elle passa une main dans ses cheveux emmêlés.
– Je vais ranger, t'inquiète pas.
– Des gens sont entrés dans ma chambre ?
– C'est notre chambre, putain. Et j'en sais rien, je crois pas.
Ce qui voulait dire oui. Oikawa soupira et pinça l'arête de son nez en sentant poindre une migraine. Il avait bossé toute la semaine, presque jour et nuit, et venait tout juste de descendre de l'avion. Ce n'était pas ce qu'il avait espéré en rentrant.
– Ça sera ma chambre et ma maison tant que ce sera moi qui paiera les factures.
Elle grimaça et releva vers lui un regard courroucé. Pour seul argument, elle leva sa main gauche et lui mit son alliance sous le nez.
– Tant qu'on sera marié, ça restera aussi ma maison.
– Ne me tente pas, grogna-t-il.
Il se leva en essayant d'ignorer le bordel ambiant, mais c'était trop dur. Il aimait que chaque chose soit propre et à sa place, et là c'était trop.
– Alors quoi, tu vas repartir ? Comme d'habitude, c'est ça ta solution au problème ?
– Donc t'es bien consciente qu'il y a un problème.
Il était marié depuis plus de cinq ans, et Oikawa se demanda vaguement si les choses pouvaient être pire.
– Bien sûr qu'il y a un problème !
Elle se releva en chancelant et s'approcha de lui. Son regard était encore plus noir de colère que le sien ne devait l'être. Elle empestait et Oikawa renifla avec dédain.
– Tu sais très bien quel est le problème, merde. Tu crois vraiment que si t'étais là j'aurais besoin de faire ça ?
– Oh, on va se la jouer comme ça ? Le cliché de la pauvre petite épouse malheureuse ? Tu sais très bien que c'est des conneries.
Elle secoua la tête et se mordit la lèvre. Son regard brillait.
– Pour toi tout est toujours des conneries ! C'est parce que toi tu te sens jamais seul que c'est pareil pour les autres ! Est-ce que une fois dans ta vie y'a eu autre chose que ton putain de boulot pour toi ?
Il leva les yeux au ciel.
– Ne m'énerve pas.
– Sinon quoi ? Tu vas me virer de là ?
Oikawa serra la mâchoire. Pendant une période, il avait adoré cette femme et son rire adorable, sa capacité à passer pour une dure à cuire et à s'enfiler des verres de champagnes dans les fêtes un peu mondaines. Ils s'étaient retrouvés un soir accoudés à la même fenêtre, et avaient discuté pendant des heures. Quelques mois plus tard, il la demandait en mariage, persuadé d'avoir trouvé la femme de sa vie.
– Tu sais quoi ? Oui, je vais te virer de là. Va prendre tes affaires et dégage de là.
Sur le moment, il sut qu'elle n'avait pas compris. Son visage plein de colère se figea, puis tout s'évapora pour ne laisser qu'une stupeur sincère.
– Quoi ?
– Tu m'as entendu. Je vais partir voir des amis, et je ne serais de retour que demain matin. Quand je reviendrai, tu seras partie. Je ne veux plus te voir.
Ses jambes nues se mirent à trembler et elle secoua la tête.
– Non.
– Salomé, c'est pas une proposition. Pour l'instant, je ne veux plus te voir. Tu retournes chez ta mère, tu vas à l'hôtel ; tu fais ce que tu veux mais pour le moment tu dégages.
Elle secoua sa tête encore davantage et recula, marchant sans faire attention sur tout ce qui polluait le carrelage blanc du salon.
– Non, tu – tu ne peux pas me faire ça.
– Quoi, c'est l'argent qui te dérange ? Je te paye l'hôtel, je m'en fous pas mal. Mais je ne veux pas te voir dans ma maison.
Mais elle continua et essuya des larmes sur sa joue, étalant encore un peu le maquillage.
– Je reviendrais, hein ? Tu me laisseras revenir ? Je suis ta femme, Tooru, tu ne peux pas... tu ne peux pas juste me dégager comme ça.
Il soupira et tourna les talons, prenant à nouveau le chemin de l'entrée. Sa valise était encore là.
– Tu ne peux pas partir comme ça ! Il faut qu'on parle, il faut qu'on en discute on doit –
Oikawa s'en fichait, il voulait juste partir. Attrapant sa valise, il ouvrit la porte à la volée :
– Quand je serai rentré demain, tu ne seras plus là. Salomé, ne me force pas à appeler des hommes pour te mettre dehors.
Elle pleurait à chaudes larmes, ce qui le fit grimacer. Quand finalement il claqua la porte derrière lui pour retourner à sa voiture, sa valise lui parut plus lourde et le chemin plus long.
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L'aube approche et Oikawa Tooru ne sifflote plus.
Le vent souffle encore plus fort, et cette fois des nuages noirs et épais guettent l'horizon et menacent son abri. Il secoue ses jambes, rapidement, et fixe le vide sous ses pieds. Il a mal à la tête, il a froid, et à présent il se sent vraiment épuisé.
Il a envie de terminer rapidement.
Avec un geste lent, il attrape son téléphone et le déverrouille. Ignorer toutes les notifications est bien plus simple qu'il ne l'aurait cru, et quand il ouvre son application de messagerie son regard se lève et se perd dans le ciel.
Il trouve ça dommage qu'en ville on ne voit pas les étoiles.
Ses doigts pianotent d'eux-mêmes sur l'écran, quelques secondes à peine. Quelques phrases, le plus important. Quand Oikawa Tooru a terminé, il ne se relit même pas et appuie sur « envoyé ». Une fois fait, il lâche tout et son smartphone hors de prix chute à son tour dans le vide.
Il ne l'entend pas s'écraser en bas.
Pendant quelques secondes il ne fait rien. Il observe, des cernes plein les yeux, la ville qui commence à s'agiter, et se dit qu'il a encore un peu de temps avant le lever sur soleil. C'est tout ce qu'il veut voir, le lever du soleil. Après c'est terminé.
Avec une respiration tremblante, il attrape la dernière pièce et la tient du bout des doigts. Les bras tendus ainsi, elle a paraît plus claire qu'elle ne l'est : c'est la plus grande des trois, celle qui lui est spécialement réservée. La seule qui compte, si vraiment il veut être honnête.
Une voiture passe en contre bas, la musique à fond et les vitres ouvertes.
Oikawa Tooru inspire, serre la pièce contre lui, l'embrasse une dernière fois, puis la lance en l'air. Il dit :
– Faites qu'Iwa me pardonne un jour.
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Inconnu [6h57] : Tu as toujours été le seul, et j'aurais certainement dû m'en rendre compte avant. Je t'aime. Merci pour tout. Sois heureux, Hajime.
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L'étreinte ne dura qu'un court instant : Oikawa passa la porte, entoura ses épaules de ses bras, respira son odeur et se colla pour sentir sa chaleur. La seconde d'après, Iwaizumi le repoussait sèchement, la respiration sifflante.
Il avait l'air en colère.
– Arrête tes conneries.
Oikawa voulut lui demander « qu'est-ce qui ne va pas ? » il aurait voulu lui dire « pourquoi tu me regardes comme ça ? » il aurait voulu lui dire « s'il te plaît juste quelques secondes, embrasse moi et après on parlera ».
Mais il se contenta de le regarder avec des yeux tristes et une cravate de travers. Il avait mal à la gorge.
– Hajime ?
– Tais-toi. Non, c'est bon. C'est fini, j'en ai marre.
Il tourna les talons, s'enfonçant dans l'appartement en laissant Oikawa sur le palier. Il le suivit, bien sûr, car il ne pouvait rien faire d'autre. Son cœur battait à tout rompre.
– Hajime, s'il te plaît je –
Il essaya d'attraper sa main, mais Iwaizumi le repoussa si fort que sa tête cogna contre le mur. Oikawa grimaça, et aperçut un instant une étincelle de remord dans ses yeux. Mais la seconde d'après la colère balaya tout et le visage furieux d'Iwaizumi fut la seule chose qu'il vit.
– Ne me touche pas. Ne me parle pas, arrête de m'appeler, tu m'entends ?
Il secoua la tête, et se détourna à nouveau de lui pour aller dans le salon. Il mit entre eux la douloureuse distance du canapé, et se cacha presque derrière.
– Je ne suis pas comme ça, d'accord ? Je veux pas être ce mec-là.
Iwaizumi pleurait presque, et Oikawa s'approcha à nouveau.
– Je ne veux pas être celui qui passe après tout le reste. Je mérite mieux, c'est clair ?
Il méritait mieux, ça, c'était sûr. Un petit appartement, un travail de coach sportif, un amant marié et souvent absent. Il aurait mérité la lune et les étoiles, et à la place il avait ça. Oikawa comprenait. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher.
– Je ne serais plus ta roue de secours. J'ai supporté ça un temps, parce que je me disais que tu finirais par venir vers moi. Venir vraiment, en oubliant tout le reste.
Il essuya rageusement les yeux et pointa la TV d'un air accusateur.
– Mais ça ? Je te vois à la TV, avec ta femme vers qui tu finis toujours pas revenir, et tu leur déclares comme un abruti que t'es heureux dans ta vie. Que ta société marche bien et qu'être le PDG de l'une des plus grandes sociétés du pays est une fierté ?
Oikawa avait l'impression qu'Iwaizumi se retenait de cracher par terre.
– C'est vers elle que tu vas quand ta foutue société te détruit la santé ? C'est vers elle, hein ? C'est à sa porte que tu sonnes à trois heures du mat' quand tu te sens seul ? C'est elle qui t'embrasse quand tu pleures comme un bébé en disant que tu te sens vide ? Enfin, peut-être bien que oui, après tout qu'est-ce que j'en sais ? C'est elle qui vit dans la villa immense d'Oikawa Tooru, pas moi ! C'est avec elle que tu partages ton lit et tes petits déjeuners ! Putain !
Il balaya la table basse de fureur et quelques revues allèrent s'écraser sur le sol. Un cendrier vola.
– C'est fini maintenant, c'est clair ? Je ne serais pas éternellement un second choix. Je t'aime, et je ne vais certainement pas me contenter de ça. Alors maintenant tu choisis.
Il releva la tête, et ancra son regard dans le sien. Oikawa était terrifié. La pièce lui parut soudain minuscule, et son cœur battait bien trop fort. Il étouffait.
– Moi, ou tout le reste. Je m'en fous de savoir si c'est juste ou pas, je resterais pas ton petit secret. Tu la quittes pour de bon, sans te laisser amadouer par ses grands yeux de biche, et tu arrêtes de faire dans ton froc à la seule pensée que les journalistes puissent apprendre que tu baises avec un mec. Tu le dis à ta mère, tu le dis à tes amis, tu agis enfin comme un homme, et là on sera bon.
Oikawa se mit à pleurer aussi, le souffle court.
– Réponds-moi tout de suite. Oikawa putain, réponds-moi.
Il ne pouvait pas faire ça. Donner une réponse serait perdre quelque chose. Il ne pouvait pas.
– Oikawa !
Il secoua lentement la tête, et le temps s'arrêta. Non. Il n'en avait pas le cran. Il ne l'aurait jamais.
– Hajime, je –
– Ne m'appelle pas comme ça.
– Je ne peux pas, je...
– Tais-toi.
– Je t'aime, croassa-t-il. Tu le sais, mais je –
– Tais-toi ! La ferme, tu te tais !
Il traversa la pièce et la seconde d'après, le poing d'Iwaizumi s'abattait sur sa joue. Le côté droit de son visage sembla exploser, et Oikawa tomba à la renverse, se cognant à nouveau contre le mur.
– Dégage d'ici ! beugla-t-il en lui attrapant le bras. Dégage de chez moi !
Il le tira de toutes ses forces et Oikawa ne résista qu'un petit peu. Sonné, il se laissa jeter sur le palier, les yeux pleins de larmes. Quand leurs regards se croisèrent une dernière fois, Oikawa ne respirait plus.
Sa gorge serrée et le cœur à l'agonie, et il chuchota à nouveau des excuses. Iwaizumi resta sourd et grimaça en retenant un sanglot.
– Ne reviens plus jamais ici, c'est compris. C'est terminé. Même si tu changes d'avis, je m'en fiche. Je vais passer à autre chose, et ça sera trop tard. Si tu te pointes, j'appelle les flics.
Puis il claqua la porte et Oikawa Tooru se recroquevilla sur lui même en posant une main sur sa bouche.
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L'aube est là.
Le soleil se lève, le vent souffle.
La ville bruyante l'avale tout en entier, et le toit retrouve son silence.
On n'entend plus que les sirènes des pompiers.
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Merci d'avoir lu !
Je vous embrasse, n'oubliez pas de voter si vous avez aimé =)
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