
Chapitre 25
Daryl
Me réveiller au côté d'un homme sans prendre la fuite aux aurores est inédit pour moi. Dorian dort d'un sommeil paisible contre mon épaule, une mèche de ses cheveux retombant sur mon pectoral. Son bras a trouvé le chemin autour de mon torse tandis que sa jambe droite s'est enroulée sur la mienne.
Je devrais être heureux. Pourtant, j'ai du mal à me remémorer notre première fois sans ressentir une certaine appréhension. En ce qui me concerne, j'ai complètement déraillé. Comment pourrait-il en être autrement alors que la seule personne avec laquelle je veux passer tout mon temps libre a partagé ce moment passionnel avec moi ? J'étais pris dans mon propre plaisir, mais Dorian n'a pas semblé aussi avide de mon corps que ce que j'espérais. Bien sûr qu'il a poussé quelques gémissements qui ont fait disjoncter mon esprit, sauf que j'espérais plus : plus de supplications, plus de cris désordonnés, plus d'embrasement dans sa voix éraillée.
Peut-être a-t-il fait semblant pour ne pas que je me sente incompétent, voire même incapable de lui donner une jouissance digne de ce nom. J'ai l'habitude d'entendre s'époumoner mes partenaires et hier, ça n'y était pas du tout, j'étais le seul à être bruyant. Même si je sais que je ne devrais pas y réfléchir, cela hante mes pensées depuis mon réveil.
Je soupire, agacé de ne pas passer à autre chose. Mon estime en a pris pour son rhume, et j'espère juste ne pas être aussi nul que je le perçois. Ma main vient caresser les cheveux de mon amant pendant que je me fais un tas de films aux scénarios tous plus catastrophiques les uns que les autres. Je tente de me calmer en embrassant le haut de sa tête, mais cela me ramène à nos ébats d'hier soir, encore une fois. J'essaie de déterminer où j'ai merdé sans pour autant trouver la faille. Je suis si soucieux que je commence à bouger, inconscient de sortir Dorian de son sommeil.
— Bonjour, me dit-il de sa voix ensommeillée. Quelle heure est-il ?
— Aucune idée, j'ai préféré te laisser dormir plutôt que d'atteindre mon téléphone.
— Merci pour cette attention. Ça fait longtemps que tu es réveillé ?
— Je ne saurais dire, une heure ou deux. J'étais pris dans mes pensées.
Je le sens se crisper quand je prononce ma dernière phrase. Est-ce qu'il sent que je suis inquiet ? Cherche-t-il plutôt les mots pour m'annoncer que je n'ai pas été à la hauteur ?
Sapristi ! Ça me rend dingue de ne pas avoir assuré.
— Est-ce que tu as aimé... dans la douche ?
Mais pourquoi Dorian me pose cette question ? C'est moi qui devrais lui demander. A-t-il, lui aussi, senti que ça n'allait pas ? Aussitôt, je retire mon bras sous son cou, mal à l'aise de ne pas savoir quoi lui répondre. Moi, j'ai carrément perdu le contrôle dès l'instant où j'ai senti sa main malaxer mes fesses. Je n'ai jamais autant pris mon pied, mais lui, je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il a éprouvé. Je finis par regarder mon amant et j'y vois une crainte presqu'aussi grande que lorsqu'il est en présence de son père.
— Chaton ? Qu'est-ce qui se passe ?
Il soulève ses épaules, puis il ferme les yeux, incapable de soutenir mon regard effaré.
C'est pas vrai ! Il va me larguer et il ne sait pas comment faire.
Je sors du lit à toute vitesse et cherche un vêtement, n'importe lequel, qui pourrait m'empêcher d'être nu comme un ver devant lui.
— Chat de gouttière ! Où est mon pantalon ?
— Dans la salle de bain, me répond mon beau brun de sa voix incertaine. Avec le reste.
Cette fois, je me retourne vers lui. Son ton n'est plus qu'un murmure et quand je trouve enfin le courage de plonger dans ses yeux, j'y vois de la tristesse accompagnée d'une larme traîtresse qu'il essuie trop vite. J'hésite entre le rejoindre pour m'assurer qu'il va bien et mon besoin de cacher mes attributs qui n'ont pas du tout satisfait mon amant. Mon cœur se craquelle quand je le vois se recroqueviller. C'est alors que je fais mon choix de retourner au chevet de Dorian afin de calmer ses sanglots.
— Chaton, je suis désolé de ne pas être à la hauteur, commencé-je en douceur.
— Laisse-moi, Daryl. Je fous tout en l'air avec mon attitude merdique. Je comprends que je ne suis pas le genre d'amant que tu veux.
— Hé ! Qu'est-ce qui te dit que tu n'es pas mon type ? C'est parce que je ne t'ai pas donné assez de plaisir ? J'ai été si nul que ça ?
Dorian se redresse et se concentre sur mes yeux, essayant de déchiffrer le moindre mensonge dans ce que je viens de dire.
— Tu crois que tu n'as pas été à la hauteur ? me questionne-t-il de son air ahuri.
— Quoi d'autre ?
— Je sais pas, peut-être le fait que quand je te demande comment tu as trouvé la douche d'hier que tu esquives la question et que tu te lèves comme si tu étais sur le point de me laisser tomber.
— Mais pas du tout, c'est toi qui cherchais tes mots.
— Mes mots pour quoi ?
— Pour me larguer, voyons ! Tu crois que je n'ai pas remarqué que je ne t'ai pas fait monter au septième ciel ?
— Tu plaisantes, n'est-ce pas ? Tu penses vraiment que tu m'as déçu ? Je crois qu'on n'était pas dans la même douche. J'ai jamais été aussi démonstratif. Pour moi, c'était le nirvana.
— Mais, tu as à peine gémi. Je ne comprends pas, réponds-je en passant une main dans mes cheveux.
Dorian passe des larmes au rire en une fraction de seconde, me laissant me demander si me frotter à lui ne m'a pas rendu sourd.
Je ne suis pas fou, il a à peine crié.
— Mon père occupe toujours la chambre d'à côté. Si je veux passer la nuit avec quelqu'un, j'ai développé le réflexe de faire ça en silence, sinon il vient carrément sortir le gars du lit, qu'il soit habillé ou pas. Ensuite, il le jette dans le couloir. S'il est dans une bonne journée, il va lui lancer ses vêtements après m'avoir rappelé les règles du couvre-feu. Dans les autres cas, c'est mon frère qui le dépanne et, que ce soit l'option un ou deux, je n'ai pas le loisir de recommencer avant un bon bout de temps.
— Ton père est un vrai malade, m'indigné-je en découvrant la manière dont mon petit ami est traité, jour après jour.
— Je reste silencieux, me répond-il avec un sourire coquin. Il ne réussit pas à me démasquer à chaque fois.
J'entre à nouveau sous la couette et laisse Dorian se blottir tout contre moi. Il glisse sa main jusqu'à mon postérieur qu'il agrippe d'un geste possessif.
— Alors, j'ai bien performé, hier ? chuchoté-je à son oreille.
— Tu n'es qu'un égocentrique, s'amuse-t-il à mes dépens, mais, oui, tu es dans mon top cinq.
— Top cinq ?
— Arrête tout de suite de me questionner, sinon, je vais descendre ta côte ! s'exclame à nouveau mon amant. Ce n'est pas très digne de ta personne de vouloir tout savoir.
Mon incertitude remonte en flèche. Moi, un top cinq ? Je dois m'assurer qu'il ne pourra plus jamais me comparer à quatre autres mecs. Aussitôt, je plonge vers son cou pour le lécher avec autant de sensualité que possible.
— Gémis pour moi, soufflé-je en passant mes deux jambes de chaque côté de son bassin.
Dorian
Pour être honnête, Daryl est un sacré coup. Quand j'ai dit « top cinq », c'était juste une façon de parler. Mais puisqu'il semble être assez pointilleux sur ses performances, autant en profiter au maximum. Et c'est ce que je fais durant toute la matinée. Mon cœur a subi tout un tas d'émotions depuis ce matin. Je vais donc faire attention à ne pas lui avouer à quel point il se démarque de tous les autres car cette incertitude a plus que du charme, elle a aussi des orgasmes à offrir en abondance.
Mon petit ami s'est écroulé sur moi il y a dix minutes de cela et sa respiration régulière m'indique qu'il s'est endormi, épuisé d'avoir donné tout ce qu'il avait pour m'impressionner.
Bien sûr, ce n'est pas pour cette raison que je suis avec lui, c'est plutôt pour sa façon de vouloir me protéger à tout prix. Même en ce moment, il le fait sans s'en rendre compte. Ses bras se sont enroulés autour de moi tandis qu'il marmonnait un « chat de gouttière » dans son sommeil. J'ai bien failli le réveiller tellement j'ai pouffé de rire, mais ce n'est pas la première fois qu'il parle en dormant, alors j'imagine que je n'ai plus qu'à accepter d'être réveillé à toute heure de la nuit. Une chose de plus que papa n'aimera pas. Je l'entends déjà critiquer mon amant sur le fait qu'il m'empêche de dormir. Connaissant Daryl, je n'ai nul doute qu'il trouvera une réplique acerbe à lui jeter à la figure.
Cet homme est plus que parfait. J'ai trop hâte d'avouer à maman que nous sommes devenus plus que des amis. Elle avait raison, comme toujours. À cette pensée, je ne peux m'empêcher de rougir, puisqu'elle ne se gênera pas pour m'interroger sur la façon dont s'est formé notre couple. Lui dire que j'ai glissé mon pied sur ses parties pour le séduire serait inavouable. J'opterai donc pour sa superbe déclaration dont je n'arrive toujours pas à me remettre. Nous étions tous les deux à fleur de peau, moi qui pleurait comme un idiot et lui qui n'avait jamais fait un tel aveu à qui que ce soit.
Avec Daryl, j'ai l'impression que je pourrais gravir des montagnes sans même me préoccuper si les mousquetons sont bien ancrés, car c'est lui mon roc, mon ange gardien. Bien sûr que je pourrais rester encore des heures entières à l'écouter babiller et me réchauffer le cœur cependant, il a bien mentionné que demain ce sera les essais pour la course caritative. Je m'étire donc le bras vers la table de nuit où sont déposés nos deux téléphones afin d'évaluer si on a encore un peu de temps devant nous. Je rigole encore un peu en voyant l'heure tardive. Au final, j'avais raison lorsque je lui ai dit que nous arriverions en retard s'il ne s'y mettait pas tout de suite.
Je suis sur le point de le réveiller quand un message apparaît venant de mon père. C'est clair qu'il doit être dans tous ses états que je ne sois pas parti avec lui à Calverton. J'ouvre mes notifications et découvre vingt-deux messages non lus qui viennent presque tous de papa. Je ne suis pas certain de vouloir les parcourir, cela m'obligerait à revenir à cette réalité qui me répugne.
Trois petits points qui dansent me démontrent qu'il continue à m'écrire.
Putain, mais il n'en a pas marre ?
Je rejette aussitôt mon téléphone, sentant une crise de panique arriver de nulle part. Comment fait-il pour s'insinuer dans mon esprit sans même que l'on se voit ? Mon torse se soulève a une cadence insoutenable, mes mains deviennent moites, mon cerveau plonge à nouveau dans la noirceur. Je veux que ça s'arrête, que tout soit rose, mais le gris reprend le contrôle. C'est un ton s'approchant dangereusement du noir opaque et sombre comme celui qui me tenaillait avant que je ne rejoigne Daryl. Un sanglot s'échappe sans que je ne puisse rien y faire. Une dernière tentative de repousser cette obscurité consiste à serrer mes poings sur ma poitrine, mais le bras de mon amant m'en empêche. Le mouvement que je viens d'amorcer le sort de sa sieste improvisée et je le sens aussitôt se tendre.
— Dorian ? Tu vas bien ?
Incapable de répondre, je ferme mes yeux aussi fort que je le peux pour éviter que le torrent qui remonte en moi s'échappe.
— Chaton ? demande-t-il encore de sa voix inquiète.
Je secoue la tête pour lui dire que non, ça ne va pas, ça ne va plus du tout même. Ma respiration est sifflante et mon seul moyen pour faire entrer l'air dans mes poumons est de m'asseoir. Mon geste est brusque et empli d'une peur viscérale de ne plus pouvoir respirer. Daryl s'est redressé à son tour, confus, mais prêt à tout pour me secourir. D'abord, il frotte sa main dans mon dos tout en gardant l'autre en contact avec mon bras glacé. Mes yeux paniqués cherchent quelque chose à quoi se rattacher alors que ma tête vacille dans tous les sens. C'est au moment où il vient poser ses paumes de chaque côté de mon visage que mon regard s'arrête enfin sur ses prunelles encore voilées de fatigue.
— Reste avec moi, chaton. On va prendre de profondes respirations.
Il me parle avec un calme olympien, se focalisant sur ma personne afin que je me sorte de ce cauchemar qui m'agresse jusque dans la moindre de mes fibres nerveuses. La dernière crise de ce genre date de quelques jours, avant ma première rencontre avec Daryl. C'est rarement d'une telle violence, mais je dois avouer qu'avec toutes les émotions qui m'habitent, ce n'était plus qu'une question de temps avant que l'une d'entre elles refasse surface. Bien sûr, ma famille n'en sait rien du tout. Ce genre de malaise me prend toujours au petit matin, quand je me prépare pour ma journée alors que j'appréhende tout ce que mon père inventera pour me pousser encore plus loin dans mes retranchements.
— Expire, chaton. Reste avec moi.
C'est à peine si j'entends Daryl, mais je le sens, il ne me lâche pas, appuyant son front au mien pour garder encore plus de contact. Je croyais qu'en l'ayant lui, que je serais débarrassé de cette angoisse que je déteste encore plus que mon père. Je me mets à sangloter, à bout de nerf. J'étais si bien, pourquoi ai-je perdu le contrôle ?
Daryl m'attire à lui, mon ange sauveur qui nous fait tomber sur les oreillers pour me serrer tout contre lui. Son odeur me rassure enfin, bercé par ses paroles que je n'entends pas vraiment, mais qui ont un effet rassurant. Mes yeux se ferment de fatigue tandis que je ressens toute sa bienveillance m'enrober d'un cocon protecteur.
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