Chapitre 23
Daryl
J'aurais dû prendre ma propre chambre au lieu de partager celle de Dorian. Mes expériences dans un hôtel se terminent toujours avec un partenaire, tous les deux nus, en train de faire des exercices qui n'ont rien à voir avec ma musculature. Or, je tiens à faire les choses dans l'ordre avec mon beau brun. Pas de chance pour moi, chacun de ses gestes me provoque une décharge incontrôlable dans mon pantalon. Ma faible résistance est mise à rude épreuve depuis les dix dernières minutes.
Je jette un œil à ma droite où pend le boxer de Dorian, preuve que sous cette serviette qu'il porte avec aisance, il est tout à fait nu. Bien que je fasse tout pour oblitérer cette idée, mon service trois pièces n'est pas d'accord pour oublier la vue fascinante qu'il m'offre. Mon faux texto ne peut pas prendre plus de temps, ce qui fait que je n'ai pas d'autre choix que de me lever pour rejoindre le brun. Il me tend une fourchette de plastique alors que je garde mon téléphone dans l'autre main. Celle-ci est placée devant ma fermeture éclair, pour éviter la honte. Bien que la tâche soit ardue, j'essaie tout de même de rester impassible. Pour ce faire, j'évite son regard tandis que je m'assieds en face de lui. Heureux que je l'aie rejoint, Dorian entame la conversation avec un naturel qui me déconcerte un peu.
— Tu vas rester longtemps à Toronto ?
Il engouffre une première bouchée sans me quitter des yeux. Bien sûr, je ne le vois pas puisque je suis occupé à détailler les coquilles de pâte qui attendent d'être mangées. Je n'ai pas besoin de le voir, je le sens m'observer, comme un félin prêt à sauter sur sa proie.
Pourquoi ai-je l'impression que je suis une petite souris face à un fauve prédateur ? Est-ce ainsi que se sentent les hommes quand je drague l'un d'entre eux ? Ce n'est pourtant pas le caractère que Dorian m'a laissé entrevoir au cours des quelques derniers jours, mon imagination doit me jouer des tours. C'est donc de la façon la plus neutre possible que je lui réponds.
— L'événement ne se déroule pas en fin de semaine. Mercredi, je pourrai faire une journée de pratique avec les autres compétiteurs, et jeudi, ce sera la vraie course où on pourra déterminer qui est le vainqueur.
— As-tu déjà gagné lors de cette compétition ?
— L'an dernier j'étais tout près, mais j'ai dû m'incliner devant un ancien coéquipier qui n'a pas compris que ce n'était qu'une œuvre de charité. Il a enchaîné les coups bas, comme s'il tentait de prouver sa supériorité.
— Je m'imaginais que tu te serais défendu. Cela ne t'aurait pas tenté de lui remettre la monnaie de sa pièce ?
— Jack n'a jamais aimé mon insouciance, c'était sa manière de me le rappeler. Et puis d'ailleurs, je me vois mal envoyer quelqu'un à l'hôpital alors que notre but est de libérer des hommes et des femmes de cet établissement.
Je relève les yeux, désireux de convaincre Dorian que j'étais là pour les bonnes raisons. Mauvaise idée ! Très mauvaise idée ! Mon cœur se broie de désir quand je remarque qu'il me regarde comme si j'étais Dieu lui-même. Il reste longtemps dans cette position, analysant toutes mes paroles. Soudain, il s'adosse avec nonchalance, me rendant encore plus accroc à son buste façonné dans le roc. Je prends une première bouchée et rabaisse aussitôt les yeux pour tenter d'oublier ce qu'il me donne comme idée.
J'en suis à ma seconde portion lorsque je sens son pied nu, sous la table, qui remonte le long de ma jambe. Incrédule, je m'étouffe avec une pâte qui ne veut pas passer dans mon œsophage.
— Un coup bas ne semble pas faire partie de ton ADN, me dit-il le plus naturellement du monde. Tu es, sans contredit, bien plus haut dans mon estime.
J'arrête sur le champ de respirer quand il remonte jusqu'à mon entre-jambe. Mon cerveau est en ébullition, incapable de faire abstraction de la pression qu'il exerce sur mon membre qui tressaille à cette caresse inopinée.
Cette fois, je n'ai pas le choix de le regarder dans les yeux puisque mon érection grandissante me trahit sans vergogne. La carte de l'indifférence ne peut pas fonctionner plus longtemps. Moi qui croyais avoir un mental d'acier, je dois concéder que j'avais tort. Dorian a adopté un visage plus détendu et, surtout, déterminé à obtenir ce qu'il désire. Sa langue est coincée entre ses lèvres tandis que ses yeux parlent le langage de la luxure, me provoquant avec un sourcil relevé en signe de défi.
Les choses ne peuvent pas être plus claires, il a envie de moi, tout autant que j'ai envie de lui. Pourtant, je me surprends à prendre sa jambe et la remettre au sol. Mon beau brun ne s'avoue pas vaincu pour autant, ce qui me fait comprendre pourquoi il peut gagner autant de courses : il a un objectif qu'il compte bien atteindre. Je sens mes forces mentales s'affaiblir lorsqu'il prend une dernière bouchée de sa salade et qu'il se lèche les lèvres avec beaucoup trop de lenteur.
Ma bouche s'ouvre sous le coup du désir qu'il fait naître en moi, toujours plus puissant. Dans un sursaut de lucidité, je repousse mon plat à peine entamé puis, je me lève afin de tenir cette promesse que je me suis faite de lui parler d'abord. Comment dois-je évoquer le sujet ? Il est trop pris dans sa propre concupiscence pour écouter la moindre de mes paroles. Je voudrais ne pas être moi, être quelqu'un qui lui offrirait ce qu'il demande à grand coup de flirt. Mais voilà, je sais que je m'en voudrais de lui avoir accordé ce qu'il souhaite sans écouter ma petite voix qui veut plus qu'un simple amant d'un soir.
Quand il se rend compte que je m'éloigne de lui comme le feu peut éviter l'eau, ses traits changent de façon immédiate. Il perd sa confiance. Ses yeux le trahissent quand j'y vois non seulement une défaite, mais aussi de la tristesse. Il penche la tête, essayant de cacher tout ça, sauf que je vois tout.
Pourquoi est-ce si difficile d'avouer mes sentiments ? Au lieu de me sentir fier de résister, la culpabilité prend le dessus, torturant un peu plus ma faible résistance.
— Dorian ?
Il ne répond pas, trop occupé à mâchouiller, par dépit, sa lèvre inférieure. Le lion prédateur s'est transformé, lui qui ressemble maintenant à un chaton qu'on veut protéger du froid, de l'abandon ou de la terre entière. C'est tout juste si je ne l'entends pas miauler son malheur. Je m'approche un peu, incapable de le voir glisser vers cet inexorable comportement que je lui ai vu ces derniers jours. J'hésite, car il va peut-être interpréter le geste que je m'apprête à faire d'une toute autre façon.
Je m'agenouille auprès de lui, glissant ma main jusqu'à la sienne. Il a mal, ça se voit. Mon beau brun tourne la tête vers le mur pour ne pas rencontrer mon regard.
—Dorian ? S'il te plaît, ne fait pas cette tête. Je suis désolé de mon attitude, c'est juste que pour moi, tu n'es pas n'importe qui.
— Je ne suis rien, me répond-il alors de sa voix éraillée et larmoyante. Personne ne veut de moi. Je l'ai bien compris depuis le temps. C'est juste... Je croyais que tu étais différent. Ce n'est pas grave.
— Oh ! Chaton, si tu savais, lui répond-je avec un trémolo dans la gorge. Tu n'es pas rien, au contraire, tu es tout.
Il laisse un soupir sceptique s'échapper de son adorable nez retroussé par sa peine, n'osant toujours pas me regarder. J'approche ma main de son menton et le force à rencontrer mes yeux. Il résiste un peu. Cependant, j'ai moi aussi un peu de graine de champion, je suis tenace et, pour une fois, je sens que ça ne sert pas juste à gagner des courses. Conquérir sa confiance reste l'objectif principal.
Il finit par abdiquer, tournant sa tête vers moi en même temps que son corps. Je me retrouve entre ses jambes, alors je passe mes mains de chaque côté de ses hanches, prenant appui sur la chaise sur laquelle il vient de pivoter. J'attends avec patience qu'il ose me regarder, ce qui prend encore quelques secondes. Le revers de sa main vient essuyer ses yeux larmoyants avant qu'il se redresse, prêt à affronter ce qu'il croit être la fin.
— Ne crois pas que tu n'es rien à mes yeux. Je n'ai aucune idée comment tu as pu toucher mon cœur à ce point, mais tu l'as fait. D'abord, j'ai cru que tu étais hautain, en masquant toute la peine que tu retiens derrière une image froide. Puis, tu as ri, un rire extraordinaire que j'ai essayé d'entendre aussi souvent qu'il m'était possible de le faire. Mais à chaque fois que je réussissais, ton père venait me voler ce superbe cadeau que tu m'apportais. Je sais très bien que Charles a encore abusé de toi, hier soir. Et c'est pour ça que je veux faire une différence. Je veux réussir à te rendre heureux comme tu le mérites. Bien sûr, je suis prêt à te supporter quand tu n'iras pas bien, à cause de lui ou de tout autre événement de ta vie, mais par-dessus tout, je veux te rendre heureux. Tu comprends ? Je ne veux pas être l'exutoire que tu espères pour oublier. J'espère plutôt être celui qui pourrait t'aimer pour ce que tu es et pas pour ce que tu veux faire croire aux autres.
Son regard s'est à nouveau couvert de larmes, mais cette fois, j'y vois une nouvelle étincelle, celle qui me fait toujours craquer. Il passe ses bras autour de mon cou et se rapproche, encore incertain de ce que je lui confesse.
— Tu sais que tu es irrésistible dans cette serviette, n'est-ce pas ?
Il soulève les épaules, puis un sourire en coin vient fendre son beau visage.
— Tu sais aussi que je dois me retenir de toutes mes forces pour ne pas te jeter sur ce lit ?
Cette fois, j'entends un tout petit gloussement tandis qu'il retient encore quelques larmes.
— Et tu sais que je dois prendre une douche avant de t'arracher cette serviette sinon tu seras le premier à me fuir ?
Il explose de rire, un rire franc et spontané qui fait un bien fou à mon âme en confiture. J'ai réussi mon pari de retrouver ce son délicieux qu'il émet à chaque fois qu'il rigole. Il me reste une dernière question qui, elle, me rend nerveux. Mes aisselles, déjà surexploitées aujourd'hui, s'activent alors que mes mains que j'ai gardées jusqu'ici de chaque côté de Dorian viennent emprisonner son visage tout près du mien.
— Je me disais que, peut-être, tu n'avais pas encore compris combien tu étais important pour moi. Alors je vais tenter de faire dans la simplicité, même si tout cela me terrorise.
Je m'assure que nous avons un contact visuel et qu'il ne se dérobera pas car j'ai besoin de savoir, d'espérer. Je prends une grande respiration, mais c'est à peine si je sens l'air s'engouffrer dans mes poumons compressés par mon agitation intérieure.
— Je n'ai jamais été en couple. Jamais.
Il se crispe en entendant mes premiers mots qu'il interprète déjà de travers.
— Chut ! soufflé-je pour le rassurer. Jamais ne veut pas dire que je ne le désire pas maintenant. Tu es le premier qui me donne cette envie de faire un bout de chemin avec un partenaire, le seul avec qui j'aimerais partager mon lit, mais surtout ma vie.
Je décale mes mains en un geste lent jusque derrière ses oreilles où je plonge mes doigts dans sa chevelure encore humide.
—Je sais que je suis impulsif et que je me mets toujours dans des situations malaisantes quand tu es tout près de moi. J'ai le goût de croire que c'est pour ça que tu es si spécial. Tu me sors de ma zone de confort, tout comme je crois le faire avec toi. À nous deux, on pourrait devenir un nouveau nous qui montrerait au monde combien on se complète. Alors, si bien sûr tu es d'accord, j'aimerais t'avoir dans ma vie, en tant que petit ami.
J'ai enfin réussi à dire ce que je veux pour nous. Ça a été long, mais j'y suis parvenu. J'observe à présent son visage rester de marbre. Il n'a plus aucune réaction. Je crois que c'est pire que ses crises de larmes. Je m'inquiète de plus en plus quand ses yeux passent systématiquement de mon œil droit à mon œil gauche puis du gauche au droit à plusieurs reprises. Il cherche les mots pour me rembarrer, je ne vois que cette conclusion. Je lâche ses mèches de cheveux, déçu de sa non réaction à ma déclaration que je croyais bien réussie. Je pose alors un pied au sol pour me relever quand je suis poussé violemment sur le tapis épais qui amortit ma chute.
Bientôt, je suis rejoint par Dorian qui commence à m'embrasser partout en des dizaines de baisers papillons sur mes joues, mes paupières et mon cou. Même mes oreilles ont droit à ce privilège ! Je m'esclaffe quand il tente de soulever mon t-shirt pour avoir accès au reste de ma peau.
— J'imagine que ta réponse est positive, rigolé-je en tentant de descendre le tissu.
— Un peu, oui, s'amuse-t-il à son tour. Si tu fais l'amour aussi longtemps que cela te prend pour te déclarer, j'aime mieux commencer immédiatement. Comme ça, on sera peut-être à l'heure pour mercredi.
— Le revoilà, celui que je veux voir rire comme un enfant, le taquiné-je.
— Crois-moi, tu n'as pas un enfant au-dessus de toi. Mais... lâche ce t-shirt ! Depuis tout à l'heure que je te laisse admirer la vue. C'est à mon tour d'apprécier ces superbes abdos que je rêve de toucher depuis trois jours.
Avec Carlos, on se chamaille sans arrêt comme des gamins, j'ai l'habitude de le faire basculer. J'adopte donc cette prise afin d'emprisonner Dorian sous mon poids. Je me retrouve bien assis sur son bassin, tentant d'éviter les bras de mon chaton qui fait tout pour atteindre ma peau. Nous nous amusons encore un peu, puis je me lève sans dire un mot, le laissant en plan, couché contre la moquette. Un cri outré parvient à mes oreilles lorsqu'il comprend que je vais vers la salle de bain.
Je ne mentais pas quand je disais avoir besoin d'une douche pour effacer toute trace de sueur. De toute manière, il ne le sait pas, mais je garde la porte déverrouillée. Maintenant que j'ai enfin un petit ami, j'ai bien l'intention d'en profiter au maximum. Et s'il est aussi affamé de moi que ce que j'ai cru déceler avant ma déclaration enflammée, il trouvera vite à me rejoindre.
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