Chapitre 22
Daryl
Nous roulons vers notre prochaine destination qui reste inconnue pour le moment. J'ai encore de la difficulté à me dire que Dorian a accepté de venir à Toronto. Mon cœur a presque arrêté de battre quand il m'a soufflé un simple « OK ». Avec les derniers jours où mon beau brun m'a laissé en plan lors de notre première rencontre et quand, hier, il a décidé d'aller rejoindre son père au lieu de venir fêter sa victoire avec moi, je m'attendais à un nouveau refus. Bien sûr, j'étais prêt à abandonner cette course caritative pour ne pas le laisser seul avec ses démons, mais je suis heureux qu'il m'ait enfin choisi.
Je sais très bien que j'ai dit être prêt à former un couple, mais pour que ça fonctionne, il faut aussi que Dorian le soit. Qu'il vienne avec moi est une chose, par contre je n'ai aucune idée de ce qu'il a en tête pour nous deux. Comme je le disais, ma vie se résume à des histoires d'un soir. Je n'ai pas encore les mots pour lui dire ce que j'espère de nous. Lana m'a dit qu'il était un grand sentimental et qu'il aspire à quelque chose qui ressemble à ce que je veux. Est-ce avec moi qu'il aura le goût de plonger dans une étape aussi importante ?
Sa vie de coureur automobile est bien remplie. Dans quelques semaines, il sera au Daytona 500, en Floride, alors que je serai au Bike week de Laconia au New Hampshire. Nos destinations seront rarement les mêmes et, surtout, à des milliers de kilomètres l'une de l'autre. S'il accepte une relation longue distance, saura-t-elle résister, moi qui dois même m'expatrier sur le continent européen assez souvent ?
Je l'avoue, je panique à cette idée. Et si Dorian se dit justement que ce n'est pas ce qu'il veut ? Il en a tous les droits. Alors, moi, je fais quoi ? J'abandonne le seul homme qui me donne le goût de vivre l'amour ? Ou au contraire, je me prive de ma passion pour le suivre et le protéger de son père diabolique ? Pris dans mes pensées de plus en plus excessives, je le sens resserrer ma taille tandis que nous filons à vive allure sur l'autoroute. Il doit sentir ma crispation et mon mal être qui montent tous les deux en crescendo.
Je lui ai dit que nous irions manger quelque part... Un fast-food ne me semble pas l'idéal pour discuter de choses aussi importantes, et un grand restaurant pompeux me mettrait encore plus mal à l'aise. Voilà donc où j'en suis, amoureux et incapable de le formuler, même dans ma tête, mais aussi affamé, sans me décider à choisir l'endroit qui pourrait sceller nos destins ou pas.
En un mot : terrorisé.
Un énième panneau me nargue, il indique les nombreuses attractions qu'on retrouve à la prochaine sortie, dont quatre restaurants. Un grand soupir m'accable tout juste avant que Dorian me tape sur l'épaule avant de pointer vers cet endroit. La panique revient prendre possession de mes moyens quand je réalise ensuite qu'il a peut-être juste une envie pressante. J'arrête donc à la première station-service qui est sur notre chemin afin qu'il puisse se soulager. Nous enlevons nos casques puis, pendant que j'emplis à nouveau mon réservoir, il part en direction de la porte sans dire un mot. Je souffle, rassuré de ne pas m'être trompé.
Ce n'est qu'une foutue discussion. Pourquoi j'en fait tout un plat ?
Je le regarde tendre son bras vers la poignée, essayer de tirer pour se rendre compte qu'il doit pousser. Un geste aussi banal ne devrait pas être sexy. Et ça recommence, mon cœur s'emballe, découvrant de nouveaux muscles qui appartiennent à mon beau brun.
Bien après qu'il ait traversé de l'autre côté, je réalise m'être perdu, encore une fois, dans mes pensées quand je sens quelques gouttes d'essence se renverser. Cet homme est un vrai dieu, pas étonnant que je sois toujours si maladroit en sa présence. J'essuie du mieux que je peux le filet qui a débordé, mais quand vient le temps de payer, ma carte ne fonctionne pas à la pompe. J'entre à mon tour pour régler ma dette et découvre Dorian qui a ouvert l'un des frigos du dépanneur où quelques repas froids y sont présentés. Par instinct, je vais le rejoindre et suis accueilli par son sourire chaleureux. Ce simple geste a le mérite de me détendre.
— Tu as faim ? me demande-t-il sans que je sente un quelconque reproche.
— Oui ! Je suis affamé.
Je lorgne avec envie les pains fourrés qui ne semblent pas très frais.
— Les sandwichs datent de quatre jours, rigole-t-il en tirant deux salades de pâte. J'espère que tu n'es pas trop difficile ?
— Tu plaisantes ? Je ferais même sa fête à ce végé-fromage, s'il ne restait que ça.
Encore là, il rit aux éclats, inconscient de l'effet qu'il me fait.
— Je t'assure que c'est vrai. Notre petit-déjeuner est beaucoup trop loin.
— Oui, c'est clair ! Que dirais-tu d'arrêter pour ce soir, j'ai vu l'annonce d'un hôtel pas très loin et, je dois l'avouer, je suis épuisé.
Un hôtel ? Immédiatement, j'ai des idées perverse qui me viennent en tête, que je mets très vite de côté. Avant de quitter Chelsea, la ville où nous avons fait notre saut, j'ai confirmé avec Carlos qu'on se rejoindrait à Toronto. Cela semblait faire son affaire étant donné qu'il a mentionné ne pas être en mesure de prendre la route. Selon ses dires, Papi n'a pas eu le temps de faire les courses, ce qui les a retardés dans les préparatifs. J'ai bien un doute sur la raison de son manque de temps, mais je me suis abstenu d'en glisser un mot puisque Dorian était tout près. J'imagine que ce serait bizarre d'apprendre de ma part que sa sœur monopolise mon mécanicien pour autre chose que pour les affaires.
Par contre, Carlos m'a volontiers mis dans l'embarras quand j'ai avoué que Dorian venait avec nous. Il m'a lancé une ou deux piques comme quoi je devrais apprendre à remonter ma mâchoire quand mon beau brun est dans les parages. Je ne comprends pas comment j'ai pu être si transparent sur ce que je ressens, mais bon, c'est vrai que j'ai beaucoup de difficulté à gérer mon comportement. Je n'ai qu'à regarder cinq minutes en arrière, quand je matais ce dieu vivant, et c'est vrai que ma mâchoire s'est décrochée.
Je soupire en pensant à Dorian. Je n'arriverai jamais à rester de marbre en sa présence. C'est tout simplement impossible. Alors cet hôtel, qui n'est qu'un arrêt obligatoire sur notre route vers Toronto, est comme une tentation de plus. Je ne dois pas m'imaginer ce genre de chose tant que je n'ai pas réussi à parler de mes sentiments avec Dorian. À moins de trouver les mots justes, je devrai rester sage, il est trop important.
Dorian
J'ai bien réfléchi pendant notre long trajet. Je vais prendre le maximum que Daryl peut m'apporter. La vie n'est pas rose, je dirais même qu'elle est d'un gris sombre et sans lumière, excepté quand il est là. Dans ces moments, j'ai l'impression de comprendre cette expression. Il fait tout pour me changer les idées et je crois que ça marche. Le rose est encore bien dilué dans mon esprit, mais au moins je le vois. Il me fait rire, et ça, c'est un exploit.
À quelques rues de la station-service, on a trouvé un petit hôtel chaleureux. Le réceptionniste a reconnu Daryl qui s'est plié à quelques selfies. Une fois fait, l'homme nous a montré sa propre moto que le blond a autographié directement sur le réservoir d'essence. C'est si naturel pour lui d'engager une conversation avec ses fans. Il ne fait pas semblant, pas comme moi. Je l'écoute raconter quelques victoires ou décrire des incidents dont l'admirateur connaît, semble-t-il, la majorité des dénouements. Il a une telle passion qu'on a le goût d'en apprendre toujours plus.
Je comprends l'inconnu de continuer à soutenir la conversation, mais je ne mentais pas quand je disais être épuisé. Puisque nous avons chacun notre carte pour la chambre, ce n'est pas si grave d'y aller seul. Je m'éclipse donc quand ils se dirigent tous les deux vers le bolide de Daryl. Ils en ont encore pour une demi-heure, si je me fie au reste de leur bavardage.
J'arrive à la chambre et retire les vêtements de cuir que Carlos m'a prêtés. Ensuite, je dépose nos salades dans le minuscule frigo incrusté dans le meuble qui soutient le téléviseur. À gauche de celui-ci, se trouve la table ronde que nous utiliserons pour manger. Une cafetière y est installée avec quelques sachets de café, thé et condiments pour les accompagner. À droite, il y a un dressing à aire ouverte où je vais suspendre ma combinaison et déposer mon casque sur la tablette au-dessus. Un petit banc qu'on peut déplacer finit la décoration de cette section. Les deux lits queen, avec quatre oreillers chacun, font face à tout cela, séparés par une table de nuit contenant le nécessaire pour recharger nos téléphones.
Cela me fait penser que je n'ai pas encore pris connaissance de mes messages de la journée. J'ai une sorte d'appréhension en le retirant de ma poche, mais il n'affiche rien, même pas la photo d'accueil représentant maman avec ses trois enfants. N'ayant plus aucune notion de la réalité, j'ai encore oublié de le charger, hier soir. Je branche donc mon appareil et me dirige vers la salle de bain. La moquette grise absorbe mes pas, faisant résonner un silence réconfortant. Au fond de la chambre, se trouve un petit comptoir agrémenté d'un joli panier qui propose des produits de soins personnels. Un évier y est aussi installé pour permettre que je puisse prendre ma douche dans la pièce d'à côté sans empêcher Daryl de se désaltérer.
Je prends un savon et du shampooing et entre dans la salle de bain à la lumière chaude et apaisante. Décidément, cela n'a rien à voir avec les chambres d'hôtel auxquelles j'ai l'habitude. L'ambiance y est toujours froide, malgré le luxe qu'elles dégagent. Ici, je me sens aussitôt à l'aise de relaxer, même si je vais plutôt prendre une douche rapide. Disons surtout que mon buzz m'a donné une envie de manger incontrôlable. Bien sûr, je vais attendre le retour de Daryl puisqu'il semble aussi affamé que moi, c'est pourquoi, je ne devrais pas patienter très longtemps.
J'entre sous la cascade et expire longuement de bien-être. Il y a longtemps que je n'ai pas ressenti cette plénitude. Aucune parole aigre de mon père ne viendra ternir ma soirée. Et la compagnie du blond sera, je l'espère, bien moins platonique que j'en ai l'habitude. Il est rare qu'un homme reste avec moi jusqu'au matin, je compte donc faire tourner tout cela en ma faveur. Un sourire coquin apparaît sur mon visage tout en me nettoyant. Pas de papa, pas de Carlos, tout est aligné pour une nuit de rêve en compagnie d'un homme parfait. Je vais tout mettre en œuvre pour le faire craquer, peu importe ce que je dois faire pour y parvenir.
Alors que je sors de la douche, j'entends la porte d'entrée qui m'indique que Daryl est arrivé. J'enroule une serviette autour de ma taille et rassemble mes vêtements dans mes bras pour sortir et lui laisser la place. Dès que je mets un pied dans la chambre, le blond m'accueille à quelques centimètres, lui qui s'intéresse à ce qui se trouve dans le panier de produits. Daryl se redresse aussitôt, surpris de me voir si près.
— Ah ! Hem... tu as déjà terminé me dit-il en inspectant ma tenue légère.
Ses yeux se recouvrent d'un voile d'envie quand il découvre la serviette qui descend bien bas sous mes reins. Cela sera plus facile que je ne le croyais de l'attirer dans mes filets. Je fais l'innocent et me dirige vers l'un des lits où je dépose mes quelques effets. Je sais qu'il m'a suivi du regard, j'exagère donc la courbe de mon dos et lui présente mes fesses en roulant mon bassin comme si je m'étirais.
— Tu as faim ? demandé-je en tournant la tête vers lui.
Sa bouche s'est ouverte, me prouvant que j'ai bien hameçonné ma cible. Bien sûr, il se reprend très vite et hoche la tête pour confirmer. Il a faim, je le vois, et même s'il essaie de le cacher, ce n'est pas juste de nourriture qu'il a le goût de se repaître. Je lui offre un sourire satisfait puis je prends mon boxer que je fais tournoyer au bout de mon doigt.
—Donne-moi cinq minutes pour le laver et je suis tout à toi.
Mes mots sont pesés afin de lui laisser le loisir d'interpréter tout cela à sa guise. Ses yeux s'ouvrent encore plus grand que ce à quoi je m'attendais. Son insécurité est surprenante. Puisque que je me retrouve tout près de lui, il recule pour me laisser la place devant l'évier et s'empêtre dans le banc qui remplit le bas du dressing. Ses bras se déploient pour se retenir à quelque chose, mais mon manteau ne résiste pas à son poids qu'il entraîne dans sa chute. Je retiens un rire et me décide à le secourir en lui tendant les deux mains. Sa tête arrive à quelques centimètres de mon intimité, le faisant rougir violemment. Seigneur ! Si je n'avais pas mon estomac qui me rappelle à l'ordre, je lui aurais sauté dessus sans hésiter. Je le redresse et m'informe de son état.
— Tout, va bien ? Tu ne t'es pas fait mal, m'amusé-je en retenant ses mains plus que nécessaire.
— Je... bande, répond-il à ma grande surprise. LE BANC... Le banc, on devrait le changer de place, se rattrape-t-il aussitôt.
— C'est vrai que, sous le dressing, il est carrément dans tes jambes, rigolé-je de sa phrase sans queue ni tête.
Il reste muet à ma dernière boutade, s'éloignant de moi comme si je l'avais brûlé.
Bon d'accord, ce sera peut-être un peu plus difficile que je ne le croyais.
Je continue ma première tâche et nettoie mon sous-vêtements que j'étends ensuite sur l'un des cintres. Pendant tout ce temps, je sens son regard s'attarder sur mon corps, alors j'affine chaque mouvement pour faire bouger mes muscles à mon avantage. Quand j'ai terminé, je me retourne vers lui et découvre avec satisfaction qu'il me matait, assis sur l'un des lits, soutenu par deux oreillers qu'il a adossés au mur. Le blond rabaisse aussitôt ses yeux sur son téléphone pour cacher ce qu'il faisait.
Mes espoirs ne sont pas tous perdus, j'en profite pour marcher jusqu'au frigo et me penche devant lui. Bien sûr, c'est exagéré ; sauf qu'avec un meuble si bas, ce n'est pas difficile de paraître naturel. J'extirpe nos salades et les pose sur la petite table.
— Tu préfères manger au lit ?
— Non, non, je termine mon message et j'arrive.
Sa caméra se trouve à l'envers, au bas de son téléphone ; il n'est pas en train d'écrire à qui que ce soit. Je le laisse se conforter dans ce pieux mensonge que je découvre. J'avoue que je l'imaginais plus prompt à répondre aux appels de mon corps, mais je n'ai pas dit mon dernier mot.
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