
Chapitre 14
Daryl
— Il a gagné ! Il a gagné !
Je saute dans tous les sens en voyant Dorian passer le fil d'arrivée à un nez devant son adversaire. Lana s'agite tout autant que moi avant d'aller chercher je-ne-sais-quoi dans le garage.
C'est fabuleux ! Les frissons qu'il m'a fait vivre pendant cette course sont indéfinissables. Je croyais que sa qualification était au top, mais j'étais bien loin du compte. Imaginez qu'on vous fait faire un tour de manège et que vous en avez raffolé. Cette sensation grisante quand, rendu au sommet, vous repartez vers le bas avec l'estomac qui vous chatouille. Et bien, sa qualification s'y apparentait beaucoup. Sauf que là, on vous explique que ce n'était que le manège le plus banal, que le suivant monte plus haut, descend plus vite et que, en plus, il tourne dans tous les sens. C'est de cette manière que je décrirais la course de mon beau brun.
Épique, spectaculaire et enlevante.
Son départ m'a fait paniqué, et c'était pareil pour l'ensemble de l'équipe. J'ai bien cru qu'il ne démarrerait jamais. Mais il a réussi ! Ce gars-là a la course dans le sang. Personne, absolument personne, n'aurait pu faire une remontée aussi impressionnante que celle de Dorian. Je piétine d'impatience pendant qu'il fait son tour du vainqueur et, quand il arrive à ma hauteur, je ne peux pas faire autrement que de sauter plus haut pour lui exprimer mon admiration. Je sais que je ne suis pas le seul à s'être repu de cette course, mais voilà, sa victoire et la foule qui scande son nom me soulèvent encore plus haut.
Je cours alors vers lui en hurlant comme un damné. Sa manipulation pour faire brûler la gomme de ses pneus en rajoute sur tout le reste. J'adore ce gars. Je suis en train de perdre tous mes moyens à la simple vue de la fumée de la victoire qui survole son véhicule. Je n'arrête pas pour autant et fonce tête première pour être le premier à le féliciter. Courir avec des tongs, ce n'est pas l'idéal. C'est encore mieux de ne pas en avoir du tout. Je les laisse donc s'envoler derrière moi sans vérifier si quelqu'un pourrait les recevoir en pleine figure. C'est à ce moment que je vois mon bel Apollon sortir de la grisaille qu'il a lui-même provoquée avec son bolide.
Dorian n'est qu'à un mètre de moi ! Sans y penser plus longtemps, je me jette sur lui et le soulève du mieux que je le peux en criant ma joie. Je le fais tournoyer afin qu'il puisse saluer tout le monde dans les estrades et ailleurs. Son bras droit est haut dans les airs, le poing serré en signe de victoire, tandis que son autre main s'appuie sur mon épaule. Je suis vite rattrapé par son poids qui est beaucoup plus lourd que je ne l'imaginais, des muscles comme les siens, ça ne pèse pas une plume. Je le dépose au sol et entoure son cou de mes bras tout en hurlant des félicitations plus que sincères.
— Merci Daryl, finit-il par me dire en me repoussant légèrement. J'avais bien besoin de cette victoire aujourd'hui.
— Je suis ton porte-bonheur, crié-je encore plus en le reprenant dans mes bras pour le frapper avec force dans le dos.
Mon ami rit encore un peu et c'est sa sœur qui arrive ensuite en utilisant une voix qui me perce les tympans. Dans sa main, elle a la casquette que Dorian portera lors de sa conférence de presse officielle. Ce faisant, il dénoue à la hâte la sangle sous son menton afin d'enlever tout son matériel de protection. Enfin, presque tout. Il garde son uniforme, sauf que je me souviens exactement de ce qui se trouve en dessous, le fixant un peu trop longtemps pour que cela passe inaperçu. Bien sûr, c'est Dorian, le gentleman qui ne relèvera pas mon manque de contrôle.
Je suis tout de suite rappelé à l'ordre quand Charles s'impose à notre compagnie. Je sais bien que c'est son fils et qu'il a autant le droit de venir le rejoindre que moi mais, jusqu'à présent, il ne m'a donné aucune raison d'apprécier sa compagnie. À l'approche de son père, Dorian se redresse et ferme ses poings, prêt à encaisser les reproches. Même dans la victoire, mon beau brun semble croire qu'il n'aura que des remontrances de la part de son paternel.
Je suis sur le point de m'interposer quand Charles sourit à grandes dents et félicite le vainqueur. Surpris par cette effusion de joie, nous finissons tous par entourer le grand gagnant pour lui signifier notre admiration. Dorian est tellement heureux de la marque d'affection de son père. Comment pourrais-je rester en froid contre le vieux qui a passé un bras autour des épaules de mon beau brun ? Ce dernier n'a plus une once d'anxiété, les yeux brillants de bonheur. C'est donc en toute innocence que j'accepte l'autre bras de Charles pour avancer jusqu'à l'endroit où doit avoir lieu la conférence dédiée aux trois premiers pilotes.
Dorian s'assied au centre puis, les autres gagnants s'installent à ses côtés. Le journaliste officiel pose les questions d'usage afin de connaître tous les détails entourant la fin envoûtante qu'ils nous ont fait vivre. J'ai l'estomac qui se noue en voyant comment le brun sourit de toutes ses dents. Il est beau comme un cœur, l'air d'avoir perdu vingt kilos de ses épaules.
Du coin de l'œil, je vérifie que Charles est toujours là pour soutenir son fils. Celui-ci discute avec Brandon, la mine indéchiffrable. Le plus jeune tend un bras devant lui, présentant quelque chose d'invisible à son paternel qui hoche la tête. Le fiston continue de discuter quand je les vois tous les deux me fixer avec intensité. Dans une chorégraphie parfaite, ils inclinent simultanément la tête, voyant un tableau imaginaire autour de moi. Est-ce que je dois m'inquiéter ? Je regarde derrière mon épaule pour m'assurer que les deux hommes discutent bien à mon sujet. Personne. Je fais donc un sourire timide et les salue en soulevant à peine la main. À ce moment, Brandon quitte son père et me rejoint.
— Daryl ! J'ai fait quelques coups de fil. On va pouvoir annoncer votre défi. Les journalistes ont accepté de rester plus longtemps.
Après ma « superbe » rencontre avec Charles et Brandon, j'ai appelé mon directeur pour m'assurer que tout ça leur convenait. En fait, c'était plutôt pour leur faire savoir. Ils n'ont pas trop eu le choix. C'est comme ça, avec moi. J'avoue que, cette fois, je n'ai pas eu mon mot à dire non plus, sachant que ce n'est jamais très flatteur d'être impliqué dans un scandale. D'ailleurs, comment ai-je pu accepter aussi promptement sans me poser de questions ? C'est très étrange, comme si j'avais fait un choix sans en faire un. Est-ce de cette manière que Charles réussit à faire faire ce qu'il veut à son fils ?
Mon regard est de nouveau attiré vers Dorian qui se lève pour signifier la fin de l'entrevue. D'un même mouvement, il soulève sa casquette pour replacer ses cheveux humides. Mon dieu ! Mes jambes ont une faiblesse juste à le regarder faire. Lana le retrouve, souriant à son frère qui a la même attitude euphorique. Je veux me joindre à eux pour fêter tout ça. Dès qu'on termine cette conférence de presse, je vais l'inviter à venir arroser sa victoire quelque part. Il se lèche les lèvres à présent. Cet homme a le don de me faire perdre mes moyens. Je bave littéralement devant ce tableau interdit. Pourtant, Lana a été claire. Si je veux me faire son frère, je dois être certain que ce ne sera pas une simple baise. Qu'est-ce qu'un gars comme moi doit faire ? Partir sans s'être délecté d'un corps si parfait ?
Je n'ai pas le temps de m'attarder que Brandon me pousse vers la table ou attendent tous les journalistes. De vrais oiseaux de proie qui tournent au-dessus de leurs prochaines victimes. Ils sont des dizaines à vouloir être le premier à poser la question que tout le monde attend. Pourtant, le jeune Firsten prend la parole devant notre auditoire, expliquant tout ce qu'il a échafaudé en quelques minutes. Le sérieux avec lequel il débite les informations finit par tous les amadouer et chacun hoche la tête pour approuver le défi « amical » dont nous avons préparé les détails depuis ce qu'ils croient tous être des mois.
La pomme n'est pas tombée loin de l'arbre. Brandon ment à tous ces journalistes sans même tiquer. Souriant. Blaguant. Il est né pour être dans le marketing. Le benjamin de la famille brille sous les feux de la rampe alors que les vautours gobent tout. Voilà pourquoi jamais aucun scandale n'éclate quand il s'agit de Dorian. Pourtant, avec un père aussi colérique, c'est presque un miracle que cela n'ait jamais été mis sur le tapis par les médias. Je suppose qu'un père champion à multiples reprises et un frère enjôleur à souhait ont éclipsé la tyrannie qu'il doit subir en permanence.
Les journalistes nous laissent enfin partir, satisfaits des explications reçues, sachant qu'au cours de la semaine ils seront informés de la date et du lieu de notre duel. Je n'ai jamais apprécié surfer sur la vague de ma notoriété, mais je dois avouer que Brandon m'a sauvé la mise aujourd'hui.
Pendant que le plus jeune des frères nous secourait, le plus vieux s'est préparé pour la remise des prix. Chacun des gagnants s'installe sur le podium. Trois jolies demoiselles viennent leur remettre des fleurs ainsi que les inévitables bouteilles de champagne. Ce ne sont pas les femmes qui retiennent mon attention, mais bien mon beau brun qui s'amuse comme un enfant à arroser allègrement les deux autres pilotes. Bien sûr, il est lui-même bien aspergé, mais cet homme a du charme même avec du champagne plein les cheveux. Quand il les secoue pour évacuer le surplus, j'ai encore cette même crampe à l'estomac qui ne semble jamais me quitter en sa présence. Je retire ce que j'ai dit tout à l'heure. Ce n'est pas une faiblesse aux jambes, mais à mon corps tout entier à laquelle j'ai à faire. Il est beau comme un dieu, rempli d'un charme qu'il ne semble même pas remarquer. Je le veux pour moi seul !
— Ferme ta bouche, Daryl ! s'exclame une voix féminine tout à côté de moi.
Je suis sorti de ma contemplation hédoniste par Lana qui plonge son regard dans le mien. Elle rit de me voir refermer ma mâchoire comme un enfant pris en flagrant délit.
— Il est canon, me confirme-t-elle, mais ce n'est pas parce qu'il peut avoir n'importe quel gars qu'il ne souffre pas quand il se fait larguer. Au cas où tu n'aurais pas remarqué, notre père peut faire peur au diable en personne. Fais attention à ne pas jouer avec lui. Je vois bien qu'il apprécie être avec toi, mais je sais aussi que tu repartiras encore plus vite que tu es arrivé. Ce métier nous permet d'avoir la liberté de vivre des aventures sans lendemain, sauf que pour Dorian, ce n'est pas le cas. Il aspire à une vie de couple qu'il n'avait aucune chance d'atteindre avec papa dans les pattes. Mais toi, tu as brouillé les cartes. Personne n'a jamais osé défier notre père comme tu l'as fait hier. Je crois bien qu'il t'idolâtre pour ça.
Elle prend une grande respiration, laissant des larmes recouvrir ses iris chocolat. Elle papillonne des yeux à quelques reprises pour ne pas les laisser couler. Lana finit par lâcher mes yeux du regard pour fixer un point derrière moi. Je vois qu'elle est songeuse. À quoi peut-elle bien penser ? Difficile d'imaginer quoi que ce soit quand on sait qu'elle est la sœur de Dorian qui est tout aussi énigmatique. Je me retourne pour voir si elle fixe quelque chose d'intéressant, mais je vois plutôt arriver Papi avec un léger sourire. Ça aussi c'est inhabituel. Oui, mon père de cœur a l'habitude de rire de nos conneries à Carlos et moi, mais il est aussi un vieux garçon aux caractère grognon. Ce n'est pas Charles, loin de là. On s'entend que rien ne peut battre ce taré ! Sauf que ces yeux de merlan frit, que je vois dans le visage de Papi, c'est très étrange. Carrément une première, si j'ose dire.
Je dévie vers Lana qui a retrouvé sa bonne humeur. C'est même à se demander si je n'ai pas rêvé ses derniers mots. Papi a quarante-huit ans, est bedonnant et ça, c'est sans parler de son incapacité à agencer deux vêtements aussi simple qu'un t-shirt et un pantalon.
Je fronce les sourcils, essayant de voir ce que Lana pourrait lui trouver. Elle a un physique plutôt bien proportionné, un esprit coquin et son visage est tout aussi beau que celui de son frère. Elle peut se taper qui elle veut juste en claquant des doigts, alors c'est quoi cette sensation qu'il y a plus que de l'amitié entre eux ? Je fais à nouveau face à Papi avec la ferme intention de découvrir ce qui se passe. Soudain, je suis illuminé par la grâce de Dieu. Mon mécano n'est pas rentré cette nuit ! Il est parti voir si Lana allait bien après m'avoir avoué que Charles lui avait gueulé dessus. Et en arrivant au garage, il était là, aux côtés de la brunette. Il a su la soutenir quand elle en avait besoin. C'est d'une clarté indiscutable. Papi se tape la sœur de Dorian !
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