Chapitre 10
Daryl
Je mène Dorian vers mon petit chez-moi temporaire. Nous nous sommes installés à l'arrière de la cabine alors que Papi et Carlos ne cessent de déblatérer sur la journée qu'ils ont passée. Comme à son habitude, les bras de Carlos partent dans tous les sens, décrivant avec fièvre la dernière course de Dorian.
Je jette un œil à mon compagnon, mais il est toujours aussi fermé, comme si mon affrontement avec Charles l'avait affecté plus que nécessaire. Il est peut être distant, mais je sens aussi qu'il est nerveux. L'index entre ses lèvres, mon beau brun gruge le peu d'ongle qui le garnit. Ce n'est donc pas un réflexe que je peux associer à ma petite surprise que je lui ai promise. C'est bien plus profond que ça. À en juger par ses autres doigts, il avait déjà ce tic nerveux avant notre rencontre.
Son pied se soulève à un rythme soutenu, faisant bouger sa jambe entière. Son regard fixe les autres véhicules qui défilent sur l'autoroute. C'est une chance de n'être qu'à quelques minutes du site car, j'ai l'impression qu'il pourrait ouvrir la portière à tout moment et se laisser rouler sous les voitures qui nous suivent.
Sa position ne change pas pendant le trajet si ce n'est que son pouce remplace maintenant son index. Arrivés à destination, Carlos s'extirpe le premier, suivi de Papi qui nous laisse seuls. Je croyais que Dorian sortirait ou qu'il serait au moins délogé de ses pensées, mais je dois poser ma main sur sa cuisse pour le faire réagir.
— On est arrivé chez-moi, lui dis-je avec douceur. Es-tu prêt à découvrir ma surprise ?
Ce sourire... J'aimerais tellement le voir plus souvent. Bien que je vienne de l'éjecter de ses pensées, je vois qu'il est sincèrement heureux d'être avec moi, ce qui m'affecte plus que je ne le dois. Je n'ai rien promis à Lana, mais quand je le regarde, je me prends à espérer quelque chose de plus qu'une simple amitié.
— Tout pourra être mieux que ce qui m'attend chez-moi, réplique-t-il de sa voix angélique.
— Ok ! Avant tout, j'ai besoin de savoir ce que tu préfères entre le chocolat, les fraises ou les bleuets.
Il me regarde, surpris par cette question. Ce n'est que quelques secondes plus tard qu'il me répond avec son air coquin.
— Le caramel !
C'est à mon tour d'être étonné car cela ne fait pas partie des choix, mais je lui retourne le même air joueur. Je n'aurai qu'à piocher dans la réserve de Carlos. Mon coéquipier ne vit que pour ses tartines caramélisées, ce ne sera pas un problème. J'ouvre donc ma portière et Dorian me suit en analysant l'endroit. Je sens qu'il est encore plus stupéfait en découvrant que nous sommes au bord d'une piste.
— Viens, on pourra visiter après, si tu veux.
Je le fais entrer dans mon humble demeure qui est déjà remplie de mes colocataires.
—Tu peux t'asseoir, ce ne sera pas long, dis-je en pointant la table de biais avec la porte d'entrée.
Je sors ma petite machine à faire des glaces avec le lait de notre minuscule frigo. Je sais, c'est du luxe de transporter mon appareil, mais tout comme Carlos avec son caramel, j'ai bien un petit faible pour la douceur d'une crème glacée maison. J'incorpore les ingrédients afin que la mixture devienne crémeuse. Pendant ce temps, j'entends Papi discuter avec Dorian. Mon beau brun sursaute lorsque je mélange le tout, mais j'essaie de cacher le fruit de mes efforts jusqu'au dernier moment. Je cherche les contenants réutilisables qui font encore plus clichés et quand les deux bols sont bien remplis, je verse le coulis sur la crème onctueuse. Une cerise au marasquin agrémente le tout sur le pic que j'ai créé sans aucune difficulté.
Le rendu me satisfait. Si je prenais une photo, elle pourrait paraître dans une publicité. C'est donc avec fierté que je prends les deux bols lorsque l'alarme du téléphone de Dorian retentit. Il vérifie l'écran et se lève avec précipitation. Je cache ma surprise derrière mon dos, mais il n'a même pas un regard vers moi.
— Je vais faire un tour à l'extérieur. J'ai oublié d'appeler ma mère.
Mon beau brun s'excuse et va à l'extérieur pour passer son appel. Je me retrouve avec nos gâteries qui ne résisteront pas longtemps si nous ne les dégustons pas bientôt. Quand je décide de les ranger au congélateur, je vois Papi qui me dévisage.
— Tu vas enfin me dire ce qui se passe, Goldie. Tu ramènes un Firsten alors que tu te bats avec son père. Et sa sœur se fait gueuler dessus pour rien du tout sans que personne n'ose la défendre.
— Quoi ? Charles s'en est pris à Lana ?
— Ce n'était pas flagrant comme Dorian mais, oui, il a déballé son sac et l'a forcée à tout revoir les paramètres mécaniques avant de retourner à l'hôtel. Cette femme n'a pas dormi de la nuit pour que sa voiture soit nickel. Je ne vois pas ce qu'elle pourra améliorer.
— Je n'ai rien compris. Je sais seulement que Dorian semble s'être fait laver le cerveau. Aujourd'hui, il a couru avec une main blessée avec le risque de provoquer un accident potentiellement mortel, juste parce qu'il ne voulait pas que Charles l'apprenne. Et franchement, à voir comment il l'a accueilli, je commence à me demander si ce n'était pas la meilleure solution.
— Rien ne justifie de s'attaquer à ses enfants de cette manière. Je crois que je vais aller rejoindre Lana. Elle ne peut pas refaire une autre nuit blanche dans le seul but d'apaiser la colère injustifiée de son père.
— Tu as raison. Je vais faire de même avec Dorian. C'est un peu pour ça qu'il est ici. Je ne voulais pas qu'il se retrouve à nouveau face à Charles.
— Tu es certain que tu n'avais pas d'autres intentions, me répond-il en me faisant un clin d'œil.
— Je sais que c'est étrange de ma part, mais bien qu'il soit à damner, j'ai l'intention de ne pas abuser de sa confiance. Il a assez de son père qui semble prendre un malin plaisir à le rabaisser.
— Fais attention Daryl, tu finiras avec l'anneau au doigt si tu continues dans cette direction.
— Ce n'est qu'une crème glacée.
— Et Dorian un homme.
— Tu ne devais pas rejoindre Lana, lui lancé-je à la figure pour ne pas penser à mon ami en tant qu'amant. C'est peut-être toi qui vas te retrouver devant l'autel.
Papi rougit à ma boutade qui se veut une simple échappatoire à ses moqueries. Hem ! Mon vieux garçon serait-il en train de s'attacher ? Comme s'il m'entendait penser, mon mécano quitte la caravane sans dire un mot de plus. Je le vois saluer Dorian qui raccroche un peu plus tard. C'est le moment que j'attendais. Carlos est dans la douche et Papi est parti. Je me dépêche de récupérer ma surprise et quitte le véhicule.
Dorian
Je me précipite à l'extérieur et compose le numéro de maman. Je n'arrive pas à comprendre comment j'ai pu oublier de l'appeler. En temps normal, elle est toujours ma première pensée après mes courses. Avec Lana, ma mère fait partie de mes meilleurs admirateurs. La sonnerie retentit à mon oreille. J'en suis à trois quand je me demande si elle ne dort pas. Nous sommes en perpétuel décalage horaire, selon l'endroit où nous nous trouvons. Je réfléchis, puis me souviens qu'à Montréal, c'est le même fuseau horaire qu'à Daytona.
— Allo, mon chéri ! s'écrie-t-elle toujours aussi enjouée.
— Bonjour maman, je suis désolé de ne pas t'avoir appelée plus tôt. J'ai été distrait par un ami qui est venu voir les qualifications.
— Distrait ? Seul l'amour peut distraire, mon fils. Tu dois me présenter cet homme.
— Maman !
— Tu ne me parles jamais de tes copains. Comment veux-tu que je réagisse quand tu me lances ça ?
— Comme si tu étais ma mère. Je ne suis pas censé parler de ces choses-là avec toi !
— Donc... Comment est-il ? continue-t-elle sans s'offusquer.
Sharon Cofield, coiffeuse avec spécialité en psychologie, enfin c'est ce que je m'imagine chaque fois qu'elle essaie de me soutirer des informations.
— Blond, avec les cheveux encore plus en bataille que moi. Des yeux vert pâle et une peau hâlée. Est-ce que ça te va ?
— Tu es si bien parti, Dorian. Dis-m'en un peu plus. Il doit bien avoir un nom et un métier ?
— M'man !
— Je sais, ce n'est qu'un ami. C'est bien ça ?
J'hésite encore à le qualifier de quoi que ce soit auprès de ma mère. À vrai dire, je nage dans l'inconnu. Un moment, je sens qu'il me drague sauf que l'instant d'ensuite, il semble prendre de la distance. Et sa façon d'agir est contradictoire sur plus d'un plan. Son toucher peut me paraître presque doux et l'instant d'ensuite, il me saute dessus tellement il est surexcité. Ses changements brusques me déstabilisent. Une vraie boîte à surprise dont je ne suis pas certain de voir un jour le fond.
— Chéri ? Es-tu toujours là ?
Je reprends le cours de la conversation avec gêne. J'ai encore oublié ma mère en repensant aux diverses facettes de Daryl.
— Oui, oui, je réfléchissais. Hem ! Il s'appelle Daryl White et c'est un champion de Superbike, mais ce n'est pas mon petit ami. Tu sais bien que c'est trop distrayant.
— Donc, si je google Daryl White, je serai en mesure de trouver plus d'informations sur lui.
Je l'entends pianoter sur son ordinateur. Je roule des yeux en me disant que je n'aurais jamais dû lui donner son nom. Il s'agit de Sharon Cofield, spécialiste en psychologie à deux balles et adepte de potins juteux. À quoi puis-je m'attendre d'autres ?
— Mais il est super mignon ! s'exclame-t-elle avec un réel enthousiasme.
— Je sais, maman, tu ne m'apprends rien. Est-ce qu'on pourrait parler d'autre chose. Il n'est pas très loin et je n'ai aucune envie de lui devoir des explications.
— Bien sûr, mon grand ! De toute manière, j'aurai toute la soirée pour en savoir plus sur lui. J'ai plus de mille liens à son sujet. Il te bat presque, tu sais.
— Je vais commencer à être jaloux, rigolé-je.
J'entends la porte du camping-car qui se referme et vois Pascal se diriger vers sa moto. Il me fait un signe de la main avant de l'enfourcher et de mettre son casque. Le bruit infernal de sa Harley me surprend et ma mère s'inquiète de ce qui se passe.
— Ce n'est rien, c'est le mécanicien de Daryl. Il vient de démarrer sa moto.
— D'accord, tu me rassures. En parlant de ça, j'ai eu Lana au téléphone, tout juste avant toi. Elle ne semblait pas dans son assiette. Tu sais si je dois m'inquieter ?
— Non, je ne suis au courant de rien. Peut-être qu'elle est fatiguée. Elle a passé la nuit à tout recalibrer.
— Oui, c'est vrai qu'elle m'a mentionné tout ça. Tu as probablement raison. Au fait, je te félicite. Tu as fait du beau travail aujourd'hui. Je te souhaite bonne chance pour demain.
— Tu sais bien que cela porte malheur !
— J'ai passé quinze ans à dire la même chose à ton père. Et ça ne lui a pas mal réussi. Cinq championnats, on ne peut pas dire que c'est mauvais, non ?
— Peut-être, mais il a fini par avoir son accident. Tu sais bien qu'il n'a jamais été le même après ça. Encore aujourd'hui, il se frottait le bras. Ça l'a tué de ne plus pouvoir courir.
— Tu parles à son ex-femme, mon grand. Je sais très bien ce que ça lui a fait, ce que ça nous a fait.
— Désolé maman, je ne voulais pas te rendre triste, réponds-je sincèrement.
— Ce n'est pas ta faute. Il a fait son choix.
— C'est un faux-cul, oui !
— Ça suffit, je crois que ça devient trop lourd. De toute façon, mon client suivant vient d'arriver. On se reparle bientôt !
— Au revoir. Je t'aime maman.
— Moi aussi, mon chéri.
Je l'entends qui commence à discuter avec son client avant de raccrocher. Je fais de même et me retourne vers la caravane. Je suis surpris de trouver Daryl qui arrive devant moi, les mains portant deux petits bols de crème glacée.
— Une glace au caramel pour le plus beau des pilotes automobiles, me dit-il avec le sourire.
Il est trop craquant, avec la langue sortie pour essayer de garder l'équilibre de nos collations. Il me tend ma portion et me tire ensuite vers la table qui est située devant le véhicule.
— Je ne devrais pas manger ça, lui réponds-je, contrit. Ce n'est pas bon pour mon sommeil. Cela va m'empêcher de dormir, ce soir.
— Encore une idée saugrenue de ton père, j'imagine.
— Ce n'est pas une idée, c'est mon régime : beaucoup de protéines et abolition du sucres sous toutes ses formes.
— Fais-moi plaisir et oublie tout ça pour ce soir. Je vais te préparer des pâtes dont tu me donneras des nouvelles.
— Pleines de glucides aussi.
— Mais excellentes en apport énergétique. Es-tu en train de dire que tu ne connais pas les bienfaits des pâtes avant une course ?
— Je sais seulement que les glucides ne font pas bon ménage avec mon régime.
— Ce soir, tu oublies tout ce qui concerne ton père. Je veux que tu penses à autre chose. J'ai même un plan pour que tu dormes comme un bébé. Crois-moi je l'ai fait assez souvent pour savoir que ça fonctionne
Est-ce que Daryl est en train de flirter et m'invite à faire des galipettes ? C'est vrai qu'après avoir fait l'amour on dort beaucoup mieux, mais je suis perplexe. Il a l'air très sérieux et semble vraiment avoir un plan moins... physique. Je ne peux pas nier que je suis un peu déçu par cela, cependant, papa serait encore plus fâché s'il me surprenait, la veille d'une course, à batifoler.
Je me laisse aller au babillage de Daryl. Ses gestes sont gracieux quand il porte sa cuillère à ses lèvres. Une petite tache apparaît au coin de sa bouche que j'aimerais lécher et faire disparaître. J'avoue que j'en meurs d'envie. Par contre, je suis un grand garçon, et au lieu de céder à la tentation, je fais un geste pour l'aviser. Inconscient de mon trouble face à son charme naturel, il me rend encore plus envieux lorsqu'il lèche l'endroit que je lui désigne.
Il sera ma mort !
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