Chapitre 8
A/N : La lecture de ce chapitre est préférable si vous avez vu la saison quatre de l'anime, car il contient quelques éléments de cette saison! Bonne lecture à vous~
-Félicitations, Mademoiselle Yui! l'interpella une voix qu'elle reconnu immédiatement, aussi pétillante qu'à l'ordinaire.
-Merci beaucoup, Albert, répondit la jeune fille aux cheveux noirs et blancs avec un sourire, avant de prendre un air intrigué. Laissez-moi deviner... Le métier que comptait vous confier l'Agence... C'était devenir l'un de leurs membres? Cela expliquerait pourquoi vous êtes ici.
La petite fête de bienvenue que l'Agence avait organisée afin de l'accueillir parmi eux venait de débuter quelques minutes auparavant, et l'intégralité des employés étaient venus la féliciter chaudement pour son adhésion, à tour de rôle, non sans lui offrir de quoi boire et de quoi manger à ne plus savoir qu'en faire.
-... effectivement, finit par répondre Albert, d'une intonation qui n'avait rien à voir avec celle enjouée qu'il avait eue précédemment. Mais je préférerais ne pas avoir à aborder les détails de mon évaluation d'entrée, si possible...
Haussant les sourcils, Yui suivit les demandes de son camarade, imaginant sans peine ce qu'il avait pu subir afin d'intégrer l'Agence. Elle n'avait pas vraiment apprécié sa propre évaluation ; même si, désormais, elle avait matière à comprendre le point de vue de Fukuzawa Yukichi.
La manière de penser de cet homme, juste et emplie de droiture, n'avait strictement rien à voir avec celle de Mori Ougai, pour sûr.
-Vous avez néanmoins réussi votre examen, vous pouvez être fier de vous, reprit Yui, sincère. Vous allez pouvoir avancer, comme cela.
Elle savait parfaitement qu'Albert déplorait jusqu'ici le fait d'être incapable de subvenir à ses propres besoins, et surtout de ne pas pouvoir revoir celles qu'il aimait : ses deux jeunes sœurs, qu'un membre de l'Agence était parti protéger depuis quelques temps déjà.
Albert savait parfaitement que Kenji Miyazawa ne pourrait pas rester éternellement auprès d'elles ; il devait donc devenir plus fort afin d'être capable de le faire lui-même, et en attendant gagner suffisamment d'argent pour pouvoir embaucher des gardes du corps.
Le chemin s'annonçait long et escarpé, mais Yui savait qu'il n'abandonnerait pas aussi facilement. Elle avait toujours été douée pour cerner les autres ; et Albert était le genre de personne à repousser ses propres limites pour atteindre ses rêves. Pour protéger ceux qu'il désirait protéger plus que tout.
Un sourire mélancolique sur les lèvres, Yui lui souhaita une fois de plus de réussir, de façon tout à fait sincère, avant qu'il ne reparte s'asseoir dans un coin tranquille, peu friand des bains de foule et de l'agitation excessive. Maintenant qu'il faisait partie de l'Agence, de nouvelles portes s'étaient ouvertes pour lui.
Pour le moment, Yui n'arrivait toujours pas à voir celles qui s'étaient présentées à elle ; et elle ne savait pas si elle pourrait un jour y parvenir. Elle n'avait jamais su protéger ceux qu'elle aimait, et n'avait jamais pu accorder pleinement sa confiance à quelqu'un depuis qu'on lui avait arraché sa liberté. Seules quelques personnes ressortaient du lot ; notamment Aiko, ainsi qu'un autre durant ses années passées à l'orphelinat, après avoir échappé à cet homme.
Elle ne savait pas comment voir les autres autrement qu'à travers ce qu'ils pouvaient lui apporter. Avait-elle seulement déjà su se lier avec quelqu'un de façon authentique, autrement qu'avec des sourires forcés et plus faux les uns que les autres?
Elle avait été trop blessée par la vie et par ceux qu'elle avait côtoyé pour parvenir à accorder entièrement sa confiance à quelqu'un. Pour ainsi dire, malgré l'opinion positive qu'elle avait de Fukuzawa Yukichi ainsi que de ses employés, elle n'arriverait sans doute jamais à se fier entièrement à eux.
Aiko, malgré tout ce qu'elle avait pu faire pour l'aider, était malheureusement comprise dans ce triste constat.
Elle n'était pas une bonne personne, comme elle l'avait si bien dit à de nombreuses reprises.
-Pourquoi cette mine sombre alors que vous êtes la star de la journée, Demoiselle Nozomu? s'enquit alors une voix non loin d'elle, qu'elle n'avait pas entendue arriver, trop perdue dans ses ruminations pour cela.
La prise qu'elle avait sur son gobelet en plastique, rempli de jus d'orange, se raffermit légèrement, seul témoin de sa surprise. Elle ne savait pas depuis combien de temps elle s'égarait de la sorte, et cela n'ennuya quelque peu ; elle n'était pas connue pour se perdre aussi facilement, et surtout aussi souvent. Mais, avec tout ce qu'il s'était passé récemment, elle ne pouvait, la plupart du temps, pas s'en empêcher.
-Mes excuses, détective, répondit-elle avec un sourire, entendant le rire de Dazai Osamu l'instant suivant, alors qu'il lui assurait qu'il n'y avait rien de grave. Que me vaut l'honneur de pouvoir vous parler? ajouta-t-elle d'un ton malicieux, retrouvant sa contenance habituelle et chassant ses pensées impromptues pour le moment.
-Je savais bien que vous ne pourriez résister longtemps à ma beauté, répliqua Dazai Osamu, faussement fier et visiblement très amusé, arrachant un rire à Yui. J'ai effectivement l'immense honneur de vous inviter à continuer cette petite fête de bienvenue dans le café situé en-dessous de l'Agence. Êtes-vous de la partie?
Elle accepta sans rechigner, malgré sa réticence à se retrouver au milieu de ses nouveaux "collègues" de la sorte. Comme elle n'avait rejoins l'Agence que pour des raisons personnelles, elle se sentait comme une intruse, en quelque sorte.
Mais elle fit taire ces idées, pour le moment indésirables, et les relégua dans un coin reculé de son esprit, comme toutes les autres avant elles. Docilement, elle emboîta le pas aux détectives et emprunta les escaliers menant au rez-de-chaussée du bâtiment, débouchant sur une rue où circulaient plusieurs voitures et plusieurs passants pressés.
Elle se souvenait parfaitement de la nuit où elle était venue glisser sa lettre sous la porte de ce café, situé sous l'Agence des Détectives Armés ; retourner à cet endroit dans de telles conditions la fit doucement sourire. Qui aurait pu croire que les choses tourneraient ainsi, après tout?
Aiko était retournée dans leur appartement sous les conseils de sa patronne, sachant que Yui n'allait rien faire de plus que de discuter avec ses nouveaux collègues ; la jeune femme aux cheveux bicolores lui avait assuré que ce n'était pas un problème, et la domestique avait accepté au bout de plusieurs minutes de persuasion. Au besoin, elle saurait se défendre ; et puis, elle savait que l'Agence ne lui ferait aucun mal, pas après ce qu'il s'était passé et ce qu'elle avait négocié avec leur patron.
Albert, quant à lui, était resté dans les bureaux qu'ils venaient tout juste de quitter, et Yui n'avait pu qu'estimer qu'il désirait éviter quelque chose au maximum. Mais elle n'avait pas encore eu l'occasion d'en deviner davantage.
Elle prit place entre Yosano Akiko et Edogawa Ranpo dans l'un des box à disposition des clients, tandis que Tanizaki Jun-ichiro et sa soeur prenaient place en face. Non loin, sans nul doute attablés au bar, se trouvaient Dazai Osamu ainsi que Kunikida Doppo, ce dernier s'occupant de prendre les commandes de chacun avec une extrême minutie. Ce qui était conforme au personnage, en un sens.
-Je n'ai pas d'argent sur moi, Kunikida... Est-ce que tu pourras payer à ma place...? osa alors Dazai Osamu d'une petite voix implorante, forçant Yui à étouffer un rire à l'aide de sa main.
Elle se souvenait parfaitement du fait que le brun était celui qui dérobait la carte de son collègue de temps à autres, même si elle avait promis de tenir sa langue. D'une manière ou d'une autre, il avait dû réussir à reglisser la précieuse carte bancaire dans les affaires de Kunikida Doppo sans se faire prendre une fois de plus ; en un sens, Yui était impressionnée. Que ce soit par son habilité à ne pas se faire prendre la main dans le sac, ou même pour son culot monumental.
Demander de l'argent à celui qu'on escroquait secrètement et surtout régulièrement était terriblement osé, n'est-ce pas?
-Tu as un salaire, toi aussi, marmonna Kunikida Doppo, se retenant visiblement d'asséner une énième claque sur la tête de son collègue sans-le-sou. Si tu n'as pas de quoi payer, va mendier. Avec ta tête de cabot errant, on te donnera forcément quelques pièces par pure pitié.
-C'est une excellente idée, mon cher Kunikida! s'exclama Dazai Osamu en tapant des mains, très certainement avec des étoiles plein les yeux. Mais, même si je m'y mets maintenant, je n'aurai jamais suffisamment de pièces avant que vous ne finissiez vos verres... Pouvez-vous mettre mes consommations du jour sur mon ardoise, patron? reprit-il en s'adressant au gérant du bar, de l'espoir plein la voix.
Celui-ci, avec un petit rire, accepta sa demande, non sans l'avoir prévenu du montant actuel de sa dette envers l'établissement, qui prit Yui par surprise. Comment pouvait-on accumuler une telle somme en à peine un an, c'est-à-dire depuis que Dazai Osamu avait rejoint l'Agence selon les dires de l'intéressé lui-même?
Elle comprenait désormais pourquoi il avait sans cesse besoin de voler les biens des autres pour son propre usage. Mais elle avait la sensation que, s'il le voulait réellement, il était tout à fait capable de gagner beaucoup d'argent en très peu de temps ; son problème, visiblement, était de ne pas tout dépenser de façon déraisonnée et complètement inconsciente à la première occasion venue.
Comme s'il n'avait plus rien à perdre dans cette vie qui était pourtant la sienne, pensa Yui en serrant sa tasse de thé nouvellement apportée un peu plus fermement. En secouant la tête, elle changea elle-même de sujet, et rejoignit les propos de Dazai Osamu plus tôt dans la matinée.
-On m'a proposé un petit jeu fort intéressant avant que je n'aille rendre visite à votre patron, commença-t-elle d'une intonation joyeuse, prenant une gorgée de son thé brûlant. Je suis tout ouïe, à présent.
-J'avais failli oublier! s'exclama Dazai Osamu, visiblement surexcité lui aussi, tout en buvant sa propre boisson qu'il ne paierait sans aucun doute jamais. Je suis sûr que vous y arriverez sans aucun souci, Demoiselle Nozomu! Par qui souhaitez-vous commencer? Peut-être par Kunikida, sachant que vous aviez l'air de connaître la réponse un peu plus tôt?
Yui ne manqua pas la surprise dudit Kunikida, qui ne s'était manifestement pas attendu à passer le premier ; ou peut-être à passer, tout simplement.
-Je dirai professeur ; vous êtes très organisé et dévoué dans votre travail, mais également très pédagogue malgré ce que d'autres peuvent penser, commença Yui d'une voix douce, sans même avoir besoin de réfléchir plus que cela. Et, comme vous semblez passionné de mathématiques, je peux en déduire que vous étiez professeur de mathématiques. J'ai bon?
-...oui, répondit l'intéressé, sans voix. Vous avez déterminé tout ceci juste en m'écoutant parler?
Pour toute réponse, Yui se contenta de sourire, sous les applaudissements des autres Détectives.
-Et nous? s'enquit une voix féminine, appartenant bien évidemment à Naomi, la jeune soeur de Tanizaki Jun-ichiro.
-Lycéens? Vous me semblez encore jeunes.
-C'est exact! Au tour de Ranpo, maintenant! s'exclama Naomi en tapant des mains, visiblement heureuse au possible.
Yui entendit le concerné soupirer à sa gauche, signe qu'il était très certainement peu motivé par cette idée.
-Je suppose que vous avez quitté l'école relativement tôt, détective, déduisit Yui en réfléchissant aux informations qu'elle avait à sa disposition, et elle s'expliqua aussitôt sous les demandes d'Edogawa Ranpo lui-même, qui était intrigué. Un génie de votre calibre n'a pas besoin de suivre des cours qu'il a d'ores et déjà entièrement compris avant même de les subir, compléta-t-elle avec un sourire complice.
-Tu ne peux pas avoir davantage raison! répondit le jeune homme, ayant manifestement abandonné le vouvoiement avec Yui. Tu peux avoir l'immense honneur d'être ma fan numéro une, si tu le souhaites tant que ça!
Il était visiblement aux anges, juste avec quelques mots de la part de Yui. Manifestement, il vivait en partie des compliments et de la reconnaissance de ses pairs ; bien que Yui soit certaine qu'une seule et unique personne soit capable de le ravir entièrement par ses simples compliments.
Et elle avait une petite idée de l'identité de cette personne.
-Vous êtes proche de Monsieur Fukuzawa, n'est-ce pas? demanda-t-elle, tournant son attention vers sa gauche, où se trouvait son interlocuteur.
Elle pouvait le déduire en considérant le fait que, même avec son caractère plutôt spécial, Edogawa Ranpo était l'un des employés les plus privilégiés de l'Agence. Si Fukuzawa Yukichi n'avait pas une certaine affection pour ce jeune homme si imbu de lui-même, Yui n'était pas certaine qu'il tolérerait le moindre de ses caprices comme il en était actuellement le cas.
Elle n'avait pas encore eu l'occasion de voir les deux concernés interagir, mais elle avait foi en ses déductions.
-Tu as beaucoup de talent, je suis obligé de le reconnaître, répondit son voisin de tablée avec, manifestement, un sourire victorieux. Mais je reste le meilleur, ne l'oublies pas.
-Aucune chance, ne vous inquiétez pas. A qui le tour, maintenant? reprit Yui d'une voix douce, s'adressant aux autres détectives. Docteur Yosano...?
Yui resta un long moment silencieuse, réfléchissant intensément à ce qu'elle allait pouvoir dire ou non. Préférant laisser la jeune femme tranquille, pour des raisons plus qu'évidentes, Yui passa au dernier individu présent dans le café, qui n'était autre que Dazai Osamu.
Et elle pouvait sentir que Yosano Akiko lui en était silencieusement reconnaissante.
-Je vous préviens tout de suite ; personne n'a jamais pu deviner l'ancien métier de cet abruti de Dazai, déclara Kunikida Doppo d'une voix dédaigneuse. Il s'agit même d'un des sept mystères de notre Agence ; une récompense est régulièrement entretenue pour quiconque sera en mesure de trouver...
-Je n'étais pas un chômeur, promis juré, intervint Dazai Osamu en souriant, bien que Yui puisse sans problème sentir que quelque chose le dérangeait.
Comme avec Yosano Akiko, Dazai Osamu semblait vouloir mettre son passé de côté à tout prix, ce qu'elle pouvait hypothéquer en distinguant cette étincelle de nervosité qui les caractérisaient lorsqu'ils mentionnaient leurs vies passées ; peut-être avaient-ils des vécus similaires, éventuellement?
En considérant le pouvoir de soin impressionnant dont était doté la jeune médecin de l'Agence, Yui pouvait sans peine hypothéquer qu'elle avait été victime de quelqu'un qui avait utilisé ses capacités pour son propre compte ; sûrement pour des desseins obscurs, en plus de cela. Peut-être au cours d'une guerre, qui sait, sachant que l'une d'elle venait de s'achever récemment? C'était pour ces raisons que Yui avait préféré se taire au sujet de Yosano Akiko ; la jeune femme semblait fuir ce passé comme la peste, et était pour ceci dans une situation similaire à celle de Yui. Elle comprenait donc ce que la médecin pouvait bien ressentir au fond d'elle.
Pour Dazai Osamu, Yui pouvait déduire qu'il avait eu un passé excessivement violent et obscur, peut-être davantage que celui de Yosano Akiko ; sa fascination exacerbée pour la mort la menait sur cette piste. Peut-être était-il un rescapé de la guerre, lui aussi? Ou alors...
Ce fut à cet instant qu'elle se souvint des paroles de Nakahara Chuuya, lorsqu'il l'avait raccompagnée en voiture jusqu'à son hôtel. Lorsqu'elle s'était mise à saigner, obligeant son escorte à aller acheter un lot de pansements ainsi que des chaussettes propres.
"Le seul problème que j'ai rencontré, c'était l'autre abruti couvert de bandages, mais c'est un détail..."
La première image qu'elle avait revue, après sept ans à contempler l'obscurité éternelle, était celle de Dazai Osamu. Et, elle avait pu le constater... Certaines parties de son corps étaient enveloppées dans des bandages. Et cette particularité n'était pas le fait de tout un peuple, loin de là.
Nakahara Chuuya connaissait Dazai Osamu. Elle en avait la certitude, désormais. Sachant que le premier était un cadre, ce qui limitait de ce fait les interactions avec les simples subordonnés, et que le second était redoutablement doué ne serait-ce que pour commander...
Dazai Osamu avait été cadre de la Mafia Portuaire.
Et cette réalisation fit couler la sueur le long de sa tempe, alors qu'elle se maudissait pour sa stupidité. Comment avait-elle pu ne pas faire le lien plus tôt...?
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro