Chapitre 35
A/N : On attaque avec ce chapitre un arc de l'intrigue que j'avais hâte de commencer, j'espère qu'il vous plaira tout autant! En attendant, je vous souhaite à tous une excellente lecture~)
Le trajet de retour s'était passé dans un silence assourdissant et rempli de lourdeur. Akutagawa, son "garde du corps" de la soirée, était aussi muet qu'une tombe, et la pression qu'il lui imposait était presque étouffante. Du moins, c'est ce qu'elle aurait pu dire en temps "normal".
Yui, comme toujours, n'en laissait rien paraître. Au contraire, son esprit était occupé par une tout autre chose, et la présence d'Akutagawa lui était bien indifférente.
Elle n'arrivait toujours pas à comprendre à quoi avait fait référence Mori Ougai, lorsqu'il lui avait suggéré l'éventualité qu'elle ne pourrait pas rentrer chez elle. Alors même que ce séjour loin de sa famille avait été l'accomplissement de deux longues années de travail acharné, elle se sentait désormais prise dans une véritable course contre-la-montre.
Elle ne voulait pas rester enfermée quelque part contre sa volonté, plus jamais. Elle avait dans un sens choisi d'elle-même de rester dans la famille Uemura, car cette dernière pouvait lui être fort utile. Mais elle n'avait aucune intention de rester dans un endroit qui risquait de restreinte ses libertés contre son gré.
Arrivée à destination, Yui descendit de la voiture avec un air grave, les doigts crispés sur son médaillon. La Mafia était-elle au courant de quelque chose, en rapport avec ça? Avait-elle identifié leur fugitif, celui qui leur avait échappé en utilisant un pouvoir étrange? Savait-elle que Yui était derrière tout ceci?
Elle n'accorda aucune attention supplémentaire à son escorte de ce soir, même si l'intéressé n'avait pas pris la peine de la saluer non plus.
Elle était en proie à une angoisse grandissante. Chuuya Nakahara avait-il parlé de sa blessure, ce qui avait permis à Mori Ougai de faire le rapprochement avec leur fuyard?
Elle ne pouvait se fier à personne, elle le savait parfaitement. Se faire trahir était une éventualité permanente, et elle vivait peut-être cette situation en ce moment même.
Mais pouvait-elle réellement parler de trahison, alors qu'elle et Chuuya n'étaient rien de plus que des connaissances, qui s'étaient rencontrées dans le cadre du travail?
C'était sa faute. Elle n'avait pas été assez prudente.
Ce fut Aiko qui vint l'escorter de la voiture jusqu'à sa suite, sans rien dire, comme si elle avait senti que sa maîtresse n'était guère encline à converser ce soir-là.
Ce ne fut qu'une fois la porte de la suite franchie que Yui attrapa doucement la manche de sa domestique, les lèvres droites et le visage grave.
-Aiko. Prépare mes bagages, je retourne à Tokyo dès demain. Je vais appeler mon père pour le prévenir, je serai dans le salon.
La jeune fille sentit sans aucune peine la perplexité de sa domestique, et le fait que cette dernière souhaitait très certainement lui poser une myriade questions.
Mais Aiko n'ajouta fort heureusement rien de plus, si ce n'est accepter la requête de sa maîtresse sans batailler. Laissant cette dernière dans le salon de la suite, la femme aux courts cheveux noirs entra dans la chambre qu'occupait Yui Uemura depuis un peu plus d'une semaine, avec pour objectif de boucler ses valises au plus vite.
Aiko sentait que quelque chose n'allait bien évidemment pas, mais elle n'avait aucunement l'intention de prendre le risque de commettre une bévue auprès de sa patronne ; si celle-ci estimait qu'il était essentiel pour le personnel d'être au courant de quelque chose, alors il en serait ainsi. Et ce malgré leur relation à toutes les deux qui avait grandement évolué récemment.
A présent seule, Yui se laissa tomber sur le siège situé à côté du piano à queue, et sortit son téléphone d'une main tremblante, allant dans ses contacts et trouvant le numéro de son père sans aucun problème.
La tonalité résonna plusieurs fois, de longues secondes... Mais, finalement, la voix grave et autoritaire de son père prit le relai.
-J'allais justement t'appeler, déclara Yuuto Uemura sans même la saluer. Il se passe quelque chose à Yokohama.
Le gouffre qu'elle avait dans son estomac s'ouvrit encore davantage, si seulement cela était possible, à l'entente de ces quelques mots. Mais ce ne fut rien comparé à ceux qui suivirent.
-Je ne sais pas si tu seras en mesure de rentrer dans les jours à venir, ma fille.
Et, ainsi, l'homme lui expliqua tout ce qu'il savait sur la situation sous-jacente de Yokohama, pour le moment connue par quelques personnes exclusivement, dont Yuuto Uemura, qui était aidé par ses contacts nombreux et variés. Et surtout hauts placés.
Mais, cette fois-ci, même les plus hautes connaissances ne suffiraient pas à arranger la situation. Car, dans ce genre de moment, tous sont égaux.
Mis à part ceux qui tirent les ficelles dans l'ombre, bien évidemment.
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"C'est désormais un fait avéré : la ville de Yokohama dans son intégralité est placée sous quarantaine ; toute personne qui souhaiterait partir est expressément invitée à rester dans l'enceinte de la ville jusqu'à nouvel ordre, et ceux qui l'ont récemment quittée seront contraints d'y revenir pour y être isolés. Ne vous inquiétez pas, nous resterons avec vous pour vous informer de l'évolution de la situation."
-... c'est une blague? demanda Kunikida, abasourdi. Ils peuvent vraiment faire un truc pareil?
Un silence de plomb était tombé sur le bureau de l'Agence des Détectives, et les regards étaient pour la plupart rivés sur une certaine radio, qui venait tout juste de déblatérer des propos impensables en temps normal.
La ville allait être isolée du reste du monde pendant une durée encore indéterminée, avec l'interdiction formelle de partir avant nouvel ordre, sous peine de faire face à de grandes et de graves répercussions.
-S'il y a un danger imminent et extrêmement important, je pense qu'ils peuvent, marmonna Yosano en croisant les bras, les sourcils froncés. Mais je n'arrive pas à comprendre la raison derrière tout ceci.
Ce fut la voix de la journaliste qui lui répondit, comme si elle avait entendu sa requête.
"Des cas de malades ont été reportés aux quatre coins de Yokohama, atteints d'une pathologie somme toute étrange et totalement inconnue. Sans que les médecins ne puissent savoir pourquoi, les victimes deviennent progressivement amorphes, jusqu'à voir certaines parties de leurs corps, généralement leurs bras ou leurs jambes, se couvrir de taches sombres puis finir par se durcir de plus en plus. Puis, au terme de quelques heures seulement, c'est l'intégralité de leurs corps qui se paralysent, jusqu'à devenir comme figés dans la pierre. Jusqu'à maintenant, aucune sorte de cause ou d'antidote n'a été découvert, mais il est certain que la maladie s'est déclarée dans Yokohama au cours de la journée. En l'espace de quelques heures, ce sont près de quatre cent personnes qui sont touchées."
Cela paraissait complètement surréaliste. A mesure que les informations défilaient, les visages se liquéfiaient.
"La maladie est devenue une véritable épidémie en une journée seulement, et semble être hautement contagieuse, sans qu'on ne puisse encore comprendre le mécanisme de contamination. Il est ainsi recommandé de rester chez vous autant que possible, et de contacter les services hospitaliers si vous avez le moindre symptôme : fatigue soudaine et inexpliquée, douleurs aux articulations anormales et sévères, paralysie et plaques noires et dures sur la peau, entre autres. Aucune mort n'a encore été rapportée ; les patients semblent en effet rester vivants mais incapables de se muer, comme des statues de pierre noire. Au nom de toute l'équipe, nous vous souhaitons bon courage."
Le reste des programmes habituels prit le relai, mais la bombe avait d'ores et déjà été lancée. Les détectives restaient là, sans bouger, complètement sous le choc. Ils n'arrivaient pas à croire ce qu'il était en train de se passer, peut-être à quelques pas seulement de l'Agence.
Ils ne savaient pas quoi faire. Mais l'un d'eux, plus que les autres, était hautement concerné par la tournure que prenaient les évènements. Une tournure dramatique et sincèrement terrifiante.
Et hautement familière.
Dazai, un air sombre sur le visage, semblait perdu dans ses pensées. Plus que quiconque, cette histoire le touchait. Tout simplement parce qu'il savait déjà, dans les grandes lignes, ce qu'il était en train de se passer, à l'inverse de ses collègues, tous perplexes.
Il savait parfaitement qui était derrière tout ceci. Et la raison derrière un tel choix ne pouvait pas être anodine.
Ne restait plus qu'à comprendre de quoi il en retournait exactement.
Retrouvant son sourire habituel, détonnant totalement avec les mines déconfites de ses collègues, Dazai s'étira comme un chat qui se réveillerait de sa sieste matinale, mit les mains dans ses poches et se dirigea tranquillement vers la sortie.
Il fut cependant arrêté par Kunikida, sans surprise.
-Hé, tu vas où comme ça? l'interpella son partenaire aux cheveux blonds, qui tentait tant bien que mal de rester calme malgré la panique et l'appréhension. T'as pas entendu ce qu'ils viennent de dire? C'est quoi que tu comprends pas dans "restez chez vous et ne sortez pas"?!
Dazai se contenta d'hausser les épaules, toujours avec un grand sourire niais.
-J'ai encore l'usage de mes deux oreilles, mon cher Kunikida. Mais ne t'inquiète pas, je suis plus costaud que j'en ai l'air... Moi, perdre face à une petite maladie de rien du tout? Impossible! Je te rappelle que la mort elle-même ne veut pas de moi, c'est pourtant pas faute d'avoir essayé! Et puis, on ne nous a pas interdit de sortir, juste "déconseillé".
Puis, sur ces belles paroles, le brun disparu aussi vite qu'un éclair par la porte de l'Agence, ignorant les appels furibond d'un certain Kunikida. Son regard se fit beaucoup plus dur une fois qu'il fut sorti du bureau, alors que la réalité prenait le dessus.
Il ne savait pas encore ce qu'il allait pouvoir faire, mais il trouverait bien un moyen de régler la situation, à un moment où à un autre.
Il n'avait pas vraiment envie de voir ses chers collègues se retrouver "comme figés dans la pierre", comme l'avait si bien dit la journaliste, même avec toutes les misères "amicales" qu'il leur faisait subir. Et il était sans aucun doute la personne la mieux placée pour apporter un semblant de solution aux récents évènements. Même si cette tâche allait sans aucun doute se révéler longue et fastidieuse.
Il connaissait la Mafia mieux que quiconque, après tout. Et, même s'il ne comprenait pas encore les raisons d'une telle décision, il savait néanmoins une chose : la Mafia ne reculait devant rien pour arriver à ses fins.
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