Chapitre 17
-T'es qui?
La main crispée sur son médaillon, dans la poche de son sweat, Yui passait en revue les options qui lui restait.
De surcroît, dévoiler son identité, comme l'attendait Chuuya Nakahara, n'était pas une solution. Qui sait ce qu'il pourrait aller raconter à son patron, et qui sait ce qui pourrait remonter jusqu'aux oreilles de son très cher père?
Mais elle savait parfaitement que, maintenant qu'elle avait été la "témoin" d'une scène censée rester inconnue du commun des mortels, le jeune homme devant elle ne la laisserait pas s'enfuir aussi facilement.
Les options n'étaient pas nombreuses, loin de là. Elle se doutait qu'un membre aussi haut placé dans la Mafia possédait les pouvoirs pour la rattraper et la faire parler quoi qu'il arrive.
Enfin, puisqu'elle était habituée à la torture, employer la force sur elle n'aurait pas vraiment d'utilité. Même si elle se passerait volontiers d'avoir à revivre ce genre de choses, elle devait se l'avouer.
Il ne lui restait plus qu'une seule échappatoire. Et celle-ci était pire que la torture elle-même. Mais avait-elle le choix? Si elle voulait éviter que son père découvre ses petits stratagèmes, et ne l'enferme pour l'éternité afin de ne pas reproduire le schéma de son frère et de sa sœur, elle allait devoir le faire.
Plus jamais une telle chose.
Elle poussa un soupir tremblant, la capuche de son sweat dissimulant toujours ses cheveux et ses yeux, et agrippa plus fermement son médaillon en métal froid, qui se réchauffa progressivement à son contact.
-V...? murmura-t-elle à voix basse, d'une voix désespérée.
Les souvenirs commençaient à resurgir à toute vitesse, et elle devait faire vite avant qu'elle ne commence à suffoquer.
Alors que Chuuya Nakahara ordonnait à l'un de ses hommes d'avancer vers elle, une aura blanche commença à irradier de son corps, secouant ses vêtements sous la force des bourrasques engendrées.
Le garde n'eut même pas la chance d'attraper le bras de l'inconnu, que celui-ci disparu littéralement sous ses yeux, comme évaporé dans la brise estivale de cette nuit d'été.
Devant lui, à l'endroit où se trouvait auparavant la personne au pantalon et au sweat à capuche, cette dernière ramenée sur sa tête, le vide. Même les volutes de lumières blanches s'étaient envolées, faisant étouffer un juron à Chuuya, à peine se rendit-il compte de ce qu'il venait de se passer.
-Put- il avait une capacité...!
Résultat: quelqu'un l'avait surpris en plein "interrogatoire à ciel ouvert", s'était enfui sous ses yeux sans qu'il n'ait pu faire quoi que ce soit, et était en plus de cela un utilisateur de capacité.
Comble du malheur, il n'avait même pas pu apercevoir son visage. Au vu de la forme de son corps et de sa silhouette, il pouvait hypothéquer qu'il s'agissait d'une femme, mais il ne pouvait pas en être complètement sûr pour autant.
Un tel incident allait devoir être mentionné dans le rapport qu'il allait écrire, sans faute. Mori saurait à quel point il avait foiré, et cela ne le ravissait pas le moins du monde.
Il enrageait, de s'être fait avoir de la sorte. Même avec toutes ses compétences et sa capacité, il n'avait rien pu faire pour arrêter cet inconnu. Et le fait qu'il ait visiblement une capacité aussi dangereuse ne l'arrangeait pas.
Jamais il n'avait entendu parler d'un tel pouvoir, alors même que la Mafia était au courant de tout ce qu'il se passait dans Yokohama. D'où sortait cette personne, dans ce cas? Était-elle une réelle menace pour la stabilité de cette ville, ou bien juste un cas isolé et inoffensif?
Il reprit ses esprits quelques secondes plus tard, une fois la surprise passée, malgré l'anxiété qui s'insinuait lentement en lui.
-Fouillez les alentours, je veux qu'on retrouve ce type! déclara-t-il d'un ton assuré, en faisant attention de ne pas hausser la voix plus que de raison.
Il n'avait pas besoin que d'autres passants viennent fourrer leur nez dans ce qui ne les regardait pas. Pourquoi cet inconnu au sweat rose était-il rentré dans cette ruelle adjacente à la route principale, déjà, alors que personne ne l'empruntait jamais?
Cela était-il fortuit, ou bien volontaire?
Commandant à certains de ses hommes de rester près du cadavre qu'il venait de "corriger", Chuuya s'élança lui-même, imité par d'autres gardes en costume noir, à la poursuite du fuyard, en passant de son côté par les toits, afin d'avoir une meilleure vue des alentours.
Tout était atrocement calme, beaucoup trop même. Les rues, seulement éclairées par les quelques lampadaires et la lumière ténue de la lune, étaient désertes à cette heure de la nuit.
En serrant les dents et en faisant attention à ce que son chapeau ne tombe pas, le roux accéléra encore un peu plus, sautant d'immeuble en immeuble avec agilité, une aura rouge l'enveloppant et accompagnant chacun de ses pas.
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Le souffle court, Yui parcourait les rues de Yokohama en sprintant de toutes ses forces, souhaitant mettre autant de distance que possible entre elle et les mafieux.
Elle était certaine qu'ils allaient se lancer à sa poursuite, surtout maintenant qu'ils avaient aperçu sa capacité. Un témoin gênant était bien mieux mort que vivant, n'est-ce pas?
Et elle ne pouvait pas se permettre de mourir maintenant, pas si près du but.
Se diriger dans les différentes rues, maintenant qu'elle était obligée de courir à perdre haleine et dans un état d'esprit légèrement paniqué, était beaucoup plus ardu que d'habitude.
Faisant confiance à son instinct, sévèrement impacté par ses pensées chaotiques, Yui évitait de justesse les différents obstacles imprévus sur son chemin, ce qui ne l'empêcha cependant pas d'égratigner sa jambe en passant un peu trop près d'un pot de fleur.
Une blessure qui avait très certainement laissé une marque sur sa peau, peut-être même sur son pantalon. Aiko pourrait éventuellement le découvrir, mais cette fatalité n'était que le cadet de ses soucis à l'heure actuelle.
Elle devait faire de son mieux et mobiliser la moindre cellule de son corps et de son esprit pour parvenir à se repérer, et ne pas risquer de se perdre définitivement.
D'après ses calculs, elle n'était plus qu'à quelques rues de l'hôtel appartenant à sa famille, mais elle ne pouvait pas se permettre de rentrer dedans immédiatement, et ainsi risquer de se faire surprendre par ses poursuivants, en train de grimper sur la façade.
Chuuya Nakahara saurait alors où elle logeait, et serait potentiellement en mesure de l'identifier. Une chose qu'elle ne voulait absolument pas voir se concrétiser.
Ainsi, arrivée dans une ruelle qu'elle savait donner sur l'hôtel, Yui s'arrêta, cachée derrière un pot de fleur gigantesque, et tenta de profiter de ces quelques secondes de répit pour reprendre son souffle, ses jambes manquant de se dérober sous son poids, tellement elle était épuisée.
Malgré les battements erratiques de son cœur, qui résonnaient dans ses oreilles bourdonnantes, la jeune femme entendit, plusieurs mètres derrière elle, des bruits de pas rapides, qui avançaient tout droit dans sa direction.
Nouant un mouchoir autour de sa blessure, afin de limiter la perte de sang, elle serra les dents, à cran. Sa main agrippa son médaillon, dont le métal était redevenu froid entre temps. Comment avait-il fait pour la retrouver, surtout aussi vite?
A l'entente des pas, elle pouvait déterminer qu'il s'agissait là d'une seule personne. Et que, aussi étonnant que cela puisse paraître, celle-ci se trouvait visiblement sur les toits de la ville.
Chuuya Nakahara, très certainement. Pour être aussi haut placé dans la Mafia, il devait posséder une capacité hors du commun, qui lui permettait de la suivre malgré toutes les précautions et les sacrifices qu'elle avait fait.
Une capacité qui lui permettait de voler, ou d'aller beaucoup plus vite, éventuellement?
Elle savait que, là encore, elle n'allait pas avoir le choix. Elle ne pouvait pas se permettre de se faire prendre si près de son hôtel, et elle ne savait pas encore combien de temps elle allait pouvoir tenir ainsi.
Alors, à mesure que les pas se rapprochaient d'elle, elle n'eut d'autre choix que de laisser une nouvelle fois une lumière blanche l'envelopper doucement, alors que le métal de son médaillon se réchauffait à toute vitesse.
-V... V.
Elle ne savait pas si elle pouvait se permettre cela, mais pour ne prendre aucun risque elle n'avait pas le choix.
Encore une fois, sa silhouette s'évapora, et le silence retomba sur les alentours, alors que son poursuivant s'éloignait de l'hôtel, inconscient de ce qu'il s'était pourtant passé juste sous son nez.
Elle était parvenue à s'enfuir et à revenir en lieu sûr...
Mais à quel prix...? se lamenta-t-elle en s'écroulant littéralement sur le sol de sa chambre, serrant son cœur de toutes ses forces, les larmes dévalant ses joues à toute vitesse, passant à travers le bandeau qui masquait ses pupilles aveugles.
Recroquevillée sur elle-même, elle laissa des sanglots silencieux lui échapper, dans la nuit silencieuse qui s'était abattue sur l'hôtel et ses alentours.
La senteur de la moquette fraîchement nettoyée, aux senteurs fleuries, ne fit que raviver les braises de souvenirs longtemps enfouis, longtemps dénigrés, au profit d'une réalité déformée et d'un rêve inatteignable.
Elle était plus seule que jamais, face à la peine qui était la sienne.
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