Chapitre 15
-Elle aime jouer avec nous, n'est-ce pas? ne put s'empêcher de grogner le brun, croquant furieusement la sucette qu'il avait dans la bouche.
-Mais Ranpo est le meilleur des détectives, alors il va trouver en un clin d'œil! pépia une petite voix fluette et énergique, celle de Kenji.
Le dit détective paru réfléchir quelques instants aux paroles de son collègue aux cheveux blonds, avant de laisser un sourire victorieux se dessiner sur ses lèvres.
-En effet, je l'oublierais presque tellement c'est évident, répondit Ranpo d'un ton fier. Voyons voir...
Le brun balada son regard sur la petite troupe regroupée autour de son bureau, sur lequel il avait nonchalamment déposé ses pieds.
-Tanizaki! chantonna-t-il finalement, en levant la lettre qu'il tenait dans une main. Occupe-toi de traduire ça, tu veux?
Le roux, sursautant à l'entente de son nom, ne mit cependant pas plus de temps à accourir auprès de leur détective vedette, gagnant un gémissement de mécontentement de la part de Naomi. Le frère de cette dernière attrapa la page en papier noir et or, et ne perdit pas une seconde à sortir son téléphone, afin d'entrer le texte inscrit dessus.
Du moins, il essayait de son mieux. Car, même s'il avait étudié l'anglais au cours de ses années d'école, il n'avait jamais été vraiment doué pour l'utiliser dans la vie de tous les jours.
Mais bon. De tous les détectives ici présents, il était certainement le plus à l'aise dans ce domaine. C'était sûrement pour cela que Ranpo l'avait désigné pour accomplir une telle tâche, sans aucun doute.
Il comprenait quelques mots sans avoir besoin de les traduire, mais il n'était pas assez confiant en ses capacités pour faire des phrases entières sans l'aide d'internet.
Après plusieurs longues secondes de flottement, alors que les regards insistants de ses collègues impatients semblaient sur le point de le foudroyer sur place, il réussi à tout entrer, sans erreur, dans son téléphone.
La traduction automatique qu'il obtenait n'était pas terrible, comme attendu. Mais il fit de son mieux pour donner un sens concret aux phrases énoncées à haute voix.
-"Extrêmement heureuse de constater que vous n'avez pas usurpé ni falsifié votre belle renommée, chers détectives. Je suis navrée d'avoir dû vous imposer autant d'énigmes, même si je suis certaine que vous n'avez pas eu trop de mal à les déchiffrer. Elles avaient avant tout pour but d'assurer mes arrières au cas où quelqu'un d'autre aurait tenté de s'en emparer, sachant à quel point l'affaire que je souhaiterai vous confier doit rester secrète, tout comme mon identité. Et, bien entendu, elles étaient destinées à me conforter dans ma décision de m'adresser à vous".
Tanizaki s'arrêta un instant, pour reprendre son souffle et pour juger les réactions de ses collègues à ce début de lettre.
Ce fut Kenji qui parla avant tout le monde.
-Dazai? Tu n'avais pas dit que cette fille était aveugle? Comment est-ce qu'elle a fait pour écrire tout ça sans rien voir?
Le détective couvert de bandages laissa un rire lui échapper, devant l'innocence du garçon à la salopette bleue.
-Effectivement. Lorsque je l'ai vue, elle portait un bandeau pour cacher ses yeux et une canne pour se guider, même si elle ne s'en servait pas plus que ça.
-Je pense qu'elle est simplement très habile même sans ses yeux. Elle retient plus facilement que la normale, et ça l'aide à se repérer dans l'espace... Non? demanda Tanizaki, incertain de ce qu'il avançait.
Ses collègues parurent réfléchir quelques instants de plus.
-Ou bien elle n'est pas réellement aveugle? proposa Naomi, qui avait rejoint son frère entre temps, enlaçant son bras étroitement.
-Nan, déclara Ranpo de façon catégorique. Elle n'a pas usage de ses yeux, c'est certain, surtout si on prend en compte sa lettre précédente et les mots qu'elle a écrit dessus. Mais il est fort probable qu'elle ait perdu la vue à un moment de sa vie, et que ce ne soit pas un fait de naissance. Elle arrive à écrire une lettre sans dépasser des lignes, les phrases sont droites... La seule bizarrerie c'est le fait qu'elle écrive aussi penché sur la gauche, même en calligraphie c'est rare.
Ce fut au tour de Dazai d'ajouter son grain de sel.
-Ou alors elle a demandé à quelqu'un d'autre d'écrire à sa place? marmonna-t-il pensivement, avant de trouver lui-même la réponse à sa question. Ah... Impossible, parce qu'elle veut que tout reste secret, et qu'elle est surveillée dans tous les sens.
Dazai avait raconté à ses camarades détectives sa petite entrevue, et avait bien évidemment mentionné le fait qu'elle était escortée par des gardes du corps qui ne la lâchaient pas d'une semelle. Et qu'elle n'avait vraisemblablement aucune influence sur sa vie, décidée par un autre.
Par son père adoptif.
-Continue de lire, Tanizaki, ordonna Ranpo d'une voix débordant d'un laxisme sans bornes, jetant un autre gâteau dans sa bouche.
-"Comme vous l'avez très certainement compris, je ne suis pas libre de mes mouvements. Ma famille adoptive décide des moindres aspects de mon existence, et bien évidemment il m'est impossible de leur demander ce que je veux vous confier, sachant qu'ils souhaitent me voir tirer un trait définitif sur mon ancienne vie. Je leur montre ce qu'ils veulent, mais au fond je n'ai jamais pu oublier ma vie antérieure, et tout particulièrement ma mère".
Il marqua une pause, et, voyant que personne n'avait l'air de vouloir ajouter quoi que ce soit, le fixant au contraire pour l'inciter à continuer, Tanizaki s'exécuta.
-"Voici donc ma requête, pour laquelle vous serez bien évidemment payés : retrouvez ma mère, qui a été enlevée par un homme lorsque j'étais plus jeune. Je n'ai rien pu faire à cette époque, car j'étais trop petite pour comprendre, mais maintenant je veux tenter le tout pour le tout. Il m'est difficile de tout préciser dans une simple lettre, mais je suis certaine que vous trouverez un moyen de palier à cette difficulté. Je vous serai reconnaissante de le déposer, avec tout le nécessaire et dans deux jours, à l'endroit de notre première rencontre, afin de me faciliter la tâche pour les raisons que vous connaissez déjà. En espérant que vous pourrez apporter les réponses à mes nombreuses questions, et ramener l'espoir dans ma vie, signé : Nozomu".
Tanizaki releva de nouveau la tête, achevant sa lecture sans en avoir compris la moitié cependant. Mais il n'était visiblement pas le seul, hormis bien évidemment leurs deux meilleurs détectives.
-Mmh... marmonna Ranpo pensivement, la bouche débordant de bonbons en tous genres. Dazai? Tu t'en occupe?
Ce dernier laissa un sourire étirer ses lèvres, penchant légèrement sa tête sur le côté.
-Pas de soucis. Enfin, si, juste un petit problème...
Avant qu'il n'ait besoin de terminer sa phrase, il vit Ranpo gratter une seconde fois dans l'enveloppe, envoyée par leur mystérieuse cliente répondant au surnom de Nozomu.
Puis, dans sa main tendue, Dazai reçu un billet de dix-mille yens, lui arrachant une moue contrariée.
-C'est tout?
-C'est bien assez pour ce que tu dois faire, répondit Ranpo avec dédain, agitant une main qui contenait les trois autres billets de dix-milles yens, auparavant contenus dans l'enveloppe. Le reste, c'est pour payer les services de l'Agence, même si personnellement ce n'est pas ce qui m'enthousiasme le plus. Si tu veux payer tes courses et tes escapades dans les bars, arrête de perdre ton portefeuille, et tu n'auras pas besoin de voler les cartes bancaires des autres en plus de ça...
Résigné, ne se demandant même pas comment Ranpo avait fait pour savoir qu'il lui arrivait d'"emprunter" la carte de ce cher Kunikida, lorsque l'argent venait à manquer sur son propre compte en banque régulièrement vide, le brun couvert de bandages fourra le billet dans sa poche, et se dirigea vers la sortie en sifflotant, disparaissant l'instant suivant, la porte se refermant toute seule derrière lui.
Un silence passa, avant que Tanizaki ne reprenne la parole.
-Ranpo...? Comment est-ce que vous avez su ce qu'elle voulait que l'on fasse...? Et qu'est-ce que Dazai est parti...
Il fut interrompu par le Ranpo en question, qui se redressa brusquement en réajustant sa casquette, rangeant de nouveau les billets dans l'enveloppe, qu'il jeta sur le bureau de Kunikida en passant devant.
-Tu crois que je vais révéler tous mes secrets? déclara-t-il d'un ton triomphant, souriant largement. Kenji, j'ai besoin que tu m'accompagnes, j'ai un rendez-vous urgent!
Le jeune garçon blond, loin de se sentir rebuté par cette soudaine mission, acquiesça avec vigueur, s'élançant à la suite de Ranpo en sautillant, heureux de pouvoir aider.
Avant que le détective au yeux verts ne disparaisse dans l'entrebâillement de la porte, cependant, il adressa un sourire narquois à ses chers collègues, restés plantés là, inertes.
-Bonne chance! lança-t-il en secouant sa main, avant de fermer la porte derrière lui.
Laissant Tanizaki et Naomi complètement déboussolés, se demandant quel était le sens caché derrière cet encouragement incongru.
Puis, comme dans un film d'horreur, la porte d'un certain bureau s'ouvrit en grinçant lentement, avant qu'une aura noire et pesante ne se répande littéralement dans l'Agence toute entière, se déversant par la porte désormais grande ouverte.
Dans l'encadrement de cette dernière, un sourire démoniaque sur les lèvres, leur chère médecin, Yosano Akiko.
-J'ai besoin d'aller faire quelques courses. Qui m'accompagne?
...
Ils venaient de comprendre nombre de choses. Notamment le fait que leur instinct de survie n'était pas aussi aiguisé que celui de Ranpo.
Résultat: l'un d'eux allait être sacrifié cet après-midi même. Voire même les deux.
Et ce n'était pas le dit Ranpo, qui sortait justement du bâtiment en sifflotant, qui allait dire le contraire. Lorsque Kenji lui demanda où ils allaient de la sorte, le brun se contenta de répondre d'une voix détachée.
-Aucune idée. J'avais juste une soudaine envie de traîner un peu... Ah, je sais! On va passer renflouer mes stocks de nourriture, ça peut toujours servir. Ça tombe bien, tu vas pouvoir m'aider à tout porter!
Et, avec cela, le détective disparu bien vite au coin d'une rue, son collègue sur les talons, laissant derrière lui l'enfer littéral qui s'était certainement abattu sur l'Agence à l'heure qu'il était.
A/N : Fun fact : dans la vraie vie, les billets de 10 000 yens japonais, mentionnés dans ce chapitre, représentent Yukichi Fukuzawa...
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