
9mm - 3
disclaimer : violence envers un enfant
Mercredi 18 juin 2020 - 05:36
Assise sur son balcon, avec un simple gilet sur les épaules pour couper la légère brise qui venait chatouiller sa peau, Rena faisait balancer ses jambes dans le vide, à travers la rambarde en métal. Elle n'arrivait pas à dormir.
Et là, perchée en haut de son immeuble, qui se trouvait lui-même au sommet d'une colline, elle pouvait voir tout son quartier. Le soleil ne se lèverait que dans une heure au minimum, mais les lumières de plusieurs fenêtres étaient déjà allumées : la population se préparait déjà à aller travailler.
Mais elle, elle était condamnée à rester éveillée. À chaque fois qu'elle fermait les yeux, elle revoyait ces images qui ne faisaient que la hanter. Tous ces cauchemars vivants qui parcouraient son esprit l'empêchaient de fermer l'œil. Et elle était devenue lasse.
Son psychologue ne lui avait toujours pas donné l'autorisation de retourner travailler. Mais plus elle y pensait, et moins elle avait envie de retourner sur le terrain. Elle ne voulait plus revivre ça. Rena ne s'en sentait plus capable.
Et pourtant, ses premières années en tant que soldate avaient été les meilleures de sa vie.
Née dans une famille pauvre, Rena avait toujours eu du mal à manger à sa faim tous les jours. Parfois, elle se passait même de repas et, la peau sur les os, devait aller à l'école où l'on se moquait de sa maigreur. Mais ce n'était rien, comparé à l'enfer qu'elle vivait chez elle.
Sa mère travaillait dans la filature de soie de Tomioka, dans le Kanto. Mais cette dernier avait fermé ses portes six ans avant la naissance de Rena, obligeant sa mère à trouver du travail ailleurs. Elle avait finalement ouvert sa propre boutique de couture, et s'était mariée avec le père de Rena quelques années après.
La jeune femme avait donc passé le début de sa vie avec son père, qui s'occupait à moitié d'elle, prenant l'autre moitié de son temps à sortir pour boire avec ses collègues du bâtiment. Très tôt, la petite fille avait appris à se débrouiller seule. Et très vite, elle avait vu le changement de regard de sa mère sur elle.
Du mépris, peut-être ? Voire même de la haine. Rena n'avait jamais compris pourquoi sa mère la haïssait à ce point. Et pour couronner le tout, son père avait commencé à l'ignorer, elle et les problèmes qui étaient devenus récurrents avec sa mère.
La première fois que celle-ci l'avait frappée, elle venait d'entrer à l'école primaire. Du haut de ses six ans, elle avait dû mentir à la maîtresse, et expliquer qu'elle était tombée dans les escaliers, à la maison. Elle l'avait cru, et n'avait pas cherché à en savoir plus. Mais la famille de Rena n'était pas assez riche pour avoir un étage dans sa maison. Pourtant, tout le monde avait accepté son mensonge.
Et ils avaient accepté les suivants. Encore, et encore, et encore. Mais une fois, quelqu'un s'était inquiété Rena. Et cette personne avait commencé à poser des questions. Pourquoi une fillette comme elle avait aussi souvent des hématomes sur la joue ? Elle ne paraissait pas spécialement casse-cou. Rena ne savait pas ce qu'il s'était passé avec cette personne, et avec ses parents, mais à partir de là, sa mère s'était calmée.
Durant un temps seulement. Et elle avait appris de ses erreurs. A présent, il n'avait plu des coups que sur son corps, pour que sa peau diaphane, devant bleue, violette, noire et jaune, soit cachée sous du tissu.
Et ça avait duré jusqu'à ses dix-huit ans. Pendant douze longues années, Rena avait supporté la violence de sa mère. Lorsqu'elle avait de la chance, ça se terminait avec seulement des coups de poings, ou des coups de pied. Mais lorsque la petite fille terrifiée qu'elle était voyait sa génitrice s'emparer de différents... outils pour la frapper, Rena savait que ça serait douloureux. Et difficile à cacher.
Parfois, c'était avec une règle en bois ou une louche en metal. D'autres fois, avec un bâton un mètre de long que sa mère gardait spécialement lorsqu'elle était ivre de colère. Il arrivait même qu'elle lui lance les cadavres de bouteilles vides laissées par son père.
À l'école, la jeune fille était un fantôme. Elle ne se faisait aucun ami, et de toute façon, elle était bien trop sombre pour qu'on l'approche. Rena ressemblait à une poupée qui venait dans sa classe sans un mot, s'asseyait, suivait les cours en silence, et repartait aussitôt que la sonnerie résonnait.
Mais ces quelques heures, ces heures qu'elle passait à l'extérieur de l'école et de la maison, étaient ce qui lui permettait de tenir. Elle retardait le plus possible la rencontre avec sa mère le soir, et elle limitait ses contacts avec ses camarades de classe, qui ne s'étaient jamais intéressés à elle. Et elle pouvait faire ce qu'elle voulait.
Certains jours, elle caressait des chats de gouttières, venus en quête de nourriture. Elle n'avait rien sur elle, mais ces petits moments de détente étaient les seuls moments où elle pouvait être elle-même. Rena s'était même mise à leur parler de ses problèmes. Pouvoir parler, même à des chats l'empêchait de devenir folle.
Et un jour, elle prit une décision.
Lorsqu'elle aurait son diplôme à la fin du lycée, elle partirait. Elle s'enfuirait, elle disparaîtrait de ce trou perdu où sa vie n'était qu'un enfer perpétuel.
Rena avait pris cette décision vers ses quinze ans. Elle avait bossé comme une dingue pendant les trois années qui suivirent pour avoir le plus d'options possibles.
Mais sa vie à la maison devenait de plus en plus compliquée. La jeune fille avait toujours eu peur de répliquer, ou de se défendre. Après tout, ça faisait si longtemps qu'elle subissait qu'elle ne savait faire que ça. Et parfois, elle était si mal en point qu'elle n'arrivait pas à sortir de son lit pour aller en cours. Il lui arrivait même de louper des contrôles importants.
Le rêve de Rena, de partir dans une grande école, et de changer de vie, s'éloignait doucement mais sûrement. Et à la fin de ces douze années de torture, elle obtenue son diplôme.
De justesse.
Les écoles ne voulaient pas d'une élève aussi médiocre. Elle aurait pu aller en fac, et partir dans des études plus simples que ce qu'elle aurait aimé faire, mais son moral était complètement détruit.
Mais Rena était quand même partie. Elle n'avait aucun endroit où aller, ni personne à qui parler. Mais elle s'en était allée. Sans laisser le moindre mot, ou explication. De toute façon, elle était sûre que personne n'aurait jamais pris la peine de le lire.
Elle était partie à Tokyo, en quête d'un petit boulot, ou même deux, qui lui aurait permis de survivre un temps. Elle avait vécu dans une minuscule pièce, mal chauffée, et mal isolée. Elle était souvent fatiguée. Et pourtant, Rena ne s'était jamais sentie aussi libre.
Finalement, un jour alors qu'elle se rendait au travail, vêtue de son hideuse tenue de livreuse, elle avait vu cette immense affiche de recrutement.
En l'espace d'une seconde, elle s'était imaginée ce que serait sa vie si elle de trouvait à la place de ces personnes. La jeune femme s'était dit que ça ne serait pas si mal.
Et à présent, huit ans après tout ça, elle était là, dans son propre appartement, avec de quoi manger plusieurs fois par jour, un lit confortable et chaud, un salon avec une télé, une cuisine où elle pouvait s'amuser à cuisiner, et une salle de bain avec de l'eau chaude. Elle avait tout.
Et ses anciens amis, ses collègues les plus proches, n'avaient rien. Ils n'étaient plus.
Rena avait tout. Sauf de la compagnie.
Elle avait tout. Même cette horrible culpabilité qui la rongeait jour et nuit.
Pourquoi est-ce qu'elle était la seule à avoir repris un semblant de vie normale ? Pourquoi est-ce qu'elle était la seule à vivre ? Pourquoi est-ce qu'elle n'était pas morte à leurs côtés ?
Toutes ces questions tournaient en boucle dans son esprit, et Rena ramena ses jambes contre sa poitrine. Elle les entoura de ses bras, et soupira.
Est-ce qu'elle serait capable de vivre, après tout ça ? Est-ce qu'elle en aurait la force ?
Bon, c'est pas un chapitre très joyeux, mais il est important puisqu'on apprend beaucoup de choses sur la vie de Rena.
Rena est née en 1993, elle a donc un an de plus que Iwa, pour ceux et celles que ça intéresse. :)
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