9mm - 29
Juste derrière cette porte se trouvait Nori.
Il était réveillé, la mère de son Capitaine l'avait prévenue le jour-même. Et alors qu'elle était là, debout devant cette porte, son cœur battait la chamade et son corps entier tremblait. Il ne lui suffisait que d'un geste pour entrer et le voir : mais ce geste était sûrement l'un des plus difficiles qu'elle ait eu à faire de ces derniers mois.
Le médecin avait autorisé les visites, mais elles ne devaient pas durer trop longtemps. Après tout, le soldat avait émergé d'un coma de plusieurs mois, et la fatigue l'emportait très vite sur son corps et son esprit, peu habitué à autant d'agitation.
Rena se mordit la lèvre inférieure pour l'empêcher de frémir contre son gré. Il fallait qu'elle montre au Capitaine qu'elle allait bien. Qu'il n'avait pas passé tout ce temps allongé dans un lit pour rien. La jeune femme ferma les yeux un instant et expira profondément une fois, puis deux. Les battements de son cœur ralentirent pour retrouver un rythme plus ou moins normal, et elle posa sa main sur la porte, avant de la faire coulisser.
La pièce était plongée dans une ambiance tamisée : les yeux de Nori avaient encore du mal à s'habituer à la lumière crue des néons blancs d'hôpital. Le silence lui fit comprendre qu'il était vraiment réveillé : le bruit continuel des machines avait disparu. Rena s'avança de deux pas avant de refermer juste derrière elle. Elle était enfin entrée. Le lit où il se trouvait apparut dans son champ de vision, et les jambes de la soldate se mirent en marche toute seule. Un instant plus tard, elle aperçut le visage de son supérieur.
Ses joues encore creusées semblaient avoir retrouvé de leurs couleurs, et son menton était débarrassé de sa barbe. Il avait les yeux fermés et sa respiration était calme. Rena vint se planter devant le lit.
Est-ce qu'elle devait tousser pour le réveiller ou attendre qu'il ouvre les yeux tout seul ? D'un côté, elle n'avait pas envie de le sortir de son sommeil, mais de l'autre, l'attente allait se faire de plus en plus longue, et son stress ne ferait que monter au fur et à mesure que le temps passe. Mais avant qu'elle ne puisse prendre la moindre décision, mes paupières de l'homme devant elle se mirent à bouger, et doucement, comme s'il venait simplement de se réveiller d'un mauvais rêve, ses yeux ouvrirent. Pendant quelques secondes, il ne sembla pas la voir.
Puis son regard se porta sur la silhouette présente debout près de son lit, et ses sourcils se haussèrent. Rena comprit qu'il l'avait reconnue.
Nori ouvrit la bouche pour parler, mais aucun son ne franchit ses lèvres.
― Le médecin m'a dit qu'il faudrait un peu de temps avant que tu ne puisses parler. Tes cordes vocales ont pas eu l'occasion de bouger ces derniers temps, expliqua la jeune femme en se mordant l'intérieur de la joue.
Le soldat ferma les yeux un instant, et le silence s'empara de l'endroit. Rena eut l'impression qu'il pourrait entendre ses battements de cœur : le sang pulsait si fort dans ses oreilles qu'elle n'en serait pas étonnée. Mais le médecin lui avait aussi expliqué que l'ouïe aurait également besoin d'un temps d'adaptation. Alors, elle devait parler de façon claire.
Lorsque le Capitaine planta son regard sombre dans celui de Rena, elle comprit tout de suite ce qu'il voulait dire.
Parle.
― Ça fait presque un an. Le médecin te l'expliquerait probablement mieux que moi, mais tu as fait un arrêt cardiaque, et tu as fini par dormir plus longtemps que prévu...
Il ne pouvait pas parler mais Rena pouvait tout de même interprété ses différentes expressions faciales. Le pli entre ses sourcils et la façon dont ses yeux se plissaient légèrement lui confirmaient une chose qu'elle aurait préféré ne pas savoir. Malgré tout ce qu'il avait subi, il s'inquiétait encore pour elle.
― Pendant tout ce temps, j'ai...
Elle déglutit, et ses doigts s'entortillaient nerveusement les uns avec les autres. Tout à coup, elle se pencha en avant, dans un angle presque droit.
― Je suis vraiment la pire collègue du monde. Tu m'as sauvée la vie, et je ne suis pas venue te voir avant quelques semaines. Si tu savais comme je m'en veux. C'est moi qui aurait dû être à ta place. Ou à leur place. Je sais que tu ne penses pas comme ça, mais je n'arrive pas à m'en empêcher !
Elle se laissa tomber par terre, genoux en premier, et vint coucher sa tête sur ses mains posées au sol, dans la manière de s'excuser la plus absolue qui soit.
― Même si je ne le mérite pas, merci Capitaine. Non, merci Nori, de m'avoir permis de vivre sur mes deux pieds, de m'avoir permis de rencontrer de nouvelles personnes, de m'avoir supporté depuis le début. Et excuse-moi, de ne pas avoir fait de même, de t'avoir laissé seul sur ce lit d'hôpital aussi longtemps, de ne pas m'être occupée de tes parents, et de ne rien pouvoir faire pour toi encore maintenant. Je suis si désolée...
― Rena...
La jeune femme releva brutalement la tête, les yeux écarquillés. C'était très faible, mais c'était bien la voix de Nori. Il n'avait pas forcé dessus, ce n'était qu'un murmure, un souffle, mais Rena l'avait très bien entendu.
― Nori, je...
Elle se remit sur pieds, et attrapa la main droite du soldat entre les siennes. Tête toujours baissée, elle n'arrivait pas encore à celiser son regard. Même s'il paraissait encore endormi et fatigué, la flamme dans ses yeux brillait toujours : il était si fort. Bien plus fort qu'elle. Alors, fixer ses propres pieds étaient une option bien plus aisée.
L'homme serra maladroitement les doigts de la femme devant lui entre les siens. Rena sentit qu'il n'avait encore que très peu de poigne, elle choisit donc de resserrer sa prise à son tour.
― Tu as dormi ? chuchota-t-il du bout des lèvres.
Rena dut réprimer un sanglot dans sa gorge. Pour de donner contenance, elle esquissa un sourire forcé et rétorqua :
― Même là, c'est encore toi qui t'inquiète. Nori franchement, t'es pas croyable.
Pour toute réponse, les lèvres du soldat s'étirèrent à leur tour, avec une sincérité que Rena n'avait pas.
Quelqu'un toqua à la porte. La jeune femme se retourna pour apercevoir le médecin attiré de son supérieur entrer, accompagné de quelques internes et infirmiers. Les deux militaires échangèrent un regard.
― Je reviendrais demain, lui promit Rena en posant la main du soldat sur son ventre.
― Je t'attendrai.
Après avoir salué le personnel médical, la jeune femme s'inclina une dernière fois, durant de longues secondes, devant le lit de Nori, et lorsqu'elle se releva, les yeux humides, quitter la pièce lui paraissait être une épreuve redoutable.
***
Sur la route du retour, alors qu'elle était assise dans un bus, le regard dans le flou, elle ne put s'empêcher de revoir ses retrouvailles avec Nori en boucle. Il avait perdu beaucoup de poids : la peau de son visage semblait pouvoir être traversée par les os situés dessous, ses clavicules ressortaient au niveau de son col de chemise médicale, et ses mains lui paraissaient si fragiles.
Pourtant, revoir la vie habiter son regard et ses lèvres être capables de sourire venaient de lui retirer un poids des épaules. Il était bel et bien en vie.
À présent, elle n'avait qu'une hâte : passer une soirée tranquille en compagnie de Miki, à lire un livre après avoir pris une douche chaude. Ses muscles étaient si tendus qu'elle avait presque mal partout.
Lorsqu'elle était sortie de l'hôpital, Rena avait pris un temps pour retrouver son calme. Des larmes silencieuses s'étaient mises à rouler sur ses joues à peine après avoir fermé la porte derrière elle, et tous les regards convergeaient vers elle lors de son trajet.
Il fallait encore qu'elle prenne le temps d'appeler Madame Miura pour la remercier de lui avoir permis de voir Nori aussi vite. Elle s'en occuperait dans ma matinée suivante, le jour commençait déjà à s'obscurcir, et Rena ne voulait pas déranger cette brave femme.
Soudain, son téléphone vibra dans sa poche. La jeune femme l'attrapa et un sourire timide apparut sur son visage lorsqu'elle aperçut le nom de Iwaizumi. Mais son sourire disparut aussitôt en lisant les quelques mots qu'il avait pris le temps de lui envoyer.
Elle est encore là. Je peux faire quelque chose ?
Rena réfléchit un instant. Qu'est-ce qu'elle voulait faire ? Fuir ou l'affronter ? Fuir serait si facile. Mais combien de temps encore devrait elle encore courir, en ayant peur que son passé ne la rattrape ? Non, il fallait que ça change. Elle n'avait pas peur d'elle.
Alors elle l'affronterait.
Ça va aller. Je vais m'en occuper.
Puis elle décida de rajouter quelques mots en plus.
Merci beaucoup, Iwaizumi.
Oui, merci beaucoup pour tout ce que tu as fait pour moi, pensa Rena. Elle se rendait compte qu'elle ne faisait que recevoir. Il faudrait aussi changer ça, songea-t-elle...
Alors ce chapitre ?
Petit dessin qui va avec !
Vous avez pensé quoi de ce bref échange entre Rena et Nori ? C'était assez court mais je peux pas m'éterniser pour le moment, le frérot ça fait un an il dort, le réveil c'est compliqué mdrr
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