9mm - 21
Vendredi 25 septembre 2020 - 18:13
Cette fois, Rena avait croisé les parents de son collègue. Lors de sa deuxième visite, la jeune femme avait choisi d'amener des fleurs pour égayer la chambre d'hôpital. Nori ne les verrait probablement pas, mais peut-être sentirait-il leur parfum ?
Au moment où elle allait entrer, des voix s'étaient faits entendre derrière la porte, et elle avait hésité à la faire coulisser. Se retrouver devant le corps endormi de Nori, c'était une chose. Mais devoir confronter ses parents en étaient une autre. Elle s'en voulait toujours d'avoir été la seule à revenir plus ou moins saine et sauve. Que devrait-elle faire si jamais ils lui reprochaient son existence ? Mais ses questions avaient été rapidement coupées courts lorsqu'un médecin lui avait demandé de se décaler pour entrer et que les regards du père et de la mère de Nori s'étaient posés sur elle.
Debout dans le couloir, son sac à main pendant sur une épaule, un bouquet sauvage entre les mains, elle ne sut comment réagir. Il fallut quelques secondes avant que madame Miura ne fasse le lien et qu'elle ne bondisse de sa chaise.
Elle salua le médecin, qui partit discuter avec le père du patient après avoir jeté un coup d'œil par dessus son épaule.
― Vous devez être la petite qui travaillait avec mon petit Nori ! s'exclama-t-elle en se plantant devant la soldate.
Rena acquiesça avant de baisser les yeux vers ses chaussures. Si on devait la frapper, l'insulter et lui dire de prendre la place de Nori, qu'on le fasse vite, pensa-t-elle en resserrant sa prise autour du bouquet de fleur. Mais contre toute attente, une main chaleureuse se posa sur sa joue, et la mère en face d'elle lui souriait avec sincérité.
― Nori nous a beaucoup parlé de vous, vous savez. J'avais hâte de vous revoir, murmura-t-elle pour ne pas déranger les deux hommes dans son dos. Entrez.
Elle la fit passer devant elle avant de refermer la porte.
― Chéri, viens écouter ce que dit le docteur ! le pressa tout à coup le père de Nori.
La femme s'excusa auprès de Rena et partit rejoindre son mari. La militaire resta en silence dans un coin de la pièce, écoutant d'une oreille attentive les paroles du médecin.
― Les activités cérébrales de votre fils se font de plus en plus présentes ces derniers temps, je suis très positif quant à son réveil dans les jours à venir, annonça l'homme avec un sourire compatissant.
― Oh mon dieu...
Madame Miura plaqua ses mains devant son visage alors qu'elle éclatait en sanglot. Des larmes de joies se mirent rapidement à couler sur ses joues, tandis que son mari la prenait dans ses bras, lui aussi heureux d'entendre d'aussi bonnes nouvelles après plusieurs mois de longues attentes.
Rena n'en croyait pas ses oreilles. Est-ce qu'elle avait bien entendu ? Est-ce que Nori allait vraiment ouvrir les yeux dans les prochains jours ? Elle dut se retenir contre le mur pour ne pas chanceler. Elle s'inclina devant le médecin lorsque celui-ci continua sa tournée des chambres, et se mit à fixer les parents de Nori. Ils avaient de la chance d'avoir un fils comme lui, tout comme il avait beaucoup de chance d'avoir une famille comme elle. Rena aurait tout donner pour être aimée de ses parents, il fut un temps. Mais l'heure n'était pas aux souvenirs.
― Comment t'appelles tu ? Excuse-moi, on ne t'a pas vraiment accueilli comme il faut, s'inquiéta Monsieur Miura.
― Je suis Rena Konno, j'étais lieutenant sous le commandement du capitaine Miura, expliqua la jeune femme en s'inclinant devant eux.
― Merci d'avoir rendu visite à notre fils, la remercia sa mère en essuyant une larme. Je suis sûre qu'il est content de chacune d'entre elle.
― Tenez, j'avais pris ce bouquet pour la chambre ! fit Rena en tendant les fleurs à la femme en face d'elle, sans leur avouer que ce n'était que la deuxième fois qu'elle venait le voir.
Le bouquet, coloré de fleurs bleues et violettes, laissait une douce odeur s'installer dans la pièce. Le parfum entêtant de la lavande se mélangeait à l'essence des petites fleurs blanches de salsepareille. Quelques rares hémérocalles bleues décoraient le tableau ici et là, le tout agrémenté de quelques belles fougères verdoyantes. Madame Miura l'attrapa, ravie de l'attention, et partit remplir une vase mis à la disposition du patient pour y déposer le bouquet.
Rena jeta un regard à son capitaine, n'osant pas vraiment s'en approcher, avec ses parents à ses côtés. Sa barbe avait été rasée, faisant ressortir des traits juvéniles que la jeune femme lui avait rarement vu. Ses joues creusées par des mois de coma se voyaient d'autant plus. Il avait perdu tellement de poids, songea-t-elle avec un pincement au cœur. Est-ce qu'à son réveil, il aurait changé ? Est-ce qu'à son réveil, il verrait qu'elle avait changé ? Leurs dernières paroles tournaient encore en boucle dans sa tête. Rena avait hâte de revoir ses yeux, de l'entendre parler, de retrouver son air sérieux et de discuter avec lui. Après tout, il était la seule personne qu'il lui restait. Qui se rapprochait le plus d'une famille.
Madame Miura lui tendit une main, lui faisant signe de s'approcher de son fils. Rena se glissa auprès de la petite famille, les mains jointes au niveau de son ventre. Elle se triturait les doigts sans vraiment s'en rendre compte, jusqu'au moment où la femme à ses côtés pose une main chaleureuse sur les siennes.
― Vous savez, commença-t-elle doucement, Nori est un garçon assez secret. Il ne parle que rarement de lui, et pourtant, il aimait parler de son équipe. Parfois, on avait l'impression de les connaître comme si vous étiez en face de nous. Est-ce que vous avez déjà rencontré les familles des garçons ?
Les visages des femmes, des enfants et des parents de ses anciens compagnons lui revinrent en tête. Oui, elle les avait déjà vu, des années auparavant, mais pas depuis son retour au Japon. Elle n'avait pas osé aller les voir.
Rena secoua la tête, faisant danser ses cheveux autour de son crâne, sous le regard compatissant de la mère de Nori.
― Je suis certaine qu'ils voudraient vous connaître un peu plus.
La jeune femme se mordit l'intérieur de la joue. Elle en doutait fortement. Les parents de Nori avait eu, dans leur malheur, la chance et l'espoir de retrouver leur fils. Mais la femme et les enfants du commandant Masashiro ne le verrait plus qu'en photo, tout comme les parents, frères, sœurs et petite amie de Naoki, Mitsuru et Yoshiro. Rena était la seule à ne plus avoir de famille : ou en tout cas, à ne plus avoir de contact avec elle. Elle était la seule qui n'aurait manqué à personne. Alors, évidemment qu'on lui en voudrait. Évidemment que leur famille la détesterait. Elle était la seule qui ne méritait pas de revenir. Et pourtant, elle était la seule à être revenue consciente.
― Merci, répondit-elle néanmoins par politesse.
Madame Miura lui raconta quelques anecdotes sur Nori, réussissant à la faire sourire par moment. Imaginer le capitaine enfant, à faire les quatre-cents coups avec ses amis, était plutôt drôle. C'était complètement opposé à l'image que tout le monde se faisait de lui. Une longue heure plus tard, Rena s'excusa. Elle devait rentrer, le temps était passé trop vite, et son chien l'attendait sûrement avec impatience.
Après quelques dernières salutations et paroles réconfortantes, la soldate s'éclipsa de la chambre, saluant en silence le capitaine. Peut-être que la prochaine fois qu'elle reviendrait, il pourra la saluer en retour.
Lorsqu'elle se retrouva dehors, la jeune femme prit aussitôt la route en direction de l'arrêt de bus. Il y avait pas mal de passants en ce début de soirée. Rena croisa beaucoup d'étudiants qui partait à la conquête des bars après une longue semaine de devoirs. Peut-être qu'elle croiserait Iwaizumi en rentrant chez elle...
Tandis qu'elle attendait à l'arrêt de bus assise sur le banc mis à sa disposition, une étrange sensation l'envahit. Son malaise grandit au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient, et elle avait beau jeter de rapides coups d'œil ici et là pour trouver la source du problème, il n'y avait rien lui sauter aux yeux.
Finalement le bus arriva, et la soldate entra dans le véhicule à la suite des quelques autres usagers. Alors qu'elle prenait place sur l'un des sièges libres, une femme entra dans le bus, et Rena oublia comment respirer.
Les bruits autour d'elle disparurent, et la femme s'avança droit vers elle, un sourire satisfait aux lèvres, avant de s'asseoir juste à côté de la soldate. Rena n'osa pas relever les yeux dans sa direction tout de suite. Peut-être qu'elle avait halluciné ? Elle espérait l'avoir imaginé. Pourtant, lorsque ses yeux croisèrent le regard froid de sa mère, Rena comprit que c'était réel. Sa génitrice se trouvait là, à quelques centimètres, comme si de rien n'était.
― Bonjour, ma fille, fit-elle d'une voix mielleuse.
― Comment tu m'as trouvée ? rétorqua Rena en se tenant droite.
Elle ne voulait pas la regarder. Elle sentait déjà une envie de vomir se frayer un chemin dans son œsophage. Et ses mains hésitaient encore entre essuyer les larmes qui menaçaient d'apparaître au coin de ses yeux ou de frapper la femme qui avait été l'un des bourreaux de sa vie.
Pourquoi est-ce qu'elle devait la revoir maintenant ?
La jeune femme pressa finalement le bouton pour signaler son envie de descendre, se rendant compte au passage que le bus s'était mis à rouler sans qu'elle ne s'en aperçoive.
― Disons que tu as fait sensation dans le quartier, y'a pas longtemps, se moqua sa génitrice en se penchant vers elle. Tu m'as manquée, ma fille...
C'en fut trop pour Rena, qui ne pouvait plus tenir le coup. Elle bondit de sa place, poussant au passage les gens devant elle, et sortit immédiatement après l'ouverture des portes. Elle rentrerait chez elle à pied. Elle avait besoin de courir. De se défouler.
Et de pleurer.
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Hémérocalle bleue - persévérance
Lavande - amour fervent, silence, ou "répondez-moi"
Salsepareille - réparation
Fougères - confiance et sincérité
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