Mardi 22 septembre 2020 - 15h09

Rena marcha le long des gradins en silence, suivie de son chien qui furetait son museau un peu partout, à la recherche de la moindre nouvelle odeur. Les échos des ballons frappant le sol et le sifflement des chaussures sur le caoutchouc bleu s'estompèrent au fil de ses pas. Quand elle poussa la porte de secours qui la séparait de l'extérieur, la jeune femme jeta un regard derrière elle. Il n'y avait personne.

Aussitôt, le vrombissement des moteurs de voiture et le martèlement de pas des piétons envahirent ses oreilles. Le son présent dans la salle était si différent du monde extérieur que pendant un instant, elle l'avait oublié.

La porte se referma derrière eux, mais Miki ne sembla pas s'en faire. Pourtant, ils seraient bon pour refaire tout le tour de la salle, pensa la jeune femme avec un soupir.

Le gros chiot se balada dans tous les sens, surexcité. Amusée et le sourire aux lèvres, Rena le laissa sautiller partout, gardant néanmoins les doigts bien accrochés à la laisse en cuir. Miki n'était pas méchant, mais malgré son âge, il était deja imposant, et certains pourraient prendre peur. Quelques minutes plus tard et un sac à crotte bien rempli, la soldate et l'animal reprirent la route vers la porte d'entrée.

En passant une seconde fois dans le hall d'entrée, elle remarqua qu'un brouhaha qui n'était pas présent un peu plus tôt s'élevait dans les hauteurs de la pièce. Ne voulant pas se faire remarquer, la jeune femme longea le mur, attirant son chien à sa suite. Mais au moment d'ouvrir la porte pour suivre le même chemin qu'auparavant, une voix la héla.

― Tu crois faire quoi là ? s'exclama un homme en la tutoyant.

Rena se retourna : un trio d'homme s'approchait d'elle d'un pas déterminé. Derrière eux, plusieurs femmes. Elles étaient toutes jolies : jupes de couleur et coiffures coquettes, elles étaient très féminines. La jeune femmes comprit aussitôt qu'ils s'agissaient de fans. Est-ce qu'on la prenait pour l'une d'elle ? Avec son apparence ? Elle en doutait. Son teint blafard et ses cernes n'étaient pas vraiment mis en valeur par son jean droit et sa veste brune. Sans compter que ses cheveux étaient en bataille à cause du vent qui soufflait dehors.

― Je rends visite à mon ami, expliqua calmement la jeune femme.

― Et on peut savoir qui c'est ? grogna-t-il en se plantant juste devant elle.

Un peu trop près, pensa Rena. Il ne connait pas l'espace personnel ? Il était bien agressif.

Toujours aussi détachée, elle reprit :

― Iwaizumi Hajime.

L'homme sur sa gauche ricana, un air prétentieux plaqué sur le visage. Derrière ses lunettes rondes, ses yeux reluquèrent Rena sans la moindre gêne avant de se poser sur le chien assis à ses côtés.

― On en avait pas encore eu, des comme ça... Madame, c'est pas parce que vous connaissez le nom d'un des membres du personnel que vous pourrez approcher les joueurs, se moqua-t-il d'un ton cassant.

Rena leva un sourcil d'étonnement. Est-ce qu'elle devait le confronter ? À vrai dire, elle n'en avait pas l'envie. Elle comprenait que les employés devant elle faisaient leur travail pour protéger les joueurs olympiques, même s'ils étaient irrespectueux. Et elle n'avait pas envie de se donner en spectacle. Un peu plus loin, le fan-club des garçons l'observait en chuchotant, et certaines avaient déjà leur portable en main, prêtes à filmer. Et Rena avait deja fait le tour d'internet avec l'incendie de son immeuble et l'ascension des balcons, Miki dans son sac à dos. Elle soupira.

― Laissez tomber. Je l'attendrais ici, c'est pas grave.

Sans écouter leurs remarques grossières, la jeune femme se dirigea vers quelques chaises qui traînaient dans un coin. Elle ne put s'empêcher de trouver ridicules ces hommes qui bloquaient le passage alors qu'une heure plus tôt, il n'y avait personne dans les parages. Peut-être qu'ils étaient intervenus parce qu'il y avait des spectateurs ?

Pendant quelques minutes, Rena joua avec son chien. Alors qu'elle lui caressait le ventre, Miki se releva comme une flèche et bondit sur la silhouette qui s'était approchée d'eux sans faire de bruit. Le cœur de Rena battit à tout rompre pendant quelques instants : elle ne l'avait pas entendu venir.

― Salut mon grand, fit Iwaizumi en s'accroupissant aux côtés de Rena.

Miki lui lécha mes mains, et le jeune homme lui gratta habilement l'arrière des oreilles.

― Il est content de vous voir, plus que moi, remarqua la soldate avec un sourire amusé.

― Il va falloir que je le vois plus souvent, répondit Iwaizumi après une seconde de réflexion. Pourquoi vous n'êtes pas revenue ?

La bouche de la jeune femme s'ouvrit, prête à répondre, mais ses yeux glissèrent sur les autres présences, debout dans le hall. Iwaizumi suivit son regard et comprit.

― Désolé, j'aurais dû vous donner un pass... On y retourne ?

Rena acquiesça et le duo se remit sur pied, Miki dans les pattes. Tandis qu'ils discutaient de banalités, ils passèrent devant les hommes qui l'avaient pris à parti quelques instants plus tôt, et elle ne put empêcher un sourire satisfait de venir prendre place sur son visage.

***

Le groupe de volleyeurs avait terminé son entraînement. Dégoulinant de sueur et le souffle court, les garçons avaient commencé à étirer leurs muscles. Iwaizumi griffonnait de plus belle sur son carnet, discutant avec le coach Hibaria en même temps. Aux pieds de Rena, Miki s'était endormi.

La jeune femme pianota sur son portable à la recherche d'informations sur les joueurs. Maintenant qu'elle avait appris les différents visages, elle voulait mettre un nom dessus. Le trio qui était venu la voir au début de l'entraînement attira tout de suite son attention. Hinata Shoyo était un garçon de trois ans son cadet, et même s'il était légèrement plus grand qu'elle, il faisait parti des plus petits en taille de l'équipe. Pourtant, ce n'était pas ça qui semblait les arrêter : Hinata et Hoshiumi en imposant avec leur détente impressionnant. Kotaro Bokuto faisait au contraire parti des géants. Ses larges épaules et ses tirs puissants avaient impressionné Rena plus d'une fois : lorsqu'il était venu parler avec elle, curieux, il lui avait paru enfantin, mais lorsqu'il s'était retrouvé à faire le match qui terminait d'entraînement, la jeune femme l'avait vu sous un autre jour. Il était très fort. Et puis il y avait Atsumu Miya. Sur le terrain ou en dehors, il semblait être le même : sûr de lui et provocateur.

Les autres joueurs n'étaient pas non plus en reste, et Rena avait pu voir une belle palette de personnalité réunie en un seul endroit. Ils étaient intéressants.

Tandis qu'elle épluchait la page internet des joueurs avec soin, elle entendit des pas couiner sur le caoutchouc bleu qui s'approcher d'elle. Plusieurs têtes s'avançaient vers elle : la scène était presque impressionnante. C'est alors que Iwaizumi les dépassa en trottinant pour arriver devant elle en premier.

― On va pas te piquer ta copine, Iwa, rit Hakuba Gao.

Rena le reconnut : c'était le joueur le plus grand du groupe. Ses cheveux sombres étaient ramenés en arrière.

― Vous allez surtout lui prendre la tête, répliqua le voisin de la jeune femme sans relever la façon dont Gao avait surnommé Rena. Je vous connais les gars.

― Moi je voulais juste voir son chien, bouda Hinata.

― Un chien ? Ici ? marmonna Sakusa.

Il avait plusieurs grains de beauté autour des yeux. Son teint devint blafard lorsqu'il apprit que Miki était présent.

― Tu vas pas mourir pour quelques poils, se moqua Miya.

Iwaizumi laissa échapper un discret soupir d'exaspération : ses joueurs se comportaient toujours comme des gosses. Lorsqu'il s'était enfin débarrassé de Oikawa, il avait eu à baby-sitter une équipe entière. Heureusement qu'ils étaient sérieux lorsqu'ils parlaient volley.

― Allez prendre une douche, on se retrouva dans une heure en salle de muscu. Et ce soir, oubliez pas de prendre rendez-vous avec vos diététiciens les gars.

Les réponses, plus ou moins enthousiaste, fusèrent dans la salle. Rena se leva, réveillant Miki dans un sursaut. Iwaizumi l'invita à la suivre, ce qu'elle dit, la laisse dans une main, sa veste dans l'autre. Ils retournèrent dans le hall d'entrée pour faire le tour : il y avait plus de monde que précédemment. L'endroit grouillait de personnes.

Iwaizumi entraîna Rena dans un escalier réservé au personnel, prenant soin de voir si Miki arrivait à gravir les marchés tout seul.

― Ce côté du bâtiment est très actif. Comme on a une salle de sport assez conséquente, il arrive que des sportifs venant d'autres disciplines viennent ici pour s'entraîner, expliqua Iwaizumi. Du coup, qui dit sportif, dit coach et ainsi de suite. Les gars doivent faire attention à absolument tout.

― C'est impressionnant, dit Rena. De l'extérieur, la salle paraît immense, mais quand on est à l'intérieur, on se rend compte que ça l'est encore plus. Il ya combien de salle au juste ?

Ils venaient de passer devant plusieurs dizaines de bureaux, et différentes salles de sport individuelles.

― J'ai pas compté, avoua l'entraîneur en riant.

Ils continuèrent à se promener dans le dédale de couloir et des salles. Rena en apprit plus sur son métier : il devait comprendre parfaitement commun fonctionner le corps de chacun de ses joueurs, pour savoir comment les aider à améliorer leur jeu, leur puissance et leur endurance. C'était tout un art, et la jeune femme le respecta pour ça. Elle se douta qu'il était quelqu'un de très observateur, et Rena se demanda ce qu il avait pu remarquer à son propos. Peut-être qu'un jour, elle lui demanderait. Pour l'instant, elle n'était pas sûre de vouloir savoir.

― Tiens, vous êtes là, fit une voix devant eux.

Devant eux se trouvait Kiryu Wakatsu et Ojiro Aran. Ils semblaient attendre que le reste de l'équipe arrive, ce qui se confirma quand un troupeau débarqua dans leur dos en chahutant.

― Calmez vous, bande de malade, râla Aran.

― Je devrais peut-être y aller maintenant, il commence à se faire tard, et je ne voudrais pas perturber votre entraînement encore plus, chuchota Rena à son voisin.

Iwaizumi ne put contester : il était vrai que les garçons avaient fait les imbéciles ― plus qu'à l'accoutumée. Et puis à présent, il devrait lui-même se concentrer sur les entraînements individuels de chacun, il n'aurait que peu de temps à lui accorder.

― D'accord...

― Bon, et bien, sur ce...

Rena s'inclina pour le saluer, et fit de même avec les garçons qui s'avançaient vers eux.

― Vous partez déjà ? interrogea Bokuto, déçu.

― Tu veux qu'elle te regarde faire des pompes aussi ? ricana un jeune homme de petite taille.

Bokuto marmonna dans sa barbe inexistante sans pour autant nier les faits. La jeune femme se mordit l'intérieur de la joue pour empêcher un sourire d'apparaître. Le groupe s'arrêta devant Rena et son voisin. La soldate reprit :

― C'était sympa de voir votre entraînement. Je vais peut-être m'intéresser un peu plus au volley à partir d'aujourd'hui. Encore désolée de vous avoir dérangé.

Le blond leva les yeux au ciel, piqué par sa phrase. Il savait qu'elle parlait de lui, même si elle ne l'avait pas regardé. Les bras croisés, Atsumu la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse un peu plus dans les couloirs avec son chien.

― Vous sortez ensemble depuis combien de temps ? demanda Suna, curieux.

― C'est ma voisine, vous faites pas d'idée. Et maintenant, au boulot, on va travailler les jambes aujourd'hui !

Dans une plainte collective, les joueurs de volley suivirent leur coach sportif dans la salle, certains qu'il se vengeait de leurs moqueries. Iwaizumi ferma la porte derrière avec avec un sourire.

Ça avait été une journée plaisante.