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Partie unique

Il était toujours là. Assis sur ce muret en béton, les pieds se balançant dans le vide d'une manière presque enfantine. Les gens ne le regardaient même plus. Ils disaient qu'ils ne voyaient pas l'intérêt de lui prêter attention. Que ce n'était qu'un inconnu parmi tant d'autre, une vie futile qui s'ajoutait aux milliards de vies futiles sur ce monde.

Mais je n'étais pas dupe. Je connaissais la vérité. Ils en avaient peur. Ils avaient peur de ce garçon parce qu'il était différent, parce qu'il fredonnait toujours le même air avec le regard perdu dans le vide, parce qu'il était seul, toujours. Moi, ces gens là, je les trouvais lâches. Je venais à peine d'arriver, qu'ils m'inspiraient déjà un dégoût insupportable. Ils esquivaient ce garçon comme la peste, juste par peur de l'inconnu. Juste parce que son comportement était différent, qu'il changeait de la norme imposée par la société. Et cela m'insupportait.

J'ai voulu aller le voir. Changbin m'a regardé d'un drôle d'air, et a répondu comme si c'était une évidence pour tout le monde :

- Il est fou, Chan.

J'ai haussé un sourcil.

- Je sais que tu es nouveau dans l'établissement, mais je pensais que tu savais. Il a été interné dans un hôpital psychiatrique pendant deux ans.

Je n'ai pas répondu tout de suite, prenant le temps d'assimiler l'information. J'avais raison. C'était bien sa différence qui les faisait fuir.

- Il est sorti, non ?

- Ça ne veux pas pour autant dire qu'il est guéri. Tu devrais t'éloigner de lui, on raconte qu'il aurait tenté de tuer sa sœur dans une de ses crises.

On raconte. On créé une histoire de toutes pièces, qu'on raconte ensuite aux gens qui l'assimilent sans réfléchir ne serais ce qu'un instant à si c'est vrai ou faux. Puis on colle une étiquette, comme ça. Sans preuves, sans rien qui montre que ce soit vrai.

Face à mon silence, la voix de Changbin s'éleva une nouvelle fois :

- Je ne mens pas, Chan.

Lui, il me connaît si bien. J'ai l'impression qu'aucune de mes expressions n'est un mystère pour lui, qu'il peut lire en moi comme dans un livre ouvert. J'aimerais qu'il puisse faire de même avec ce jeune "fou". Peut être qu'ainsi il verrait qu'il n'est pas aussi dangereux qu'il le dit. Car moi, j'en étais persuadé.

Mon ami m'a regardé d'un air inquiet. D'un air qui dit : "Je sais ce que tu vas faire, mais tu ne devrais pas le faire." Un simple regard qui vaut milles discours, sans un mot. Je n'aime pas ce regard. Il m'effraie bien plus que ce qui leur fait peur chez ce jeune homme.

Le lendemain, je me suis approché du muret. J'ai observé longuement la fine silhouette qui y était assise, ses jambes qui se balançaient au rythme d'une horloge dans le vide. Et seulement là, à l'observer avec attention, j'ai remarqué ses doigts. Ses doigts qu'il ne cessait de tordre comme le font les gens stressés, sans s'arrêter, comme guidé par une volonté incontrôlable.

Puis ce sont ses lèvres qui attirèrent mon attention. Celle qu'il coinçait entre ses dents à intervalle régulier, l'air anxieux.

Tic, tac.

Des doigts entremêlés, tordus au point d'en être douloureux.

Tic, tac.

Et il mordait une nouvelle fois sa lèvre, presque jusqu'au sang.

L'espace d'un instant, j'eus peur d'aller vers lui. Peur de sa différence, comme tous les autres que je critiquais. Ces mouvements répétitifs, nerveux, angoissants, ne faisaient que m'inciter à faire demi tour.

Mais ce n'était pas ce que j'avais prévu. J'ai déglutit, et je me suis avancé vers lui en ignorant mon instinct qui me criait de partir. Sans oser le regarder, j'ai enjambé le muret de béton, et me suis assis à ses côtés.

Ses mouvements ont cessé. Tous. Il s'est complètement figé, comme si on avait mis pause dans le temps. Il a arrêté ses mouvements de balancier, ses noeuds avec ses doigts, a lâché sa lèvre malmenée. À la place, il s'est simplement mis à trembler. Un tremblement léger, presque imperceptible, mais que je ressentait comme s'il m'appartenait.

J'ai inspiré silencieusement. Puis, l'air de rien, ai simplement lâché :

- Salut.

Il n'a pas répondu. De toute façon, je n'attendais pas réellement de réponse. Il a simplement tourné lentement la tête vers moi, ses cheveux noirs allant cacher ses yeux dans un accord silencieux.

Je sentais son regard perçant sur moi. S'en était presque déroutant, mais je ne disais rien. Je me contentais de le regarder également, détaillant son visage que je n'avais vu que de loin, caché derrière une capuche trop grande pour lui. Et honnêtement, il était beau. Son visage s'harmonisait doucement avec ses cheveux ébènes, ses traits étaient délicats, presque fragiles. Comme si la fragilité de son âme s'y reflétait.

J'hésitais un instant, court, éphémère, et lançait juste avec un sourire que je voulais rassurant :

- Tu t'appelles comment ?

Une nouvelle fois, son silence me répondit. D'un discret mouvement de tête, il degagea la mèche qui lui tombait devant les yeux, et il plongea son regard dans le mien. Un regard sombre, profond, à un tel point que je sentis un frisson glacé me parcourir le dos. Son silence commençait à m'apparaître insupportable, de plus en plus pesant.

Il a ouvert la bouche une première fois, aucun son n'en est sortit. Puis sa voix s'éleva enfin, faible et lente, presque brisée :

- Tu le sais déjà. Comment je m'appelle.

Mon souffle se bloqua. Je ne pouvais pas le nier. Tout le monde avait déjà entendu parler de "Hyunjin, le garçon fou". C'était limite s'il ne passait pas une journée sans que son nom sonne dans l'établissement.

J'ai déglutit une nouvelle fois, et ai répondu calmement :

- Je veux l'entendre de ta bouche.

- Pourquoi ?

- C'est différent.

Il ne bougea pas. Ses tremblements avaient cessés, et il semblait désormais simplement me jauger du regard, pensif. C'était étrange, sa manière de me regarder. On aurait dit qu'il me voyait sans vraiment me voir. Que ses yeux ne percevaient pas tout.

Il cligna des paupières, l'air songeur. Le silence prenait à nouveau place lorsqu'il déclara simplement, l'air neutre :

- Hyunjin. Je m'appelle Hyunjin.

____________oOo_____________

- Arrête de le regarder.

- Hein ?

- Le taré. Arrête de le regarder.

Je fronçais les sourcils, reportant mon attention sur Changbin. Ses mains mélangeaient son café d'un geste machinal, tandis qu'il me jaugeait d'un air désapprobateur.

- Il a un nom, le taré.

Le noiraud qui me faisait face roula des yeux. Il porta son verre à ses lèvres sans relever, m'adressant nombre de reproches dans son silence. « Chan, ne t'intéresse pas à lui. ». « Chan, il est dangereux. ». « Chan, il est fou.»

Les insultes que j'entendais sur le noiraud me rebutaient de plus en plus. Je ne lui avait pas reparlé depuis l'autre soir, après qu'il m'ai dit son nom. Je n'avais pas eu le temps. Pas le courage, peut être. Son regard était dur à affronter. Ce regard vide, dénué de sentiments, juste contemplatif. Il foutait mal.

- Y a deux ans, un élève est mort dans ce lycée, reprit mon ami entre deux gorgées.

J'haussais un sourcil, perplexe.

- Pourquoi tu me dis ça ?

- Je sais pas. Pour te prévenir, peut être.

- De quoi ?

Un soupir. Las, il posa son regard sur moi d'un air sérieux.

- Hyunjin n'a jamais eu de soeur, Chan, finit t'il par lâcher d'un air grave. Ce n'est que la version qu'a diffusé le centre de psychologie.

Je me tut, essayant d'encaisser ce qu'il essayait de me faire comprendre. Sous entendait t'il réellement que Hyunjin avait tué un élève, ici, il y a deux ans ? Ça me semblait totalement irréaliste. Abusif, même. Encore une fois, il s'agissait de quelque chose qu'on raconte. Et qu'on répète, inlassablement, sans réfléchir aux conséquences. Une rumeur stupide, en somme. Je ne voulais pas y croire. Un acte aussi grave ne resterais pas ainsi impuni.

L'agacement me monta bien vite à la tête, et je lançais en me levant froidement :

- Aller jusqu'à inventer ce genre de truc juste pour que je me désintéresse de lui... Tu es ridicule, Changbin.

- Crois ce que tu veux, rétorqua simplement celui ci. Je ne fais que dire la vérité.

Je le fusillait du regard, et quittait le self sans même daigner de lui apporter une quelconque attention. J'ignorais s'il il y avait une logique à mes propres actions, mais une chose était sûre : j'étais en colère. Ces préjugés infondés portés sur le noiraud m'horripilaient. À mes yeux, ce n'était qu'un homme. Comme moi, comme Changbin, comme cet élève mort il y a deux ans. Différent, mais un homme tout de même.

Après avoir quitté le self en colère, je me suis finalement une nouvelle fois arrêté devant le muret. Hyunjin s'y trouvait, comme d'habitude. Comme chaque jour depuis que je l'avais vu pour la première fois. Ses jambes répétaient une nouvelle fois leur éternel mouvement de balancier, et j'imaginais sans mal ses doigts se tordre, sa lèvre se faire coincer entre ses dents.

Lentement, sans trop savoir pourquoi, je vint m'asseoir une nouvelle fois à ces côtes. Et, comme la dernière fois, il se figea. Il tourna simplement la tête vers moi, interdit.

Je déglutit, puis lançais :

- Tu ne manges pas ?

La réponse tarda à venir. Mais bizarrement, c'était presque comme si j'y étais déjà habitué, avec lui.

- ... Non, fit t'il simplement au bout d'un moment. Je n'ai pas faim.

Il ne devait pas avoir faim souvent, à en juger sa taille fine. Je me mordit rapidement la lèvre à mon tour, inconsciemment inquiet.

- Tu devrais quand même te nourrir. C'est important.

Il plongea son regard dans le mien, puis haussa finalement les épaules d'un air détaché en reportant son attention sur le paysage. La ville était doucement éclairée par les rares rayons du soleil qui parvenaient à passer la barrière des nuages, se reflétant sur les façades des immeubles. C'était plutôt beau, honnêtement. Hyunjin avait bien choisit son endroit pour s'isoler.

Mais j'avais pris une décision. Celle de ne plus, justement, le laisser seul. J'avais envie de l'aider. De faire en sorte qu'il entende autre chose sur lui que « Regardez, c'est le fou. Le taré. »

Et j'étais bien déterminé à aller au bout de ce choix.

____________oOo_____________

- Hyunjin, attend !

Le noiraud se stoppa, et se retourna vers moi en penchant doucement la tête sur le côté, interrogateur.

- T'habites où ?

- Pourquoi tu veux savoir ça ?

- Je te ramène ?

Il se tut, et fronça légèrement les sourcils. Il me jaugea de bas en haut avec une espèce de méfiance. À la fois, vu comment les gens le regardaient, il avait des raisons de se méfier. Donc même si ce regard aurait pu me blesser, je passais outre, ne perdant pas mon sourire qui se voulait rassurant.

Le temps me semblait affreusement long, là, sous son regard qui semblait me transpercer. Je retenais un geste nerveux, ignorant les regards des étudiants qui s'attardaient sur nous, et il lâcha finalement :

- Dans les quartiers de Hongdae.

- Parfait, souris je, c'est sur ma route, je t'accompagne.

Mensonge. Hongdae était à l'autre bout de mon immeuble. Mais il fallait bien un début à tout.

Il haussa une nouvelle fois les épaules en lançant un simple « Si tu veux. » et se mit en route, me tournant le dos. Je m'engageais rapidement à sa suite, et vint marcher à ses côtés.
Du coin de l'œil, je ne put m'empêcher de détailler à nouveau son visage. Son regard perdu dans le vide, ses mèches ébènes qui tombaient sur son front à chaque pas, son nez fin... Il dégageait quelque chose d'étrange. Tout son être semblait dire « Je suis différent, je ne suis pas comme vous ». Et c'était troublant, en réalité.

Le trajet se fit principalement en silence. De temps en temps, je tentais d'engager une conversation, qui se terminait bien rapidement devant le peu de discussion du noiraud. J'ignorais si c'était sa folie qui le rendait si silencieux, ou bien sa solitude dans laquelle on l'avait enfermé. Cette deuxième idée m'énervait. Que des gens, juste par peur et égoïsme aient laissé le caractère de Hyunjin se fissurer, ça m'insupportait. Personne, même ne le pire des criminels, ne mériterait ça, à mon sens. Et j'espérai sincèrement que le caractère du noiraud n'avait pas souffert du jugement stupide des autres.

Il s'arrêta finalement devant un petit immeuble banal, avant de se retourner doucement vers moi. Ces yeux se plantèrent une nouvelle fois dans les miens, et comme si il venait de se rappeler de ma présence, il demanda soudainement :

- Dis, tu t'appelles comment ? Tu ne me l'a pas dit, il me semble.

Je clignais un instant des yeux, étonné. C'est vrai, je ne lui avait pas dit. Mais par dessus tout, c'était la première fois qu'il s'intéressait à moi. Qu'il me posait une question sur mon identité, sur qui j'étais. Et inconsciemment, je savais que c'était un grand pas. Un réel début.

Un sourire vint prendre place sur mes lèvres sans que je puisse le refréner, et je répondis :

- Bangchan. Mais tu peux m'appeler Chan.

Il hocha la tête d'un air pensif, touchant son oreille du bout des doigts, comme pour montrer qu'il réfléchissait. Puis, au bout de quelques secondes, il rebaissa sa main, replongeant son regard profond dans le mien, et lâcha finalement :

- Qu'est ce que tu me veux ?

Je m'étais raidit. Imperceptiblement, mais j'avais sentit tous mes muscles se crisper à sa question qui sonnait affreusement froide, même prononcée d'une manière neutre.

Alors, dans une inspiration silencieuse, j'avais réfléchit à ce que je pouvais lui répondre. Et la réponse m'était alors apparue comme une évidence.

- J'aimerais devenir ton ami.

Un regard étonné. Un peu de détresse, peut être, et un sourire presque coupable apparaissait sur ses lèvres.

Mais un sourire tout de même.

____________oOo_____________

- Il paraît que t'as raccompagné le taré chez lui hier.

Je grognais, et reportais mon regard sur la ville qui s'étendait derrière la baie vitrée.

- Vraiment, Chan, arrête d'essayer de te rapprocher de lui. Ça ne t'apportera que du négatif.

- Occupe toi de tes affaires.

Changbin claqua sa langue contre son palais d'un air agacé. Ses mains se crispèrent autour du verre qu'il tenait entre ses doigts, et il reprit d'un ton presque agressif :

- Écoute, Lee Félix, l'élève mort il y a deux ans était le seul à traîner avec le taré, avant de mourir. Tu ne devrais pas faire comme lui, tu...

Il se coupa, et me regarda avec un drôle d'air tandis qu'un rire nerveux quittait mes lèvres. J'en avais assez d'entendre toujours la même rengaine, à chaque fois des histoires plus horribles dites sur le noiraud. Juste, qu'on lui foute la paix.

- Alors quoi ? raillais-je dans un rire faux. Tu vas me sortir que Hyunjin aurait tué son seul ami maintenant ?

- C'est pas ce que j'ai dit.

- Alors quoi, merde ?!

- Juste, c'est pas impossible.

Je serrai les points avec rage. J'en étais sûr.

- Ton Hyunjin là, il est fou, y a juste à le regarder pour le comprendre. Et je t'assure que ça ne m'étonnerait pas plus que ça qu'il y soit pour quelque chose dans le décès de Félix.

- Changbin, tait toi s'il te plaît...

- J'essaye juste de te protéger, Chan, il faut que tu le comprenne.

- Changbin...

- Hyunjin est mauvais. Il...

- Tait toi ! craquais je en aplatissant mes mains sur la table pour me relever brutalement. Je ne veux plus rien entendre sur lui, c'est clair ?! Alors si tu veux continuer de traîner avec moi, change de disque, sinon notre "amitié" tu peux te la foutre là où je pense !

Le noiraud qui me faisait face me regarda avec des gros yeux, l'air surpris. Ces lèvres s'entrouvrirent sans qu'aucun son n'en sorte, puis il parvint à articuler d'un air abéré :

- Chan... T'es sérieux là ?

- Oui, je suis sérieux, rétorquais je sèchement. Pourquoi, un problème ?

- On traîne ensemble depuis que t'es arrivé, merde, on est amis. Et tu voudrais tout foutre en l'air juste pour ce putain de taré ? Ce type que tu connais même pas ?

Je ne répondis pas tout de suite. C'est vrai, Changbin était mon ami. Il avait été là pour moi dès le début, alors que j'étais perdu dans ce nouvel établissement, ce nouveau pays. Il m'avait aidé à m'intégrer, à combler mes lacunes en coréen. Et moi, je voulais faire pareil pour Hyunjin. Je ne voulais pas perdre mon ami, mais je voulais m'en faire un autre. L'aider comme on m'avait aidé.

Je soupirais en me passant une main sur le visage, et répondit simplement d'un ton morne :

- Non Changbin, je veux pas tout foutre en l'air entre nous. Je veux juste rencontrer quelqu'un d'autre, comprend le s'il te plaît.

- Des gens à rencontrer, reprit t'il à son tour d'un air plus calme, t'en a des centaines dans ce lycée. Pourquoi lui ?

J'haussais légèrement un sourcil, ne comprenant pas sa question, et il reintéra en me regardant droit dans les yeux :

- Pourquoi Hyunjin ?

Je me tut. C'est vrai, pourquoi lui ? Il aurait été bien plus simple d'aller vers des gens normaux, au lieu de chercher à me rapprocher de quelqu'un toujours seul et repoussé. Alors pourquoi ?

Parce que si ce n'était pas lui, je n'aurai pas eu envie d'aller le voir.

Parce que l'écartement qu'il subissait me révoltait.

Et parce que, à mes yeux, sa différence était une beauté. Quelque chose de rare, qui lui donnait une dimension unique, presque fragile. 

Et j'avais envie de le protéger.

Changbin soupira face à mon silence, et reporta son attention sur le plat à peine entamé qui lui faisait face. Il indiqua le muret derrière la vitre sans me regarder, et lâcha simplement :

- Va le voir, si ça te tient tant à cœur. Je ne vais pas t'en empêcher.

Je clignais des yeux, légèrement surpris. Lui qui ne cessait de me rabâcher de l'éviter, il me disait maintenant d'aller lui parler ? Un petit sourire prit place sur mes lèvres. Petit, mais sincère.

Je savais qu'au fond mon ami espérait toujours que j'abandonnerai cette idée qu'il jugeait stupide, mais le voir faire cet effort de passer outre pour moi me réchauffait doucement le coeur.

Je me baissais et ramassais mon sac qui traînait par terre, puis lançais simplement en le hissant sur mon dos :

- À toute à l'heure, Changbin.

Il me répondit uniquement par un petit "Hm", toujours sans me regarder, et je rajoutais sincèrement :

- Merci.

Il feignit l'indifférence, haussant les épaules. Mon sourire s'agrandit légèrement face à sa réaction, et je quittait le self d'un pas rapide, me rapprochant du muret.

Hyunjin se retourna vers moi avant que j'arrive à son niveau. Et je ressentis un nouveau vent de liberté me traverser.

____________oOo_____________

- ... Les gens ne traînent pas avec moi, d'habitude.

- Je sais.

- Alors pourquoi t'es là ?

Je relevais le regard vers Hyunjin, interrompant mon sms. Le noiraud parlait de plus en plus. Un bon point, selon moi.

- Parce que j'ai envie de te connaître, et que je t'apprécie, rétorquais je simplement.

- Tu n'as pas peur du regard des autres ?

- Quel regard ?

- Ils me voient comme un psychopathe. C'est mal vu de rester avec moi.

Je me mordit la lèvre en regardant son visage. En prononçant ces mots, un air triste était apparu sur celui ci. Presque abattu, même. Cet air, je voulais le faire partir. Je voulais le voir sourire, le rendre heureux.

Je le regardais tristement, et lâchait d'un ton qui se voulait doux :

- Tu sais, ce que les gens disent sur moi, j'en ai rien a foutre. Ce qu'ils disent sur toi aussi. Ils sont stupides.

Hyunjin soupira tristement en détournant le regard. Ses yeux semblaient humides, et il se mordait doucement la lèvre, comme pour retenir ses larmes.

Et là, face à cet adolescent à deux doigts de pleurer, je me faisais la réflexion qu'il avait presque l'air normal. Qu'il avait juste l'air d'un lycéen parmi tant d'autres, qui serait blessé par le jugement porté sur lui. Pas d'un fou. Il n'avait pas l'air d'un fou.

Et ça faisait mal, de le voir comme ça. Oui, Hyunjin était différent. Oui, son comportement était parfois étrange. Mais il restait un humain. Un humain qui ressentait des sentiments, comme n'importe qui.

Je lui adressais un regard peiné, et hésitais légèrement à quoi lui dire, lorsqu'il brisa de lui même le silence, sans oser me regarder :

- Dis, Chan...

Chan. C'était la première fois qu'il m'appelait comme ça.

- Tu veux bien... m'aider à changer ?

Je lui adressais un regard surpris. L'aider à changer ?

Une nouvelle fois, je sentit mon coeur se serrer dans ma poitrine. Personne ne devrait avoir à changer qui il était juste pour satisfaire les autres. Je haïssait cette société qui mettait à l'écart ceux qui sont différents.

- ... Tu sais Hyunjin, commençais je doucement, à mon sens tu n'as pas à changer. Tu es très bien comme tu es.

- Non je...

Le noiraud commença à se tortiller les doigts, venant mordre sa lèvre inférieure. Ses jambes bougèrent légèrement, et il lâcha avec un mélange de détresse et de tristesse dans le regard :

- Je sais bien que je pourrais jamais être normal... Mais si je peux au moins être moins différent... Ce serait déjà ça.

Je soupirais légèrement. D'un petit saut, je descendais du muret, et vint me poster en face du noiraud. Je posais doucement mes mains sur ses genoux, le faisant se crisper instantanément. Son regard s'accrocha à nouveau au mien, presque timide, et je lançais en le regardant droit dans les yeux :

- Hyunjin, n'essaye pas de ressembler à tout le monde. Tu es comme tu es, alors aime toi comme ça.

Il détourna à nouveau le regard d'un air inconfortable, et je soupirais en retirant mes mains de ses genoux. D'un oeil triste, je venais à nouveau observer son visage. Ses traits si uniques m'apparaissaient plus beaux chaque jour. Son regard était magnifique. Étrange, mais profond et honnête. Je ne voulais pas le laisser être si morne. Je ne pouvais pas, le laisser comme ça.

Doucement, je commençais donc :

- Si pour que tu t'aimes, tu as besoin de "changer", je veux bien t'aider Jinnie. Mais garde en tête que tu es déjà très bien comme tu es.

Il me regarda d'un air surpris, et tenta après une brève hésitation :

- Jinnie...?

- Les amis se donnent des surnoms, la plupart du temps. C'est le tien.

Je lui souris, d'un sourire peut être un peu forcé mais honnête. Parce qu'honnête, je l'étais avec lui.

Et là, lorsqu'il me répondit par un sourire timide, je sentit mon cœur se réchauffer dans une douce chaleur, parce que, ce sourire, j'en étais la cause.

____________oOo_____________

Ce matin là, le nombre de regards sur le muret avait doublé. Les élèves murmuraient entre eux en observant le taré, puis rentraient dans l'établissement en le regardant gauchement, avant de passer à autre chose.

Comme les autres, j'ai porté mon attention sur le muret. Et comme les autres, j'ai vu quelque chose de différent sur Hyunjin. C'est bête, mais je n'ai pas tout de suite su quoi. Il dégageait juste quelque chose d'inhabituel, d'étrange.

Puis, tout en me rapprochant, j'ai réalisé. Ses cheveux qui auparavant abordaient une couleur ébène tombaient désormais doucement sur son front dans une teinte châtain. Et par dessus tout, il était tourné vers la foule. Il ne lui tournait pas le dos, comme d'habitude, mais faisait bien face aux regards portés sur lui. D'un air inconfortable, certes, mais il faisait face.

Je sentis une fierté naître en moi à cette vue. Je ne savais même pas si il y avait réellement une raison d'être fier, mais le fait qu'il n'aille plus se cacher me faisait sourire.

Rapidement, je le rejoignis prêt du muret. Son regard stressé sembla s'illuminer en me voyant, et il fit à son tour un pas vers moi, presque timidement. C'était le premier pas qu'il faisait vers moi de lui même.

- Salut, Jinnie, souriais-je

- Salut...

Je prenais le temps d'observer sa nouvelle couleur. Ses mèches qui ondulaient légèrement au gré du vent. Tout son visage semblait éclairé par le ton châtain de ses cheveux. Ça lui allait bien.

- C'est joli, ta teinture. Ça te va bien.

Il entremêla doucement ses doigts, et répondit simplement :

- Merci.

Je lui souris, sincèrement, et demandait avec une pointe de curiosité :

- Dis, Hyunjin, y a une raison spéciale pour laquelle t'as fait cette teinture ? Ou c'était juste une envie ?

- Je...

Le châtain qui me faisait face humidifia doucement ses lèvres, comme cherchant ses mots. Je lui laissait le temps de réfléchir, me contentant de l'observer en attendant, puis il finit simplement par dire :

- Je voulais marquer le changement... Je ne veux plus... Être juste le taré. Alors, cette couleur, c'est une manière de me rappeler mon choix, et de le montrer.

Je souris. Mon coeur se serra légèrement, mais je souris.

- Tu sais, pour moi, ça fait déjà longtemps que tu n'es plus "le taré", lançais je avec un petit sourire qui se voulait rassurant. Tu ne l'as jamais été, en fait.

Hyunjin eu un petit sourire timide, et il alla une nouvelle fois mordre sa lèvre inférieure. Doucement, sans oser me regarder, il répondit :

- T'es bien le seul, mais.... Merci.

Merci. Hyunjin m'avait remercié.

____________oOo_____________

- Arrête de l'appeler le taré.

- Hein ?

Changbin me regarda d'un air dubitatif, et je repris le plus sérieusement du monde :

- Hyunjin. Arrête de l'appeler le taré.

Le noiraud grogna légèrement en roulant les yeux, et je reprenais d'un ton plus autoritaire :

- En fait, non. J'exige que tu l'appelles par son prénom, Changbin.

____________oOo_____________

Je n'avais jamais réellement su dans quelle classe était Hyunjin, ni même si il était déjà allé en cours depuis le début de l'année. À chaque fois que je le voyais, il était sur le muret. À chaque fois que je regardais le muret, il était là. C'était à se demander s'il y avait même une raison de sa présence dans l'établissement.

Et pourtant, ce jour là, alors que ça allait faire un mois que je lui parlais, Changbin est venu me voir. Essoufflé, en tenue de sport, il est sortit du gymnase et m'a interpellé, alors que j'étais simplement assis dans la cours pour mon heure de pause. Curieux, je me suis levé. Je suis allé le voir. Et, d'un air affreusement indifférent, il a simplement lancé :

- Chan, y a le... y a Hyunjin qui fait une crise. Le prof n'arrive pas à le calmer.

Je me raidit, instantanément, tandis qu'il continuait :

- Ils vont devoir appeler ses parents. Mais avant, tu penses pouvoir le calmer ?

Moi ? Le calmer ? Je n'en savais rien. Ça avait beau faire plusieurs semaines que je traînais avec lui, je n'avais jamais eu à faire face à ce genre de situation. Une crise. Et même, qu'entendaient t'il par une crise ? Des types différents, il y en avait des tas. Alors non, je ne savais pas, je n'en savais rien.

Mais il y avait une chose que je savais. Je voulais aller le voir. Et au moins essayer de l'aider.
La seule pensée qu'il puisse être mal me faisait me sentir pas bien. Je devais être là pour lui.
J'adressais un regard plein de détresse à Changbin, et lâchais simplement :

- Il est où ?

Mon ami ne répondit pas tout de suite, semblant me jauger du regard un instant. Puis simplement, toujours avec cette indifférence irritante, il termina :

- Suis moi.

Il rentra à nouveau dans le gymnase, et je m'engageais rapidement à sa suite. Tous les regards curieux, moqueurs ou jugeurs posés sur moi ne m'atteignaient pas. À cet instant précis, il n'y avait plus que Hyunjin. Les pas du noiraud qui me guidaient jusqu'à lui, et Hyunjin.

Mon ami s'arrêta finalement devant la porte des vestiaires, et toqua à la porte. Peu de temps après, le professeur en sortit. Je le connaissais de vue, un homme de la quarantaine qui abordait toujours un air confiant de super héros. Toujours, sauf là. Là, il avait juste l'air désemparé, effrayé.

Son regard passa de Changbin à moi, puis il demanda en me regardant dans les yeux :

- Tu es l'ami de Hyunjin ?

J'hochais la tête comme seule réponse, déglutissant.

- Il fait une espèce de crise, je n'arrive pas à lui parler, ni même à l'approcher, je ne sais plus quoi faire. Changbin m'a dit que tu saurais le calmer. C'est vrai ?

J'échangeais un regard avec le noiraud. Et, d'une voix blanche, je répondis simplement en fixant toujours mon ami :

- Oui.

- Parfait, je reste là si tu as besoin de moi. N'insiste pas, si ça dégénère.

Je pouvais lire une teinte de peur dans sa voix. Comme si il avait, lui aussi, entendu parler des rumeurs sur le châtain, des histoires comme quoi il aurait tué sa soeur, ou cet élève à qui il parlait. Et là, je prit conscience que Hyunjin n'était pas seulement victime du jugement des élèves, mais aussi de celui des professeurs. Parce que même parmi eux, des rumeurs sur le jeune fou circulaient. Partout, toujours, à croire que la nature humaine était ainsi.

Je mettais mes pensées de côté, parce qu'il y avait plus urgent. Hyunjin.

Sans un autre regard pour le professeur, je rentrais dans les vestiaires, fermant la porte derrière moi. La lumière artificielle éclairait faiblement la pièce, comme si elle était illuminée par une ampoule en fin de vie.

D'un pas hésitant, je m'avançais davantage dans la petite salle. Je la balayais du regard, sans voir le châtain. Alors, doucement, je lançais à l'improviste :

- Hyunjin ?

Un sanglot étranglé me parvint. Comme une déchirure profonde, une plainte qu'on tentait de contenir, mais qui finissait par sortir malgré tout.

Je regardais dans la direction du bruit. Et là, je le vit enfin. Seul, recroquevillé sur lui même à même le sol, le corps secoué de tremblements incessants, sa poitrine se soulevant et se rebaissant à un rythme inquiétant. Trop rapide. Et trop court.

En le voyant dans cet état, je sentit mon cœur s'arrêter de battre un instant. Il semblait mal, si mal. La moindre de ses respirations semblait douloureuse, comme s'il peinait à inspirer assez d'air. La tête caché dans ses genoux, ses doigts appuyaient fort sur ses jambes, tellement qu'on aurait cru qu'il se les griffait jusqu'au sang.

La peur me gagna, et j'allais m'accroupir à ses côtés. De plus près, je pouvais voir des larmes glisser le long de ses joues pour venir mouiller son tee-shirt. Je ne savais pas quoi faire. Je voulais l'aider, mais je ne savais pas comment.

Il semblait enfermé dans une bulle, comme si le monde extérieur n'existait pas, qu'il n'y avait que lui et son mal être. Je n'étais même pas sûr qu'il m'ait vu.

Doucement, tentant de refréner l'appréhension qui grandissait en moi, je tentais pour attirer son attention :

- Hyunjin ? C'est moi, Chan.

Aucune réaction, si ce n'est un gémissement à peine audible et sa respiration qui s'accélérait davantage. Il se recroquevilla un peu plus sur lui même, enfouissant sa tête dans ses genoux.

Je me mordit la lèvre, désemparé. Merde. Je ne savais pas quoi faire pour l'aider. Et ça me foutait mal.

Doucement, suivant uniquement mon instinct, j'allais poser ma main dans son dos pour le caresser légèrement d'un geste qui se voulait réconfortant. Et, comme la première fois que je lui avait parlé, il se figea totalement. C'était à peine s'il respirait. J'avais l'impression d'être revenu des semaines en arrière, quand j'avais enfin osé m'approcher du muret.

L'inquiétude commençait sérieusement à me ronger. Je détestais ce sentiment d'impuissance qui se dégageait face à la situation.

- Hyunjin, c'est moi, c'est Chan... tentais je une nouvelle fois dans un murmure.

Et encore une fois, aucune réponse. Je commençais à désespérer, me disant que j'étais inutile finalement. J'ai cru qu'il m'ignorerait encore une fois, quand bien même il s'était rendu compte de ma présence.

Pourtant, lentement, d'un mouvement faible, il finit par relever la tête. Il releva ses yeux humides vers moi, ouvrit une première fois ses lèvres blessées, puis, comme la première fois, plongea son regard dans le mien.

J'étais pendu à ses lèvres. Je regardais son visage encore humide des larmes qui coulaient toujours par moment, le léger tremblement de sa mâchoire, ses cheveux en désordre... Et il lâcha finalement d'une voix blanche, presque dans un nouveau sanglot :

- C-Ce n'est pas de ma faute...

Juste après ces mots, il fondit en pleurs une nouvelle fois. Contre moi. Par automatisme, je passais mes bras autour de son corps pour le protéger. Mes mains caressaient doucement son dos d'un geste réconfortant, tandis que je lui murmurait simplement de se calmer, encore sous le choc.

Je crois que je ne réalisait encore pas bien ce qui venait de se passer. Le simple fait que Hyunjin était venu de lui même se blottir dans mes bras me semblait abusivement irréaliste. Lui qui ne cessait d'éviter les contacts physiques, qui m'avait très clairement fait comprendre qu'il n'aimait pas que je le touche, même pour une simple tape amicale, était actuellement en train de pleurer contre moi. Ça semblait totalement irréel.

Toujours la voix déchirée par les sanglots, une nouvelle plainte s'échappa de lui, presque inaudible :

- C'était un accident...

Je sentis ses larmes mouiller mon tee shirt qu'il serrait entre ses mains comme on s'accroche à la vie, attendant inconsciemment sa prochaine phrase.

Et elle ne tarda pas à venir, soufflée comme une déchirure profonde :

- Je n'ai pas tué Félix...

Je me figeais à mon tour, et me mordit la lèvre presque rageusement. Et voilà. C'était une de ces rumeurs stupides qui avait mis le châtain dans cet état. Une simple histoire ridicule qu'on raconte, encore une fois, toujours.

Mon coeur se serra dans une douleur insupportable en voyant Hyunjin pleurer ainsi, blotti contre moi, tremblant et le souffle court.

Évidemment, qu'il ne l'avait pas tué. Le châtain n'avait rien d'un tueur. C'était tellement facile de remettre la faute sur un "fou", tout simplement parce qu'il était différent.

Je sentis Hyunjin prendre une inspiration, et il continua d'une voix étranglée par la peine, désespérée :

- Je te jure Chan... C'est pas moi, je veux pas te faire du mal, ne...

Sa voix se brisa, et il parvint à articuler difficilement dans ce qui n'était plus qu'un souffle :

- S'il te plaît, ne m'abandonne pas toi aussi...

La peine me monta a la gorge, et j'allais immédiatement le serrer contre moi, plus fort encore.

- Je sais, lui murmurais-je à mon tour. Je sais que tu n'y es pour rien. Je ne te laisserais jamais, Hyunjin. Quoiqu'il arrive, je serais toujours là pour toi. Tu ne seras plus jamais seul.

Ses pleurs redoublèrent, mais il arrêta de trembler. Il se mit juste à lâcher toute sa tristesse dans ses larmes, sans tenter de se retenir, serré contre moi, dans mes bras.

Je n'avais pas envie de le lâcher. Je voulais juste l'étreindre encore et encore, le protéger du monde extérieur qui lui était si hostile, lui répéter combien, en si peu de temps, il était devenu important pour moi.

Je ne su pas après combien de minutes il cessa finalement de pleurer. Toujours est t'il que, au bout d'un moment, plus aucun sanglot se venait secouer son corps. Aucune larme ne venait s'échouer sur nos habits déjà humides.

J'avais réussit à le calmer. Il était calme, et pourtant il restait contre moi.

____________oOo_____________

Changbin détourna le regard d'un air coupable, fixant obstinément les voitures qui parcouraient la route derrière la fenêtre du café. Il s'humidifia légèrement les lèvres, puis lança sans oser me regarder :

- J'ai parlé à Hyunjin, tout à l'heure.

Je soupirais. Je m'en doutais.

- De quoi ?

- De Félix. De toi.

- C'est tout ? demandais-je en haussant un sourcil.

- C'est tout.

Le silence s'installa un instant. Long, pesant, plein de non dits. Je posais à mon tour mon regard sur la ville illuminée dans la nuit, contemplant les phares des voitures disparaître à chaque passage. Une lumière si éphémère.

Puis, sans détourner le regard, je lançais simplement :

- Quand je suis allé le voir, Hyunjin s'est mis à pleurer. Il m'a dit qu'il n'avait pas tué Félix, que c'était juste un accident. Et il m'a supplié de ne pas l'abandonner.

Le noiraud se mordit la lèvre, et reporta son attention sur sa boisson à peine entamée d'un air coupable.

- Désolé, souffla t'il simplement. Je ne pensais pas qu'il le prendrais comme ça.

- Tu lui sors que tu le soupçonne d'avoir tué son meilleur pote, d'être un assassin, tu veux qu'il le prenne comment ?

Changbin ne répondit pas tout de suite à mon accusation. Puis, honteusement, il finit par admettre :

- ... Tu as raison. Pardon.

Un sourire sans joie prit place sur mon visage. Mais au fond, j'étais heureux. Parce que, pour la première fois, mon ami s'excusait de son jugement envers Hyunjin.

____________oOo_____________

- T'es sûr que je peux ? demanda une énième fois le châtain alors que nous nous dirigions vers chez moi.

Je levais rapidement les yeux aux ciel. Ça m'agaçait, parfois, cette manie qu'il avait de ne jamais être sur de rien. De toujours avoir peur d'être en faute.

Mais je savais qu'il n'y pouvait rien. Qu'avec le harcèlement qu'il subissait, il s'était forgé certains traits de caractère angoissés, peureux.

Alors, je me contentais de lui sourire, et de lui répondre à nouveau :

- Oui, Jinnie, je suis sur. Je t'invite juste chez moi, tu sais, ça n'a rien d'exceptionnel.

Hyunjin se mit à fixer le sol, et marmonna comme pour lui même :

- Pour moi, si...

Je ressentis une petite pique au coeur à ces paroles. C'est vrai, lui, il n'avait pas du être souvent invité chez des amis. Qui sait, peut être que ce Félix l'avait déjà fait ? Je n'osais pas lui demander, le sujet du mort semblant réellement délicat.

Nous arrivions finalement devant la porte de mon appartement, et je sortis ma clé sous son regard. Il semblait analyser chacun de mes gestes, de mes mouvements même infimes.

Je passais outre. Et, doucement, finis par ouvrir la porte dans un petit grincement typique des vieux immeubles.

- Va y, rentre. Je suis désolé, j'ai eu l'idée de t'inviter un peu à l'improviste, donc c'est pas très bien rangé, lâchais-je dans un petit sourire.

- Merci.

Timidement, le châtain mit un pied à l'intérieur de mon appartement, avant d'entrer dans le salon qui donnait directement sur le pallier. Je souris doucement en le voyant regarder partout autour de lui, comme un enfant qui découvre le monde pour la première fois.

En silence, je le laissais détailler chaque recoin de mon appart, chaque petite décoration. Son regard finit par s'attarder sur un petit mur où était collées quelques photos. Il s'arrêta devant, et se mit à examiner chacun des clichés.

Je m'approchais de lui. Il était beau, ainsi concentré sur quelque chose. À vrai dire, je n'étais même pas sûr qu'il soit conscient de ma présence en cet instant. Il avait cette manie d'oublier tout ce qui l'entourait quand il se focalisait sur un point particulier.

Je m'arrêtais à ces côtes, et il tourna doucement la tête vers moi. Ses cheveux châtains tombaient doucement devant ses yeux dans un mouvement soyeux, souple.

Je lui souris, et il demanda :

- C'est qui, sur les photos ?

- C'est ma famille, et mes amis.

À mon tour, je reportais mon regard sur la petite dizaine de photos accrochées au mur, et souris en en pointant une.

- Là, c'est mes parents. Ils sont en Australie, actuellement.

Il ne répondit rien, mais je voyais bien qu'il était pendu à mes lèvres, et qu'il attendait que j'en dise plus. Alors, pointant une autre photo, je continuais :

- Là, c'est mon frère et ma soeur. Lucas et Hannah. Sur celle ci, c'est moi et mon ancien meilleur ami, Seungmin. Ici c'est mes amis d'Australie. Et ces deux là, tu les connais, c'est Jisung et Changbin.

Hyunjin posa un regard intéressé sur chacune des photos, puis demanda curieusement en se retournant vers moi :

- Est ce que j'apparaîtrais sur ce mur moi aussi, un jour ?

Je le regardais d'un air légèrement surpris, puis lui sourit doucement :

- Bien sur. Il faudra que je prenne une photo de nous, un de ces quatre.

Il hocha silencieusement la tête, et posa à nouveau son regard sur les photos. Ça me faisait bizarre de le savoir chez moi, bizarre de me dire que je passais désormais une grande partie de mon temps à ses côtés. Si on m'avait dit, en arrivant, que le jeune homme isolé assis sur ce muret viendrais chez moi, j'aurais sûrement rit. Et pourtant.

Je le vis déglutir, puis il lâcha simplement :

- T'es Australien ?

- Ouais.

- Félix venait d'Australie, lui aussi.

Un silence. Je me mis à observer Hyunjin sans rien dire, cherchant à connaître le fond de sa pensée. Mais aucune émotion n'apparaissait sur son visage neutre, rien qui aurait pu m'indiquer son état d'esprit.

De plus en plus, j'avais l'impression que ce Félix était un mystère qu'il fallait que j'élucide si je voulais pouvoir passer un nouveau cap dans ma relation avec Hyunjin comme avec Changbin. Une barrière qui l'empêchait d'aller plus loin.

J'avalais ma salive d'un air stressé, et demandais d'un ton incertain :

- Tu veux m'en parler ?

- De qui ?

- De Félix.

Nouveau silence. Et le châtain se retournait vers moi, interdit. Une lueur de tristesse passa dans son regard, et j'étais prêt à lui dire qu'il n'était pas obligé lorsqu'il commença calmement :

- Je l'ai rencontré dès ma première année de lycée. Quand le médecin m'a diagnostiqué "pas saint mentalement", tout le monde m'a tourné le dos. Mais pas lui. Au contraire, il a cherché à m'aider, comme toi.

Il s'interrompit, et se mordit doucement la lèvre comme pour empêcher les larmes de monter. Ses yeux s'humidifièrent néanmoins, et sa mâchoire se mit à trembler légèrement. Puis, dans un souffle douloureux presque inaudible, il lança :

- Tu sais, Chan, Changbin n'a pas totalement tort quand il dit que je l'ai tué.

Je me raidit. Que voulait t'il dire par là ? Le regard posé sur son air coupable et triste, j'attendais avec appréhension la suite.

- Je faisais une crise, quand y a eu l'accident, finit par dire le châtain tandis qu'une larme solitaire roulait doucement sur sa joue. Il essayait de m'aider, et je ne faisais même plus attention à sa présence. Peut être que si j'avais focalisé mon attention sur autre chose que sur moi, j'aurai pu voir cette voiture dévier de sa trajectoire, sortir de la route. Peut être que j'aurai pu le sauver. C'était de ma faute, Chan, si il était là.

Les larmes qu'il avait tenté de retenir coulaient désormais sur ces joues silencieusement, et il tordait de nouveau ses doigts en se mordant bien trop fort la lèvre. Mon coeur se serra. Voir la peine se refléter ainsi sur son visage me nouait la gorge.

Car au final, ce n'était qu'un accident. Un accident où on aurait pu remettre la faute sur le conducteur qui n'avait pas suivi la route, sur ce Félix, qui n'avait pas fait attention à ce qui l'entourait. Mais c'était tellement plus facile de tout mettre sur le dos d'une personne comme Hyunjin. Trop facile.

Instinctivement, je vint le prendre dans mes bras. Je ne savais pas trop comment il allait réagir, n'ayant pas re eu de contacts physiques de la sorte avec lui depuis sa crise, il y a deux semaines. J'avais juste besoin de l'étreindre, pour qu'il cesse de culpabiliser pour quelque chose dont il n'était pas fautif.

Il se crispa légèrement au début, puis petit à petit son corps se détendit dans mes bras. Il posa de lui même sa tête sur mon épaule, ses cheveux allant caresser doucement mon cou, et laissa échapper un petit soupire abattu.

J'ai pris conscience d'une chose, à ce moment là, alors que le temps semblait arrêté autour de nous, qu'il n'y avait plus que lui et moi. J'aimais l'avoir contre moi. J'aimais sentir son corps se détendre dans mon étreinte, sentir ses cheveux chatouiller ma nuque, son souffle contre ma peau.

C'était comme si j'existais enfin. Avec lui, je me sentais vivant, utile, j'avais enfin une importance même infime.

J'ai caressé son dos. Et lui ai simplement murmuré, avec toute la douceur dont j'étais capable :

- Ce n'est pas ta faute.

Il n'a rien répondu. Il est resté contre moi un moment, puis a relevé timidement le regard. Ses cheveux venaient doucement s'échouer sur son front, cachant légèrement ses yeux encore humides. Il était juste magnifique.

Si seulement il savait à quel point j'avais eu envie de l'embrasser à ce moment là.

____________oOo_____________

Cinq mois. Cinq mois, jour pour jour, que le châtain était entré dans ma vie. Le regard des autres sur lui n'avait presque pas changé. En revanche, ceux sur moi étaient différents. Certains me disaient fous pour oser traîner avec le taré, d'autres allaient me voir et chuchotaient comme craignant d'être surpris pas un tueur en série que je devais me méfier de lui, qu'il finirait par me tuer moi aussi, que j'étais trop gentil. Ces jugements là, je ne les écoutaient pas. Ils ne n'importaient pas le moins du monde.

Et pourtant, au milieu de tous ces regards, il y en avait des attendris. Reconnaissants, peut être, voir admirateurs. Comme si ces gens là éprouvaient de la peine pour Hyunjin, et qu'ils étaient heureux qu'il ai enfin trouvé quelqu'un pour le sortir de sa solitude. J'espérai sincèrement que ce soit vrai. Peut être que d'une certaine manière, ça me redonnait un peu foi en l'humanité.

J'avais beaucoup parlé avec Changbin. Par rapport à Félix, à ce que m'avait dit le châtain. Il ne m'as jamais dit si oui ou non il me croyais, mais il a arrêté de dire du mal de Hyunjin. Si sa désapprobation se faisait tout de même parfois sentir dans son comportement, il ne disait rien. Et j'en était reconnaissant.

Honnêtement, je n'aurai jamais cru que le garçon du muret prendrai autant d'importance dans ma vie. J'aimais son sourire, si doux, son rire, dont j'étais directement tombé amoureux dès la première fois que je l'avais entendu. Ses yeux qui, parfois, devenaient rieurs, sa voix qui fredonnait toujours la même mélodie, comme remis en boucle dans un disque. Je lui ai demandé un jour, ce que c'était. Il m'a dit que son père lui la chantait souvent, avant de mourir, mais qu'il avait complètement oublié les paroles. Alors il ne restait plus que l'air. Quelques notes éparses, qui formaient une douce musique qui s'évanouissait dans le vent. Une mélodie magnifique, à mon sens.

À vrai dire, j'avais finis par me rendre compte que tout ce qui venait du châtain était beau à mes yeux. C'en était presque effrayant. Chaque mot qu'il prononçait, chaque expression qui venait changer son visage m'apparaissait d'une rareté unique. Tant et si bien, que j'avais bien vite été contraint de cesser de nier la réalité. J'aimais Hyunjin. J'aimais la moindre de ses facettes, le moindre de ses défauts engendrés par sa maladie mentale. Pour moi, ce n'était que des éléments supplémentaires qui faisaient qu'il était lui, qu'il était unique. Qu'importe si il n'écoutait pas toujours ce qu'on disait, qu'importe si ses réactions pouvaient parfois paraître déroutantes. Je l'aimais de a à z. Pour tout ce qu'il était.

Mais malgré mes sentiments, je refusait de laisser paraître quoi que ce soit. Peut être pour ne pas l'effrayer, lui qui semblait parfois tant angoissé par le monde extérieur. Pour ne pas risquer de gâcher cette relation construite malgré les jugements des autres, allant à l'encontre de tout. Si il devait se passer quelque chose entre nous, ce serait à lui de faire le premier pas. Je me l'étais promis.

Et en même temps, je m'étais résolu à ce que notre relation reste au stade d'une simple amitié. Je n'étais pas dupe, jamais il ne viendrai de lui même vers moi dans un but amoureux. Il était bien trop perdu dans les rapports humains pour penser à ça. J'en étais presque persuadé.

Et pourtant... Ce jour là, c'est lui qui m'a proposé d'aller chez lui. Il est venu me voir alors que je parlais avec Changbin, affrontant avec indifférence le regard lourd de sous entendus que celui ci lui portait. C'était la première fois, qu'il venait me voir quand je n'étais pas seul. C'était aussi la première fois qu'il me proposait de rentrer un peu dans son univers.

Évidemment, j'ai accepté. J'ai salué le noiraud, et ai suivi le châtain vers son appartement. Sur la route, il a simplement tourné la tête vers moi, puis murmuré :

- Changbin ne m'aime pas.

- T'occu-

- C'est normal, m'a t'il coupé. Il était ami avec Félix. Et il pense que je l'ai tué.

J'aurai aimé lui répondre que c'était faux. Que plus personne ne pensais cette absurdité sans nom, pas même mon ami. Mais ce serait mentir.

Alors a la place, je me suis simplement contenté de ne rien répondre. Presque timidement, ma main et venue saisir la sienne pour a serrer doucement dans une étreinte qui se voulait rassurante. Il n'a pas protesté. Il a juste à nouveau plongé son regard dans le mien un instant, avant de le reporter sur la route qui lui faisait face. Une douce chaleur a alors réchauffé mon coeur, et j'ai souris. Hyunjin acceptait que je lui tienne la main. Ça semblait si irréel, d'un certain côté.

Après, je ne me souviens plus bien. On est rentrés dans son appartement. J'ai demandé pourquoi il n'y avait personne, il m'a dit que son père était mort et que sa mère faisait tout pour l'éviter depuis que sa défaillance mentale avait été révélée au grand jour. J'ai trouvé ça atroce. Comme pouvait t'on fuir son propre fils pour quelque chose qu'il ne contrôle pas ? Le laisser dans la solitude alors que plus que jamais, on sait qu'il a besoin d'aide ? Elle aurait dû être à ses côtes. Elle devrait être à ses côtés.

Mais une nouvelle fois, je n'ai rien dit. Parce que tout ça, Hyunjin le savait déjà bien mieux que moi. C'était lui qui vivait cette injustice chaque jour. C'était lui qui souffrait de l'abandon de sa propre mère. Alors moi, je n'avais rien à dire.

Ce soir là, on a beaucoup parlé. Il m'a raconté des choses que je aurai jamais cru savoir un jour, presque sans me regarder ne serais ce qu'un instant. Il n'était pas comme d'habitude. Peut être étais ce dans son regard triste mais à la fois résigné. Dans la manière qu'il avait de fixer le soleil se faire engloutir par la ville, qui s'illuminait finalement dans une vague de lumière artificielle.

Jamais, au grand jamais il ne c'était confié à moi de la sorte. Il ne pleurait pas, et chacune de ses phrases semblait réfléchie. Comme si, d'un coup, il avait gagné en sagesse.

Je l'ai écouté avec attention. Ils étaient rares, les moments où il parlait ainsi. Habituellement, c'était plutôt moi qui dirigeait les conversations. Alors le voir, là, vider son sac avec un calme étrange, ça avait une dimension irréelle.

C'est après vingt deux heures qu'il m'a alors confié qu'il n'en pouvais plus du regard des autres. Qu'il se sentait opprimé, coincé dans la case du fou dangereux. Et qu'il ne supportait plus cela.

Mon coeur s'est serré, et je me suis levé. Je me suis approché doucement de lui jusqu'à me retrouver à son niveau, séparés par une infime distance.

De moi même, j'ai planté mon regard dans le sien, l'accrochant à ses yeux noirs indescriptibles. Et, lentement, sans réfléchir plus que ça, j'ai lancé :

- Et si on partait ?

Son air s'est fait interrogateur. Il a haussé un sourcil, comme pour m'inciter à continuer, et il ne m'en a pas fallu plus pour reprendre :

- Si les gens te regardent ici, c'est parce qu'ils ne savent pas qui tu es. Ils savent uniquement que tu as des problèmes mentaux, et ils ne voient pas le vrai Hyunjin, celui que je connais. À un autre endroit, ils ne le sauront pas. Ils te regarderont comme ils regardent n'importe qui, et tu pourras repartir à zéro. Fonder le toi que tu veux être.

À mes mots, un doux sourire a pris place sur ses lèvres. Tendre, reconnaissant. La suite est passée si vite pour moi. Il s'est rapproché davantage, ne laissant qu'un minuscule espace entre nous, et a posé ses mains sur mes joues.

J'étais totalement pendu à ses lèvres. Je sentais son souffle chaud s'échouer sur mon visage, je voyais son regard profond accroché le mien, je pouvais entendre chacune de ses respirations...

Puis, au bout d'un moment, il a enfin parlé. Il ne m'a pas sortit de ma transe comme je m'y attendais, il nous a juste enfermés davantage dans une bulle, notre monde à nous où rien ni personne ne pouvait venir nous déranger.

- Je t'aime.

Deux mots. Deux simples petits mots mis côte à côte, quelques syllabes raccrochées les unes aux autres, et je ressentis une chaleur agréable se propager dans tout mon corps.

L'espace d'un instant, j'ai voulu demander comment. Savoir si cette petite phrase était bien prononcée dans le sens où le je l'entendais, où si j'interprétais seulement mal ce qu'il avait voulu dire. Mais sa main venant caresser doucement ma joue me fit taire. Il se mordit timidement la lèvre, et vint se coller totalement à moi.

La seconde d'hésitation passée, je venais à mon tour entourer son corps de mes bras, le coeur tambourinant dans ma poitrine. J'aurai pu rester des heures comme ça. Sans bouger, juste avec le châtain contre moi. Seulement, s'il n'avait pas relevé la tête. Son regard s'est planté dans le mien encore une fois. Si magnifique.

Et, doucement, presque naturellement, je venais déposer mes lèvres contre les siennes, dans une douce caresse pleine de tendresse.

____________oOo_____________

- Je ne serais pas là, le mois prochain.

- Hein ? Pourquoi ?

Lentement, je tourne la tête vers Changbin. Un petit sourire prend place sur mes lèvres, et je lance simplement :

- Je pars avec Hyunjin.

- Où ?

- Je sais pas. Loin.

____________oOo_____________

Hyunjin avait un regard différent. Déroutant, profond. On avait l'impression qu'il ne voyait pas le monde comme nous. Que les couleurs qu'il lui attribuaient étaient différentes.

Parfois, il décrochait totalement de la réalité, et c'était alors comme s'il ne voyait plus ce qui l'entourait. On avait beau lui parler, il fallait s'y reprendre à plusieurs fois pour qu'il nous écoute enfin réellement. Qu'il sorte de son univers imaginaire.

Il avait des attitudes souvent incohérentes. Prévoir ses réactions était totalement impossible, et il m'arrivait de me demander ce qui lui passait par la tête. Rien, dans son expression, ses mots, ne laissaient paraître quoi que ce soit de ses pensées.

Il ne parlait pas beaucoup. Rarement, même. Les discussions étaient souvent courtes, simples, juste composées de l'essentiel.

Il lui arrivait de fredonner la chanson de son père de temps en temps, sans raison apparente. Juste comme ça, parce que ça sortait tout seul.

Il était dur à aborder, solitaire, peu démonstratif, silencieux ; différent.

Mais par dessus tout, il était unique. Une perle rare qu'on accablait de tous les défauts du monde sans voir la beauté de ceux ci.

Je l'aimais. Plus que tout, je voulais le protéger. Je crois qu'il m'aimait aussi.

C'est ce qu'il disait, du moins, quand je le prenais dans mes bras.

Assis dans le bus qui nous emmène loin de tout, je pose délicatement ma tête sur son épaule, alors qu'il fixe le paysage. Il tourne légèrement la tête vers moi, faisant bouger ses cheveux chatains, puis reporte son attention sur la nuit qui tombe sans plus me prêter attention. Je souris.

Et, lentement, ferme les yeux pour sombrer dans un sommeil plein de rêves d'un monde meilleur, sans jugements imbéciles.

-FIN-

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