Personne n'apprécie la solitude.  Ce qu'on aime, c'est l'absence de méchanceté envers soi-même.

Ambre

Je mange rapidement,  à l'affût du moindre mouvement.  Hier,  il était de bonne humeur, il ne m'a presque pas regardé. Je ne sais pas ce qu'il en est d'aujourd'hui alors je préfère ne pas le croiser.
Je sursaute lorsque je sens du mouvement dans la pièce.  Un regard derrière me fait comprendre que c'est Bel qui s'amuse avec un stylo.
J'entends alors un râle qui me fait relever la tête.

- Putain mais qu'est ce qu'elle fout là encore  !!!

Je me précipite vers la boule de poil et la prends dans mes bras lui évitant de justesse un coup de pied.

- Je te l'ai répété un million de fois ! Éloigne cette bête de ma vue et de mes affaires !

‐ Je suis désolée,  je ferais plus attention.

Je murmure ne voulant pas le mettre en colère.

Il me reluque simplement puis se retourne pour partir en grognant des choses incompréhensibles.
Je soupire une fois que la porte d'entrée claque.

C'est comme ça depuis....depuis si longtemps que je ne saurais le dire.
Je laisse le chat s'échapper de mes bras pour aller s'installer sur le canapé quelques mètres plus loin.
Il hait les chats,  j'ai peur quil lui fasse du mal un jour.
L'avoir vu m'a fait perdre l'appétit.  Je range mon assiette et vais m'installer près de mon seul compagnon en fixant mon reflet sur l'écran de la télé.
Je ne ressemble plus à rien.  Je ne reconnais plus mes traits. Ces lèvres gercées sur cette peau bleutée ne m'appartiennent pas. Ce n'est pas moi ce regard vide d'émotions et ces larmes qui brûlent l'épiderme..

Un poids sur mes genoux attire mon attention.  J'essuie les larmes qui ont coulé et caresse doucement mon petit chat.

- Ne t'inquiète pas Bel, je vais bien.

Il miaule et vient se frotter contre mon ventre
Je suis fatiguée.

Mon regard se porte automatiquement sur l'horloge quand j'ouvre les yeux.
Quatre heures.... je n'ai pas souvenir de m'être endormie. Je me redresse difficilement en gémissant d'inconfort.
Je traîne des pas jusqu'à la cuisine mais me stoppe soudain prise d'un mal de tête .
Quatre heures, on est Samedi.  Et Loan accueille toujours ses amis les Samedis.
Je laisse échapper un sanglot de désespoir en inspectant l'appartement.
Mon Dieu, je ne vais pas avoir le temps de tout ranger et ensuite cuisiner ... Comment ai-je pu dormir autant merde !

J'accours chercher le balai et me met au ménage. Bel me regarde curieusement courir dans tous les sens.
Je ramasse tout ce qui traîne parterre et jette les canettes vides qui trônaient sur la table basse.
Je passe le balai dans un coup de vent et vais m'affairer à la cuisine.  J'espère finir avant son retour même si je sais que c'est peine perdue.
Je fouille les placards et décide de simplement faire des pâtes.
Au moment où je met l'eau à boullir le bruit de la serrure me fait paniquer
Non, c'est pas vrai...
Je cherche Bel des yeux et soupire de soulagement en le voyant sur le plan de travail.

- Bébé !... T'es où  ?

Je sens déjà mes mains trembler

- J'arrive !

Je sors de la cuisine , manquant de lui rentrer dedans

- Tu es tout le temps dans cette cuisine,  t'en as pas marre  ?

C'est parce que c'est le seul endroit où tu ne risques pas de t'en prendre à moi

Il n'attend pas ma réponse et me caresse la joue,  d'une tendresse venimeuse. Je retiens de justesse un mouvement de recul.
Je sens sa rude main effleurer ma joue, titiller le bleu sur ma pommette et finir son trajet sur mes lèvres.

- Tu as peur ?

Je tremble tellement que mes jambes risquent de lâcher, je ravale les larmes qui menacent de couler et tente de sourire

- Non...

- Ah oui ? Pourtant tu pues ça,  la peur

- S'il te plaît...

Je le supplie sans même savoir pourquoi. Je veux juste qu'il me laisse. Je n'ose pas imaginer ce qu'il pourrait me faire là,  si l'envie lui prends, je ne sais pas pourquoi je ressens ce devoir de m'humilier ainsi,  de toujours le supplier pour ne pas l'irriter

- N'aie pas peur ma jolie Ambre, hm ? Je ne te ferai jamais de mal moi, tu le sais n'est ce pas  ?

J'hoche la tête, mon sourire plus crispé que jamais

- Je t'aime

Ces trois mots sonnent comme une fatalité à mes oreilles

-  Moi aussi

Je lui réponds dans un souffle,  juste pour le satisfaire
Il me sourit puis vient chuchoter à mes oreilles

- Dans ce cas, tu pourrais me ramener 300 ce soir ? Tu sais, j'en ai vraiment besoin...

Je sens l'horreur arriver

- Mais...

- Allez fais un effort...et puis t'es jolie, tu devrais t'en servir

Je sers les dents me retenant de répondre
Un de ses amis arrive derrière le faisant retourner.  Je l'entends me demander des bières avant qu'il ne disparaisse de mon champs de vision.
Il me faut quelques secondes avant de me retrouver.  Les larmes coulent sur mes joues sans que je puisse les arrêter.
Où veut il que je trouve tout ce argent avec les misérables pourboires qu'on me donne ?
Pourquoi faut-il toujours qu'il m'empoisonne la vie ?

Nnieje