J'observe, depuis un coin de son bureau, mon propriétaire me chercher. Voilà un jour déjà qu'il me cherche à en retourner ses affaires, faisant de sa chambre la caverne d'Ali-Baba. Il me cherche moi, petite gomme blanche âgée d'un an, marquée par un usage intensif à cause de ses heures de travail acharné. En un an, j'ai déjà rétrécie de moitié et pourtant, c'est toujours moi qu'il utilise. Ce n'est pas qu'il appuie pour effacer ses traits car ils sont toujours fin et légers. Non, c'est la quantité de travail qu'il fournit.

   Mais il y a vingt-quatre heures, il m'a laissé sur son bureau au lieu de me remettre dans la trousse. Sans remarquer ma disparition, il avait alors entassé montagne de papier au dessus de moi, oubliant que je me trouvais ici. Au bout d'un jour, il abandonna et s'acheta une nouvelle gomme mais sans la traiter comme moi. Certes elle était neuve, plus grande et fine, mais il n'en voulait visiblement pas. Je le voyais forcer pour effacer le moindre petit trait, aussi léger soit-il et râler lorsque cette nouvelle étalait le crayon plus qu'elle ne le gommait en laissant d'immondes traces noires sur son passage. Cela le mettait généralement en colère et la gomme neuve apprenait à voler à travers la pièce.

   Mon propriétaire en eût vite assez et délaissa son travail quelques temps pour un rangement intensif de la chambre.

   Au bout de quelques heures, il me retrouve enfin, heureux et promettant de faire quelque chose pour ne jamais plus me perdre. Il trouve donc un petit sachet transparent à travers lequel les copeaux de crayons et autres saletés se trouvant dans la trousse ne peuvent m'atteindre. Je reprends alors mon quotidien et toujours, une fois mon travail et donc son projet terminé, il me remet délicatement dans le sachet puis me glisse dans la trousse, trouvant que j'ai fais du bon travail.

La qualité et la nouveauté sont un luxe mais jusqu'à quel point est il serviable ? Bien des choses usées ont meilleure utilité qu'un objet neuf qui n'a que pour seul attrait la beauté.