Sortie de l'ombre
La pluie s'est remise à tomber. Diane est restée à attendre près de l'entrée de l'ascenseur, mais elle s'impatiente. Phil a déjà appelé deux fois depuis qu'elle a reçu le message d'avertissement, mais Diane n'a pas décroché. Pire, elle a mis son intra sous silence.
Elle ne veut pas impliquer son équipe et encore moins alerter le département de police sur ses activités dans la Ruche.
Diane sait quand il faut suivre la loi, et quand il est nécessaire de la contourner.
En outre, elle ne peut pas s'empêcher de penser que son département est vérolé par l'activité d'un mouchard vendu à la solde de personnes influentes du conseil. Les révélations de son mystérieux contact dans l'alterné, l'intiment à plus de prudence. Et puis, il y a ce message, cette mise en garde.
Diane consulte son holo.
Cela fait plus d'une demi-heure qu'elle attend sans vraiment pouvoir se mettre à l'abri de la pluie et sa gorge commence à gratter.
Tu vas te choper une crève. Avec ce temps de chien et ton blouson trempé, te voilà bonne pour un nez qui coule et des quintes de toux.
Il fait presque nuit et ce quartier n'est plus alimenté par le réseau de lumière de la ruche depuis l'incendie. Seul le halo bleuté du ruban énergétique mis en place par la police permet d'y voir un peu dans cette obscurité oppressante. Diane fixe l'horizon. C'est peut-être idiot, mais elle a l'impression que cette attente active, va accélérer le temps. Un travers de plus dans une longue liste qui définit la personnalité contrastée et complexe de Diane Shalk.
Mais elle n'a pas à rester trop longtemps dans cette posture.
Elle remarque la lueur d'une lampe qui flashe une fraction de seconde à environ cinq mètres en amont du périmètre de sécurité.
Son sang ne fait qu'un tour.
Sans hésiter une seconde, elle rejoint en catimini l'escalier en ruine, puis se hisse à l'étage supérieur.
Une fois positionnée en hauteur elle s'allonge sur le sol et pointe son faisceau thermique en direction de l'endroit où elle a aperçu le flash lumineux. Bien sûr, cela peut être de simples badauds, mais son instinct lui dicte de rester prudente. Un bref coup d'œil sur son écran holo lui indique qu'un groupe de cinq personnes se dirige vers elle.
Ils sont armés de fusil d'assaut.
Merde ! Ça sent pas bon.
C'est mauvais Diane, lui souffle Cassandre. Ces types-là n'ont pas l'air de petites frappes mafieuses de la ruche. Reste planquée et ne bouge surtout pas.
Les cinq hommes s'arrêtent devant le ruban lumineux puis l'enjambent en silence. Ils progressent en formation, et communiquent par des signes de la main. Son inquiétude monte d'un cran. Ces gars-là sont des pros.
Diane réalise alors la vulnérabilité de sa position. Perchée en haut de l'escalier, elle n'a aucune échappatoire et sait qu'une confrontation directe avec ces types ne peut avoir qu'une issue fatale.
Le groupe s'approche de la porte, désormais à moins de trois mètres de sa position. Elle active son camo thermique via son holodeck ; puis, sans faire un bruit, elle un sort un respirateur à fluide de sa ceinture. Camo ou pas ; elle sait que sa respiration la trahira à la moindre exhalation.
Sans faire de bruit, elle applique avec précaution le masque de façon à ce qu'il couvre sa bouche et son nez.
Vraiment dégueulasse, pense-t-elle alors que le liquide pénètre dans ses poumons.
Elle observe en silence le groupe réuni près de la porte d'entrée du building. Tous sont vêtus de la même combinaison. Un équipement de type militaire, une protection ventrale et dorsale, un casque, des scans thermiques et fusils d'assaut.
Ceux qui m'en veulent ont vraiment une haute estime de moi. Cinq hommes surarmés pour une femme seule.
Un des hommes, celui qui lui semble le plus petit, s'avance et balaye l'édifice avec le scanner. Les autres restent en retrait.
Lorsque le faisceau se dirige sur elle, Diane ferme les yeux et se crispe. Ce moment lui parait durer une éternité et elle prie pour que son camo fonctionne.
Lorsque le petit revint vers sa meute, elle se sent enfin soulagée et se remet à les observer.
Bien, pense-t-elle, je n'ai aucun camo Gamma, s'ils font un scan gamma je suis cuite.
Le plus petit du groupe rompt le silence.
— Rien, aucune trace, on a du la faire fuir. Ou alors on l'a prévenu. Sa voix est étouffée par le casque qu'il portait.
— Ou alors elle s'est planquée, répond le plus grand, de la bande.
— Oui, tout ça parce qu'un idiot a oublié d'activer son scan avant de venir. Elle a très bien pu te voir activer ton matériel, on était pas si loin et il fait sombre gros malin. Du coup elle s'est barrée en vitesse. Il s'est adressé au plus petit.
C'est ce que t'aurais dû faire oui, si tu n'avais pas été curieuse Diane.
— Ne commence pas à me chercher, je ne suis pas d'humeur. C'est peu probable qu'elle m'ait vu, et ce n'est certainement pas l'activation de mon scan qui aurait pu trahir notre position !
— Dis ce que tu veux, Nath, Moi je m'en fou, mais je n'oublierai pas de le mentionner dans le rapport. Le boss ne va pas être content et ta paie en prendra un coup !
Bien, Diane, on a donc affaire à une bande de mercenaires...
— Et puis aussi, ajoute le plus grande de la bande, elle n'est pas visible au scan, ça ne veut pas dire qu'elle est partie. Ça se trouve, elle nous observe, en ce moment même.
Celui-là parait intelligent, il faut s'en méfier.
Le plus petit, que les autres appellent Nath, a un petit rire méprisant.
— Quoi tu veux dire qu'ils ont des camos thermiques dans la police ?
Celui-là l'est un peu moins, certainement le maillon faible.
Les quatre autres se mettent à rire de lui.
— Heureusement que tu sais tirer, sinon je te prendrais pas avec nous, reprend le plus grand.
— Ok, ça va, j'ai compris ; tu suggères quoi au juste ? Je peux retourner au fourgon récupérer un scan Gamma si tu veux.
— Non assez perdu de temps, on passe à la suite. On ouvre la cabine, on nettoie le bourbier et on file. La fille c'était le bonus.
— Un bonus de dix milles monds quand même ! Proteste un des mercenaires qui est resté silencieux.
Dix milles ! Ta vie ne vaut pas grand-chose Diane...
— Pas le temps, si jamais on l'a prévenu, il faut s'attendre à voir se pointer des renforts.
— Et alors, on les dessoude répond Nathan en levant son fusil d'assaut
— Bonjour la discrétion. Et je ne suis pas un boucher, je ne tire qu'en cas de nécessité. Ce que tu devrais faire aussi. Sérieux, ils n'ont pas détecté un problème chez toi à l'école ? T'a dû faire partie du Quota de tarés que l'IA autorise à rester parmi nous.
Les autres mercenaires rient à nouveau.
— Allez ! pas le temps de trainer. On va ouvrir la boite à Sardine, Pat prend la torche et commence à découper. On ira nettoyer le labo à quatre.
Un laboratoire ! J'avais donc bien raison.
— Nathan, toi, tu fais le guet et tu nous préviens en cas de pépin. Et ne tire pas sauf en cas de danger compris ?
Il grogne, mais fini par se poster précisément à l'endroit ou Diane se tenait quelques minutes avant.
Le reste du groupe suit le dénommé Pat et se dirigent vers la cabine d'ascenseur.
Diane tente d'analyser ses options. Que va-t-elle faire ? Attendre ? C'est envisageable, mais elle risque manquer la piste si jamais les mercenaires nettoient le laboratoire.
Un bruit assourdissant retentit dans l'édifice, Pat a commencé à découper la cabine.
Diane passe en revue les scénarios possibles.
De là où elle se trouve, elle a une vue directe sur Nath, le petit teigneux. Aucun visuel en revanche sur reste du groupe, affairé à découper l'ascenseur, ce qui dans d'autres circonstances aurait justement fait son affaire.
Les actions sont limitées. Elle peut passer derrière le petit, le neutraliser et se diriger en silence près du groupe, profitant du vacarme ou tout simplement en entrant dans le laboratoire après eux.
C'est une solution tout à fait possible, si on met de côté que sa cible est un mercenaire surentrainé et taillé dans un bois bien plus épais qu'elle. Même si Diane est dans son dos et qu'elle sait très bien se battre, les risques encourus restent élevés. De dire qu'on va juste lui tordre le cou — crac — d'un coup sec est une chose, de le faire en est une autre. Elle n'est pas dans un film ou un e-dream d'action ou tout semble couler de source.
Et puis dans l'hypothèse où elle réussirait son coup. Il reste tout de même les quatre autres. Les neutraliser, c'est impossible, et organisés comme ils sont, les suivre sans se faire repérer est un véritable challenge.
Mais si elle reste... les preuves qu'elle est venue chercher partiront en fumée. Et c'est bien plus insupportable que la peur du danger.
Pas le choix Diane. Il faut y aller. Tue le petit, tu lui dévisses la tête hop. Tu prends son fusil, et après... tu improvises.
Espèce de folle ! s'entend-elle crier à Cassandre, et puis elle se laisse tomber de son abri.
Rien de se passe comme Diane l'a imaginé.
À peine a-t-elle atterri que le petit teigneux se retourne, alerté par le bruit.
Il reste figé un court moment, mais passée la surprise, il la met en joug avec son fusil.
Diane réagit dans l'instant. Il y a à peine deux mètres qui les séparent et elle plonge vers lui, le saisissant à la volée au niveau des mollets.
Surpris de l'assaut, il tombe à la renverse, mais lui assène un violent coup de crosse dans sa chute.
Le coup l'atteint à la clavicule et une vive douleur irradie dans son épaule. Diane hurle.
Ils roulent un court moment vers le périmètre de sécurité. Nath se relève le premier, et pointe de nouveau son arme vers Diane, à bout portant cette fois. Malgré la douleur elle parvint à pousser l'arme d'un revers de main avant que le coup ne parte. Le fusil émet juste un léger, bruit, assourdi par le silencieux. Diane sent le souffle de la balle lui frôler la joue. Le bruit de la découpe a certainement couvert le tir, mais combien de temps avant que les autres mercenaires ne soient alertés ? Diane sait qu'elle ne pourra pas rester longtemps dans cette situation.
Putain t'es dans la merde, ça se trouve il alerte ses potes par son intra ce bâtard.
Les deux sont désormais au corps à corps.
Diane tente d'abattre un coup de tranchant directement au niveau de la carotide. Mais le teigneux est rapide et intercepte la main qu'il tord violemment. Diane hurle de rage et de douleur. Prise dans une clé de bras elle est à la merci de son adversaire. Elle sent son souffle dans son coup. Désespérée, elle envoie alors un coup de talon directement dans le genou du mercenaire. Déséquilibré par l'assaut, il lâche sa prise. Diane, profite alors d'être libérée et enchaîne avec un coup de genou dans l'entrejambe. Cling ! Sa jambe se heurte à une coquille métallique. Diane chancèle sous la douleur et l'impact. Nathan en profite et lui expédie alors un direct au visage.
— Salope crie-t-il . Le coup est si violent, qu'il lui ouvre l'arcade sourcilière.
— Sale pute, crie-t-il de nouveau, puis il assène un uppercut directement sous le menton.
Diane chancela et sa vision se brouille sous la violence de ce dernier coup. Du sang coule sur son visage, lui voilant l'œil droit et engluant ses cheveux au niveau du front.
Sous l'impact elle a reculé d'un bon mètre, et chuté sur les fesses. Nathan s'avance alors vers elle lentement. Il la met en joug puis ricane. Diane sait qu'elle est complètement à sa merci et comprend qu'à ce moment il peut l'achever d'une balle. Mais, le mercenaire laisse tomber son arme à terre et sort un couteau de son étui. Confiant et en position de force et il semble vouloir jouer un peu avec l'animal à sa merci. Il sourit et progresse vers avec la lenteur d'un prédateur sur de tuer sa prise.
Tu es sa proie Diane, renverses la vapeur là..
Tant pis pour la discrétion alors !
Diane plonge sa main sous son blouson et sort son pistolet.
En voyant l'arme dans les mains de Diane, Nath se fige, et comprenant son erreur, il se tourne vers la sienne restée à terre derrière lui.
Trop tard.
Diane visa et tire une première fois. La balle atteint le visage et fait voler un morceau du casque.
Sous le choc, le mercenaire tournoie sur lui même.
Le son de la détonation a retenti dans le cartier et son écho se répercute dans la cavité.
Elle vise et tire, une deuxième fois, faisant mouche à nouveau, cette fois-ci dans la gorge. Les mains de Nath se crispent autour de son cou, réflexe désespéré.
Puis une troisième balle l'atteint, au niveau du torse. Le projectile vient se loger directement dans la protection ventrale, mais l'impact est tel, qu'il tombe à la renverse.
Diane ne cherche pas à comprendre et se redresse malgré la fulgurance de la douleur. Pas question de s'éterniser, la piste du laboratoire est morte, mais au moins, elle, est en vie. Diane se relève tant bien que mal, puis sans même regarder derrière elle, court droit devant elle.
Le sang lui coule sur le visage
Diane ne ralentit pas, malgré la douleur, malgré la vision qui se brouille et les pensées qui se pressent sous sa boite crânienne.
Bravo, t'as laissé passer ta chance, on peut dire que c'est fichu là.
Ta gueule, cassandre... Vraiment là... ta gueule...
Et tout en continuant de courir à perdre haleine, elle pleure à chaudes larmes.
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