Cassandre
Diane détache les connexions de son deck et le pose sur la table de nuit qui jouxte son lit. Son corps est sous tension. Le combat dans l'Alterné devait lui vider l'esprit. Sans succès.
Sa tête est ailleurs, perdue dans une nébuleuse de réflexions.
Elle tourne la tête et capte son reflet dans le vieux miroir poussiéreux accroché au mur. L'image renvoyée est une accusation à charge. Diane n'est plus qu'une version spectrale de la belle enquêtrice dynamique et enthousiaste des débuts. Son visage lunaire et laiteux s'est assombrit. Sa carrière dans la criminelle s'est chargée de le creuser, l'émacier. Et de ses beaux yeux azur étincelants, il ne reste guère que la couleur ; le feu qui brûlait derrière s'est consumé, et n'a laissé que des cendres, cernes indélébiles.
La louve blonde a dit Brad ?
Non, plutôt une hyène fatiguée.
Diane roule sur le côté et saisit son blouson de cuir affalé sur le sol. Sans réfléchir, elle sort un vieux briquet à gaz, et saisit le paquet qui stagne depuis un an dans une poche intérieure de la veste.
Rien à perdre. Son bilan génétique ne montre aucune prédisposition au cancer du poumon.
Fumer cette clope, c'est perdre l'enquête, lui souffle Cassandre, sa voix intérieure.
Diane se redresse et regarde par la fenêtre de sa chambre, parmi les lumières et le bruit visuel assourdissant de la mégapole, elle remarque le passage d'une barge publicitaire volante qui passe à côté de l'immeuble. Un panneau holographique y met en scène un jeune couple sportif au sourire éclatant heureux d'avoir choisi le régime DietCorp.
Le bonheur sous cellophane.
C'est un signe, insiste Cassandre, tu ne veux pas avoir ce teint frais et cette joie de vivre Diane ?
Diane ne répond pas. Elle sourit, puis allume la cigarette. Elle inspire une longue bouffée et tousse en recrachant les volutes.
— À votre santé ! Dit-elle en saluant la barge qui s'éloigne.
Elle jette un bref coup d'œil à l'horloge virtuelle perdue dans la masse d'icônes de son holocomp de poignet.
21 h 15, c'est encore jouable. Un petit pari et puis au lit ?
Diane se lève d'un bond, traverse le salon et s'installe dans son divan. Elle saisit le cervodeck qui trône sur la table basse entre une bouteille de soda entamée et un flacon de mousse protéinée resté intact.
Elle se matérialise dans une salle de l'Alterné Clandestin.
Plus d'un millier de personnes sont présentes dans l'antichambre des paris. C'est beaucoup trop. Malgré les algorithmes qui filtrent les conversations, le brouhaha est étourdissant. Pas question de rester ici, même si elle adore l'ambiance, l'afflux inhabituel sur le réseau risque de trahir sa présence.
Attaque ou défense ? Les cotes sont sensiblement les mêmes.
Le professeur Lebal a mis au point un virus minéral très puissant, assisté par une IA redoutable et des pico particules parasites. Il y a peu de chance que l'organisme en face s'en sorte.
Diane mise un millier de monds sur lui et s'éjecte. Elle repose son deck, pioche une cuillérée dans la mousse protéinée puis claque des doigts.
L'immense écran holographique placé au centre de son salon s'illumine sur la chaîne Science & Sport.
Elle s'allume ensuite une autre cigarette et se love dans son canapé polymorphique, la tête en arrière, prête à se faire masser la nuque par son sofa ; elle exhale de larges bouffées de fumée.
Léo le grand châtain aux zygomatiques extensibles au regard figé présente les équipes de scientifiques et leurs petits bébés. L'Arène est dévoilée, il explique que le combat dans l'organisme de défense sera diffusé par des nano caméras disséminées aux endroits clés.
Diane prépare sa bouteille de Gorska. Elle sait que la soirée débouchera sur une réaction euphorique démesurée à laquelle succédera une ingestion massive d'alcool, ou à l'opposé sur une profonde déprime à laquelle succédera exactement la même chose.
C'est ainsi que sa part d'ombre trouve le moyen de s'apaiser la plupart du temps, l'alcool et les paris. Elle a besoin d'alimenter ses ténèbres intérieures. Sinon, elle sombre.
Diane serre sa croix dans sa main. Elle sait que la chance sera de son côté.
Léo annonce le début de la retranscription. Au même moment, son téléphone intra-crânien, retenti.
— Marc ?
— Diane... on vient de découvrir un nouveau corps
— J'arrive.
Sans éteindre son projecteur, elle saisit son blouson de cuir.
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