C'est grâce à cet économiste français que j'ai découvert le terme décroissance, néologisme datant des années 70 et qui dénonce la poursuite de la croissance économique à tout prix car nuisible à la société, tant sur le plan individuel qu'écologique et économique. En effet, depuis la révolution industrielle qui a vu le jour dans la Grande-Bretagne du XVIIIe siècle, l'homme occidental n'a eu de cesse de courir après ce mythe du développement, remède miracle à tous les maux de la société moderne dont le plus tragique n'est autre que la pauvreté. Au nom de la prospérité, des modèles économiques destinés à diffuser ce développement salvateur ont été mis en place, voire imposés dans le cadre de la colonisation du monde et des marchés.

Deux siècles plus tard, le bilan n'est pas brillant : l'aggravation de la pauvreté et de l'écart entre les plus fortunés et les nécessiteux accompagne désormais une dégradation quasi irréversible de l'environnement et des liens sociaux et communautaires. La société est devenue égoïste et impitoyable envers ses membres, qui ne sont plus que des consommateurs asservis en perpétuel « manque », victimes de soi-disant besoins constamment renouvelés.

Pourtant, de nombreux économistes continuent à promouvoir ce développement, en redorant son blason grâce à d'habiles jeux de mots. Dans Survivre au développement : De la décolonisation de l'imaginaire économique à la construction d'une société alternative (Paris, Mille et Une Nuits, 2004), Latouche nous dévoile la manipulation perfide qui se dissimule sous les traits politiquement corrects des termes tels que développement durable, local ou alternatif, brillantes trouvailles marketing, mais concepts dénués de tout bon sens. L'auteur met également en lumière la tromperie du sacro-saint indice PIB, un chiffre creux et insignifiant qui ne prend aucunement en compte le coût réel (environnemental et humain) de la production qu'il prétend évaluer.

Anecdotes et statistiques à l'appui, la terrible vérité nous apparaît enfin : le développement est la cause de la perdition de l'humanité... À ce stade, on en vient à croire que toute initiative pour faire basculer notre sort est vouée à l'échec face aux puissances en place. Or il n'en est rien. Latouche conclut son étude avec une série de propositions en vue d'une décroissance conviviale dans laquelle nous sommes invités à remettre en question la place du travail dans notre vie, à avantager les rapports sociaux et à délaisser nos habitudes de consommateurs irréfléchis et capricieux. Parmi les promesses qu'une telle décroissance pourrait tenir, celle de « redécouvrir la vraie richesse dans l'épanouissement de relations sociales conviviales à l'intérieur d'un monde sain (...) où la vie contemplative et l'activité désintéressée et ludique trouvent leur place. »

Ressusciter notre culture : un objectif à notre portée, à condition d'appliquer les mesures concrètes détaillées ici.