Chapitre 2
Au bout de sept heures de route harassante, Arthur arriva enfin devant la maison de vacances. Il se gara dans l'allée et contempla la bâtisse de pierres beige, ne disposant que d'un simple niveau, son toit rouge délavé parcourut de quelques pétales de cerisier. Il fit claquer la portière de sa Peugeot 208 grise et observa les dalles qui formaient un petit chemin en direction d'une porte boisée, entourées par des bosquets mal coupés. Il y a du boulot..., soupira-t-il. Il se dirigea vers le pot de fleur qui trônait juste à côté de la porte et le souleva, récupérant une clé qui n'attendait que sa venue. Il la glissa dans sa poche et décida de se remplir l'estomac avant de commencer l'inspection de la maison.
Il remonta la rue et observa les changements qu'il y avait pu avoir en six ans. Certains commerces avaient été fermés pour être remplacés par d'autre, mais il reconnaissait encore quelques magasins. Il passa une main sur sa barbe finement coupée et avisa une boulangerie-pâtisserie. En poussant la porte, un carillon de quelques oiseaux colorés en verre indiquant sa présence et il esquissa un sourire, amusé. Tout dans cette ville criait le mot : vacances.
— Bonjour, s'exclama une jeune adolescente qui devait sûrement avoir été embauché pour les vacances de printemps. Vous désirez ?
— Faites-vous des sandwichs ? demanda-t-il en parcourant les vitrines du regard.
— Oui, nous avons même quelques menus.
Elle lui indiqua les ardoises qui se trouvaient dans son dos et il prit soin de les lire avant d'opter pour quelque chose de simple. Il la remercia et sortit au moment où un homme sortait de la cuisine. Il laissa la porte se refermer dans son dos et marcha jusqu'à un banc sur lequel il prit place. Déballant son pain garnit de laitue, de tomates, de jambon et d'emmental, il sortit son smartphone pour répondre aux textos de sa mère.
« Maman :
Quand arrives-tu ? »
« Maman :
J'ai invité ton frère et sa femme pour que tu puisses les revoir ! »
« Maman :
Tu prendras ta chambre de l'époque :) J'ai refais le lit »
« Arthur :
Je suis passé à la maison de vacances pour voir ce que j'avais à faire. Je me suis pris un casse-croûte alors j'aurais l'estomac relativement plein pour le dîner :/ Et ok, pour Samuel ! »
Il déposa l'appareil sur sa cuisse et observa l'écran de verrouillage qui représentait une photo de lui et Lana, prise à son insu. Sur celle-ci, il barbouillait le nez de l'enfant de son doigt imbibé de glace tandis qu'elle riait à gorge déployé. Au début de leur relation, il avait essayé d'imposer une certaine distance parce qu'arriverait un jour où Martin se passerait de lui. Cependant, il n'y était pas parvenu. Lana avait le don de se faire aimer par n'importe qui. Un seul sourire, un seul rire, une seule parole, et tous tombaient sous son charme. Inutile, donc, de lutter.
Il mangea en silence, observant les locaux qui vaquaient à leurs occupations, l'odeur de la mer chatouillant ses narines. Une fois son estomac remplit, il revint à la maison, insérant la clé dans la serrure. En pénétrant dans la demeure, il plissa le nez, une odeur de renfermé flottant dans l'air. Il s'empressa de s'enfoncer dans la pièce principale afin d'ouvrir la baie vitrée qui donnait accès à un petit jardin qui mériterait un bon coup de tondeuse.
La salle était immense et peu remplie : un canapé marron trônait contre un mur, face à une petite table et à une télé. Une bibliothèque remplit de babioles et de vieux livres dormaient juste à côté. Dans le prolongement de la pièce se trouvait une table ronde et en bois qui pouvait accueillir jusqu'à six personnes, non loin d'une cuisine équipée, collée à un mur décoré de vagues. Des décorations marines étaient disséminés çà et là, accentuant l'air de vacances. Il fit le tour de la maison, redécouvrant les trois chambres dont elle était pourvue ainsi que la salle de bain, et les sanitaires.
Il aurait beaucoup de menage à faire, cela ne faisait aucun doute. Il aéra chaque pièces et en profita pour monter au grenier. Il grimaça et lâcha un râle en constatant qu'il y avait encore des cartons, puis se fit la réflexion qu'il devrait tous les rapatrier chez ses parents.
Il fit le tour du domicile et ralluma les compteurs. Après une bonne heure, il referma les fenêtres, verrouilla la porte et repartit, prenant la direction du domicile familial. Trente minutes plus tard, il se gara devant la demeure et s'étira. Les heures de route avaient épuisé son corps et il sentait déjà ses muscles endoloris.
Il n'eut même pas la peine de frapper contre le battant puisque sa mère avait guetté son arrivée. Elle lui ouvrit et le serra dans ses bras, un grand sourire barrant son visage.
— Oh, Arthur ! Ça faisait si longtemps.
Il était occupé et à cause de la distance, ils ne se voyaient que lors des fêtes. Pour tout dire, cette destination avait été choisit par le brun. À l'époque, il n'avait eut qu'une idée en tête : s'éloigner à tout prix. Il ne pouvait plus rester ici et surtout pas pour espérer. Il embrassa sa mère et s'engouffra dans la maison. Son père, une monture carrée sur le nez, des cheveux aussi noirs que lui où quelques mèches grisâtres se faisaient déjà un nid, l'accueillit d'une franche accolade.
— Comment vas-tu fiston ?
— Bien.
— La route a été tranquille ?
— Un peu de bouchon vers la fin, mais ça allait.
— Tu as vu ce qu'il y avait à faire ?
— Hum... tu as une tondeuse et une cisaille ?
— La tondeuse est dans le cagibi, là-bas, indiqua son père en l'entraînant dans la salle à manger. Cisaille, je dois avoir. Tu ne veux pas de tronçonneuse ?
— Je ne suis pas un pro, papa, refusa Arthur en secouant la tête, se laissant tomber sur une chaise. Je n'ai pas envie d'avoir le doigt coupé.
— Au moins ça ! rit sa mère.
Elle s'empressa de faire du café tandis que les deux hommes s'adressèrent un sourire franc. À ce moment-là, des bruits craquelants se firent entendre dans leur dos. Samuel et sa compagne descendaient les escaliers en discutant. Quand les deux frères se virent, ils s'adressèrent un salue poli avant de se serrer dans les bras.
Samuel était grand et bien bâtit, tout comme lui, mais il avait opté pour une coiffure plus militaire et ne portait pas de barbe. Ses yeux étaient marrons, comme ceux de son père, et il souriait beaucoup plus que son benjamin. Sa femme, Eva, portait ses cheveux blonds au-dessus de sa poitrine et possédait une beauté typique des îles avec sa peau métisse et sa corpulence anguleuse. Arthur bugua quelques instants sur le ventre arrondie de la blonde avant d'ouvrir la bouche, surpris.
— Tu... tu es enceinte ?!
— Oui, dit-elle avec un sourire amusé. Je n'ai pas pris de poids, si c'était ce que tu te demandais.
Il esquissa à son tour un sourire et la félicita. Samuel était son aîné de trois ans et il était même surpris que ce ne soit pas arrivé plus tôt. Enfin, ses parents auraient des petits enfants à combler ! Et ils lui lâcheraient la grappe, accessoirement.
Suzanne revint avec un plateau sur lequel reposait tasses de thé et de café. Elle servit tout le monde en bonne hôtesse et prit place avec eux. Arthur posa ses mains sur la tasse et souffla sur la fumée, sentant ses paupières le piquer, signe de sa fatigue.
— Alors ? s'impatienta Samuel qui se demandait quelles étaient les nouveautés dans sa vie, lui qui était resté dans le village où il était né. Quoi de beau ?
En tant que frères, ils ne s'étaient pas tout le temps entendu. Il fut un temps où ils s'étaient longuement disputés parce qu'Arthur s'entêtait à coller son aîné et qu'à l'âge de l'adolescence, chacun tentait de trouver sa place. Puis ils s'étaient rapprochés lorsque le plus jeune avait fait son coming-out, plus que stressé. Il avait appréhendé la réaction de son frère plus que tout, mais ce dernier s'était montré beaucoup plus compréhensif que ses parents. Non pas que ces derniers l'aient rejeté, mais ils avaient eut du mal à l'accepter dès le début. Heureusement, il avait trouvé un soutien en Samuel et leur famille n'en était ressortit que plus soudée.
— Rien de bien florissant. La routine, quoi.
— Comment va Lana ?
— Bien, elle est... beaucoup trop énergique si tu veux mon avis, répondit-il en riant.
Du coin de l'œil, il perçut la réaction de sa mère qui tendait à l'exaspérer à chaque fois. Elle était sûrement la seule personne autour de cette table à ne pas accepter la situation. Suzanne s'entêtait à pointer du doigt cette relation qu'elle jugeait étrange, arguant le fait que Martin jetterait son fils une fois que ce dernier n'aurait plus d'utilité. Après tout, ce n'était pas l'amour qui les avait réunit ! Elle ne cessait de le répéter, soulignant que la gentillesse de sa progéniture le perdrait. Et il avait beau lui répéter ce qui les avaient conduit à cette drôle de colocation, elle n'acceptait tout simplement pas cette situation.
De ce fait, à chaque fois qu'il venait avec Lana qu'il considérait pratiquement comme sa fille, il luttait face au regard méprisant que posait sa génitrice sur son ami. Heureusement, le reste de la famille ne disait trop rien et son père, Daniel, considérait l'enfant comme sa propre petite fille. Ce qui réjouissait la rouquine qui quémandait souvent ses bras à défaut de ceux de sa « grand-mère » qui l'effrayait beaucoup trop avec ses sourcils froncés.
— Pourquoi tu ne l'as pas amené ? demanda Samuel qui adorait entendre l'enfant l'appeler Tonton.
Il savait que Lana n'avait aucun lien de parenté avec son frère et qu'il n'était même pas son tuteur légal, mais il l'avait adopté aussi rapidement qu'Arthur. De toute façon, ils avaient toujours eu un peu les mêmes goûts.
— Je te signale qu'elle a cours, répondit-il en buvant le liquide fumant.
— Ah oui ! J'oublie toujours qu'on a pas les mêmes vacances, dit-il en se frappant le front. Montre des photos !
— J'espère que tu seras aussi gaga avec notre fils, se moqua sa femme.
Arthur s'exécuta en sortant son portable et interrogea Eva, laissant l'appareil entre les mains de son frère :
— Vous connaissez déjà le sexe ?
— Ça fait quatre mois que je suis enceinte, maintenant.
— Et tu ne m'as rien dit ?! s'offusqua le brun en donnant un coup de coude à Samuel.
— Quand je te disais que j'avais des choses à te raconter en face..., répondit ce dernier sans lui adresser un regard, souriant devant les clichés.
Il voyait rarement Arthur sourire, surtout parce que celui-ci ne voyait pas l'intérêt de plaquer un sourire sur sa figure s'il n'éprouvait pas de la joie. Alors, il se délectait de ceux que lui tirait la petite fille.
— En gros, je ne serais jamais venu, je n'aurais jamais su que tu attendais un enfant, soupira le brun. Tu m'aurais prévenu à la naissance ?
Samuel délaissa le smartphone et afficha un air gêné avant de se gratter l'arrière du crâne, coupable.
— Es-tu sûr d'être l'aîné ? Parce que le plus responsable de nous deux semble être moi, le taquina-t-il.
— Oui, enfin, responsable, tout dépend de ce que tu entends, rétorqua l'autre brun en lui tirant la langue.
— Il a raison, intervint Suzanne en sirotant son thé, lui jetant un regard sévère. Je ne crois pas que ta décision d'élever une enfant qui n'est même pas de toi, avec un homme qui ne t'aime pas, soit quelque chose de très responsable.
Il prit un air agacé et soupira, comprenant qu'il n'y couperait pas. Comme à chaque fois qu'il osait poser un pied dans cette demeure.
— Maman, on en a déjà parlé. C'est ma décision.
— Mais vous n'êtes pas en couple !
— Et alors ? C'est un ami très important pour moi et il avait juste besoin d'aide, je ne vois où est le problème.
— Le problème, c'est qu'il a une gosse de six ans qui te considère comme son père alors que tu n'es rien sur le papier. Tu t'es attaché à cette gamine qui t'aime tout autant, mais que feras-tu quand Martin considérera qu'il n'a plus besoin de toi ? Il va vous séparer et je suis sûr que ça te feras du mal. Tout comme ça blessera cette pauvre enfant.
— Maman ! Ne sois pas idiote...
— Pardon ?! Ne me parles pas comme ça, je crois t'avoir mieux élevé.
Il se prit la tête entre les mains, irrité. Combien de fois devait-il se répéter ? C'était harassant et surtout inutile. Il le savait parfaitement et en avait déjà discuté avec son ami. Pour le moment, la situation leur convenait parfaitement et il serait cruel de faire subir une séparation à Lana. D'autant plus que leur routine était parfaite et qu'ils se complaisaient ainsi.
— Excuse-moi, mais je considère qu'il s'agit de ma vie. Ce n'est qu'un service et ça fait six ans que c'est comme ça. On va bien et ce serait bien que tu l'acceptes.
— Que feras-tu quand Martin trouvera quelqu'un avec qui partager sa vie ? De façon amoureuse, insista-t-elle en soupirant. Et six ans, pour un service, c'est un peu abusé.
— S'il te plaît, maman... Arrête avec ça. Je n'ai pas besoin de me justifier. Nous sommes amis, il avait besoin de moi, on a fait une colocation et la situation est comme ça, maintenant. Accepte-le simplement et cesse de me faire des reproches à longueur de temps.
Il avait parfaitement conscience que Martin pourrait s'enticher d'une belle femme avec qui passer le restant de sa vie. Aucune idylle entre eux deux ne serait jamais possible, et c'était très bien ainsi. Ce serait mentir que de dire qu'Arthur n'avait jamais ressentit de désir sexuel envers son ami. Il fallait dire qu'il passait beaucoup de temps ensemble et que Martin n'était en rien pudique. Puisqu'Arthur était un homme comme un autre, lorsque ses hormones jouaient avec ses nerfs, il n'était pas rare qu'il reluque le corps entretenu de son ami. Mais jamais il ne sauterait le pas. D'une, parce que cela gâcherait leur amitié et qu'il n'éprouvait aucun sentiment amoureux à son égard, et de deux, parce que Martin n'était pas gay.
Et puis, lorsqu'il se sentait quelque peu excité, il n'avait qu'à contacter son plan cul pour assouvir ses désirs. Il avait bien tenté d'être en couple, mais son amour n'était jamais aussi intense que celui qu'il avait ressentit, onze ans plus tôt. Et généralement, ses amants fuyaient en comprenant qu'il partageait sa vie avec un homme et une petite fille.
Comprenant que son frère retenait avec peine son ire, Samuel posa une main sur son épaule et intervint, souhaitant apaisé les tensions.
— Parlons d'autres choses ! Puisque tu restes jusqu'à la fin de la semaine, ça te dirait de passer une soirée au Beach Club ?
— Il est encore ouvert ? demanda Arthur qui apprécia l'intervention de son aîné.
— Peu de choses ont bougé dans le coin, répondit le brun en riant faiblement.
— Ok, je fais ça à condition que tu m'aides !
— Je travaille.
— Je suis sûr que tu trouveras un petit temps pour moi à caser dans ton emploi du temps de ministre, répliqua-t-il en plissant des yeux, malicieux.
Samuel défia son frère et abdiqua. Il avait bien besoin d'une soirée légère qui changerait de sa future paternité.
— Faisons ça !
Les tensions diminuèrent progressivement et ils discutèrent de sujets et d'autres avant de préparer le repas, comme une vraie famille.
~~~
Vous rencontrez la famille d'Arthur qui le pousse à expliquer un peu sa situation si particulière...
Une colocation un peu spéciale qui dure depuis maintenant 6 ans...
Si vous avez des avis en particulier, c'est ici ! 😉
Merci d'avoir lu ❤️
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