Promenons-nous dans les bois
Vos désirs seront révélés par la forme que vous prendrez...
Tels furent les mots prononcés dans mon esprit avant que mes yeux ne s'ouvrent. Et bien avant de m'inquiéter du fait que je ne me trouvais plus chez ma tante, mon esprit se préoccupa d'une défaillance fort peu agréable. Je n'étais plus seule dans ma tête.
Enfin, ce ne serait pas la première fois que la folie viendrait s'inviter dans mon crâne.
Il s'agissait de quelque chose de... sauvage, puissant.
Mains au sol, face contre terre, je me levais sans trop de difficulté. Disparu les oreilles de loup et ses gants les accompagnant. Le pseudo costume de loup-garou ne m'avait pas accompagné. Mais au moins je me trouvais toujours avec mes vêtements, malgré les flammes qui m'avaient, apparemment, envoyée au milieu de la forêt. Génial.
Les dernières paroles de Ruth laissaient supposer que ma tante avait fait en sorte que la farce de Jack prenne vie. Ce devait encore être l'un de ses maudits entrainements stupides et inutiles...
— Bon, et je vais où, je fais quoi ?
Un haussement d'épaule, jusqu'à ce qu'un son se fasse entendre. Dans les bois, la nuit, rien d'étonnant. Mais la lumière au loin avait quelque chose de bien ordinaire. Un homme chantonnait, une lanterne étrange à la main. Il s'arrêta de marcher, tournant son visage vers moi. Un doigt se posa sur ses lèvres, me réclamant le silence avant que sa lanterne ne s'éteigne pour ne plus laisser aucune trace de lui.
« Sérieusement ? Je viens de voir Jack ? »
Je n'eu malheureusement pas le temps de m'en soucier. Mes instincts se déclenchèrent. Des instincts...que je ne connaissais pas.
Des sons, des odeurs...
Quelque chose n'allait pas.
« Par là »
Mon visage se tourna immédiatement, mon odorat m'incita à suivre cette odeur. Une odeur très particulière qui semblait presque avoir une couleur alors qu'un chemin se traçait à travers la forêt dans mon esprit. Mais également une émotion...
Un grognement s'échappa de ma gorge. Ma main se plaqua immédiatement contre ma bouche. Une main très différente de ce que je connaissais. Des mains sur lesquelles apparaissaient des...griffes ?
Quelque chose n'allait vraiment pas.
Soudain, un crac retentit, suivit d'un cri de douleur. Mon cri.
Je tombais à terre, soulevant de mes doigts tremblant mon haut pour constater deux choses. Non seulement je voyais plutôt bien dans le noir comparativement à d'habitude mais surtout mon corps changeait. Il se remodelait. Ou se brisait.
Un autre craquement, un autre cri, et mes côtes se cassaient pour suivre mon dos qui subissait même douleurs.
Les yeux fermés, je priais pour que la magie, la sorcellerie ne soit pas en cause. Et finalement, quelques instants plus tard je pu constater avec effroi que la magie y était pour beaucoup. Les instincts se disputant avec les raisons, je n'eu plus qu'à suivre ces pulsions...
***
Ses loups étaient agités, non sans raison. Un intru venait de pénétrer sur son territoire. Un autre loup. Hunter pouvait sentir qu'il ne s'agissait pas d'une meute mais bien d'un loup solitaire. Aussi s'interrogeait-on. S'agissait-il d'une menace ? D'un loup cherchant une nouvelle meute ?
Dehors, bras croisés, Hunter était perturbé par bien plus pourtant. Halloween était l'occasion pour les loups de s'amuser et Hunter autorisait les siens à faire comme bon leur semblait, du moment qu'ils ne s'approchaient pas des villes et villages humains sous leur forme animale. Ce qui signifiait qu'ils étaient nombreux à être absents. Cela ne l'inquiétait pas, tout du moins jusqu'à ce qu'il sente aussi l'odeur d'Hella sur ses terres. Un loup solitaire, des loups en chasse et Halloween... Hella dans les bois pourraient soit être une prédatrice meurtrière pour sa meute soit une proie qui ne survivrait pas jusqu'à demain.
Ne devait-elle pas se rendre chez sa tante ?
— Il se rapproche, sentit Oanelle.
Elle et Michael se trouvaient avec lui, dans la cour à scruter la forêt. Mais il n'y avait pas que l'odeur du loup inconnu. Il y avait aussi celle d'Hella. Les deux s'approchaient vite, très vite. Les loups solitaires pouvaient être attirés par l'odeur d'un Alpha, mais si Hella venait également, il craignait une sorte de chasse.
Jusqu'à ce que deux yeux lumineux percent dans les ténèbres de la forêt. Des yeux rouges.
— Un Alpha ? s'étonna également Michael.
Ce n'était pas un loup solitaire, mais un meneur de meute. Ou se trouvait donc la sienne ?
— Non, une Alpha, intervint alors Oanelle. Hunter, je sais que tu es connu mais je ne pensais pas qu'une femelle tenterait de te séduire.
En effet, l'odeur était vraiment puissante, tout comme la force de son aura presque incontrôlée. Elle ressemblait presqu'à un nouveau-né, ne maîtrisant pas vraiment ses instincts et pulsions.
— Montre-toi.
Et la louve sortit des bois. Un pelage blanc et des yeux qui, lorsqu'il ne luisait pas de la puissance d'Alpha, devinrent violet. Une apparence trop particulière pour être normale. Jusqu'à ce que la louve devienne femme. Une femme à la peau claire et aux cheveux dorés. Ses yeux célestes se levèrent vers lui.
— Hunter, je crois que quelque chose ne va pas chez moi.
Ni une ni deux, l'Alpha se précipita sur sa femelle à terre. Hella, une louve...
Il retira son manteau, le posant sur les épaules de la sorcière tremblante. Pourquoi était-elle devenue une louve ?
— Tu possèdes une spécialisation change-peau ?
Les change-peaux pouvaient prendre la forme d'un animal. Hella ne lui avait jamais vraiment révélé ce qu'elle pouvait posséder comme spécialisation. Il n'était même pas certain qu'elle ait pu en développer une en si peu de temps.
— Non, je ne suis pas un change-peau. Je crois que Jack m'a...
Oh, elle n'eut pas besoin d'en dire davantage, Hunter venait de comprendre.
— Tu as ensorcelé un navet et tu l'as allumé avec une flamme, n'est-ce pas ?
— Oui et non, sauf si ma tante a ensorcelé le navet... Putain, la garce...
Il eut un sourire amusé alors qu'Hella ne devait pas vraiment trouver la situation très amusante.
— Hunter, j'ai ce truc dans ma tête, ces sensations qui réclament tant de choses... Je n'y comprends rien.
— Tout va bien Hella, cela ne durera que quelques heures.
— Qu'est-ce qu'il se passe ?
— Jack-o'-latern. On l'appelle pour connaitre ses désirs le soir d'Halloween, pour espérer qu'il nous les offre. Et sa manière de nous les offrir n'apparait que rarement sous la forme que nous les souhaiterions. Apparemment, tes désirs se sont manifestés sur toi, te faisant devenir un loup-garou. Ce que tu sens en toi, c'est la louve, la bête intérieure qui sommeil en chacun de nous sans jamais apparaitre. Les garous ont ce don de pouvoir les faire sortir.
Elle parut réfléchir, surement cherchait-elle à savoir quel désir l'avait amené à devenir une louve. Hunter se flattait de supposer qu'il était ce désir. Sinon, pourquoi une louve, son espèce ?
Mais la réalité le rattrapa bien vite lorsqu'un grognement menaçant s'échappa d'Hella. Ses yeux avaient viré au rouge et des crocs venaient de pousser. Elle fixait Oanelle, qui se pétrifia immédiatement.
— N'approche pas plus, Oanelle, ordonna Hunter. Recule, lentement et tête basse.
Il reconnaissait ce comportement. Cela lui était arrivé lorsque la Pleine Lune avait agi sur lui, lorsque Vixy s'était présenté alors qu'il se trouvait avec Hella. Une possessivité du loup en lui. Elle était sa compagne Alpha, ils étaient le couple Alpha. Et Oanelle était une femelle, même si elle était sa sœur. En ce moment, n'ayant pas encore appris à contrôler ses instincts, Hella ne ferait pas de différence.
Oanelle recula, tête basse. Hunter laissa son aura lui échapper, envelopper la sorcière pour capturer son attention. Il y parvint. Ses yeux se posèrent de nouveau sur lui.
Elle glissa ses mains sur ses épaules, ses doigts venant se saisir des ses cheveux pour les empoigner avec une force qui le fit grimacer. Elle ne se maitrisait pas de tout. La bête venait sur elle comme une seconde peau.
Elle lacéra son haut, écarta le t-shirt pour se lover contre lui. Le choc de sa peau contre la sienne l'électrifia. Hunter posa sa main contre son visage. Si Hella ne faisait pas d'effort pour retenir ses instincts, sans doute cèderait-il aux siens.
— Profite de la situation, et tu perdras ton usine à bébé, menaça-t-elle toujours dans ses bras.
Il soupira un rire.
— Et de quelle manière souhaiterais-tu que je réagisse lorsque la femme que j'aime se colle contre moi, totalement nue et avec pour aura des phéromones de désirs ?
— Tu coucherais avec une femme bourrée ?
— S'il ne s'agit pas de toi, aucune chance.
— Donc tu profiterais de moi.
— Je ne l'ai pas la nuit où j'ai dû te ramener du Satan l'habite.
Il se leva, remettant Hella sur pied alors qu'elle enfilait correctement le manteau pour cacher sa nudité.
— On va appeler ta tante pour qu'elle vienne te chercher. Ce n'est peut-être pas bon pour toi de rester ici pour l'instant.
Il n'avait aucune envie de la laisser partir, il voulait même l'aider à vivre cet état de loup-garou durant les quelques heures qu'elle devrait les supporter. Mais il aussi qu'il pense à son propre état et à celui d'Hella.
Mais alors qu'il se détournait, il fut arrêté. Hella venait de se saisir de sa ceinture pour l'empêcher de partir.
— Tu me chasses ? Tu m'abandonnes ?
Merde, quel con ! Elle était une louve en cet instant, avec ces instincts et sa logique, plus une sorcière qui se fiait à une raison d'humaine ! Bien sûr qu'elle allait avoir l'impression qu'il la chassait de la meute.
— Attends Hella, ce n'est pas ce que...
Elle secoua de la tête, le visage déchiré par la tristesse. Elle recula d'un pas, puis d'un deuxième avant de se retourner pour courir dans la forêt, prenant sa forme de louve. S'il fut impressionné de voir qu'elle apprenait vite, sa fureur remplaça son admiration. Il avait vraiment merdé pour le coup.
Pour autant, il n'abandonna pas et couru également dans les bois. Il fallait qu'il la rattrape.
***
Stupide. Oui, j'étais vraiment stupide.
C'était étrange, mais lorsque Hunter avait annoncé son intention de me redonner à ma tante, de m'éloigner de lui, quelque chose de douloureux s'était emparé de mon cœur. Comme un sentiment de trahison, d'être abandonnée à la solitude là où la puissance d'être entourée m'avait empli d'une confiance stupéfiante. Hunter n'avait pas voulu être méchant, au contraire.
Mais ce qui semblait être la louve en moi l'avait pris autrement. Blessée, abandonnée...
Et elle courrait, parmi les arbres. Son aisance se faisait naturellement dans cet environnement qui était le sien. Qui était le mien. Aucune odeur ne nous était inconnu, aucune racine ne se dressait en obstacle sur notre chemin.
Finalement, elle ralentit, la tristesse l'affaiblissant jusqu'à la faire tomber au bord d'un ruisseau. La Lune faisait briller l'eau ruisselante, comme des pierres précieuses, comme de petites lueurs. De petites étoiles... Le visage du loup reflété devint progressivement celui d'une femme. Mon apparence. Je venais de revenir, les joues rouges et les yeux gorgés de larmes fuyant sans donner l'espoir de s'arrêter. Mes cheveux glissèrent le long de mes épaules.
J'avais stupidement mal, pour une raison bestiale qui n'avait aucune vérité logique.
— Hella, ce n'est pas ce que tu crois...
Il m'avait rattrapé. Rien d'étonnant.
Toujours en pantalon, torse nu alors que je lui avais arraché son haut plus tôt, Hunter n'osa pas s'avancer.
— Tu pleures.
— Bravo le génie, grognais-je malgré moi. Désolé, je ne sais pas pourquoi je suis dans cet état.
Il posa un genou pour se mettre à ma hauteur, me prenant dans une étreinte brûlante. Oui, son corps était vraiment chaud.
— Tu es une louve en ce moment, tu as des instincts de louve. Je n'aurai pas dû te parler comme je l'ai fait. J'aurai dû te considérer comme tu es aujourd'hui et non comme tu étais hier encore.
Ses lèvres se posèrent sur mon épaule, remontant le long de mon cou pour offrir un souffle délicat à mon oreille.
— Me pardonnes-tu, Hella ? susura-t-il d'une voix aussi caressante que ses mains.
Ses doigts voulaient se faire pardonner d'une manière qui l'aurait autant arrangé que moi finalement.
— Idiot...
Sa main, sa paume se saisit de mon menton, tournant mon visage vers le sien. Lentement, sans brusquerie. Je suivis le mouvement, enroulant les bras autour de ses épaules.
Cette nuit, la louve se trouve dans les bois. Et si le loup y est, elle le dévorera.
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