[O&P] Bonus n°5 : Un songe de blanc et de tulle
Bonus O&P avec légère mention LDP
Je vous ai manqué?
Oh ça va je sais très bien que ce sont les personnages qui vous ont manqué ! Et vous verrez niveau personnage vous serez servi ... (Oui j'ai craqué : c'est pdv Vic alors que j'ai juré que je le faisais pas)
MAIS SURTOUT ON PREND DES NOUVELLES : comment vous allez? La reprise s'est bien passée? L'année se profite bien? Perri vous écoute !
A titre personnel je cours partout depuis la rentrée (c'est la première fois que je suis vraiment toute seule pour une rentrée). J'avais oublié que le collège c'était si ... différent du lycée. On a le temps de rien, mais au moins les journées passent si vite et c'est tellement enrichissant (tellement heureuse de retrouver les petits 6e). Je veux peut-être piloter un projet avec des résidences d'auteur donc c'est vraiment stylé même si j'ai la pression parce que premier projet ...
Niveau écriture, je suis un peu en berne en ce moment (déprime déprime, mais aussi beaucoup de fatigue, la rentrée ça met un uppercut) MAIS j'ai été inspirée pour un bonus !
Et ... vous pouvez remercier ma petite sœur ! Elle se marie ! Et qui dit mariage dit essayage de robe, et qui dit essayage de robe ... ouais bon le voile plein de dentelle ça a marché sur moi, j'avoue tout. Il fallait que j'en fasse quelque chose !
Alors félicitations à ma soeur à qui je dédie ce bonus - même si elle ne le sait pas ... - et une excellente lecture à vous tous.tes, j'espère que ça vous plaira !
***
Un songe de blanc et de tulle
Mars 2007
Sincèrement, j'ignorai si je me trouvais en plein rêve ou en plein cauchemar.
La seule chose dont j'étais certaine, c'était que le songe était de blanc et de tulle, de nacre et de soie, de crème et de dentelle. Toutes les étoffes, soigneusement travaillées, placées sur de beaux mannequins ou des cintres ouvragés, n'attendaient que moi d'après les dires de l'aimable vendeuse, une femme d'une quarantaine d'année florissante à l'opulente chevelure blonde et aux yeux verts des plus perçants. C'était Emily qui me l'avait vivement recommandée : elle était d'après elle la créatrice de mode la plus talentueuse du Chemin de Traverse et tenait l'unique boutique de prêt-à-porter sorcière qu'elle daignait franchir depuis la retraite de Madame Guipure. Et envers et grâce à mon expérience, je me fiais entièrement à Emily pour toutes les affaires qui concernaient la mode.
— J'ai disposé absolument tous mes modèles, je vous laisse découvrir un peu le temps que vos retardataires arrivent, susurra la vendeuse en me tendant une main élégante. Je m'appelle Ophélia et je serais votre guide dans cette noble quête qu'est la recherche de la robe de sa vie.
Une grimace me vint spontanément aux lèvres mais quelque chose dans le sourire d'Ophélia – une sincère gentillesse – m'adoucit assez pour que je la réprime. Elle se dépêcha dans son arrière-salle, me laissant le soin de découvrir la pièce par-delà les étoffes nobles et l'immaculé des jupes. C'était une ambiance plutôt intimiste et feutrée, avec des murs de tapisseries aux ton pastel veinés de discrets motifs floraux, exceptés le mur du fond entièrement recouvert d'un miroir. Une petite estrade de bois faisait face à un autre miroir, plus baroque et imposant, juste derrière de lourds rideaux de velours prêts à couper la pièce en deux. Mon regard finit par tomber sur les élégants fauteuils dans lequel Emily s'était laissée tombée, un sourire extatique aux lèvres. Vingt-neuf ans, deux enfants et pourtant elle avait l'air d'une véritable petite fille avec des étoiles dans les yeux.
— Alors, vous en pensez quoi ?
Ma mère faisait aussi le tour du propriétaire. Pendant toute la traversée du Chemin de Traverse, de l'entrée au Chaudron Baveur en passant par les boutiques, toutes plus magiques, extraordinaires et délirantes les unes que les autres jusqu'à l'enseigne de la boutique dont l'aiguille et le ruban exécutaient un gracieux ballet, sa mine prudente s'était incrustée sur son visage. Pourtant peu à peu, à mesure qu'elle prenait ses repères, son expression commençait à se réchauffer.
— Je m'attendais à être plus dépaysée que cela dans une boutique de sorcière ... et pourtant je suis certaine que celle dans laquelle j'ai choisi ma robe avait cet exact même parquet.
— J'ai déjà vu les photos chez vous, vous étiez superbe ! sourit Melania en prenant place dans un autre fauteuil.
Ni les années ni la maternité n'avait ravi à Melania Bennett sa classe ou sa ligne. Fine et délicate dans sa robe de sorcière parme dont le col était bordé de petites étoiles, elle promenait tranquillement son regard sur la pièce. Je voyais presque les souvenirs défiler dans ses prunelles grises. Quatre ans plus tôt, c'était elle qui montait sur l'estrade tout de blanc vêtue.
— Si tu savais les trésors d'inventivité que j'ai dû déployer pour qu'Alexandre reste à la maison et ne s'agrippe pas à moi pour le suivre ... ! Alice a été ma meilleure alliée : un signe de ma part et elle a fait une magistrale crise pour que son père l'emmène au parc de trampoline ... (un sourire machiavélique ourla ses lèvres) Et à peine avait-elle ouvert la bouche que Michael et Steph voulaient la suivre !
— Ouh ça c'est de la technique, souffla Emily, intéressée. Merci du tuyau.
— De maman à maman, c'est un plaisir.
Emily lui adressa un sourire fatigué. Je lui avais trouvé une mauvaise mine, même en la voyant de loin, installée dans le fond du Chaudron Baveur en sirotant en thé pendant qu'elle nous attendait. Le regard dans le vide, la peau pâle et des cernes que même son savant maquillage ne parvenait pas à masquer ... « Les filles ou le bouleau ? » lui avais-je demandé avec un sourire penaud. « Une fille », avait-elle rétorquée avant de m'enlacer puisque nous ne nous étions pas vue depuis Noël. Je pressai doucement son épaule.
— Profitez, ici il n'y a pas d'enfant et que des jolies robes, plaisantai-je.
— Et une Vic' à draper de la tête aux pieds, s'excita Emily d'un ton un peu trop enjoué. Oh mille gargouilles galopantes, je n'en reviens toujours pas ... tu vas te marier.
Et à ce mot magique, chaque personne de la pièce eut un identique sourire aux lèvres, aux mille teintes de nostalgie et de tendresse. Et pour être honnête, le mien devait certainement s'en rapprocher ... Une vague d'émotion, toujours la même, vint m'immerger et mon regard se porta naturellement sur ma main gauche. A présent un saphir serti dans un anneau d'argent s'était incrusté à tout jamais dans mon être.
— Tu veux qu'on se marie ?
Je me redressai brutalement sur la balancelle, interdite. C'était le crépuscule et le soleil couchant jetait sur les montagnes bulgares des nuances de mauves de rose qui s'étiraient à l'infini. Hypnotisée, j'avais observé les couleurs se fondre, changer, à mesure que la lumière déclinait et se métamorphosait et la certitude m'avait prise à la gorge que jamais que je ne saisirais en un instant toute la beauté de ce pays que j'avais fini par apprivoiser. Allongée sur la balancelle bordée sur notre petite maison au cœur des montagne en bordure de Vratsa, la tête posée sur les genoux de Simon, j'étais en paix pour la première fois depuis des siècles, me semblait-t-il. Parce qu'à la guerre avait succédé l'exil. Et à l'exil s'était ajouté le lourd apprentissage de la vie d'adulte. Et quand les succès s'enchainaient, un voile de tension et de stress venait se tendre pour tempérer la joie. Toujours, inlassablement. J'étais presque venue à m'en persuadée : la sérénité n'existait pas, une fois que le bel âge de l'adolescence s'était envolé.
Pas là. Face à l'immensité et la beauté des montagnes sous le couchant, j'étais enfin en paix. Et pour les quelques secondes que durerait cet instant, j'étais prête à en profiter.
Et la voix de Simon était venue fracasser ma bulle.
— Quoi ?
Un léger sourire s'étira sur les lèvres de Simon. Je le fixai, espérant voir de l'incertitude, un manque d'assurance, quelque chose qui m'assurerait que mes oreilles m'avaient abusé. Rien de tout cela. Il plongeait son regard dans le mien avec une grande sérénité.
Il n'a pas dit ça, me répétai-je mille fois, jusqu'à ce que le silence s'étire à l'infini. On n'a jamais parlé de ça. Du mariage. Jamais. On a juste parlé ... d'enfant. Mon estomac se noua, mais de manière bien moins cruelle qu'il ne l'eût fait ces derniers mois. L'angoisse était devenue simple crainte et je ne perdais pas l'espoir qu'un jour elle ne devienne qu'une simple appréhension. Sans se formaliser de mon silence qui s'éternisait, il leva une main pour repousser tendrement une mèche derrière mon oreille.
— Le mariage, Victoria Bennett, articula-t-il, amusé. Ça te parle ou il faut que je te fasse un dessin ?
Rarement pique n'aurait été prononcé avec autant de douceur. Le mélange était si charmant qu'un sourire faillit frémir sur mes lèvres, mais le mot principal pesait comme du plomb sur chacune de mes cellules. Le mar-i-age. L'idée m'était tellement étrangère qu'elle flotta longuement dans mon esprit sans trouver d'accrocher et se contenta de résonner dans le vide. Faute d'une pensée cohérente pour la nourrir, ma bouche s'ouvrit toute seule :
— Tu veux te marier ?
— Hum-hum.
— Très bien. Où est la bague ? La grande déclaration ? Les fleurs ? Pourquoi tu n'es pas à genoux devant moi avec des larmes dans les yeux ?
L'accumulation finit par faire émerger des images par touffe dans ma tête et brusquement la question commença à dessiner des contours plus réels, tangibles. Une bulle d'émotions contradictoires gonfla dans ma poitrine.
— Je ne savais pas que tu aurais autant d'exigence, fit remarquer Simon en dressant un sourcil.
— Excuse-moi, mais il me semble que lorsque je t'ai déclaré mes sentiments, moi je t'ai sorti du Shakespeare !
— Toi ? s'esclaffa-t-il, indigné. C'est moi qui aie récité les vers !
— Et tu ne les aurais jamais eus si je ne t'avais pas mis sur la piste !
— Et vu le nombre de fois que j'ai lu Hamlet pour les trouver, je les ai mérités ces vers !
Cette fois, le sourire finit par vaincre l'appréhension et à s'épanouir sur mes lèvres. C'était vrai ... il l'avait lu, et relu, me jetant des vers au hasard pour trouver mes préférés. En touchant juste, il avait effleuré une partie de moi romantique et pleine d'espoir, une Victoria qu'il n'avait jamais atteinte, jamais pu imaginer ... comme moi je n'avais pas eu l'occasion d'effleurer le Simon qui un jour me regarderait avec ces yeux pétillants, attendant une réponse à la question « Tu veux qu'on se marie ? ». Seigneur ... Je ne sus comment, mais la stupeur initiale céda sa place à un mélange d'amusement et de tendresse. Je repoussai le prétendant d'un doigt dans la poitrine.
— Je ne peux pas prendre cette question au sérieux si tu n'es pas à genoux, Bones.
— Je rêve, c'est vraiment tout ce qui t'intéresse ? gémit-il, incrédule. Encore maintenant ? Même pas la bague ?
— Parce qu'il y a une bague ?
Simon soupira profondément et consentit à s'éloigner seulement pour se lever et entrer dans la maison. Là, et seulement là, mon cœur s'emballa parce que je compris. Oh mon Dieu, il y a une bague. Il y avait une bague, et s'il y avait une bague, c'était une vraie question, une question qui amenait une vraie réponse, une réponse ... Mon esprit bloqua, n'eut pas le temps de démêler les mille fils de pensées qui s'entremêlaient, et déjà Simon était de retour. La lumière était singulièrement basse, le soleil depuis longtemps couchés derrière la ligne des montagnes, mais suffisante pour que je puisse distinguer le petit écrin de velours qu'il tenait entre ses doigts.
— Oh Seigneur, lâchai-je, interdite.
Simon sourit devant ma réaction – et c'était heureux, parce que j'étais certaine que mon visage s'était décomposé.
— Simon, depuis combien de temps tu l'as, cette bague ?
— Depuis cet été ...
Mon cœur tomba d'un étage dans ma poitrine sans pourtant cesser de battre la chamade. Cet été ... Si je n'avais pas déjà eu des étés remplis de pleurs et de deuil, il aurait certainement été le pire de ma vie. Je sortais d'une saison relativement ratée, et les doutes s'étaient mis à emplir mon esprit. Si seulement ils avaient pu se cantonner au Quidditch ... mais ils avaient infesté toute ma vie et en voyant Simon s'occuper avec tellement d'ardeur et de talent de la petite Shannon, ils avaient violemment éclaté. Je n'étais pas certaine de pouvoir être mère. Je n'étais pas certaine de pouvoir lui donner la famille qu'il méritait, après avoir été privée. Brusquement, le costume futur m'avait écrasé et une crise d'angoisse était venue me souffler comme une tempête, la plus violente depuis que j'étais partie en Bulgarie.
Je savais que j'avais été injuste avec Simon. Je revoyais son regard consterné, son visage crispé par la blessure à travers mes larmes lorsque je lui avais proposé dans un élan de folie de trouver une femme capable de lui donner cette famille. La honte me submergea, quelques mois plus tard. Stupide, stupide, stupide Victoria ... je suis incapable d'envisager un futur dans lequel il n'est pas, pourquoi lui demander de le faire ?
— Ce n'était pas ... la meilleure période de notre vie, convint-t-il en caressant la petite boite. Et même si on n'est pas tout à fait sorti de cette période ...
— Je sais, soufflai-je, affligée. Je me suis déjà excusée ...
— Et je n'attends pas que tu le refasses, assura-t-il fermement. J'espère juste que ... ce sera la dernière dispute de ce type. Et que tu n'as pas besoin de cette bague pour savoir que ... tu es la seule personne avec laquelle je veux passer ma vie, Vicky.
Et alors il se laissa glisser au sol, mit ce genou à terre devant moi et releva délicatement le couvercle de la boite. Je n'y jetais pas le moindre coup d'œil. Mes yeux étaient rivés sur son visage, si sérieux et qui pourtant s'éclaira de ce petit sourire insolent qui m'avait donné tant de fois envie de le gifler.
— C'est bon, c'est assez sérieux ou il faut que je fasse faire apparaître des fleurs ?
— Crétin, murmurai-je, émue.
— Je suis presque persuadé que ce n'est pas le mot qu'il faut répondre quand un homme se met à genoux devant toi avec une bague.
— C'est ce que j'ai à te répondre à toi.
— Victoria Anne Jadwiga Bennett, soupira-t-il, vaguement ennuyé. C'est oui ou c'est non ?
Parce que ça pouvait être non. Je pouvais dire non. Le mariage ne m'avait jamais rien été. Pas même lorsque j'avais vu Octavia McLairds avec son voile couvert de dentelle et sa traine longue de plusieurs mètres. Pas même lorsque mon stupide frère éperdu de bonheur m'avait rompu les os alors qu'il venait de s'unir pour la vie à la sorcière de son cœur ... Non, je n'avais jamais été une fille attirée par la robe blanche. Mon amour pour Simon était une telle évidence que jamais, jamais je n'avais éprouvé le besoin de le mettre sur ce que je pensais être un simple bout de papier à défaut d'avoir un véritable lien spirituel.
C'était un leurre. Un passage à vide, et tout avait basculé, même cette certitude-là. Aujourd'hui, j'avais terriblement besoin de ce moment. De faire de noter amour quelque chose, de le concrétiser, d'une manière ou d'une autre. D'en faire quelque chose de tangible et d'insoluble, plus solide que les mots qui pouvaient si aisément s'envoler. J'avais besoin de graver notre amour. J'avais besoin de hurler notre amour, le hurler à la face du monde après l'avoir exploré entre nous deux ces neuf dernières années. Je n'étais pas certaine de pouvoir encore lui donner cette famille, en revanche je pouvais lui offrir ça, ce moment où le monde s'arrêterait de tourner pour célébrer l'amour qui nous unissait depuis si longtemps. De nous offrir ça.
Ce ne serait pas non. Ça ne serait jamais non, pas entre nous. Nous, c'était l'éternité.
Alors sans réfléchir, je me laissai glisser à terre. Mes lèvres rencontrèrent celle de Simon avant même que mes genoux touchent le sol. Et là, la paix revint m'assaillir. Moins douce que lorsque je contemplai mes montagnes, mais brutale, elle s'imposa à moi et écrasa les doutes, les angoisses, les appréhensions. Comment avais-je pu seulement laisser la moitié d'une question entre nous ... ? Aimer Simon, ça m'avait toujours un peu fait perdre la tête. J'étais en train de perdre la tête. Epouser Simon Bones ... Il y avait de quoi perdre l'esprit.
— Je ne crois pas avoir entendu de réponse ..., chuchota-t-il entre deux baisers.
— Oui ... Minus.
— Minus toi-même.
Chaque fois que je contemplai la bague, les souvenirs m'assaillaient aussi vivace qu'hier. Dix mois que Simon avait fait sa demande sur notre balancelle en Bulgarie et pourtant chaque mot étaient susurrés à mon oreille avec autant de force que si la bouche de Simon y avait collé. Depuis j'avais chéri la bague, comme j'avais chéri le bracelet au petit soleil qui pendait toujours sur mon poignet et les pendentifs lovés sur mon sternum. Elle était devenue une partie de moi, émergeant à la surface de ma peau pour clamer à quel point j'aimais Simon Sirius Bones.
La perfection de l'année me faisait tourner la tête. Deux mois après nos fiançailles, je brandissais la coupe du monde. La coupe du monde. Enfant j'avais vibré sur celle de football masculin sans imaginer un seul instant que je pourrais vivre un tel évènement ... Comment une année faite de trou d'airs et de doutes avaient pu déboucher sur de tels exploits ?
— Chérie ?
Au sourire caustique de ma mère, je compris qu'elle m'avait surpris en pleine contemplation. L'âge avait prélevé son tribut sur ma mère, mais loin de peser sur ses épaules, rides comme tâches brunes sur les mains ne lui donnaient que plus de force. Et pour cause, plus le temps passait et plus elle ressemblait à sa propre mère, Jaga. Seul son nez typiquement slave détonnait au milieu de son regard sombre et vif et de ses cheveux qui ne prenaient aucune trace de gris.
— Toi non plus tu ne réalises pas ?
— Tu as réalisé quand toi ? demandai-je plutôt, sincèrement curieuse.
Une immense photo de mariage de mes parents avait toujours trôné sur une étagère du salon, et pour être honnête elle avait davantage été une occasion de moquerie de la part d'Alexandre et moi – le chapeau à voilette de ma mère était clairement démodé, presque autant que le costume à rayure de mon père. Pourtant, leur sourire ... Pas une seule fois, même enfant, je n'avais douté que ça avait été le plus beau jour de leur vie. Et le pire de mamy Anne. Sur chaque cliché, elle donnait l'impression d'avoir avalé un citron – impression renforcée par la coloration artificiellement blonde de ses cheveux.
— Honnêtement ? Je crois que c'était après mon mariage, plaisanta-t-elle. Quand toutes les conversations s'estompent enfin, que ton cœur cesse de battre la chamade, que l'alcool et l'adrénaline redescende ... Là enfin sans rien pour solliciter mon attention, j'ai compris. J'étais mariée.
— Ça devait tellement signifier pour toi ... sans doute plus que ça ne le sera pour moi ...
— Ce n'est pas parce que tu ne pratiques plus notre religion que tu ne peux pas verser ta propre spiritualité dans ton mariage, contra ma mère en saisissant mes épaules. Je vous connais, Simon et moi. Vous ne le feriez pas si ça ne comptait pas. Donnez-lui toute l'importance qu'il revêt à vos yeux.
Un étrange sourire déforma ses lèvres.
— Même si pour ne pas mentir, je ne pensais pas Simon être homme à se marier. Plutôt à en être allergique. Ton père dépérissait chaque fois que je le répétais, je crois !
— Je suis d'accord avec vous, abonda Emily avec de grands hochements de tête. Vraiment il a bien caché son jeu. Petit cachottier ...
— Moi je savais !
Je tournai la tête pour voir Susan franchir la porte, tout sourire. Un chignon haut accompagné les deux mèches qui encadraient soigneusement son visage et si j'en croyais sa robe de sorcière bleue nuit et la sacoche de cuir qu'elle jeta contre un mur, elle revenait directement du Ministère. Son visage était rougi par l'effort et je l'imaginais facilement piquer un sprint au milieu du Chemin de Traverse.
— J'ai même dû lui mettre un coup de pied aux fesses, mais c'est très Simon d'avoir besoin d'un coup de pied aux fesses.
— C'est donc à toi qu'on doit ça ?! se récria Emily en brandissant ma main ornée de la bague.
— En fait elle était à Charis, la grand-mère de Simon, lui appris-je avant de récupérer ma main. Elle a hurlé dans son cadre lorsqu'elle l'a vue à mon doigt ! J'ai cru qu'elle allait réveiller la moitié d'Oxford.
— Crois-moi ce serait toujours moins que ta mamy Anne lorsqu'elle m'a vu avec la bague de sa mère ..., se souvint ma mère avec un soupir.
— Bien joué en tout cas Susan, lança joyeusement Emily. Grâce à toi Vic' est revenue deux fois plus cette année en Angleterre et en plus on aura le buffet gratuit !
— Et le champagne, enchérit Melania avec un fin sourire.
— Et Simon en costume obligé de déclamer ses sentiments devant tout le monde. Tu nous as offert du rêve !
Face au flot de compliments, Susan réagit de façon modeste avec un petit sourire. Elle se laissa tomber dans un fauteuil avec le fracas de la mère engluée dans une vie active qui avait couru partout depuis qu'elle avait ouvert les yeux.
— Désolée du retard, Vic', s'excusa-t-elle, penaude. C'était un enfer pour m'extirper de ma réunion, j'ai cru que ma cheffe ne le laisserait jamais partir alors que j'ai posé mon après-midi pour toi !
— Ne t'inquiète pas Susie-Jolie, tu n'es pas la dernière. Il me manque un témoin ...
— Ah ? s'étonna Melania, surprise. Je pensais que c'était ta témoin du coup. Comme Alexandre est celui de Simon, je pensais que vous vous étiez échangés les frères et sœurs ...
— Non, Simon a pris tous les frères et sœurs. C'est comme ça que j'ai gagné Emily !
Et comme tout prix qui se respectait, Emily se fendit d'une pompeuse révérence et d'un sourire fier. Lorsque la question des témoins s'était posée, Simon et moi nous étions écharpés puisque les mêmes prénoms ressortaient de nos cœurs. Il avait fallu faire des concessions, et c'était bien ce moment particulier des essayages de robe qui m'avait convaincu que je ne pouvais pas m'aventurer sur les chemins du mariage sans Emily à mes côtés.
Ophélia finit par jaillir de son arrière-boutique, toujours avec un grand sourire sur ses lèvres peintes de rose.
— On peut commencer ?
— Navrées, on attend encore quelqu'un ..., entonna Emily avant de me jeter un coup d'œil perplexe. Mais c'est qui ton deuxième témoin Vic', du coup ?
— C'est ... (La cloche de la boutique teinta, et un sourire dépité ourla mes lèvres). Bah tiens, évidemment quand on parle du loup ...
Toutes les têtes se tournèrent vers la porte et au bout de quelques secondes, un homme finit par en franchir le seuil. Loin d'être mu par l'urgence comme l'avait été Susan, il arrivait avec une foulée fluide et nonchalante, vêtu d'un manteau à capuche bordée de fausse fourrure à laquelle s'étaient accrochés quelques flocons de neige. Ses boucles noires commençaient tout doucement à se filer d'argent, des rides à apparaître au coin de ses yeux bleus, mais l'énergie qui traversait ses traits était intacte. Un sourire cynique ourla ses lèvres.
— Je suis le dernier ? fit mine de s'étonner Noah Douzebranches. Je suppose que j'ai une excuse, il fallait que je donne le biberon à Hope !
— On a toutes des enfants, rétorqua Susan, à moitié amusée à moitié exaspérée.
— Et je gagne comme j'en ai trois, ajouta Melania.
— Et moi j'ai un monstre, renchérit sombrement Emily.
Les protestations coulèrent comme de l'eau sur Noah : à la simple mention de sa fille, son visage s'était illuminé. Quarante-quatre ans, pour beaucoup c'était trop tard pour adopter un enfant, surtout après près de six ans d'attentes ... et pourtant, Julian et lui avaient eu le droit à leur miracle de Noël. Le matin du réveillon, un hibou était arrivé de la part des services sociaux de Ste-Mangouste : une petite sorcière d'un an venait d'entrer à l'adoption et enfin, après tant d'attente et de désespoir, leur dossier avait été le premier sur la liste. Ils avaient laissé leur dinde brûler dans le four, plantés les invités qui devaient célébrer le réveillon avec eux : toute la nuit, ils avaient tenu cette petite fille dans leurs bras. Hope, avaient-ils découverts dans le dossier avec délectation. C'était bien un véritable espoir devenu réalité. Dès lors, les lettres que j'avais reçu de Bulgarie étaient inondées de petites mains en peintures et de plaintes de fatigue.
— J'ai vraiment cru que tu viendrais avec ta fille, plaisantai-je lorsqu'il planta un baiser sur ma joue.
— Enfin, c'est ton moment, je n'allais pas le gâcher avec des pleurs et un rejet de lait sur ta belle robe blanche, assura-t-il, l'air outré. D'ailleurs je pensais te trouver en robe blanche. Où est la robe blanche, miss Colibri ?
— Elles sont là, assura Ophélia en désignant l'imposante penderie qui prenait deux pans de murs.
Noah posa enfin les yeux sur la vendeuse et le sourire qui s'étira sur ses lèvres me fit froncer les sourcils. A mon grand étonnement, il s'inclina devant elle.
— Ah ... général Abbot.
— Pardon ? demandai-je, surprise.
— C'est la sœur de Joséphine. Tu sais, mon abominable patronne ? Eh bien je te présente la grande diva originelle.
— Dit la corneille au corbeau, rétorqua Ophélia avec un sourire torve. Bonjour, Noah. Tu es prié de te faire discret, aujourd'hui on est tous là pour miss Bennett. Vous avez une idée particulière ?
Une bouffée d'appréhension faillit me faire perdre le fil de cette séance. Du pouce, je désignai mes deux témoins.
— Je suis certaines qu'ils ont plus d'idée que moi ...
Je voulais bien l'admettre, j'étais perdue. Je n'avais jamais songé avoir l'attrait de la robe blanche : celle d'Octavia m'avait paru trop pompeuse avec sa traine interminable, celle de Melania avait été somptueuse jusqu'à la dentelle qui enserrait délicatement son col, vraiment faite pour elle mais jamais je ne m'étais vue la porter ... Emily comme Noah ne s'étaient jamais mariés, pour des raisons différentes et ce fut sans doute pour cela que leur imagination était des plus fertiles à cet égard. Déjà Noah s'était porté devant les cintres et faisait le tri dans la tulle et la soie. Avec un sourire machiavélique, il en extirpa une de la masse. Les chandelles la firent briller de mille feux.
— Oh oui des strass, miss Colibri, je veux te voir avec des paillettes !
— Victoria avec des paillettes, glapit Emily en lui arrachant la robe des mains. Vic', quel genre de témoin tu m'as mis dans les pattes !
— C'est pour rire, s'obligea à préciser Noah en roulant des yeux. Vic', quel genre de témoins sans humour tu m'as mis dans les pattes ?
Quel monstre avais-je créer ? songeai-je en les observant s'écharper sur chaque robe, chaque détail, de la jupe à la bande de dentelle qui achevait une manche. Peu intéressée par les premiers choix, Susan et Melania discutaient d'affaires ministérielles et ma mère contemplait les accessoires disposés sur une belle table d'acajou. Finalement, Ophélia finit par faire cesser le chantier en arrachant des mains d'Emily la robe sur laquelle ils étaient en train de débattre.
— Pour un premier essayage, elle sera parfaite, coupa-t-elle avec un grand sourire. Miss Bennett, nous passons derrière le rideau ?
Et sans attendre, elle tira sur une corde et les lourds rideaux de velours se refermèrent sur nous. Soudainement le calme d'abattit sur moi et je n'étais plus accompagnée que d'une robe. L'étau sur ma poitrine se desserra quelque peu. Une robe à la fois, je supposais que je pouvais gérer. D'un geste, la vendeuse m'invita à me déshabiller et plaça devant moi des chaussures à talons couleur crème.
— Oh, je ne mettrais jamais si haut, m'empressai-je d'affirmer, horrifiée.
— Ce n'est pas grave, on fait de très jolies chaussures de plat, assura-t-elle tranquillement en me proposant des talons plus petits. Tenez, levez les bras ...
Avec des gestes experts qui me laissait mannequin entre ses mains, elle referma les boutons, ajusta la robe trop grande avec des pinces et raccourcit la tulle sur mes pieds d'un coup de baguette. Petit à petit, le tissu se referma sur moi et face au miroir, j'eus l'air ... d'une future mariée. Presque fascinée, j'effleurai les couches fluides de tulles qui couvraient mes pieds et suivaient chacun de mes mouvements, la ceinture de soie qui la séparait du bustier simple qui finissait en col haut qui enserrait ma gorge de dentelle. Ophélia épousseta mes bras nus.
— Le secret de la robe de mariée d'idéal, c'est qu'elle doit soulignée la mariée, pas la masquer, m'apprit-t-elle, très professionnelle. On doit trouver la robe qui fait de vous la véritable star de votre mariage ... C'est vous qui importe, pas la robe, ne perdez surtout pas cela de vue.
— Dites ça à mes témoins, c'est eux qui auront la main ...
— Ils sont ... enthousiastes, commenta prudemment Ophélia en déployant les jupes autour de moi, les sourcils froncés. Noah travaille depuis trop longtemps avec ma sœur : je n'ai jamais vu quelqu'un lui ressembler autant ... Néanmoins laissez-moi vous rappeler une chose miss Bennett ... C'est votre jour. Votre robe. C'est vous qui la porterait, c'est votre corps qui sera figé à tout jamais sur les photos avec cette tenue ... Ne laissez surtout pas l'avis de personnalité plus ... exubérante supplanter le vôtre.
Je souris, assez gênée.
— De façon très honnête, je n'ai absolument pas la moindre idée de quelle robe pourrait m'aller ... C'est pour ça que je les laisse aller tous azimuts ...
— Hum, marmonna Ophélia, sceptique. Très bien ... ne vous en faites pas, nous ferons le tri ensemble. L'important c'est que vous ayez confiance en les personnes que vous avez choisi ...
— Entière confiance. Ce n'est pas ... si mal ?
J'avais toutes les difficultés à évaluer. Pourtant à mesure des années et des occasions, j'avais pu accumuler les jolies robes, dont certaines pour lesquelles j'avais une certaine tendresse ... Comme la robe à fleurs qu'Emily m'avait offert pour mes dix-neuf ans et que je raccommodais tous les ans d'un sort. Mais là, c'était un autre univers. Ce n'était pas une simple robe. Sincèrement, on devrait créer un mot à part pour définir et épouser toutes les réalités qui enveloppaient la robe de mariée.
— Vous avez une petite poitrine, vous pouvez vous permettre ces cols hauts ..., évalua Ophélia en se reculant pour apprécier l'ensemble. L'important c'est ce que vous en pensez, vous, avant que je n'ouvre pour laisser les autres s'exprimer. Alors ?
J'observai la robe dans les miroirs sous toutes ses coutures, me tournai pour apprécier sa fluidité, effleurai le tissu en espérant qu'à défaut des yeux, ce sens déclencherait quelque chose.
— Je ne me sens pas trop mal dedans ..., entonnai-je avant de lever les yeux sur Ophélia. Mais je suppose qu'on doit attendre mieux de la robe de sa vie, non ?
Le sourire d'Ophélia fut une confirmation. D'un coup sec sur la corde, elle rouvrit les rideaux et tous les yeux se braquèrent sur moi. Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre : un mélange de jugement et d'émotion, peut-être ? De l'émotion, il y en eut : Susan étouffa un cri et il me sembla que le regard de ma mère s'humidifia légèrement.
— Oh la la, Vic', murmura Melania, une main sur les lèvres.
— C'est de la robe de mariée, là, enchérit Susan en ouvrant de grands yeux.
Elle secoua la main pour souligner sa phrase et l'anneau à son annuaire gauche brilla. Les fiançailles n'étaient restées qu'une promesse à son doigt, mais deux enfants et un poste au Ministère suffisaient aisément à son bonheur. Elle tira un mouchoir de sa poche pour éponger le coin de ses yeux. J'aurais voulu me jeter sur elle, mais mes pieds restèrent bloqués sur l'estrade.
— Oh Susie ...
— C'était mon idée, reprit-t-elle d'une voix enrouée. C'est moi qui aie dit à Simon « mais épouse-la ! », juré ... pourtant je viens juste de réaliser que ... bon dieu tu vas te marier. Avec mon frère. Mon stupide frère. Simon aussi va se marier. Mais non. Non, je ne suis pas d'accord, en fait, redevenez deux gamins qui s'écharpent sur les terrains de foot !
— Excuse-moi, il me semble que tu as lancé les hostilités avec Shannon, rappelai-je, nostalgique.
Susie-Jolie, tu es trop jeune pour être maman. C'était ce que j'avais écrit dans ma lettre en l'apprenant, avec des larmes de consternation dans les yeux. A des milliers de kilomètres, Susan était restée cette jeune fille aux nattes, encore au bord de l'éclosion ... j'avais tant raté sa vie d'adulte que la grossesse m'avait totalement prise de court. Ou alors peut-être qu'on ne s'habituait pas vraiment à voir toutes ces personnes qu'on avait connu enfant franchir les étapes de vie d'adulte ...
— N'insulte pas ma Shanny, répliqua Susan avec un faux ton sévère.
— Et vous Marian, tout va bien ? demanda Melania.
J'avouai que mon regard de petite fille anxieuse était rivé sur ma mère. Je venais à peine de rentrer de Bulgarie lorsque j'avais été la chercher pour les essayages, je n'avais pas vraiment eu l'occasion de lui parler de préparatifs de mariage et je craignais de retrouver une mère finalement assez blasée, qui avait déjà tout vécu avec Alexandre. Trois petits-enfants, tous tellement différents et qui l'appelaient Mamy Marian, le mariage déjà assez grandiose de mon frère dans lequel elle s'était impliquée avec bonheur ... J'arrivais après tout ça, après la tempête. Je vivais loin : les montagnes bulgares avaient fini par m'enivrer. Là-bas j'avais trouvé une sérénité, alors que chaque retour en Angleterre apportait son lot d'appréhension ... Visites aux cimetières, hommages, lieux et visages qui évoquaient des souvenirs, tellement de souvenirs ... Ce n'était pas pour rien que mes doutes avaient éclatés en Angleterre. L'air empoisonné avait décuplé des angoisses que j'avais pu gérer au milieu des paysages vierges de Bulgarie.
Je savais que je leur manquais. A tous. Que ma décision devenait plus égoïste encore à chaque année que je restais. Cette année, chaque moment où j'étais revenue avait pu tourner autour de mon mariage ... ça devait être lassant. Ça devait être plus lassant encore pour la personne qui devait le plus souffrir de mon exil, à savoir la femme qui m'avait mis au monde, avec tant de souffrance et d'espoir.
Alors j'attendis, les mains crispées entre les plis de la robe. Ma mère ne souriait pas. Comme Jaga, c'était une femme qui n'accordait que difficilement ses sourires. Mais elle restait plus expressive, plus volcanique que sa mère – caractère qu'elle avait légué en ligne droite à Alexandre. Elle s'éventa le visage et mes doigts se délièrent quelque peu.
— Tout va bien je ne sais pas. Ma fille se marie. Vous verrez ce que ça fera le jour où ce sera le jour d'Alice ou de Shannon.
— Shannon a trois ans ...
— Victoria aussi a eu trois ans, rétorqua ma mère en roulant des yeux. C'était hier pour moi. Et hier encore, c'était une robe de petite fille d'honneur violette au mariage de ma sœur qu'elle portait. (Elle sourit courageusement). Mais le blanc te va encore mieux, ma chérie ...
— C'est clair, renchérit Susan, émue. Vraiment je ne regrette pas d'avoir donné un coup de pied aux fesses de Simon...
Un rire collectif détendit l'atmosphère chargée d'émotion. En cillant je réalisais qu'un petit voile de larme avait pu aussi couvrir ma cornée. Je me retournai pour espérer le masquer, mais j'avais oublié que les murs étaient recouverts de miroirs et m'exhibait, aussi bien moi que mes émotions. Heureusement, il semblait n'en avoir que pour la robe : Ophélia déploya soigneusement la traine derrière moi et quelques mines ébahies se reflétèrent dans les miroirs.
— Par contre je ne suis vraiment pas fan du col haut, maugréa Emily pour tempérer l'enthousiasme.
— Mais peut-être que ça plait à Victoria, répliqua Melania en dardant son regard sur moi.
Je me contemplai une nouvelle fois puis dans les yeux de chacun. Je crois que ce fut la mine prudente de ma mère, silencieuse mais si expressive que je me retrouvais le plus. Le conseil d'Ophélia me revint : ma robe ne devait pas me masquer ... Peut-être que cette dentelle était trop chargée. Cette jupe trop vaporeuse.
— Je ne sais pas ..., avouai-je finalement.
— C'est non, traduisit Noah et d'un geste impérieux, il tendit une nouvelle robe à Ophélia. A la prochaine.
— Et c'est moi le général, soupira Ophélia, qui n'en saisit pas moins la robe.
— Le général Abbot.
Ophélia claqua la langue, exaspérée et referma de nouveau les rideaux sur nous
— Parfois je me dire qu'il est pire que Josie, persiffla-t-elle en m'aidant à revêtir la nouvelle tenue. La bonne nouvelle pour vous, c'est que c'est bien Josie qui m'a permis de trouver ma propre robe de mariée, pour mes deux mariages. S'il a le goût aussi sûr que le sien ...
— C'est ... un artiste, tranchai-je avec un petit sourire. Je crois qu'il a fait sa dernière peinture en faisant tourner des toupies sur sa toile.
— Oh par pitié, ne le laissez pas faire ça sur votre robe, supplia Ophélia, épouvantée.
Un petit rire m'échappa et me détendit assez pour me permettre de vêtir la seconde robe sereinement. Cette fois elle avait des longues manches faites d'un voile épuré piqué de fleurs blanches. Ce même motif couvrait un décolleté en V puis se fondait dans une jupe qui épousait mes hanches avant de s'évaser. Emily poussa un cri de contentement lorsque les rideaux s'ouvrirent de nouveau sur moi.
— J'adore ! Ravie de retrouver ta poitrine.
— J'ai toujours su que tu avais un petit côté lesbienne qui ne s'assumait pas, la taquina Noah, ce qui lui valut un coup de coude dans les côtes.
— On est sur quelque chose de plus moulant qui met en valeur votre silhouette, apprécia Ophélia en me guidant sur l'estrade.
— Les manches ça ne va pas faire trop chaud pour un mariage en juillet ? réfléchit Susan, perplexe. Mais à part cet aspect technique j'aime beaucoup !
— Tu veux essayer un voile ? proposa Melania avec un sourire.
Oh Seigneur, le voile. J'avais presque oublié cet attirail typique du mariage et je faillis protester que je n'en voulais pas lorsqu'Ophélia m'en coiffa d'un simple dont la bordure rappelait le motif fleuri des manches. Mon souffle se bloqua dans ma gorge. Vaporeux, il m'enveloppait, se fondait dans les cheveux comme dans ma tenue pour faire partie de moi. Ma mère se leva de sa chaise pour que le voile suive scrupuleusement la traine de la robe et que sa bordure ne semble qu'une parure de plus.
— OK, le voile ça fait quelque chose, admis-je dans un filet de voix.
— Je trouve aussi, souffla ma mère en s'approchant de moi pour presser mes épaules.
— Je pensais que ça ferait trop, que ça m'étoufferait ...
— Le mariage c'est la seule occasion que tu n'auras jamais d'en porter, rappela tranquillement Melania. A titre personnel, je trouve que c'est le voile qui fait la mariée, presque plus que la robe.
Elle avait raison. Je m'étais sentie perdue au milieu des robes, étrangères enserrées en leur sein ... mais le voile rendait le tout cohérent. J'étais à ma place. Je jouai quelques secondes avec la fluidité, l'aspect volatile, aussi léger qu'un nuage sur ma peau et autour de moi et ce simple contact me remplit d'une confiance nouvelle.
— Je peux en avoir une autre ? demandai-je à Ophélia, qui sourit et referma les rideaux.
Cette fois c'était un bustier retenu par des larges bretelles de dentelles et une jupe fluide fendue qui trainait derrière mes pas. Ajusté d'un simple voile sans fioriture, elle sembla faire l'unanimité et lorsque je fis quelques pas dans la pièce je me vis presque remonter l'allée de l'église de Terre-en-Landes.
— J'adore le dos avec les boutons sur tes fesses, commenta Noah avec un sourire goguenard. Simon va adorer les retirer pour ta nuit de noce ...
— Noah, ma mère est là, rappelai-je en levant les yeux au ciel.
— Et ta mère n'est pas naïve au point de croire que cette robe blanche souligne ta virginité, répliqua-t-elle, désabusée. Et laissez-moi défaire un mythe : celui de la nuit de noce. Vraiment vous pensez vraiment qu'après une soirée pareille on a l'énergie nécessaire pour consumer le mariage de façon convenable ?
— Je ne vous le fais pas dire, abonda Melania. Je me suis écroulée tout habillée dans le lit ... la robe prenait tellement de place qu'Alex a dormi dans le canapé.
— J'adore, réagit Emily.
Elle s'était déjà tournée vers les robes et cette fois je trouvais la force de m'avancer de moi-même et de fureter au milieu des milles nuances de blanc. Dès que je fus à sa hauteur, elle m'enlaça et plaqua un baiser sur ma joue.
— Vraiment je dirais à Simon combien tu étais magnifique pour les essayages mais il tombera quand même à la renverse quand il te verra arriver.
— Ce ne serait pas le plus bel hommage à notre relation, lui faire faire une crise cardiaque et enfin le tuer le jour de notre mariage ?
— Par Merlin ne me rends pas complice de ça ! s'esclaffa-t-elle joyeusement.
Elle tira vers elle une robe de style princesse, avec son ample jupe aux cent touches de tulle et son haut finement ouvragé qui ouvrait sur un dos en V. Je faillis lui faire remarquer que jamais je ne pourrais mettre une robe dont le diamètre menaçait d'être supérieur à ma taille, avant de comprendre que ce n'était pas moi qu'Emily visualisait dans cette robe. Elle ne s'en cacha pas et déclara avec aplomb :
— Celle-ci ce serait totalement mon style.
— Oui, bon Emily on n'est pas là pour ça, lui rappela Noah d'un ton goguenard.
— Mais elle a raison, répliquai-je en palpant le tissu. Je te vois tellement dans ce genre de robe ... Tu prends des notes au cas où ?
Un étrange sourire tordit les lèvres d'Emily et elle la rangea d'un geste volontaire.
— Je n'ai ni les moyens ni de temps à investir dans un mariage ...
— Quand Dorothy aura grandi ...
Sa petite dernière était une véritable terreur qui puisait toutes ses ressources, et Simon avait bien failli se prendre son sac dans le visage lorsqu'il avait fait remarquer qu'il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'elle ait donné naissance à tornade ...
— Ce n'est pas que Dorothy, Vic', soupira Emily. Déjà on n'est pas certain que ce soit mieux en grandissant ... Tu te souviens de moi à l'adolescence ? Ou même de Miles ? Pour ni l'un ni l'autre c'était la meilleure période de nos vies ...
— Personne n'est la meilleure version de lui-même à l'adolescence, fis-je remarquer.
— Je te dis, ce n'est pas que ça. Même depuis que je suis langue-de-plomb, on ne peut pas dire qu'on roule sur l'or. On ne peut pas compter sur nos familles pour donner un coup de pouce. Et puis même chaque fois que j'essaie d'imaginer la cérémonie, la fête, le seul mot qui me vient en tête c'est ... glauque.
— Glauque ? répétai-je, surprise.
— Réfléchis un peu, Vic'. Je parle à peine à mes parents depuis qu'ils ont de façon si peu subtile montrer leur déception face à Miles, ou encore face à ma grossesse à vingt-deux ans. Miles ne parle plus à sa mère, Cora est toujours partie un peu partout ... (Son visage se rembrunit). Et je ne me vois pas poser une assiette vide pour Felicity ...
Le dernier argument me déconcerta assez pour que les mots me manquent. J'étais tellement habituée à ce que Felicity renvoie à sa fille aînée, ma filleule, que parfois j'en oubliais qu'avait elle avait été cette jolie petite jeune fille aux yeux bleus, qui m'avait un jour souri avec tellement de fraîcheur et que j'avais abandonné sur la pelouse de Poudlard alors qu'elle caressait ses poignets ... Une vague de malaise s'empara de moi et je me sentis égoïste lorsque la première chose qui me vint à l'esprit fut de me demander si moi aussi je ne devais pas dresser une table pour Edgar, Cassiopée, Matthew et Spencer ...
— C'est drôle, pour toi qui aimes tellement les robes ..., préférai-je bifurquer, troublée.
— Ah, mais c'est là que nous sommes différentes ma chère Vic'. Toi tu attaches tes vêtements aux moments où tu les as portés .... Moi je n'ai pas besoin d'une occasion spéciale pour chercher, porter, acheter une jolie robe. (Elle saisit un pan de la robe princesse qu'elle contemplait plus tôt). En fait, je me dis qu'elle serait magnifique en vert d'eau, avec une ceinture couleur sapin ...
Elle la relâcha et m'adressa un sourire fatigué.
— Vraiment chaque fois que j'y pense, ça génère plus d'angoisse qu'autre chose, et chez Miles c'est encore pire. Je refuse d'en faire un moment gâché. On est très heureux comme ça ...
Je faillis mettre sa parole en doute : s'il y a une femme que j'aurais vu dans une belle robe blanche et de façon si naturelle, c'était bien Emily ... Elle méritait sa robe de princesse. Son couple avec Miles, qui était si rapidement passé de couple à famille, méritait lui aussi d'avoir ce moment de célébration. Mais quelque chose dans son expression, une sorte de détermination farouche, fit mourir mes protestations dans ma gorge. Il n'y avait pas d'amertume, pas même de déception chez elle. Si le mariage m'avait rassuré, pour elle il serait une source de doute et d'anxiété. Elle en bavait déjà assez en ce moment avec Dorothy pour que j'agite ce spectre devant elle.
— Je crois que je préfère être témoin, un peu comme certaines personnes préfèrent être tante ou marraine que mère, conclut-t-elle avec un sourire, avant d'ajouter en haussant la voix : et je préfère imaginer Noah avec cette robe bustier, vraiment tu serais sublime.
Ophélia essuya un petit rire qu'elle masqua mal dans une toux, ce qui ne la protégea pas du regard torve de Noah. Je me mordis l'intérieur de la joue à la façon dont ses yeux se plissèrent sur Emily, avec un brin de cynisme, mais également une once de fatalité. Il fit mine de s'intéresser à ladite robe et palpa le tissu entre ses doigts.
— Merveilleuse facture en effet. Je suis certain que le crème serait ma couleur ... (Il adressa un sourire carnassier à Emily). Comme elle serait parfaite si je pouvais me marier ...
— Oh, lâcha Emily, brutalement penaude. Mais ... tu as une fille, non, maintenant ? C'est ... déjà bien ?
— Em', tais-toi, lui soufflai-je, dépitée.
— Officiellement, j'ai adopté Hope seul, en tant qu'homme célibataire, rétorqua Noah, toujours penché sur la robe. Non, cette adoption ne veut toujours pas dire que nous sommes reconnus en tant que couple ... On joue toujours avec les limites de la légalité.
J'avais déjà trop entendu ce laïus dans la bouche de Noah, chaque fois que je revenais de Bulgarie et qu'une réponse négative était apportée à leur dossier d'adoption. Lorsqu'ils s'étaient mis ensemble, l'homosexualité était une maladie mentale. Lorsqu'ils avaient voulu crier leur amour aux yeux du monde, la loi leur barrait encore le passage ... La brèche pour l'adoption était mince, et ils s'y étaient engouffrés pour enfin goûter au bonheur d'être un couple ordinaire ... mais même là la victoire était toute relative.
— Je crois que certaines provinces du Canada autorisent le mariage entre personnes du même sexe, intervint Susan avec sérieux. Et je crois que le Ministère magique canadien souhaite en profiter pour l'inscrire dans sa loi ...
— Un pays sur plus de trois cents pays, quelle victoire, ironisa Noah.
— C'est une victoire, parce que les choses changent, insista Susan. C'est déjà une belle avancée, il n'y a pas à désespérer. Je ne dis pas que ce n'est pas épuisant d'hurler et de mendier ses droits ... mais la mobilisation finit par payer. D'ici quelques années, l'Angleterre leur emboitera le pas ...
— Personne n'en doute, assura Emily dans l'espoir de rattraper sa maladresse. Qui pourrait résister à la caricature si tranchante de La voix du chaudron ? S'il y a quelqu'un pour faire rougir un gouvernement de honte c'est toi.
— Et ma sœur, ricana Ophélia avec une œillade entendue. Tu n'as qu'un mot à dire à Josie et elle met le monde à feu et à sang pour toi.
— Et tu pourras remonter l'allée en robe bustier, achevai-je en lui donnant un coup de hanche. Quant à Julian, il sera irrésistible dans un fourreau avec un dos nu ...
Un sourire incertain s'étira sur les lèvres de Noah face au front commun si disparate qui s'était formé autour de lui. Faute de réellement savoir réagir face à cette marque de soutien ou simplement de peur de laisser éclater ses espoirs, il se retourna sur les robes et fit mine de les parcourir de nouveau.
— Toi tu sais me parler ... et quand bien même je serais superbe dans cette robe, c'est pour toi qu'on est ici, miss Colibri. Oh tiens, ça change ça. Général Abbot, on essaie ça !
— Depuis quand je suis devenue « on » ? m'indignai-je.
— Elle est courte, remarqua Melania, perplexe.
— Si les petites choses lui faisaient peur, jamais elle n'aurait choisi Simon.
— Il n'y a pas de double sens, il n'y a pas de double sens, murmura Susan, écarlate.
Noah prit soin de se retourner pour la gratifier d'un clin d'œil des plus équivoques. Avant de suivre Ophélia, je ramassai mes jupes et me dirigeai vers mon sac pour boire un peu. Du coin de l'œil, je vis ma mère s'approcher de Noah à pas feutrés.
— J'ai appris pour la petite Hope et je tenais à te dire que mon mari et moi sommes très heureux pour vous.
— Oh, lâcha Noah, surpris. Bien c'est très à vous gentil, Mrs. Bennett. Euh ... (il baissa la voix). Vous avez des conseils ? Parce que vous avez fait un sacré boulot avec notre petite Vic'.
— Et pas avec Alexandre, c'est ça ? plaisanta ma mère, amusée en se tournant vers Emily. Comme quoi, il ne faut pas que tu désespères avec ta dernière. Alexandre aussi m'a fait verser des larmes amères, demande à Victoria dans quel état il me mettait ... tout n'est à présent qu'un lointain souvenir.
— J'ai l'impression que je ne m'en sortirai jamais, avoua Emily, fataliste. Ça ne doit pas être une mauvaise gamine, Miles arrive très bien à la gérer ... ça doit être moi.
— Ce n'est pas toi, réfuta Susan avec douceur. C'est juste une enfant ... je sais combien c'est difficile à intégrer. Chaque fois que Zephan me rejette sa purée au visage, je suis persuadée que c'est moi qu'il déteste.
— Personnellement j'ai fait le choix de prendre des notes, et le jour où elle sera assez grande, c'est moi qui lui jetterais autant de purée au visage qu'elle ne l'a fait.
— Noah, le coupai-je alors que toutes les autres s'esclaffaient. La robe, s'il te plait.
— Oh ! Tiens ...
Gracieusement, il me présenta la robe qu'il tenait toujours, et je la saisis doucement, de crainte d'y mettre ne serait-ce qu'un grain de poussière. J'aurais dû simplement faire volte-face et aller l'enfiler pour qu'à nouveau tous n'extasient sur les voiles de tulle, mais inexplicablement je me retrouvais à trépigner sur place. Il ne me fallut pourtant pas longtemps pour remonter les brides de mon agacement ... Melania était sortie de chez elle avec un gros soupir, ravie de laisser ses trois enfants pour cet après-midi « entre fille » (à une exception près). Emily m'avait presque suppliée, prête à tuer selon ses dires pour larguer ses enfants quelques heures. Susan, qui ne vivait que pour enfant et travail, se disait ravie de pouvoir souffler un peu.
Et pourtant, quel sujet revenait, encore et encore, peu importe le tournant de la conversation ? Les enfants, les enfants, toujours les enfants. J'avais presque fini par m'y habituer. J'aimais chacun d'entre eux tendrement, le turbulent Zephan, la réservée Felicity, même Michael au caractère si ombrageux ... Mais ces derniers mois, ces conversations explosaient dans mon cœur comme des pics. Jusque là j'avais eu un bol d'air, une personne que ce sujet heurtait autant que moi ... et à présent ...
— Même toi tu m'abandonnes, maintenant ?
Noah dressa un sourcil, perplexe. Les mots pensaient comme du plomb sur ma langue mais finirent par se frayer un chemin pour balbutier :
— Tu vas parler enfant, t'extasier sur les bulles de ta fille ... être un parent, quoi.
— Victoria Bennett, soupira-t-il, une main sur la hanche. Je pensais qu'on avait réglé ça ...,
Mes joues s'empourprèrent délicatement. On l'avait fait, un an plus tôt. La vieille de mon retour en Roumanie après mes vacances hivernales, lui et sa patronne Joséphine, à laquelle était arrimée une petite Hawa, avaient totalement désamorcées mes angoisses et après une après-midi de débat nous étions venus à la conclusion que j'étais trop paniquée, engluée dans des peurs irrationnelles pour pouvoir effleurer mes véritables désirs.
— Régler, c'est sans doute un peu trop affirmatif, admis-je à mi-voix.
— Mais ça va mieux ? Avec Simon, je veux dire ? (Il me désigna avec de grands gestes galvaudés). Tu vas te marier, miss Colibri ! Qui abandonne qui, dans l'histoire ?
— Les choses sont en train de changer. Si tu as pu avoir ta fille emballée sous le sapin de Noël, je suis certaine qu'un jour tu vas pouvoir voir Julian remonter l'allée avec sa robe fourreau.
— Arrête tu vas me faire rougir. Sérieusement Vic', tu ne vas pas me faire une crise de stress parce que je me mets à parler de ma fille ?
Il y avait l'ombre d'un avertissement ombrageux dans ses prunelles et ma tête rentra instinctivement dans mes épaules. J'aurais voulu profiter du voile pour me soustraire à ce regard qui me faisait sentir futile, égoïste et ingrate, mais Noah avait ce don de tout simplement vous hypnotiser et vous clouer sur place de son simple jugement.
— Bien sûr que non, je t'ai déjà dit mille fois combien j'étais heureuse pour vous ... Je te rappelle que je n'avais pas prévu de revenir aujourd'hui, je devais choisir ma robe en avril, après la fin du championnat ... je suis venu pour toi et ta petite merveille ...
— Je ne doute pas que tu sois heureuse pour moi, Vic'. Mais tu te souviens de ce que je t'ai dit, quand on s'est rencontrés ? Je m'excuse plus de ce que je suis. Ma fille, c'est la seule chose que j'ai à revendiquer pour officialiser mon union avec Julian alors crois-moi, tu vas en entendre parler.
Il balança le pouce du côté de Melania, Susan et Emily, toujours occupées à partager leurs déboires – et j'avais la sensation que ce partage d'expérience apaisait grandement ma meilleure amie, qui réalisait qu'elle n'était pas seule face à un monstre.
— D'autant que j'ai vu leurs enfants, et crois-moi comparés à ma petite Hope, elles n'ont rien d'exceptionnelle. Ma fille a les yeux vairons et est déjà l'auteure de plusieurs œuvres d'art à un an !
— Noah, tu lui as juste trempé les mains dans la peinture et tu l'as laissé barbouiller une toile.
— Et cette toile trône à présent fièrement dans mon salon. Tu as raison, je suis devenu un papa gâteux, et tu sais quoi ? Je m'en fous. Qu'est-ce que je m'en fous. Et si seulement c'était une victoire à revendiquer – même nous on peut avoir un enfant ... Mais ce n'est vraiment pas ça qui me pousse à afficher cette œuvre avec orgueil. C'est ma fille et je l'aime. Vraiment pourquoi je devrais me justifier ?
Les mots trouvèrent un écho en moi, assez profond pour me faire frémir. Cette fois, sans pouvoir m'en empêcher, je me drapai du voile simplement pour sentir sa douceur sur ma peau et me rassurer. Peine perdue. Les larmes brouillèrent ma vue.
— Je crois que c'est ça qui m'a fait peur ...
— Ça quoi, Vic' ?
— Si j'ai un enfant, je sais que je vais l'aimer à la folie. Je le sais déjà, je le sens au fond de mes entrailles. Je l'aimerais même plus que Simon et comme vous toute ma vie, tout mon être va se mettre à graviter autour de lui ... Alors s'il arrive quelque chose ... je le perds comme ma mère a perdu mon grand frère ... ou comme Flavia a perdu Cédric ...
L'expression de Noah vacilla au nom de Cédric mais ce fut mon cœur qui déborda, comme les larmes de mes yeux. Je me détournai pour les masquer, mais déjà il avait sorti un mouchoir de sa poche pour m'essuyer le museau.
— Ouh la mais Vic', tu vas mettre du mascara sur la jolie robe ...
— D'où ils sortent, ces mouchoirs ? m'étranglai-je, prise de court. Tu pensais pleurer en me voyant en blanc ?
— Tu apprendras que quand tu es parent, tu as intérêt à avoir un mouchoir en poche. Un bébé, ça bave, vomit et jette sa purée. (Il rangea son mouchoir, rassuré par mon tremblant éclat de rire). Victoria, tu vois trop gros ... et je sais que je ne peux pas te reprocher de le faire. Tu as trop vécu le pire pour ne pas envisager le pire ...
Je roulai des yeux, la mâchoire contractée. Parfois j'encaissai. Parfois je bouillonnais lorsqu'on renvoyait systématiquement toutes mes réactions à « mon vécu ». Un bel euphémisme pour parler de tortures, traumatismes et deuils. Songer que bientôt neuf ans après la bataille de Poudlard les fils qui régissaient mes émotions étaient encore reliés à cette période m'hérissait tout entière. J'éprouvais une furieuse envie de briser les chaînes avec un cri sauvage.
Noah parut percevoir le début de ma fureur et la désamorça d'un ton étonnamment tendre :
— Ecoute, ce qu'on a dit l'année dernière vaut encore maintenant. Un pas à la fois, dans ta lutte comme dans la mienne. L'important, c'est que ça aille dans le bon sens ... et nous concernant, j'ai la sensation que les choses ne se présentent pas trop mal, non ?
Instinctivement, mon regard tomba de nouveau sur ma bague. Même couverte par le voile, masquée entre les plis de la robe, la pierre brillait de tout son éclat. Je souris, et Noah sourit en retour, certainement fier d'avoir fait disparaître les larmes de mes yeux. Taquin, il prit ma main et me fit tournoyer sur moi-même. La traine si fluide effleura le parquet et s'enroula autour de mes chevilles, manquant de me faire vaciller.
— Vraiment, vraiment pas trop mal, apprécia-t-il.
— Je vais me prendre cent fois la traine dans les pieds et me casser mille fois la gueule, évaluai-je, peu certaine malgré l'esthétisme certain de la tenue.
— Et c'est pour ça qu'elle me plait : belle, avec un gros potentiel de catastrophe. Si j'étais une robe, je serais cette robe. (Il m'adressa un sourire d'enfant terrible). Allez, va essayer l'autre miss Colibri.
— C'est vraiment une robe de mariée si elle est courte ?
— C'est une robe de mariée si la mariée la porte. Tu es la mariée, Vic'. Tu as le pouvoir.
— Oh Seigneur, lâchai-je, un sourire incertain aux lèvres. Ne te marie jamais, Noah. Vraiment tu serais un marié insupportable.
— Tu veux dire ? Ce sera le moment où j'aurais tous les droits moraux d'être une diva, je ne vais me gêner !
— Comme si tu te gênais en temps normal, accusa Ophélia, qui s'était glissé derrière moi. Libère la future mariée, maintenant !
Et sans attendre la réponse, elle me prit la robe des mains et faucha mon coude pour nous engouffrer derrière les rideaux. Je poussai un soupir de soulagement lorsque la robe, somptueuse, mais sans doute trop entravante pour moi retrouva son ceintre. Avant de retrouver une nouvelle peau, je bus longuement et laissai les restes d'émotivités qui m'avaient étreinte face à Noah s'écouler avec l'eau jusqu'aux tréfonds de moi-même. Ce n'était ni le lieu, ni l'endroit. Simon avait été très clair : la question des enfants attendrait que je sois prête pour être posée. Tant qu'il restait de la peur, elle n'existait pas. En revanche la bague à mon doigt existait comme preuve que je finirais mes jours avec Simon, concrétisant une promesse vieille de presque dix ans. Et pour l'heure, c'était sur ce quoi je décidai de dédier toutes mes pensées.
— Je crois que j'ai besoin de plus de simplicité, dis-je à Ophélia, qui préparait soigneusement la robe. Enfin, je n'ai rien contre la dentelle, je l'ai trouvé jolie sur la dernière robe mais ... je ne veux pas me sentir. Trop entravée ? Je ne sais pas, la traine, les jupes qui trainent à terre ... ça ne me ressemble pas vraiment.
— Entraver une championne du monde, je crois que je risque d'être lynchée par les fans de Quidditch, plaisanta Ophélia avant de contempler la robe, songeuse. C'est un bustier avec une jupe patineuse, peut-être un peu simple ... heureusement que j'ai de quoi la compléter !
Ophélia jaillit des rideaux, avec un geste théâtral qui justifia l'appellation de « diva originelle » et les conversations s'interrompirent sur son passage. Lorsqu'elle revint avec un haut de dentelle délicate et épurée qui couvraient les bras et s'arrêtaient au-dessus du coude. J'avais peur de ne pas remplir un bustier, mais une fois les pinces et la robe ajustée par Ophélia, celui-ci épousait parfaitement le haut de mon corps. La dentelle qu'elle passa par-dessus avait un col rond et large qui laissait deviner mes clavicules et mes épaules dessinées par le Quidditch. Et plus que tout, ce fut la jupe qui me charma : s'arrêtant juste au-dessus de mon genou, sa texture fluide d'activa à chacun des pas que je fis en direction du miroir. Lorsque je tournoyais sur moi-même, elle gonfla et se déploya autour de moi comme des ailes de nuage. C'était une sensation fantastique. Au-dessus de mon épaule sur mon reflet, je vis Ophélia opiner d'un air appréciateur.
— Et bien c'est que c'est vraiment le clone de Josie. Qu'est-ce que vous en pensez ?
— J'aime. J'aime vraiment beaucoup.
— Champagne ! clama-t-elle avec un immense sourire. On a la robe !
***
Aloooooooors?
C'était peut-être un peu girly, mais il fallait que je fasse quelque chose de cette vibes mariage qui souffle sur ma famille (ah oui parce qu'au délà de ma soeur ... il y a eu 3 demandes en une semaines en tout. Mon cousin et ma cousine. Et mon autre cousine s'est mariée en janvier. OUI LA FIEVRE EST FORTE ICI mais Perri y résiste.)
J'espère que ça vous a plu de voir Victoria en blanc ! De façon très honnête je doute pouvoir écrire le VRAI mariage, avec la cérémonie et tout ... je pense que je trouverais ça awkward. Mais d'autres moments (préparations, ou fête) ça peut davantage s'envisager !
Bon week-end à tous.tes et j'espère qu'on se reverra bientôt !
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