[O&P] 4. Ennemis de l'héritier, prenez garde
- Quatrième année -
3 décembre 1992
-Mais pourquoi tu traines avec elle ?
Emily écumait en descendant à côté de lui. Elle avait des livres plein les bras et une plume était négligemment plantée dans son chignon lâche. Une frange couvrait à présent son front – et l'acné qui avait fini par apparaître, à la sauvage satisfaction de Simon. Mais Octavia McLairds continuait d'être d'une perfection insolente et c'était ce qui rendait Emily folle de rage.
-Sérieusement, elle est insupportable ! Une véritable peste ! Gillian la regarde comme une déesse – et la moitié des garçons, aussi ! Tu sais que Roger Davies a demandé à sortir avec elle ? Et elle a dit non ! A Roger Davies !
Simon leva les yeux au ciel et ne répondit pas aux furieuses paroles d'Emily qui continuait de rager contre Octavia McLairds. Immédiatement après l'avoir rencontré dans le train, Simon aurait probablement donné raison à son amie : la Serdaigle était hautaine, trop forte de son nom de famille et de ses talents. Mais entre temps, ils s'étaient retrouvés l'un à côté de l'autre pour un exercice de Sortilège. Par hasard ? Simon en doutait : Octavia n'avait pas eu l'air surprise du tout, comme si elle avait fait exprès de laisser la place à côté d'elle libre pour qu'il puisse s'y asseoir. Toujours était-il qu'il avait pu apprécier l'intelligence fine et le discernement d'Octavia. Face à ce travail de groupe, la compétition avait cessé et une entente cordiale était née.
Le problème, c'était que dans le même temps une rivalité de plus en plus forte animait Octavia et Emily. Les deux jeunes filles étaient en quatrième année et leur corps commençait à se transformer : les rondeurs de l'enfance tendaient à devenir celles de femmes. Elles étaient unanimement reconnues comme était les deux filles les plus jolies de leur promotion et même de Poudlard, parmi les plus appréciées et les plus intelligentes. Elles rivalisaient de perfection. La différence majeure, c'était qu'Emily n'avait aucune vocation à être parfaite : elle riait fort, ne cachait pas son caractère fougueux et dédaignait absolument tous les garçons. Octavia au contraire faisait de sa façade son apparat et sa carapace. Un léger sourire de Joconde, un mot aimable pour tout le monde, un caractère égal et une petite histoire d'amour avec un garçon de Serdaigle plus âgé – beau, populaire, galant. Elle soignait son image autant qu'Emily soignait ses potions. Deux styles complétement différents qui rendaient les deux filles complétement antipathiques. A tel point qu'à présent, Emily se fichait totalement de la petite Victoria Bennett que Cédric tentait d'intégrer dans le groupe. Simon était habitué à sa présence depuis l'enfance et Emily avait décidé de cracher son venin vers une autre fille : le pari de Cédric, sans réussir, était moins incongru maintenant que l'année dernière au Poudlard Express.
Cependant, Cédric était seul devant la cheminée de la Salle Commune de Poufsouffle, penché sur la table passe et un immense parchemin qui trainait à terre. Simon lut quelques mots en posant son sac au pied du fauteuil.
-Le devoir d'Histoire de la magie ? Tu rédiges déjà ?
-On a fini le plan hier avec Victoria, confirma-t-il sans lever les yeux de son parchemin. Franchement si on a une bonne note c'est grâce à elle ... J'étais complétement perdu dans les dates.
Simon et Emily échangèrent un regard dubitatif. Victoria avait des notes correctes en Histoire de la magie et c'était très certainement parce que c'était l'une des rares matières où la magie était inutile. Simon ne se déshonorait pas, mais il avouait que c'était parce qu'il s'appuyait largement sur les notes de Cédric. Il n'y avait pas que le professeur de mort dans les salles d'Histoire de la magie : les élèves aussi semblaient être devenu fantômes aux yeux du professeur Binns.
-Si tu le dis, grommela Emily en fouillant la salle du regard. On va devoir supporter sa présence ?
Cédric darda un regard agacé sur Emily, qui leva immédiatement les deux mains.
-D'accord, je n'ai rien dit ! Et j'admettrais même qu'elle est moins détestable depuis qu'elle nous fait gagner au Quidditch ...
-Humf, laissa échapper Simon, morose.
Il n'en revenait d'ailleurs toujours pas que la petite Victoria se soit imposée avec une telle autorité dans les buts des Poufsouffle. D'abord dubitatif, le Capitaine ne l'avait engagé que parce que Cédric avait menacé de partir aussi, ce qui avait fait frémir toute l'équipe d'effroi. Tout le monde savait que leurs performances ne tenaient qu'à leur brillant attrapeur, qui n'avait failli qu'une fois, dans un match absurde qui avait duré à peine cinq minutes, battu par le tout jeune et incroyablement chanceux Harry Potter. Si le premier match de Victoria contre Serdaigle avait été laborieux, elle avait fini par faire taire les critiques les unes après les autres en réalisant des arrêts acrobatiques à vingt mètres de hauteur. Si la Coupe avait l'année dernière échu à Serpentard en raison du forfait de Gryffondor, Poufsouffle ne s'était pas déshonoré en se hissant à la deuxième place pour la première fois depuis dix ans.
Simon était forcé de l'admettre : le Quidditch réussissait à Victoria. Un moyen de s'intégrer, de frapper dans quelque chose qui n'était pas lui et d'enfin briller après des années à se morfondre dans l'ombre. Et il ne savait pas si ce nouvel épanouissement lui plaisait ou pas. Faute de trouver une réponse, il reporta son attention sur Cédric, qui avait levé les yeux au ciel face à leur réaction. Il trempa dignement sa plume dans son encrier.
-Pour répondre à ta question, non. Je ne sais même pas où elle est ...
-Oh, Ced ... Elle est grande, non ? Tu es obligé de la couver ?
Cédric riva immédiatement son regard vers Simon, qui sentit son cœur se serrer. En d'autres circonstance, il aurait abondé dans le sens d'Emily. Beaucoup moins depuis l'histoire du 5 Novembre, mais Nestor Selwyn avait enfin quitté l'école. Ulysse s'approchait peut-être de temps à autre d'elle mais ce n'était pas la menace que craignait Simon. Son échine fut prise de frisson glacé.
« La chambre des secrets a été ouverte. Ennemis de l'héritier, prenez garde ».
Si encore la phrase avait été seule et isolée, il ne se serait pas inquiété. Mais après l'affreux chat de Rusard, c'était un jeune élève de Gryffondor qui avait été agressé par un mal étrange, inconnu et sur lequel personne ne communiquait. Tout ce qu'on savait, c'était qu'il restait à l'infirmerie, figé. Pourquoi ? Parce que ses parents étaient des moldus. Comme ceux de Victoria. Et même si Selwyn avait quitté Poudlard, cette phrase sonnait beaucoup trop comme un Remember, remember pour lui.
Mais elle a déjà été attaché sur un bûcher par un taré. Elle ne va pas me faire le coup deux fois ? Non ?
Non. Personne n'avait si peu de chance ... Sauf peut-être le pauvre Harry Potter, qui dès sa première année avait réussi à se retrouver dans des événements mystérieux au cœur du couloir interdit du troisième étage et qui en début d'année avait atterri on ne savait comment sur le Saule Cogneur.
-Il faudrait peut-être qu'on commence le devoir de Lokhart aussi, fit remarquer Emily face au silence des garçons.
-Dis-lui qu'il a des cheveux magnifiques et tu auras un optimal.
-Chiche ?
Simon eut un sourire effronté. A dire vrai, le défi ne lui déplaisait pas – il détestait tant son professeur au sourire éclatant mais complétement incompétent. Son mépris pouvait se traduire pour un mépris total de ses devoirs. Mais Cédric finit par lire clair dans son jeu et lui jeta un regard sévère.
-Hé ! Pense un peu à ton dossier, tête brûlée. Comment tu vas entrer au Ministère avec un trou dans tes notes ?
-Et qui te dis que je veux entrer au Ministère ? protesta-t-il.
-Arrête, Simon, tous les Bones vont au Ministère, renchérit Emily en levant les yeux au ciel. Avec tes résultats, tu aurais tort de t'en priver ...
Simon lui jeta un regard incrédule. Tort ? Tort de quoi, de refuser d'être enfermé dans un bureau aux ordres de Cornelius Fudge et de son charisme d'huître ? Ce n'était certainement pas la vie dont il rêvait. Cédric parut voir son scepticisme car il repoussa enfin son parchemin pour lui proposer :
-Tu pourrais être Auror, tu sais. Avec tes résultats et tes capacités en magie, tu peux largement y prétendre. Mais pour ça, il faut assurer en Défense contre les Forces du mal. Alors ne commence pas à raconter dans ton résumé de Voyage avec les Trolls que les cheveux de Lokhart semblent absolument lumineux ...
-J'avais dit magnifique ! Tu ne m'écoutes jamais !
Emily éclata de rire face à la mine ironiquement bougonne de Simon et à celle désabusée de Cédric. Depuis qu'ils avaient dû choisir leurs options, les expectations sur leur avenir allaient bon train et Simon devait subir chaque année le spectre du Ministère, cette voix toute tracée vers la justice que suivait chacun des Bones. Simplement, il n'était pas sûr de s'y épanouir, mais l'hypothèse de Cédric lui mit soudainement le doute. Il était doué en magie, très bon en Potion et pas complétement dépourvu de l'instinct de justicier de sa famille ... Être Auror paraissait en effet être une voie crédible pour lui et pourtant, quand l'idée se déploya dans son esprit, quelque chose la bloqua. Sa gorge se ferma affreusement sans qu'il ne comprenne et il préféra se concentrer sur la fenêtre où brillaient quelques étoiles. Laisser les idées s'envoler.
La nuit était tombée dans le vieux château, claire avec ses étoiles qui parsemait le ciel comme des lucioles. Il serait bientôt temps d'aller dîner dans la somptueuse Grande Salle mais Emily et Cédric prenaient le temps d'achever leurs devoirs pendant que Simon lisait à même le sol devant la cheminée. La quiétude la plus totale régnait dans la Salle Commune, jusqu'à ce qu'un élève entre en trombe et fasse claquer violement la porte derrière lui. Emily redressa la tête, furibonde.
-Oh ! Il n'y a qui bossent, doucement !
Un sourire frémit sur les lèvres de Simon. C'était pour ce genre de pique, pour cette énergie fougueuse, qu'Emily était appréciée – et parfois détestée – à Poufsouffle. L'élève en question semblait être plus vieux qu'eux de quelques années et repoussa la houp de cheveux blonds qui lui tombait sur le visage. Il s'écria d'une voix presque hystérique :
-Il y a l'un des nôtres qui a été agressé ! Comme l'autre, le gnome de Gryffondor ! Encore un autre !
Simon eut l'impression que la douce chaleur du feu se changeait en une brise glaciale et soufflait toute la bonne humeur qui émanait de la Salle Commune une seconde plus tôt. Après un silence horrifié, ce furent des murmures apeurés qui emplirent l'espace auditif jusqu'à ce que leur préfet-en-chef s'exclame :
-Encore un autre élève ?
-Un Poufsouffle, c'est ce que j'ai entendu ...
Emily plaqua ses mains contre sa bouche et Cédric en cassa sa plume, la mâchoire contractée. Les mots écrits à l'encre rouge comme le sang sur le mur semblaient leur être murmuré à l'oreille comme une diabolique litanie.
Ennemis de l'héritier, prenez garde ...
Les prochains seront les Sangs-de-Bourbe ! s'était écrié un élève dans la foule.
Le sang de Simon ne fit qu'un tour et comme la moitié des élèves de la salle, il fouilla la pièce du regard à la recherche d'une camarde de sang moldu qui manquait. A dire vrai, il en connaissait un certain nombre mais il n'y en avait qu'un qui lui importait. Emily bondit sur ses pieds et disparut dans son dortoir. Cédric se précipita vers le garçon qui leur avait annoncé la nouvelle. Malgré leurs quelques années de différence, il le toisait et le garçon recula d'un pas.
-L'élève, c'est un garçon ou une fille ?
-Quelle importance ?
-C'est très important ! insista Simon en se dressant aux côtés de son ami.
Lui pour le coup faisait encore une tête de moins et pourtant il recula encore, peu assuré d'être ainsi acculé.
-J'en sais vraiment rien ! J'ai juste vu Zacharias Smith qui m'a dit qu'un Poufsouffle a été agressé, j'en sais pas plus que vous ...
Simon poussa un grognement de frustration et se détourna pour embrasser de nouveau la place du regard dans l'espoir d'apercevoir une petite tête couverte de boucles brunes. Mais elle n'était nulle part ... La panique commençait à le gagner et dans un écho, il entendit les pleurs de Victoria sous son perron alors que les mots du 5 Novembre qui filaient entre les larmes. Tout ça pour son sang ... pour son sang ... et ça recommence, c'est pas vrai ... Il évita de s'attarder sur le fait que malgré la menace claire et tangible, il n'avait pas surveillé outre mesure la jeune fille, notamment parce qu'il avait été soulagé du départ de Nestor Selwyn. Mais ça avait été un mirage. Ennemis de l'héritier, prenez garde ... Bon sang, le seul ennemi de Victoria c'était lui-même ... Emily revint alors des dortoirs, livide.
-Elle n'y est pas ...
Le sang de Simon se figea dans ses veines. Sans réfléchir, il monta sur une table basse et fouilla frénétiquement la pièce du regard dans l'espace de remarquer des boucles brunes, des yeux en amande, ou entendre un rire pour le voir ainsi perché sur une table tel un suricate. Nulle part. Elle n'était nulle part. La panique monta brusquement en lui et il se sentit suffoquer. Bon sang, Bennett. Tu vas vraiment me faire ce coup-là ? Cédric tira sur sa manche et Simon baissa le regard sur son visage inquiet.
-Viens, on va la chercher.
-Personne ne va chercher personne, rétorqua le préfet en se plaçant devant la porte, les bras écartés. Chourave m'a demandé de ...
-Mais Victoria n'est pas là, c'est qu'elle est dehors ! s'écria Emily. Et elle est née-moldue, il faut qu'on ...
Elle s'avança, prête à le bousculer, mais il s'interposa de nouveau entre elle et la porte. Il faisait une tête de plus qu'elle mais elle semblait prête à se jeter à sa gorge et lacérer sa peau des griffes roses qui lui servaient d'ongle.
-Personne ne sort ! Chourave me l'a demandé, elle ...
Ses mots furent coupés la porte qui s'ouvrit à la volée, sonnant le préfet et déversant dans la salle les élèves qui étaient encore à l'extérieur de la salle commune. Beaucoup avaient les bras chargés de parchemins et de livres, indiquant qu'ils revenaient probablement de la bibliothèque. Simon poussa un immense soupir en repérant les mèches rousses de Susan parmi eux. Sa petite sœur se précipita vers lui, le visage luisant de terreur et tremblant de tous ses membres. Elle en laissa échapper le livre qu'elle pressait contre sa poitrine et Cédric lui ramassa galamment.
-Ils disent que c'est un Poufsouffle cette fois ! haleta-t-elle dans un filet de voix. On a juste croisé Chourave qui nous a dit de rentrer ...
-Tout va bien, tu es en sécurité, la rassura Cédric en lui rendant son livre.
Mais ça ne paraissait pas apaiser Susan. Ses grands yeux verts dansèrent d'un point à l'autre et elle finit par fixer Simon, épouvantée.
-Où est Victoria ?
Simon était occupé à observer chaque personne qui entrait dans la salle Commune et bousculait le préfet – Pas de petite tête aux boucles brunes dans l'assistance ... Il se tourna brusquement vers sa sœur et sentit tous ses espoirs se briser.
-Quoi ? Elle n'est pas avec toi ?
Il avait compté là-dessus : elles s'étendaient bien et révisaient parfois ensemble. Les yeux de Susan se remplirent de larme et elle plaqua ses deux mains contre sa bouche. Son livre tomba de nouveau sur le sol avec un bruit sourd.
-Oh non ! Tu crois ... ?
-Non, non, ne t'inquiète pas, dit précipitamment Cédric en mettant une main sur son épaule. On allait justement partir à sa recherche, elle doit être à la bibliothèque ...
-J'y étais, je ne l'ai pas vue, gémit Susan. Ni dans les salles de travail ... Oh par Merlin, Ernie et Hannah ne sont pas là non plus ... Ni Justin et lui aussi est ...
Un sanglot sembla nouer la voix de Susan et elle essuya une larme qui avait roulé sur sa joue. Simon l'enlaça et la laissa se blottir contre lui, l'esprit à mille lieux de cette salle commune. Peu lui importait les amis de Susan, la seule chose qu'il remarquait c'est que la petite silhouette n'avait toujours pas passé les tonneaux. Il était en train d'imaginer tous les lieux dans lesquels Victoria Bennett aurait pu se cacher – et Dieu savait qu'ils étaient nombreux. A quatre ans à être la plupart du temps seule et isolée et à devoir éviter les pestes et les bandes de Serpentard, elle avait fini par trouver des refuges dans le château. La petite salle de travail isolée à côté de la bibliothèque, mais elles avaient toutes été vidées. Les arcades près du département des enchantements mais elle y allait surtout la journée. Le soir ... Bon sang, que faisait Victoria le soir ? Entrainement de Quidditch ? Non c'était stupide, Cédric était juste à côté ...
-Oh, les gars !
Il leva les yeux sur Emily. Elle était toujours proche des tonneaux et pointait l'ouverture laissée béante par l'irruption des derniers retardataires. Le préfet, lui, était occupée à gérer l'agitation et les pleurs des premières années et ne surveillait plus du tout Emily sur le seuil. Le cœur de Sion manqua un battement et il n'hésita pas pour embrasser Susan sur le sommet du crâne et la repousser doucement.
-Je reviens tout de suite avec elle, promis.
-Quoi ? Simon ! (Elle le retint par la manche, en larme). Simon, il y a un monstre dehors et il vient de frapper !
-Alors il est sans doute parti, t'inquiète !
Il tenta de sourire avec confiance et força sa petite sœur à le lâcher. Elle paraissait toujours anxieuse mais le laissa s'éloigner, les bras noués sur son ventre. Simon rejoignit Cédric en deux enjambées et tous les deux se précipitèrent vers Emily qui les attendaient toujours sur le seuil. Sans les attendre, elle s'engouffra dehors, sa longue queue de cheval volant derrière elle. Ils se mirent à courir une fois dans le couloir, sans réellement réfléchir à leur destination. Le premier obstacle se présenta au premier virage quand ils croisèrent des élèves. Toujours pas de Victoria, mais Caroline, à la fois anxieuse et stupéfaite de tomber sur son petit frère en dehors de la Salle Commune. Ses yeux s'étrécirent. Simon s'immobilisa net, soufflé.
-Oh, oh.
-Simon !
-Courrez ! cria-t-il en poussant Emily devant lui.
Il tenta de la suivre mais Caroline lui attrapa vertement le bras. Il se dégagea rapidement et suivit ses amis dans le couloir, ses pas couvrant à peine la voix de sa sœur :
-Papa t'a dit d'être prudent ! Simon !
La voix de Caroline d'évanouit dès qu'il prit un nouveau virage. Sa fureur lui importait peu : toute son enfance il avait essayé d'obtenir l'approbation de sa sœur sans y parvenir. Ce n'était pas maintenant qu'il allait s'en soucier alors que Victoria se trouvait quelque part dans ce château, peut-être même ... Son cœur remonta brusquement dans sa gorge. Alex va me tuer. Me tuer et m'enterrer dans son jardin.
Cédric atteint le premier le Hall. Il grouillait d'élève qui sortaient en masse de la Grande Salle et de murmures apeurés. Emily attrapa les mains de ses deux amis pour ne pas les perdre dans la foule et les entraina sous l'escalier, à l'abri des cris que Flitwick poussait depuis les escaliers :
-Regagnez immédiatement vos dortoirs ! Rapprochez-vous de vos préfets, restez groupés !
-Qu'est-ce qu'on fait ? murmura Emily. Où est-ce qu'elle peut être, cette gourde ?
Malgré l'insulte, Simon sentait l'inquiétude sincère de son amie. Elle était moins vindicative depuis quelques moins, sans pour autant être indulgente mais surtout, Emily avait du cœur. Quand bien même elle n'avait aucune tendresse pour Victoria, elle n'avait pas hésité une seule seconde avant de s'élancer à sa recherche.
Cédric secouait la tête. Son visage était livide.
-Je n'en sais rien, sincèrement ... Par les chaussettes de Merlin, j'ai observé tous ceux qui revenaient, tous les élèves que je croisais, j'ai l'impression ... Bon sang, j'ai l'impression ...
-Non, le coupa immédiatement Simon, horrifié. Non, tu te tais !
Cédric paraissait affligé par ce qu'il sous-entendait, mais également résigné. Mais c'était une hypothèse que Simon ne pouvait intégrer. Il préférait fouiller le château, draguer le Lac Noir, et s'enfoncer dans la Forêt Interdite plutôt que d'admettre cette idée. Et comme Cédric persistait avec sa mine défaitiste, Simon le prit fermement par les épaules et planta son regard dans le sien. Ce n'était pas évidement : Cédric le toisait de toute sa hauteur quand lui n'était qu'un moustique. Mais un moustique déterminé.
-D'accord, alors je vais te donner le topos. Si je ne retrouve pas Vicky en vie et entière je vais avoir son grand frère qui fait deux têtes de plus que moi et le double de mon poids qui va venir me fracasser contre un mur puis me jeter dans le ruisseau donc non, cette option n'est pas envisageable !
-Il manquait plein de gens dans la Salle Commune, ajouta Emily avec hargne. Franchement ça peut être un autre qui a été agressé !
-Et on en vient à espérer ça, rétorqua Cédric. C'est ... Mille gargouilles, c'est une situation atroce.
-Oui bah pardon de préférer que ce soit tout le monde, sauf Vicky ! Je tiens à ma vie !
Cédric le dévisagea longuement, l'air tiraillé mais également sidéré par sa virulence. Ses sourcils se froncèrent au-dessus son nez droit et parfait.
-Tu ne tiens pas qu'à la tienne, pas vrai ? chuchota-t-il.
Simon le lâcha brusquement, comme si soudainement le corps de son ami le brûlait. Cédric parut surpris de sa réaction mais n'eut pas le temps de s'en étonner : Emily prenait le relai et referma sa main sur son bras avec force.
-Il faut qu'on essaie ! Peut-être qu'elle est dans un coin à se cacher de McLairds (elle jeta un regard oblique à Simon) et qu'elle ne sait pas ce qui s'est passé ! Et que le monstre court toujours, tu veux prendre ce risque ?!
Même si Simon était convaincu de la profonde bonté d'Emily, il n'en revenait pas de la voir défendre Victoria avec tant de force devant un Cédric qui était censé être le plus proche d'elle. Les malheurs brouillaient les prospections et les rôles, visiblement.
-Très bien, finit par céder Cédric. Mais seulement si vous avez une brillante idée sur l'endroit où elle pourrait être. Parce qu'il est hors de question qu'on commence à se perdre dans le château alors que justement, un monstre traine ! Alors ?
Simon et Emily échangèrent un regard déboussolé. Ils n'avaient strictement aucun lieu à l'esprit, ni l'un, ni l'autre.
Simon s'éloigna de quelques pas, la tête entre les mains. Depuis deux ans, il gardait toujours un œil sur Victoria, même de loin. Pour être certain que Selwyn ne l'approche pas, notamment. Il s'était efforcé de trouver toutes ses cachettes, mais toutes devaient être évacuée à l'heure qu'il était. Il avait beau retourner l'idée dans tous les sens, il n'avait plus qu'une seule option en tête.
-Le terrain de Quidditch, proposa-t-il à Cédric et Emily. Elle y va presque tous les soirs ...
-Mais il fait noir, fit remarquer Emily, dubitative.
Mais Victoria n'avait jamais eu peur du noir. Au contraire, elle était de celle qui arrivait derrière les timorés pour les effrayer encore plus. L'idée semblait également crédible à Cédric car il hocha lentement la tête.
-Elle veut s'améliorer, confirma-t-il à voix basse. Elle a beau faire ses preuves, il y a toujours des voix qui s'élèvent pour dire qu'elle est trop petite pour être Gardienne ... D'habitude je vais avec elle, mais ce soir ...
-Ça vaut le coup d'essayer, trancha Simon, soulagé. Vite, avant qu'ils se ferment les portes ...
Mais Rusard et le professeur McGonagall étaient déjà en train de clore les immenses portes de chênes. De nouveau, Cédric, porté par sa forme olympique, fut le premier sur eux et se planta devant la professeure de métamorphose au moment où elle levait la baguette pour les sceller.
-Arrêtez, professeur ! Quelqu'un est encore dehors !
-Diggory ! s'exclama McGonagall, contrariée. Bon sang, qu'est-ce vous me racontez ? Retournez dans votre dortoir !
Cédric était grand pour son âge, mais comme tous il semblait être un enfant face à l'aura et au charisme de la directrice-adjointe. Immense, droite et un regard émeraude perçant : tout le monde baissait les yeux face à elle. Mais Cédric avait une assurance qui frisait parfois l'arrogance, sans que ça ne doit volontaire.
-Professeur, je vous assure que quelqu'un est encore dehors, s'il vous plait laissez la porte ouverte ! Laissez-nous aller la chercher ...
-C'est Victoria Bennett, ajouta Emily avant que McGonagall ne puisse le remettre à sa place. Elle est née-moldue, vous ne pouvez pas la laisser ... A moins que ...
La voix d'Emily se brisa et pour la première fois depuis qu'il avait posé un orteil dans cette école, Simon vit McGonagall ébranlée. Elle posa une main élégante sur sa joue, l'air touchée par la quiétude de son élève, avant de prendre doucement son épaule. Emily ouvrit de grands yeux écarquillés et jeta un regard désarmé à Simon.
-Ne vous en faites pas, Fawley, Bennett n'est pas la victime ...
Sans pouvoir s'en empêcher, Simon se prit la tête entre les mains et exhala un gros soupir pour évacuer toute l'angoisse et la pression qui l'habitait depuis l'annonce dans la Salle Commune. Et maintenant qu'elles le quittaient, il prit conscience d'à quel point à il avait été tendu, lourd, rendu nerveux par la possibilité que Victoria ait été victime du monstre. La main de Cédric se crispa sur son épaule et le contact réveilla le souvenir de la question qu'il avait jeté quelques instants plus tôt : « Tu ne t'inquiètes pas que pour ta vie, pas vrai ? »
-C'est un soulagement mais elle reste dehors, observa Cédric, l'air néanmoins rassuré. Est-ce qu'on peut ...
Mais sa phrase fut coupée par les coups tonitruants frappés à la porte. Quelqu'un martelait le battant depuis l'extérieur et à travers les boiseries épaisses les échos d'une voix leur parvenait.
-... Quelqu'un ... ? S'il vous plait ... !
-Argus, ouvrez cette porte ! exigea McGonagall.
Rusard, qui était en train de tourner la clef dans sa serrure, jeta un regard contrarié à la directrice-adjointe avant de faire volte-face à la clef. Les coups reprirent de plus belles et McGonagall les écarta d'un large mouvement de bras, baguette en main. Les poutres qui barraient les battants pivotèrent et une fois ce que fut fait Simon se précipita vers les poignées. Il usa de tout son maigre poids pour les tirer et de l'ouverture jaillit Victoria Bennett, en tenue jaune couverte de boue, balai et ballon de foot sous le bras. Elle semblait éprouvée, comme si elle avait couru un marathon et ses mains étaient rougies à force de frapper. Elle jeta un regard éperdu à McGonagall.
-Pourquoi c'était fermé ... ? Je n'ai pas dépassé le couvre-feu ...
-Mais où est-ce que tu étais ?!
Victoria recula devant l'éclat de Simon, le balai dressé comme si elle s'apprêtait à s'en servir comme d'une arme. Même ses yeux étaient rougis mais ça ne suffit pas à l'attendrir et sans attendre il lui donna une claque sèche sur la tempe. Victoria répliqua comme il s'y attendait avec son balai mais il réussit à le bloquer de ses mains et tenta de le lui arracher pour la frapper avec jusqu'à ce qu'elle s'excuse de lui avoir causé pareille frayeur. Mais Cédric s'empara de Victoria et la souleva du sol pendant que McGonagall s'interposait entre eux, les ailes du nez frémissantes.
-Mais vraiment vous allez arrêter ?! Mais quel âge vous avez, huit ans ?
C'est ça professeur, j'ai toujours huit ans quand je suis face à elle ! songea amèrement Simon pendant que Victoria se débattait dans les bras de Cédric. Il se prit un coup de balai impromptu et son « Aïe ! » parut enfin calmer Victoria, qui plaqua des mains horrifiées contre sa bouche. Son balai et son ballon lui échappèrent et celui-ci roula jusqu'aux pieds d'une McGonagall médusée.
-Désolée Cédric !
-Pas de mal, gémit-t-il en se frottant le front.
-Mais vous avez perdu la tête, s'écria McGonagall, le cou marbré de rouge. Enfin, qu'est-ce qui vous prend ?!
-Elle a disparu, professeur, alors qu'un malade agresse les enfants de moldus ! éclata Simon en faisant un large mouvement de bras vers elle. Elle est inconsciente et stupide !
-Je suis juste allée m'entrainer ! protesta Victoria, vexée. On a un match dans ...
-Il fait nuit Vicky ! Nuit ! A quoi tu pensais ?!
Victoria s'empourpra brusquement et Simon vit les étincelles du 5 Novembre danser dans ses grands yeux ouverts. Elle oscillait toujours entre gêne et colère et Emily finit par se glisser derrière elle pour poser une main sur son épaule avec une surprenante douceur.
-Ecoute, Victoria ... Il y a eu encore un élève agressé ce soir ...
Cette fois, la jeune fille devint blême et vacilla sur ses jambes. Cédric et Emily l'attrapèrent chacun par un bras pour éviter qu'elle ne s'écroule et la jeune blonde fronça du nez en découvrant les traces de boue sur ses ongles roses qu'elle avait mis des heures à manucurer.
-Encore un autre ? répéta Victoria d'une voix blanche. Qui ?
-Justin Flint-Fletchey, répondit McGonagall avec prudence.
Les yeux de Victoria papillonnèrent et elle passa ses deux mains sur son visage, étalant ainsi la tâche de boue qu'elle avait sur sa joue droite. Les gants qui pendaient à sa ceinture en était également maculés et Rusard semblait faire une crise cardiaque devant l'état de ses chaussures. Assez vite, le regard de Victoria trouva celui de Simon et s'y planta, épouvanté.
-Mais ... C'est un ami de Susan, non ?
-Sérieusement ?! cingla Simon, hors de lui. Tu penses à Susan, tout de suite ?
-Je préfère, laissa-t-elle échapper dans un filet de voix. S'il te plait ...
Quelque chose dans son timbre, dans la façon dont ses yeux brillaient à la lueur des chandelles, dans la manière dont elle ramena sa main sur la chaine qui ne quittait jamais son cou, fit s'évaporer toute la colère de Simon. Ou peut-être était-ce parce qu'elle s'adressait à lui et rien qu'à lui, comme à ce soir où elle lui avait tout avoué concernant Nestor. Tu étais juste ... la seule personne, tu comprends ?
Oui. Simon commençait lentement à comprendre. La peur était un puissant moteur pour mettre les évidences en lumière.
Finalement, il hocha sèchement la tête et les épaules de Victoria se détendirent enfin. Elle restait pâle, ébranlée par la nouvelle et un minuscule sourire s'imprima sur ses lèvres. Il avait toujours trouvé ce phénomène fascinant : comment le sourire transformait littéralement Victoria Bennett en petit soleil, en ce petit ange fantasmé par tous et qu'il savait n'être qu'un démon. Les anges ne lui causaient pas de telles frayeurs ...
-Bon, on va retrouver Susan, alors ...
-Oui, retournez à la Salle Commune, confirma McGonagall en les poussant vers leur couloir. Dépêchez-vous et surtout ... (Elle jeta un regard bref à Victoria, que Cédric avait enlacé pour l'accompagner) restez grouper. Oui, restez groupés. Et baguette en main, Bones.
Elle lui tapota l'épaule et comme Emily il ouvrit de grands yeux choqués face à ce geste presque tendre de la part de la revêche directrice-adjointe. Mais il sortit docilement sa baguette d'acacia et y crispa les doigts. Ce ne fut qu'en la voyant tressauter qu'il se rendit compte que sa main tremblait et il passa une main sur sa poitrine pour constater qu'elle s'élevait et s'abaisser à un rythme affolant. Soucieux de reprendre ses esprits, il laissa les autres prendre quelques mètres d'avance. Cédric s'était empressé s'en aller, un bras passé derrière les épaules de la petite Victoria et Emily avait ramassé son balai. McGonagall tendit le ballon de foot à Simon et ils s'en retournèrent à la Salle Commune en suivant le flot d'élève qui continuait de chuchoter avec un air horrifié.
-Victoria, lança Emily en regardant droit devant elle, il faut que tu arrêtes de balader seule.
Victoria lui jeta un regard méfiant. La jeune fille s'était portée à sa hauteur et de l'arrière, Simon trouvait le contraste saisissant. La grande et blonde Emily, sa queue de cheval impeccable et propre et la petite et brune Victoria couverte de boue. Elle se dégagea de la prise de Cédric et soudain elle sembla grandir, prendre son envol – littéralement car elle prit quelques mètres d'avance.
-Ce n'est pas comme si je l'étais par choix ...
Cédric leur jeta un regard où brillait le reproche et Emily rentra la tête dans les épaules, l'air penaud. La vérité, c'était que ces derniers mois elle était plutôt indifférente au sort de Victoria. Parce qu'elle avait trouvé sa véritable rivale en la personne d'Octavia. Et parce que le Quidditch avait permis à la jeune fille de prendre une relative confiance qui la rendait moins agaçante aux yeux d'Emily. Peut-être même qu'elle avait fini par s'habituer à sa présence imposée. Cédric continua de la fusiller du regard, elle plus que Simon et elle finit par soupirer. Elle rattrapa Victoria en quelques enjambées et la força à s'arrêter au milieu du couloir, le regard flamboyant.
-D'accord, OK, je ne suis sans doute pas la personne la plus sympa avec toi depuis la première année, admit-t-elle résolument. D'accord, je suis même exécrable, ajouta-t-elle quand Victoria haussa les sourcils. Mais tu n'as rien fait pour te faire aimer, ma grande : tu parles à peine, j'ai l'impression que tu es effrayée dès qu'on t'approche !
-Emily, soupira Cédric.
Simon le fit taire d'un coup de coude. Il avait vu le léger sourire effleurer les lèvres de Victoria, ce petit sourire qui disait clairement qu'elle se retrouvait dans les mots d'Emily. Celle-ci parut le percevoir également car elle ignora Cédric pour poursuivre :
-Mais ... J'ai peut-être été injuste. Ça n'a pas dû être facile d'arriver à Poudlard pour toi ...
Le regard de Victoria passa rapidement sur Simon et encore une fois le 5 Novembre flotta entre eux comme un fantôme. Elle prit une profonde inspiration et reporta son attention sur Emily pour secouer lentement la tête.
-Non, pas facile du tout. Et tu étais ... plutôt méchante, dans ton genre.
Emily haussa les sourcils et se tourna vers les garçons en se pointant d'un geste théâtral.
-Pardon ? Je suis méchante ?
-Oui, répondirent-t-ils en chœur.
-Mais moins que moi donc c'est acceptable, ajouta Simon, sarcastique.
-Ou pas, cingla Victoria avec un regard appuyé pour lui.
Cédric se frappa le front d'une main, l'air désespéré mais Emily sourit devant l'air plus vindicatif de la jeune fille.
-Tu sais, si tu agressais Octavia McLards comme tu agresses Simon, il y aurait presque moyen qu'on devienne amie.
-Pour qu'elle envoie ta cousine me dire que mes cheveux ressemblent à des tentacules, non merci, marmonna-t-elle.
Emily réagit d'une façon très digne pour une personne qui – Simon le savait – avait été la première à comparer Victoria au calamar géant. Elle prit une mine presque compatissante.
-Ah ... Gillian n'est pas méchante, mais stupide, pour le coup.
Victoria hésita et finit par lâcher avec un timide sourire :
-Oui. Très.
-Parfait, se réjouit Emily en repoussant sa queue de cheval blonde dans son dos. On est au moins d'accord là-dessus !
-Et sur le fait que tu ne dois jamais être seule, renchérit Cédric avec une certaine gravité. Bon sang, Victoria ... Quand on nous a dit qu'un Poufsouffle ...
De nouveau, Simon le fit taire d'un regard acéré : Victoria venait de de brusquement pâlir et lorgnait le couloir comme si elle craignait que le monstre ne se cache derrière une armure. Les torches découpaient leurs ombres lugubres sur les murs et son visage : elles semblaient presque l'encercler, immenses, prête à l'engloutir. L'image donna à Simon l'envie de donner un grand coup de pied dans les armures et enfin effacer les ombres qui obscurcissaient sa vie à Poudlard. Tout dans cette affaire le mettait dans une colère noire : ce sombre message, les agressions, les restrictions que ça imposait à l'école, la liberté dont ça le privait et surtout leur raison profonde. Le pire dans tout ça ? Il sentait parfaitement le ravissement de certains élèves issus de grandes familles, il entendait les paris qui étaient faits sur les prochaines victimes, il voyait les regards apeurés de certains enfants de moldus dès qu'un frémissement s'élevait.
Cédric a raison. Ça aurait pu être Victoria. Comme un 5 Novembre, mais en pire ...
Il chassa l'idée de son esprit quand une nausée commença à poindre son nez. Il s'en était assez voulu pour ce qui s'était passé avec Nestor Selwyn, voulu d'avoir abandonné Victoria à un moment où elle était le plus vulnérable. Il était hors de question qu'il fasse une seconde fois cette erreur, surtout après l'alerte de ce soir.
Alors quand elle fit mine de protester, il tua ses arguments dans l'œuf :
-N'essaie même pas ! A partir de maintenant, Victoria Anne Jadwiga Bennett, c'est surveillance vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Emily sera là dans les dortoirs, Cédric pendant le Quidditch et s'il faut que je te suive à la trace dans les couloirs ce sera avec plaisir ! J'ai de l'entrainement, j'ai grandi avec toi je te rappelle, minus !
-Minus toi-même, rétorqua-t-elle mécaniquement. Franchement tu t'es vu, tu n'es pas plus épais qu'un cure dent !
La colère lui monta brusquement à la tête et dans un geste impulsif il lui lança son ballon de football à la figure. Mue par ses réflexes de Gardienne, elle le repoussa activement des deux poings et Emily se baissa pour éviter d'être heurtée à son tour.
-Bones ! Vous pensez que c'est le moment ?!
Au bout du couloir, Chourave les contemplait, les poings sur les hanches, la poitrine bombée d'un nouveau cri qu'elle semblait préparer. Le ballon avait roulé jusqu'à elle et elle y posa le pied – et Simon se fit la réflexion que c'était la joueuse de foot la plus étrange que le monde n'ait jamais porté. Elle indiqua sèchement les tonneaux derrière elle.
-Là-dedans ! Immédiatement !
Ils échangèrent des regards sidérés. C'était bien la première fois qu'ils voyaient leur Directrice de Maison dans un tel état de colère et de sévérité, elle qui n'avait toujours été que maternité et bonhomie. Ce fut sans doute sous le coup de la stupéfaction qu'ils obéirent dans un mot. Victoria ramassa son ballon et Cédric lui jeta un regard oblique.
-Où est-ce que tu as trouvé ça ? souffla-t-il, perplexe. Ce n'est pas un souafle ...
-Ballon de foot, répondit Victoria tout bas. Cadeau de noël de mes grands-parents ... Je ne suis pas Capitaine, je n'ai pas accès aux caisses.
-Et tu arrives à l'ensorceler ? s'étonna Emily.
-Fawley ! aboya Chourave. Dépêchez-vous !
Le visage d'Emily vira au cramoisi et elle passa les tonneaux la tête baissée, Victoria à sa suite, le ballon pressé contre son ventre. Simon suivit Cédric, les oreilles toujours bourdonnantes d'une colère sourde – contre le monstre, les Serpentard et Victoria Bennett. Celle-ci s'était jetée dans les bras d'une Susan à la fois soulagée et effondrée, complétement tremblante. Sa frustration fondit immédiatement devant la détresse de sa petite sœur et il amorça un mouvement pour les rejoindre, mais une main s'agrippa à son col, l'étranglant presque au passage.
-Où tu vas comme ça encore ?!
-Caroline ! gémit Simon, étouffé.
-Mais qu'est-ce que tu as dans la tête ? Tu es censé être le plus intelligent de nous trois, non ? Alors pourquoi tu fais des choses si stupides ? Attends que je le dise à maman !
-Bones ! rugit Chourave, hors d'elle. Lâchez votre frère, et par Helga, taisez-vous ! J'aimerais parler !
Avec un grognement furieux, Caroline arracha sa main du col de Simon. Avec ses dix-sept ans, elle était plus grande que Simon d'une bonne demi-tête et il ne supportait pas qu'elle le jauge du regard ainsi, avec une sévérité maternelle. S'il y avait bien une personne qui ne pouvait prétendre être sa mère, c'était Caroline.
-Tu n'es qu'un crétin, maugréa-t-elle entre ses dents.
-On a récupéré Victoria, rétorqua-t-il sèchement.
-Oh et depuis quand ça t'importe qu'il arrive malheur à Victoria ? J'ai passé ma vie à vous séparer !
-Mais je n'ai jamais voulu qu'elle meure, moi !
Son cri s'était à moitié étranglé et Caroline haussa les sourcils, l'air surprise par son éclat. Et cette surprise faillit le faire exploser. Soudainement, les lumières chaudes de la Salle Commune se teintèrent de vert l'espace d'un battement de cil. Un battement de cil qui raccourcit son souffle à l'en bloquer.
-Ce n'est pas ce que je veux ! poursuivit Simon, à bout de nerf. Arrêtez de penser ça, tous, ça me dégoûte ! Comment tu peux croire que je veux la voir morte ? Comment tu peux ... ? Comment tu oses ... ?
Il s'interrompit, la gorge nouée et la nausée le reprit si fort qu'il dut s'appuyer contre le mur. Sa voix s'était remplie de tout ce qu'il l'avait habité ces dernières minutes, dès que le garçon était entré en trombe dans la Salle Commune, dès qu'il avait remarqué que Victoria ne revenait pas, dès que le spectre qu'elle soit agressée s'était solidifié dans sa tête. Quand Cédric s'était mis à douter, il s'était senti perdre pied. Sa nausée, il la connaissait bien : c'était la même qui l'avait pris le soir de la répartition. Et à présent, quand il fermait les yeux, des lueurs vertes dansaient derrière ses paupières comme des flammes maléfiques prête à l'engloutir.
Caroline savait. Il le voyait dans son regard, entre peine et colère, comme à chaque fois. Elle savait. Simon oubliait souvent que c'était plus douloureux pour les autres : eux n'avaient pas oublié. Elle prit une profonde inspiration et mit une main résolument calme sur son épaule.
-Calme-toi. Respire. Allez, Simon, respire !
Simon obéit et inspira profondément puis vida tout l'air de ses poumons comme si cela pouvait lui permettre de chasser ses angoisses. Derrière lui, le professeur Chourave avait commencé son discours mais sa voix ne lui parvenait que par bride : tout était complétement assourdi par le sang qui battait à ses tempes, au même rythme affolé que son cœur.
-Encore, exigea Caroline en le prenant par les deux épaules. Allez Simon, regarde-moi ...
Il s'exécuta et planta son regard dans le sien pour ne pas chavirer, haletant. Elle avait les yeux aussi bleus que ceux de leur mère, peut-être un peu plus sombre mais son regard ne véhiculait pas la même chaleur, la même bonté. Chaque fois il les voyait, ses éclats d'amertume et de défiance sous le sourire ou la mine compatissante. Il s'accrocha néanmoins à elle, à ce qu'elle représentait, à la chaleur de ses poignets sous ses doigts pour reprendre un rythme cardiaque normal et une respiration plus régulière. Quand la crise de panique sembla enfin écartée, elle tapota sa joue avec un sourire en coin.
-Allez, c'est bien. Elle n'est pas morte – personne n'est mort. Détends-toi.
Elle l'abandonna alors pour rejoindre ses amies qui écoutaient religieusement Chourave, les larmes aux yeux. La directrice de leur Maison s'était installée dans un fauteuil, au milieu de ses élèves – à leur hauteur. Elle parlait d'une voix douce, égale pour ne pas les troubler mais ça n'empêchait pas les premières années de pleurer ou Victoria de blêmir de mot en mot. Elle avait passé un bras autour des épaules d'une Susan ébranlée et Cédric s'était glissé derrière elle, les bras croisés, le visage fermé. Emily était assise sur le bras du sofa de l'autre côté de Susan et Simon apprécia la flamme de détermination qui brillait dans son regard. Soudainement, le monde lui paraissait en couleur de nouveau, de la blondeur d'Emily au vert des prunelles de Susan jusqu'à la lueur dorée de la médaille de Victoria qui jouait avec les rayons des torches.
Son regard s'accrocha à celle-ci, à ses boucles complétement ébouriffées par sa séance de Quidditch, sa robe jaune tranchant avec la morosité des uniformes environnants. Elle était la principale concernée par les risques et pourtant c'était si évident de là où Simon se trouvait : elle soutenait les autres. Susan avait posé sa tête contre son épaule, en larme après l'annonce de l'agression de Justin et Victoria se tournait régulièrement vers Cédric qui la couvait d'un regard inquiet pour le rassurer. Elle dût finir par sentir l'attention dont elle faisait l'objet car son regard fut aimanté par celui de Simon, pourtant à l'autre bout de la pièce. Encore éprouvé par la panique qui l'avait gagné quelques minutes plutôt, il ne prit pas la peine de réagir. Juste de la fixer des ses yeux qui devaient être rendus brillants par l'émotivité. Ils se contemplèrent quelques secondes, quelques instants durant lesquels la pièce et les voix semblèrent s'effacer entre eux. Les secondes s'étiolèrent jusqu'à ce que, lentement, les lèvres de Victoria esquissent l'ombre d'un léger sourire. C'était faible, à peine formé mais Simon le voyait le coin de sa bouche qui s'élevait avec difficulté et soulevait cette pommette avec la force d'un Hercule. Il ne savait pas d'où elle tirait cette force de sourire ainsi mais c'en était une réelle. Car dès que le sourire fut amorcé, son visage se transforma incroyablement et le démon s'effaça derrière l'ange.
Elle n'est pas morte – personne n'est mort, avait lancé Caroline et il se sentit respirer plus librement à ces mots. Personne n'était mort. Non, personne n'était mort et personne ne mourrait – et Victoria Bennett resterait un poison dans vie, comme elle l'avait toujours été. Il avait besoin qu'elle le reste. Sinon les flammes vertes et maléfiques l'engloutiraient tout entier.
Hey ! Je crois savoir que c'était une partie du bonus attendu, j'espère qu'il est à la hauteur de vos attentes !
Sinon j'espère que votre confinement se passe bien, que cette semaine de cours à distance s'est bien passée pour les lycéens et collégiens et bonne vacances à vous ahah ! A la semaine prochaine pour O&P !
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