[O&P] 2. Remember remember
Première année
- 24 décembre 1989 –
Passé l'angoisse de la répartition, Poudlard s'était trouvé le paradis qu'avait rêvé Simon enfant. Chaque jour il découvrait un nouvel aspect du château, de sa magie, de ses camardes. Il s'était rapidement hissé en tête de classe en Sortilèges et Métamorphose et c'était presque naturellement qu'ils s'étaient rapprochés de ceux qui partageaient comme lui le tableau d'honneur. Emily Fawley lui ressemblait par certains aspects – intelligente et mordante – et le surpassait en Potion. Cédric Diggory était plus polyvalent et bien plus calme qu'il ne l'était, une force tranquille que Simon avait appris à apprécier dans sa vie, qui n'avait été qu'affrontement. Notamment avec Victoria. Il était vrai qu'une fois avoir été sûr qu'elle s'en sortait après la première semaine, il avait délaissée sa meilleure ennemie, préférant de loin la compagnie de Cédric et d'Emily. Il était tout de même allé mettre une grenouille dans son lit le troisième soir pour se rappeler à son bon souvenir, mais Victoria avait à peine bronché – et pire, n'avait pas répliquer. Elle devait avoir d'autres soucis en tête et il la croisait souvent seule, à faire ses devoirs ou à regarder par la fenêtre avec une certaine mélancolie. Cet air de tristesse perpétuelle agaçait Emily autant qu'il attendrissait Cédric, l'unique personne de leur classe à lui tenir de temps à autre compagnie. Que Cédric s'occupe des états d'âme de Victoria, s'était-il réjoui. Lui, pour la première fois de sa vie, se sentait plus libre que jamais.
Alors quand ce fut le moment pour lui de partir, Simon ressentit une déception honteuse. La vie à Poudlard l'avait libéré de toute entrave : pas de parents, pas de bagarres avec Victoria ... et pas de fantômes. Devoir retrouver tout cela à Terre-en-Landes l'angoissait tellement qu'il n'en mangea rien la veille du départ, au grand désarroi de Cédric qui dévorait chacun de ses repas. Il aurait voulu faire comme certain de ses camarades et rester à l'école pour Noël, mais malgré tout, il devait admettre que sa petite sœur Susan lui manquait beaucoup et il savait que sa mère serait atrocement mortifiée s'il décidait de rester. Ce fut en pensant à elles qu'il prit le train pour les vacances avec l'impression que le poids du monde s'abattait de nouveau sur ses maigres épaules.
Bien sûr, leur vieille maison victorienne bâtie par leurs ancêtres n'avait pas changée. Son groupe d'ami non plus : Chloé fut ravie de l'accueillir d'une boule de neige en pleine figure quand il sortit pour la première fois des vacances et Caroline coursa Alexandre, le grand frère de Victoria, après que celui-ci l'a jeté dans l'épais tapis alors qu'elle portait une pile de cadeau. De Victoria elle-même aucune trace et Simon admettait être surpris. Elle qui avait semblé si triste à Poudlard, il aurait cru qu'elle profiterait de leur retour pour redevenir elle-même : courir partout, jeter des boules de neige avec Chloé – avec lui pour cible ... Pour cette raison, Simon ne se plaignait pas qu'elle ne quitte pas sa maison aussi ne s'interrogeait-t-il pas jusqu'à ce qu'Alexandre le prenne à part après une bataille collective un après-midi.
-Dis-moi mon petit crapaud ... Il s'est passé quelque chose à l'école pour Tory ?
Simon grimaça au surnom dont l'affublait Alexandre depuis qu'il savait sa véritable nature. Mais venant de sa part, il acceptait ce ridicule. D'une part parce que c'était un garçon grand et costaud qui pouvait l'envoyait dans la neige d'une pichenette. D'autre part parce qu'il aimait énormément Alexandre, son sourire goguenard, ses yeux bleu-gris rieurs, sa façon de protéger tous ceux qui l'appréciait. Simon s'était toujours senti en sécurité aux côtés d'Alexandre et la sécurité c'était ce qu'il recherchait par-dessus tout.
-Pas que je sache, pourquoi ?
Les lèvres d'Alexandre se tordirent et il se laissa tomber dans la neige avec un soupir. Surpris, Simon le suivit et attendit qu'il trouve ses mots. Un pli soucieux était apparu entre ses sourcils.
-Je n'en sais rien ... Elle est bizarre depuis qu'elle est revenue. Elle ne décroche pas un mot, elle a peur d'un rien ...
-Elle a toujours eu peur d'un rien ... Sauf des grenouilles mortes. J'en ai mis une dans son lit en septembre, elle n'a même pas hurlé.
Il en fut quitte pour une tape à l'arrière du crâne qu'il avait anticipé. On ne disait pas de mal de sa sœur-chérie devant Alexandre sans en affronter les conséquences.
-Très drôle mon petit crapaud, mais contrairement à ce que tu penses, elle est solide Tory. Non, je pense qu'il y a autre chose ... Tu l'as bien surveillée comme je t'ai dit de le faire ?
-Euh ..., bredouilla Simon, soudainement penaud. Oui, la première semaine, le temps de ...
-Une semaine, répéta lentement Alexandre, un sourcil dressé. Donc ça veut dire que les douze suivantes, elle était toute seule ?
Simon eut un vague mouvement d'épaule, détournant le regard pour ne pas lire la déception dans les yeux d'Alexandre. Il lui avait fait promettre cent fois de veiller sur Victoria avant qu'ils ne partent. Il se tendit, prêt à avoir le nez dans la neige dans les minutes à venir mais Alexandre le surprit en se levant calmement, sans même essayer de le pousser.
-Je m'en doutais un peu, avoua-t-il en un soupir. C'est peut-être pour le mieux, sans magie vous êtes déjà atroce, mais avec la magie en plus ... Bon, je vais essayer de lui tirer les vers du nez, son état m'inquiète un peu ... Je ne te remercie pas pour ton aide, mon petit crapaud.
Il lui ébouriffa affectueusement les cheveux et s'en fut, la mine soucieuse. Simon le regarda partir, vaguement honteux d'avoir failli à sa parole de garder un œil sur Victoria. Mais la première semaine avait donné raison à Alexandre : avec la magie, leur relation était pire encore. Leur professeur de Défense contre les Forces du Mal les avait placé par ordre alphabétique et comme ils étaient en classe avec les Serdaigle, cette fois Miles Bletchley ne s'intercalait pas entre eux. Ils s'étaient retrouvés l'un à côté de l'autre, comme au temps de l'école élémentaire, et il avait fallu trois jours pour que Simon ne lance un sort à Victoria après une pique acérée de celle-ci. La professeure avait réagi sagement en les séparant.
Oui, c'était mieux s'il ne côtoyait pas trop Victoria à Poudlard, songea Simon, rassuré de sa constatation. Il en avait déjà eu assez pendant dix ans de leur vie et toutes les vacances. Victoria avait un don rare pour appuyer là où ça faisait mal. Et Victoria, c'était Terre-en-Landes, les entraves, les fantômes. Il ne voulait pas de ça à Poudlard.
Il se leva pour rentrer chez lui, soulagé d'avoir trouvé cette excuse pour justifier la faille à sa promesse et déchargé sa culpabilité. La partie de boule de neige lui avait du bien : rire et déverser toute son énergie l'avait libéré du poids qui s'était abattu sur lui lors de son retour et il avait été particulièrement satisfait de voir Caroline perdre systématiquement dans chaque face à face avec Alexandre. Il ne s'était jamais réellement entendu avec elle : Caroline avait toujours mis une sorte de barrière entre eux, barrière qui n'existait pas avec Susan. Pourtant, Simon avait toujours plus ou moins chercher son amour, étant plus gentil avec elle qu'il ne l'avait jamais été avec personne ... Parfois, il avait l'impression que ça marchait : elle était aussi affectueuse qu'elle l'était avec Susan et il se sentait au sein d'une famille unie et heureuse. Puis en de rares occasion, son regard se glaçait, ou une situation la faisait sortir de ses gongs et quitter son masque d'amabilité.
Il longeait le ruisseau qui traversait le village, songeur. La nuit commençait à tomber sur la ville et Caroline était rentrée depuis longtemps avec une Susan gelée par les nombreuses roulades dans la neige. Lui aussi commençait à grelotter dans son blouson gorgé d'eau glacée et ambitionnait de prendre une douche bien chaude. Pourtant, lorsqu'il arriva devant chez lui, un petit quelque chose semblait décidé à contrarier ses plans.
Et comme d'habitude, ce petit quelque chose s'appelait Victoria Bennett.
-Qu'est-ce que tu fiches ici ?
Victoria, assise sur la première marche du porche en position fœtale – de telle sorte à ce que personne ne pouvait la voir depuis l'intérieur – sursauta en entendant sa voix. C'était bien la première fois qu'il la voyait dehors depuis le début des vacances, et ça l'intrigua assez pour qu'il s'arrête devant elle sans l'ignorer. Ses cheveux couts en bataille, son souffle saccadé et ses yeux luisants indiquaient qu'elle avait dû courir un marathon pour venir jusque ici et Simon comprit qu'elle avait plutôt rouler lorsque son regard s'arrêta sur son vélo qui gisait dans la neige. Elle se leva et il vit qu'en plus de ça, elle n'avait pris ni écharpe, ni gants, ce qui expliquait que sa voie tremblait lorsqu'elle entonna :
-Je suis ... Je ... Je suis venue parce que ... parce que ... enfin, je ...
Simon fronça les sourcils devant les mots incohérents de la jeune fille. Victoria avait baissé le regard et se balançait d'avant en arrière, avec un air indécis qui l'agaça rapidement. Il attendit encore quelques secondes où elle jetait des regards alentours avec des airs d'animal pris au piège avant de lâcher brusquement :
-Je meurs de froid, Vicky, alors si tu ne sais pas pourquoi tu es là, moi je rentre. J'ai autre chose à faire qu'à t'écouter.
Sur ce, insensible à l'air horrifié qui se peignait sur son visage, il la dépassa souplement et gravit les quelques marches qui menaient au porche de sa maison. Il avait la main sur la poigné lorsqu'un son improbable déchira le silence. Ses doigts se figèrent sur la porte et il s'immobilisa, persuadé d'avoir rêvé. Pourtant cela se poursuivit et s'amplifia assez pour qu'il daigne jeter un regard en arrière.
Ecroulée sur les marches du porche, Victoria sanglotait éperdument entre ses mains.
Simon eut l'impression de se transformer en statue de sel, d'entendre ses gémissements à travers d'innombrables voiles, presque insensible à la détresse qu'ils véhiculaient. Il avait l'impression que la scène n'était pas réelle. Victoria ne pleurait pas. Elle râlait, elle donnait des coups, elle riait, elle chantait, mais jamais jamais elle ne pleurait. Il l'avait bien vu mélancolique durant ses dernières semaines et peut-être avait-il aperçu une larme dans ses yeux dans le Poudlard Express, mais jamais elle ne daignait les laisser couler. Ce n'était pas dans la nature de Victoria de pleurer et encore moins devant lui. Avec toutes les méchancetés qu'ils se balançaient au visage, on pourrait croire que Simon lui avait déjà arraché quelques larmes, mais c'était faux. Par ailleurs, ça n'avait jamais été l'effet recherché : il voulait piquer Victoria, la faire sortir de ses gongs, voir son vrai visage. Pas la faire pleurer.
Un sanglot plus fort que les autres l'éveilla de sa torpeur et il s'avança enfin vers la jeune fille à pas prudent avant de s'asseoir avec elle sur les marches. Victoria ne parut pas se rendre compte du mouvement : elle avait caché son visage entre ses bras et presser ses genoux contre sa poitrine. Elle tremblait de la tête aux pieds sans que Simon ne sache déterminer si c'était de froid ou à cause de ses pleurs. L'image l'ébranla assez pour qu'il en perde ses mots. Il avait l'impression de connaître chaque facette de Victoria et pourtant cette fille qui sanglotait à s'en déchirer la gorge sur son perron était une étrangère. Puis les mots d'Alexandre sur le comportement étrange de sa sœur depuis les vacances lui revinrent. Même lui ne la reconnaissait plus. La culpabilité qu'il avait réussi à enfermer dans une boite revint lui frapper le cœur avec la force d'un cognard.
Nom d'un dragon ... il s'est passé quelque chose.
C'était évident. Pourquoi ne l'avait-t-il pas vu plus tôt ? Parce que tu ne t'en es pas soucié, réalisa-t-il, vaguement honteux. Parce que tu étais trop heureux de t'en débarrasser. Voilà à quoi cela l'avait mené. A faire pleurer Victoria sur son perron. En proie à un dilemme intérieur, il se rendit à peine compte que les sanglots de la jeune fille s'apaisaient assez pour qu'elle redresse la tête et tente de sécher ses larmes d'un revers de manche. Elle s'aperçut alors de sa présence et poussa un grognement de dépit entre deux reniflements.
-Tu as aimé le spectacle, j'espère, hoqueta-t-elle en sortant difficilement un mouchoir de sa poche de manteau.
Pas vraiment. A dire vrai, Simon ne savait pas réellement ce qu'il ressentait à l'idée de la voir s'écrouler totalement ainsi, sans préavis. Ce qu'il savait, c'était qu'il n'aimait absolument pas ça. Victoria Bennett n'était pas faite pour pleurer.
-Tu m'expliques ce qu'il t'arrive ? finit-t-il par demander, avançant pour ne pas rester dans ce sentiment étrange et désagréable.
-Rien, laisse ...
-Arrête Vicky. T'es bizarre depuis quelques jours, même Alex s'inquiète. Et tu ne pleures pas toutes les larmes de ton corps ici pour « rien ». Qu'est-ce qui s'est passé ?
Les yeux de Victoria se remplirent à nouveau de larmes. A la lueur des réverbères et de la lune qui émergeait parfois entre deux nuages, ils prenaient une couleur argentée que le voile de larme rendait brillant et spectral. Elle s'essuya les yeux avant de se remettre à pleurer et ce fut d'une voix essoufflée qu'elle entonna :
-C'est juste ... Olala ... Tu te souviens du jour où j'ai donné un coup de pied à Ulysse Selwyn ? Quand il m'a traité de ...
Le reste des mots semblèrent s'étouffer dans sa gorge alors que Simon retenait de son mieux un grondement sourd et un sourire fier. Selwyn était un Serpentard de leur année, bien né avant l'arrogance qui caractérisait les Sang-Pur. Un jour dans un couloir où ils attendaient pour le cours de métamorphose qu'ils avaient en commun, il avait traité Victoria, qui venait par maladresse de le bousculer, de « Sang-de-Bourbe ». Simon n'avait entendu que ce mot de l'échange sans savoir à qui il s'adressait, et c'était retourné, furibond et juste à temps pour voir sa meilleure-ennemie se fendre d'un coup de pied magistral qui avait fini dans les parties intimes d'Ulysse Selwyn. Voir le Serpentard se tordre de douleur aux pieds d'une Victoria qui ne semblait pas réellement réalisé ce qu'elle avait fait avec l'assemblée riant aux éclats de l'exploit demeurait l'une des plus belles images de son début d'année.
-Peu importe le mot, il n'aurait jamais dû le prononcer. Mais le coup de pied était magnifique, presque aussi beau que celui qui a failli me casser la cheville cet été.
-C'était un tacle, pas un coup de pied, rectifia Victoria avec l'ombre d'un sourire. Et je visais le ballon.
-Bah bien sûr. Du coup, qu'est-ce qui s'est passé ? McGonagall a fini par te donner une colle ?
-Non ... (elle secoua la tête, soudainement craintive). Non c'est pas ça ... C'est ...
Brusquement, elle tourna la tête et effleura son regard pour la première fois pour le planter dans le sien. Ses iris luisaient de larmes, des éclats de lumières des réverbères et ... c'était de la terreur qui faisait ainsi briller son regard ?
-Il faut que tu me promettes de ne pas en parler, insista-t-elle alors d'une voix rauque. S'il te plait, Simon, pas à tes parents, pas à Caroline, et encore moins aux professeurs, s'il te plait, je t'en supplie ...
-Bon sang, lâcha Simon, abasourdi par la supplique et par la peur qui continuait de briller dans ses yeux. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
-Promets-moi. S'il te plait ...
-D'accord, d'accord, je te promets. Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ?
C'était plus fort que lui. Il devait savoir ce qui la faisait pleurer et supplier ainsi – devant lui, par Merlin. La gravité de la situation le faisait presque suffoquer. Victoria le lorgna quelques secondes, comme pour s'assurer de la validité de sa promesse. Puis ses yeux se remplirent de nouveau de larme et malgré la tentative de Victoria pour leur faire barrage, elles coulèrent abandonnement sur son visage.
-Je l'ai brûlé ... je ne l'ai pas fait exprès ... Mais je l'ai brûlé ...
Les mots, à peines murmurés, noyés dans les larmes, furent suivit de sanglots et d'explications à peine discernables entre les pleurs. Simon s'était figé face aux premières paroles de Victoria, mais le reste l'emplit littéralement d'horreur et de culpabilité. Les mots sortaient avec difficulté, mais une fois lancée, la jeune fille vida enfin ce qu'elle gardait en elle depuis plus d'un mois : comment Nestor Selwyn, le frère aîné d'Ulysse, l'avait traînée dans la forêt interdite et installée sur des ballots de bois un soir de cinq novembre, menaçant de reproduire sur elle ce que les moldus faisaient sur les effigies de Guy Fawkes et fêter à sa manière l'anniversaire de la Conspiration des Poudres. Comment les étincelles avaient effrayé Victoria, poussant sa magie à la protéger. Comment l'écharpe de Nestor Selwyn s'était embrasée sous les yeux terrorisés de son ami, jusqu'à ce que le feu atteigne son visage. Comment elle en avait profité pour s'échapper et fuir, se cachant derrière les serres de Botanique jusqu'au lendemain matin pour être certaine qu'ils ne reviendraient pas la chercher dans son lit.
Personne n'avait remarqué, réalisa Simon, épouvanté. Personne n'avait remarqué que cette nuit-là, Victoria n'avait pas dormi dans son lit. Personne n'avait pas remarqué son absence au petit-déjeuner alors que sa passion du chocolat la forçait à ne jamais en manquer un seul, malgré sa solitude. Personne n'avait remarqué en la voyant en cours ce matin-là qu'elle venait de vivre un épisode traumatisant. Pourtant, Simon se souvenait : c'était dans ces semaines là qu'un incident avait forcé madame Pomfresh, l'infirmière, à transférer un Serpentard à Ste Mangoust. Il ne s'était intéressé ni à l'incident ni au Serpentard, n'avait jamais su qu'il s'agissait du frère aîné du garçon que Victoria avait humilié d'un coup de pied. Peut-être que s'il avait su cela il aurait pu faire le rapprochement ... Qu'il aurait compris l'air triste de Victoria ... Qu'il aurait su ... Ne te cherche pas t'excuse, se dit-il amèrement en contemplant Victoria sécher ses larmes. Si elle n'était pas venue pleurer sur ton perron, tu n'aurais jamais rien su. Tu aurais continué ta petite vie que tu t'es créé, à te sentir le roi du monde à Poudlard, libéré de tout ... libéré d'elle ...
Son égoïsme lui donnait la nausée. Maintenant que le récit de Victoria était achevé, l'horreur avait laissé place à la colère, colère identique à celle qui l'avait animé lorsqu'il avait entendu les mots « Sang-de-Bourbe » dans ce couloir. Il était dans une famille dont les premiers principes étaient justice et égalité. Alors qu'on puisse insulter quelqu'un à cause du sang qu'il avait dans ses veines, se sentir supérieur simplement parce qu'on descendait d'une longue lignée de sorcier, lui semblait aussi absurde que méprisable. Malgré tout ce qu'il pensait de Victoria, il avait certaines certitudes sur elle et l'une d'entre elle était qu'elle était une sorcière à part entière. Elle l'avait parfaitement prouvé en colorant ses cheveux quatre ans plus tôt alors qu'il avait eu pour elle un mot un peu trop dur. Il n'avait pas le droit de lui faire ça à cause de ça. Il n'avait par ailleurs pas le droit de faire ça tout court. Jamais l'idée de telle mise en scène de lui avait effleuré l'esprit et pourtant Dieu savait qu'il était capable de mettre toutes ses ressources en applications pour nuire à Victoria Bennett. Mais ça ... Jamais il n'aurait osé l'imaginer, la pauvre avait dû être terrorisée ... Puis après Nestor et ses idées qui lui donnait envie de vomir et d'essayer tous les maléfices qu'il connaissait sur lui, ce fut contre lui que sa colère se dirigea. Il avait délaissé Victoria dans un monde qu'elle ne connaissait pas après avoir promis à tout le monde – ses parents, Alexandre, le révérend – de veiller sur elle.
Il se leva brusquement.
-Il faut qu'on aille voir Chourave.
-Non ! protesta Victoria en se dressant sur ses pieds. Non, Simon, tu m'as promis qu'on irait pas voir les profs !
-Mais il le faut ! Bon sang, il doit payer, ce qu'il a fait, il n'a pas le droit de le faire ! Te kidnapper, t'attacher sur un bûcher, vouloir te brûler ... Non Vicky, il n'a pas le droit, il ne peut pas, il faut que Dumbledore le punisse ! Il n'a pas le droit !
Victoria semblait tétanisée par la colère qui faisait vibrer sa voix. Visiblement, elle ne s'était pas attendue à ce qu'il s'emporte ainsi. Elle cligna des yeux, faisait mécaniquement rouler deux nouvelles larmes sur ses joues.
-Mais ... Tu ne m'en veux pas ?
-T'en vouloir ? répéta Simon, incrédule. Vicky, c'est toi la victime, dans cette histoire !
-Lui aussi ! (Victoria plaqua ses mains contre son visage). Il a eu le visage brûlé, il est parti à l'hôpital ou je ne sais plus comment vous l'appelez ... Je l'ai vu, j'ai vu l'écharpe prendre feu et je suis partie, je me suis enfuie, j'ai prévenu personne j'avais ... j'avais tellement peur ... J'ai laissé l'écharpe le défigurer ...
Simon faillit rétorquer que c'était bien fait pour lui, que c'était Nestor Selwyn qui avait fait originellement l'erreur de la kidnapper et de l'effrayer mais il se retint au dernier moment. Ce ne serait sans doute pas ainsi que le verrait le père de Nestor, réalisa-t-il alors, comprenant les craintes secrètes de Victoria. Il savait que les Selwyn était une grande famille de Sang-Pur influents, ils demanderaient sans doute réparation après l'incident qui avait défiguré leur fils ...
-On peut en parler à mes parents ...
Mais Victoria pâlit encore d'une teinte et un instant, Simon craignit qu'elle s'évanouisse. Il se laissa tomber sur les marches, à court de solution, le ventre bousculé par différentes émotions contradictoires. Il se demanda un instant comment réagirait ses parents. Seraient-ils aussi indigné qu'il l'était ou au contraire, considéreraient-ils que Victoria devait faire face à ses actes, même s'ils étaient défensifs ? Et ces parents restaient des adultes ... Il ne les voyait pas ne pas prévenir les professeurs qui eux-mêmes seraient forcés de prévenir les Selwyn.
Il n'y avait pas d'issue.
-Très bien, je ne dirais rien. A personne.
Victoria leva un regard brillant sur lui.
-C'est vrai ?
-Oui, oui, je te le promets. Mais Vicky ... T'en as parlé à personne ?
Elle secoua la tête et s'épongea les yeux. Elle respirait plus librement à présent et les larmes se tarissaient enfin, rendant ainsi sa voix plus claire.
-Non ... A qui voulais-tu que j'en parle ?
Simon se trémoussa, gêné. Evidemment, Victoria avait passé le début de l'année seule avec pour unique compagnie Cédric quand celui-ci n'était pas avec Emily et Simon ...
-Alors pourquoi tu es venue en parler à moi ?
-Parce que ... parce que ...
Elle laissa le mot en suspens, l'air troublé. A présent qu'elle était calme et lucide, elle semblait réaliser où elle était, avec qui et ce qu'elle avait fait et une expression de profonde stupeur de dessina sur son visage. Elle contempla Simon comme si c'était la première fois qu'elle le voyait. Cette fois, ces yeux étaient parfaitement sec. A la lueur froide des réverbères, ils étaient plus gris que bleus, surtout la partie de l'iris qui cerclait sa pupille et dont la couleur était par les jours de mauvais temps incertaine.
-J'en sais rien, finit-t-elle par lâcher dans un filet de voix. Je sais juste ... Je ne pouvais plus garder ça pour moi, ça me bouffait ... je n'en pouvais plus, je ne dors plus la nuit, je revois ...
Elle déglutit nerveusement et secoua la tête.
-Je ne sais pas ... Je voulais juste t'en parler.
Le cœur de Simon se serra face à la phrase, anodine et pourtant si révélatrice. T'en parler. Pas à n'importe qui, à lui. Pourquoi à lui alors qu'ils avaient passé leur vie à s'arracher les cheveux ? Son regard vagabonda dans le jardin et se fixa sur un cercle de pierre qui délimitait au printemps un bosquet de fleurs diverses qui poussaient en touffe.
-Mais si tu ne veux pas en parler aux profs – ce que je comprends, ajouta-t-il lorsqu'elle leva sur lui un regard noir. Mais si tu ne veux pas en parler aux profs, je ne vois pas en quoi je te suis utile.
-Je ne voulais pas que tu me sois utile, rétorqua-t-elle, piquée au vif. Je voulais juste en parler, c'est tout.
-Mais pourquoi à moi ?
-Mais j'en sais rien ! Tu étais juste ... la seule personne, tu comprends ?
Il n'était pas sûr de parfaitement comprendre. Parce que ça concernait un acte magique et qu'Alex n'aurait pas saisi les enjeux ? Parce qu'à Poudlard elle n'avait confiance en personne ? Mais en lui, oui ? Mais comme il réalisait que Victoria n'avait pas d'autres arguments que cela à lui opposer, il hocha la tête.
Ils restèrent dès lors silencieux, rassemblant chacun leurs pensées de leur côté. Si Victoria semblait s'être libérée d'un poids et observait à présent les flaucons qui commençaient à tomber avec une sorte de ravissement enfantin, Simon avait de nouveau l'impression que le monde lui tombait sur les épaules. Jamais, pas un seul instant, il avait songé qu'on s'en prenne à Victoria à cause de ce coup de pied alors que les représailles étaient pourtant si évidentes ...
On n'humiliait pas un Selwyn ainsi.
Et pire, il se disait à présent qu'il aurait aussi dû prévoir qu'on s'en prenne à Victoria pour son sang. Son père avait eu l'air soucieux pour elle le jour où ils les avaient mené au Poudlard Express et Simon comprenait à présent que lui avait bien cerné les difficultés que pourrait affronter Victoria. Mais son père n'était pas à Poudlard pour la protéger. Peut-être Caroline ... ? Mais Simon poussa un soupir en se rendant à l'évidence.
C'était à lui qu'Alexandre avait demandé de veiller sur Victoria. Lui et personne d'autre.
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VOILA je suis faible et je vous livre ça. Comment vous trouvez cette partie?
Donc pour la suite
Je pense que je posterais une fois par mois - tous les deux chapitres d'O&P, en fait. ça permettra de faire un joli parallèle ...
Franchement, n'hésitez pas à me demander des scènes ! Je rappelle que je compte m'arrêter à la fin de la 2e partie (leur 7e année) mais le début de la 3e est envisageable. J'accepte les idées tournant autour de la relation entre Simon et Vic ou Simon par rapport à son traumatisme !
Voilà, à la semaine prochaine pour O&P !
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